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Politique budgétaire et dynamique
économique en France : l’approche VAR
structurel
Olivier Biau(*)
Élie Girard(**)
Contrairement à l’abondante littérature empirique sur les effets de la politique monétaire, la
politique budgétaire était, jusqu’à récemment, l’objet de moins d’attention de la part des
économistes. Ce manque d’intérêt contrastait avec la multiplication des débats publics sur les
effets macroéconomiques des finances publiques (discussions à propos du Balanced Budget
Amendment aux États-Unis, contestations de la limite du déficit imposée par le pacte de stabilité
et de croissance en Europe). En outre, alors qu’il existe globalement un consensus sur les effets
de la politique monétaire, la thèse selon laquelle la politique budgétaire est un outil efficace de
la politique économique ne fait pas l’unanimité au sein des économistes. Blanchard et Perotti
(2002), puis Perotti (2002), ont relancé le débat sur l’efficacité de la politique budgétaire en
proposant une évaluation de ses effets dynamiques sur les variables macroéconomiques, en
particulier sur le PIB, à partir d’un modèle de type “VAR structurel”. Cette méthodologie
permet de calculer des multiplicateurs budgétaires en s’affranchissant des spécifications
inhérentes aux gros modèles macroéconométriques qui, du fait même de leur structure souvent
néo-keynésienne, postulent plutôt qu’ils n’estiment l’effet de la politique budgétaire sur
l’activité. Le présent travail s’inspire de cette méthodologie pour évaluer l’efficacité de la
politique budgétaire en France.
Les estimations sont menées sur données trimestrielles sur la période 1978-2003 à partir d’un
VAR structurel à 5 variables (soit 5 équations) : trois variables principales permettant d’évaluer
directement les effets de la politique budgétaire sur l’activité – les recettes publiques, les
dépenses publiques et le PIB – et deux variables de contrôle – le niveau des prix et le taux
d’intérêt. La méthodologie VAR structurel consiste à passer des résidus issus du VAR canonique
à des chocs structurels pouvant être interprétés sur le plan économique, c’est-à-dire en
l’occurrence des chocs issus de décisions de politique budgétaire indépendantes entre elles et
de l’environnement macroéconomique. Une fois les chocs structurels identifiés, on peut les
simuler et observer leur impact sur l’activité. La procédure d’identification consiste à résoudre,
outre des contraintes d’orthogonalisation, un système de contraintes traduisant des
comportements économiques. Cette méthode a été retenue dans Blanchard et Perotti (2002),
puis Perotti (2002) ainsi que dans ce papier. Dans cette procédure d’identification des chocs
(*) Olivier Biau, École nationale de la Statistique et de l’Administration économique (au moment de la rédaction de l’article).
(**) Elie Girard, Direction de la Prévision et de l’Analyse économique, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (au
moment de la rédaction de l’article)
Nous tenons à remercier vivement Pierre-Olivier Beffy, Jérôme Creel, Éric Dubois, Selma Mahfouz, Pierre-Alain Muet, Corinne
Prost, David Thesmar et deux rapporteurs anonymes d’Économie et Prévision pour leurs remarques précieuses, Antoine Magnier
pour ses conseils utiles, ainsi que Martine Palus, Hélène Poncet, Gilbert Rini, Michel Tafflet et Isabelle Valdés pour leur aide. Nous
remercions également Olivier J. Blanchard pour ses réactions.
Économie et Prévision n°169-170-171 2005-3/4/5
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structurels, le choix de l’élasticité instantanée des recettes publiques au PIB (notée αty )est
central.
Conformément aux modèles keynésiens, le papier atteste l’efficacité macroéconomique à court
terme d’une hausse structurelle de la dépense publique en France. Un choc structurel de 1 euro
sur les dépenses a en effet un impact significativement positif sur l’activité à court terme : il
entraîne immédiatement une augmentation du PIB de près de 1,4 euro. La hausse du taux
d’intérêt que l’on observe peut alors être interprétée comme une réponse des autorités
monétaires à la stimulation sensible de l’activité. À moyen terme, l’effet sur l’activité s’estompe
progressivement pour ne plus devenir significatif ; cette évolution pourrait s’expliquer par
l’ajustement à la hausse significatif des prix. La consommation est stimulée sous l’effet
probable d’une hausse de revenu disponible des ménages (hausse de la masse salariale
publique notamment). L’investissement privé réagit également positivement au choc, mais
seulement la première année : la hausse de l’investissement privé face au choc de demande
publique pourrait être rapidement contrariée par la hausse du taux d’intérêt réel. On peut
également noter le creusement de la balance commerciale suite au creusement du solde
budgétaire : la stimulation des importations pourrait provenir de l’effet positif sur le PIB de
l’augmentation des dépenses publiques (déficits jumeaux).
L’effet estimé sur l’activité d’une hausse structurelle des recettes publiques est négatif mais
cette réponse à un choc structurel de 1 euro sur les recettes publiques n’est significative qu’à
très court terme (premier trimestre seulement) avec un multiplicateur de -0,1 environ. Le taux
d’intérêt et l’indice des prix réagissent tous deux de façon significativement négative au choc de
recettes, mais avec des multiplicateurs très faibles – cohérents avec la réponse faible de
l’activité. Ce résultat s’écarte quelque peu d’une réaction pleinement keynésienne de l’activité
à un choc de recettes (on attendrait plutôt un multiplicateur de l’ordre de -0,5 au bout d’un an).
La consommation privée réagit rapidement au choc structurel de recettes (qui réduit
probablement le revenu disponible des ménages) ; cette réponse est significativement négative,
mais plutôt faible au regard d’un multiplicateur keynésien usuel (-0,2 en moyenne à court terme
ici contre -0,5 de façon usuelle). L’investissement privé ne répond pas au choc, soumis
probablement aux influences contraires de la baisse légère de la demande et de la baisse du taux
d’intérêt réel. Ces résultats dépendent notamment de l’élasticité instantanée des recettes à
l’activitéαty choisie. Compte tenu des informations fiscales disponibles, on a opté ici pour une
élasticité de 0,8 très inférieure à la valeur 2,0 utilisée par Blanchard et Perotti (2002) pour les
États-Unis. Certes, l’utilisation de cette valeur aboutirait dans notre estimation pour la France
à des résultats plus conformes à une réaction keynésienne. Toutefois, on peut s’interroger sur la
pertinence d’une élasticité aussi forte pour les États-Unis, compte tenu notamment des
décalages temporels assiettes-impôts et des délais usuels du cycle de productivité.
Enfin, l’étude des impacts différenciés de recettes publiques suggère qu’une baisse de
cotisations sociales salariales entraîne une hausse significative et durable du PIB
(multiplicateur de l’ordre de -0,4), mais qu’une baisse de l’impôt sur le revenu n’a pas d’impact
significatif sur l’activité.
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