Autonomie, Liberté, Consentement, Refus de soins Dr Michel CAILLOL ___ Chirurgien orthopédiste Doctorant Philosophie (Paris-Est) Espace Ethique Méditerranéen ([email protected]) Le soignant et le soigné… Autonomie comme liberté : celle du patient…celle du soignant Consentement ou refus de soin : le patient…et la réaction du soignant Ni consentement, ni refus sans liberté Le soigné est très longtemps passif… (patior :souffrir patient :attend…) Code Amourabi (2500ans) Jusqu’au XVI° siècle Le Roi ne peut mal faire La volonté générale (Rousseau) Le soignant devient très lentement responsable… 1654 Aix en Provence 1830 Arrêt Guigne Arrêt Mercier (1936) : le « contrat » Loi du 04/03/2002 sur les droits des patients (usagers) Loi du 22/04/2005 contre l’acharnement thérapeutique La 2° guerre mondiale… Code de Nuremberg (1947) après procès contre médecins nazis « Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité physique ou morale d’une personne humaine sans son consentement libre et éclairé… » Autonomie (auto nomias) ► autonomie de la volonté De l’Etat : Autodétermination, contrat social (Rousseau) De l’homme : l’autonomie c’est la liberté (Kant) appuyée sur la raison # Conception courante actuelle (la fausse liberté du « je veux ») Limites… Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain. J.S. Mill Morale utilitariste L’autonomie, c’est la propriété qu’a la volonté d’être à soi-même sa loi. Kant Morale déontologique Directions… Autonomie et liberté - autonomie du patient - la confiance - liberté du soignant Consentement et refus de soins 1 - Autonomie du patient ► consentement « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment… » Art. L-111 – 3 (loi 04/03.2002) Conditions de possibilité du consentement Patient LIBRE (?...) Patient ECLAIRE (?...) Le patient est-il libre ? La maladie comme « nouvel état » « Approche interprétative du réel » Ex. : K poumon chez non fumeur « l’ absurde naît de la confrontation de l’appel humain avec le silence déraisonnable du monde » Camus Le patient est-il libre ? Le patient est imprégné de la conception « illusoire » de la santé (état complet de bien-être physique, mental et social…) Tout malade vit le soin comme une agression… Le patient est-il « éclairé » ?... L'article L. 1111-2 dispose que chaque personne a le droit d’être informée sur son état de santé. L’information doit être « claire, loyale et appropriée ». Un écrit n’est pas obligatoire (L’entretien individuel devient donc obligatoire). L'article L. 1111-4 précise que "toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernantsa santé» (Alliance thérapeutique) CCNE 87/2005 « le consentement du malade ne doit plus simplement être implicite mais explicité… » « consentir aux soins implique nécessairement d’avoir la possibilité de refuser… » Les limites à cette information… Asymétrie d’information ++ Equilibre entre l’autonomie et l’asymétrie Le piège du « librement informé » Danger de retour au paternalisme… Le droit à l’information n’est pas une obligation d’informer… " La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.“ (Loi du 4 mars 2002 -article L.1111-2) Le responsabilité du soignant… Etre « obligé » par la confiance du patient Reconnaître en tout patient sa nécessaire dignité « ontologique » La confiance du patient… (croire avec) Foi : Accepter une chose qui n’est pas tout à fait sûre L’espérance : l’espoir du bien l’emporte sur la crainte du mal possible Etat de dépendance « accordée » (le paternalisme est à l’impératif : « Faites moi confiance ! » Art. L.1111-6 (loi 04/03/2002) « Toute personne majeure pourra désigner une personne de confiance…. Parent, proche ou médecin traitant….faite par écrit…révocable à tout moment… » La confiance du patient renvoie à la responsabilité du soignant « la confiance est une caractéristique de la vie éthique : elle ne peut être régie par des contrats ni des règles formelles » Hegel la confiance se mérite, elle « oblige », elle « responsabilise » le soignant… La dignité ontologique « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen » ► l’homme est une fin en soi 2 – Autonomie comme liberté du soignant La tension entre bien-faire (technicité) et faire du bien (humanité) Risques de prégnance du système technique en médecine L’antinomie fondamentale en médecine Prendre en charge une « personne », un être humain, avec toute sa subjectivité qui est une fin en soi (c’est le respect pour Kant) Tout en restant efficace en la réduisant à son corps objet de la médecine, « l’ objectiver » La liberté du soignant Tout acte médical doit être bien fait (technicité, compétence) Sa finalité doit être de faire du bien au patient qui se confie C’est-à-dire que l’action médicale doit être morale (choix dans l’action) La médecine n’est pas une science stricte Il n’y a jamais de pur déterminisme Le malade, personne humaine, reste unique Les statistiques et les casuistiques sont impersonnelles Le résultat subjectif doit compter Entraves à la liberté du soignant Appliquer des recettes Rester prisonnier de sa propre subjectivité Être aliéné par le Système le soin s’adresse à une personne humaine…dignité absolue 3 - Refus de soin Le malade autonome doit pouvoir choisir… donc refuser Mais le soignant responsable ne peut se retrancher derrière cette autonomie… Risque de conflits éthiques Conflits éthiques : sous prétextes… D’autonomie : reléguer au patient la décision médicale De non malfaisance : solutions radicales d’emblée sous couvert de précaution De bienfaisance à l’excès : excès de prudence (ou précaution aveugle) Avis CCNE (79/2003) « primat du principe de non malfaisance, primauté de celui de bienfaisance » Chaque fois un questionnement… Refus de soin et Loi Léonetti (22/04/2005) Confirme le refus de l’acharnement thérapeutique par le soignant « ces actes…ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. » Loi Léonetti et autonomie du patient conscient Elle donne des garanties au médecin qui respecte la volonté du patient : « lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave ou incurable, quelle qu’en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix… » Loi Léonetti et autonomie du malade inconscient : Décision collégiale (personnel, deux médecins dont un extérieur, personne de confiance) Problème des directives anticipées (moins de trois ans, avis consultatif) Conclusions… Autonomie ne saurait être absolue (cf. greffes d’organes) Possibilité de conflits éthiques Il faut respecter l’autonomie du malade en restant responsable de lui Personne humaine unique et singulière Il n’y a pas de « règles » ! réfléchir au sens de son action de soignant tâcher de résoudre les conflits par discussions collectives…. Paul Ricoeur : « L’éthique médicale ne passe pas forcément par un respect servile des textes juridiques car la valeur, le sens, précèdent la norme et la loi » Une époque révolue…..(?) MERCI VULNERABILITE Dr Michel CAILLOL ___ Chirurgien orthopédiste Doctorant Philosophie (Paris-Est) Espace Ethique Méditerranéen ([email protected]) Trois articulations La vulnérabilité de l’homme La vulnérabilité du malade La responsabilité éthique du soignant 1 - La vulnérabilité de l’homme Contingence et mortalité : l’homme n’est pas tout-puissant ni invincible. Son humanité ne lui est pas donnée d’emblée… Le refus de cette condition c’est l’idolâtrie : le corps, la santé… Contingence et mortalité L’homme a conscience de lui-même C’est un être-pour-la-mort : l’angoisse est existentielle, ontologique et nécessaire Il dépasse la nécessité des besoins : c’est un être de désir danger pour le soignant d’être instrumentalisé par le désir du patient… L’instrumentalisation… Le soignant toutpuissant… « comme maître et possesseur du corps humain »… pour le meilleur ou pour le pire ? ► risque de démesure (« hubris ») ► Chirurgie esthétique, transhumanisme… Chronicité de plus en plus grande de la maladie… Morbidité demeure mais mortalité recule on vit de plus en plus longtemps en étant malade d’où la prégnance de la temporalité… La temporalité… ► Le temps mathématique ► La conscience du temps ► Or, obligation de mesurer le temps (Renaissance) Mortalité : … « Et moriemur »… (nous mourrons tous) La mort… Deux exigences éthiques face à l’appréhension de la mort par le malade: ► respect du sujet (souci permanent d’aider chaque personne à se réapproprier sa vie) ► principe de justice (porter la responsabilité d’une solution la plus juste) La temporalité et mort … ► L’apprentissage de la maladie ► Les associations de malades ► Le contexte socioprofessionnel ► Les répercussions privées 2 – La vulnérabilité du malade… Le malade est une personne humaine Sa dignité est absolue, au-delà de son état physique, mental, social Il doit « s’approprier » sa vie, qu’elles qu’en soient les contingences (temps, santé, etc.) Toute vie peut (doit) avoir un sens… La maladie comme «nouvel état » La douleur, la souffrance: « je souffre » Quête du sens à l’absurdité de la maladie L’inefficacité de la rationalité scientifique pure Importance du sens qui reste dans toute vie malade ou accidentée. Le sens donné à toute vie humaine… Le problème de l’évaluateur… « Nul ne peut se prévaloir de sa naissance comme d’un préjudice » (04/03/2002) Deux enquêtes : locked syndroms et cancéreux métastatiques.. La maladie Être malade… → c’est ne plus être en « bonne » santé ! → c’est avoir besoin d’être soigné ! Trois questions : → qu’est ce que la santé ? → qu’est ce qu’un malade ? → qu’est ce que soigner ? La santé… Moyen-âge : absence de maladies ou d’infirmités… XXe : « silence des organes » OMS : « état complet de bien être physique, mental et social ». La santé… Des malentendus : ► Du droit à « la protection de la santé »… ► Au droit « à la santé »…. Glissement sémantique : ►« je viens me faire soigner » ► « je viens recouvrer ma santé » …. La santé…idolâtrée Santé = bonheur → Culte du corps… « jeunisme » → « Bonne année…et bonne santé ! » → « j’ai décidé cette année d’être heureux, c’est bon pour la santé ! » Problèmes : → Handicap…. → Vieillesse…. → Maladie chronique… Le malade… C’est une personne humaine Il est un autre comme-moi Il est dans un nouvel état Il vit une approche interprétative du réel ► « L’ absurde naît de la confrontation de l’appel humain avec le silence déraisonnable du monde » Camus Soigner… Soigner c’est « l’ensemble de tous les actes qui rendent compte de la volonté de prendre en charge une personne malade » → Soigner ne veut pas forcément dire guérir → Le « care » et le « cure »… Soigner… Le « soin » est un va-et-vient permanent entre : ► l’efficacité, la technicité, l’objectivation…et le curatif ► la prise « en charge », la dimension humaine, la subjectivité…et l’accompagnement Responsabilité éthique du soignant C’est souligner les limites d’une approche strictement normative → « L’éthique médicale ne passe pas forcément par un respect servile des textes juridiques car la valeur, le sens, précèdent la norme et la loi » (Ricoeur) Des valeurs… La personne humaine La dignité Le respect la bientraitance secret professionnel La personne humaine… Problème de l’identité : - idem (identité des êtres humains) → connotation abstraite (juridicoscientifique) - ipse (singularité d’un être unique en relation - altérité) → identité comme « le récit en cours d’une vie » S. Rameix La personne humaine… ► Personne : - le masque de théâtre – personnage. - la personne qui « oblige » responsabilité de Levinas. - la personne comme être moral (libre) ► Sujet : - vie de relation - conscience ► Danger : confusion personne/sujet +++ La personne humaine Unique, singulière Possède une dignité essentielle… Doit être respectée, quelque soit son état physique, mental ou social… La personne humaine… Kant : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen » ► l’homme est une fin en soi La dignité… À l’origine, dignitas (charge : « élevé à la dignité ») Glissement vers dignus (ce qui vaut, ce qui a de la valeur) ► les choses ont un prix, l’être humain a une valeur absolue…(hors de tout prix) De la dignité au respect… L’homme est le seul être moral (libre) Il est « hors de prix » Il possède une dignité « ontologique » ► Tout être humain a droit au respect Exemples… Malade inconscient, sans vie relationnelle… Vieillard gâteux, en désorientation temporo-spatiale… Handicapé grave, psycho-moteur… Nourrisson Du respect à la bientraitance… Si je respecte…. C’est que j’estime une valeur… donc si je respecte ce qui vaut… alors, je le traite « bien » je suis dans la bien-traitance ! La BIENTRAITANCE… La bientraitance selon ANESM 2008 : « démarche collective pour identifier l’accompagnement le meilleur possible pour l’usager, dans le respect de ses choix et dans l’adaptation la plus juste à ses besoins » La BIENTRAITANCE… Loi du 02/01/2002 (art. L-311-3) : « l’exercice des droits et libertés individuelles est garanti à toute personne prise en charge par des établissements…[…]… lui sont assurés : le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité. » Points forts…. « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sureté de sa personne » La dignité humaine est inviolable « L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale… » « L’handicapé a essentiellement droit au respect de sa dignité humaine…a les mêmes droits fondamentaux…visent à son autonomie » La personne âgée dépendante garde la liberté de choisir son mode de vie » Les violences verbales… maltraitance « ordinaire » La vulnérabilité implique la bientraitance… La bientraitance envers la personne vulnérable consiste avant tout, à la respecter : • dans sa capacité décisionnelle (que cette décision soit ou pas en accord avec nos propres décisions) • dans ses besoins (écoute, information, soutien, guidance) • dans ses désirs, ses croyances et ses projets • dans l’écoute et le traitement de ses souffrances La maladie « actualise » la vulnérabilité, d’autant qu’elle est chronique. Sa prise en charge: Ne peut s’envisager que dans une dimension éthique… → Nécessitant une compétence technique spécifique… → Et prenant en compte : l’humanité du malade et son angoisse face au temps et à la mort…. MERCI