Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 53 - septembre et octobre 2008
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Droit de la concurrence
avec le rôle de gardien de l’ordre public
économique qui a été dévolu au ministre
par le législateur.
Plus nuancée, la cour d’appel d’Angers, par
un arrêt rendu contre la société Finamo
(Système U), le 29 mai 2007, a jugé que le
ministre pouvait solliciter la nullité des
clauses illicites et la répétition de l’indu en
l’absence des fournisseurs à la procédure.
Les demandes de cessation des pratiques
et de prononcé d’une amende civile ont en
revanche été jugées conformes à
l’article 6 § 1 de la CEDHLF comme
moyens de rétablir l’ordre public économique
troublé.
Le ministre a formé un pourvoi contre ces
deux arrêts, la Cour de cassation s’étant
prononcée par son arrêt du 8 juillet 2008
sur le premier.
Par un arrêt du 10 juin 2008, la cour d’appel
d’Angers a confirmé la position qu’elle avait
prise dans l’affaire Finamo actuellement
pendante devant la Cour de cassation. Elle
a ainsi estimé que le ministre disposait d’un
pouvoir propre pour exercer son action de
substitution à la victime. Ainsi, le fait de
solliciter la répétition de l’indu en l’absence
des fournisseurs à la procédure viole le droit
de ceux-ci garanti par l’article 6 § 1 de la
CEDHLF (droit de ne pas faire valoir leur
cause devant un tribunal). Le droit du
distributeur à un procès équitable serait
également violé s’il était fait droit à la
demande de répétition de l’indu du ministre.
La demande de cessation des pratiques et
celle visant au prononcé d’une amende
civile ont en revanche été jugées recevables
par la cour.
Par la suite, la cour d’appel de Versailles a
rendu deux arrêts (Ministre c/ Covadis et
Ministre c/ Genedis, 21 février 2008) par
lesquels elle a jugé que les demandes en
nullité des contrats illicites et en répétition
de l’indu étaient irrecevables du fait de leur
contrariété avec l’article 6 § 1 de la
CEDHLF. En revanche, la demande de
prononcé d’une amende civile a été jugée
recevable. Ces deux arrêts marquaient donc
un infléchissement de la position prise par
la même cour dans l’affaire Galec qui a
donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation
du 8 juillet 2008. Ils sont désormais
définitifs.
Enfin, la cour d’appel de Grenoble, dans
son arrêt Ministre c/ Baguyled rendu le
6 mars 2008, a observé que le ministre
exerçait un pouvoir propre mais que
néanmoins, il mettait nécessairement en
œuvre les droits privés des victimes pour
rétablir celles-ci dans leurs droits
patrimoniaux même si c’était dans un but
de défense de l’ordre public économique.
En l’absence de ces victimes à la
procédure, celles-ci subissent une atteinte
à leur droit de disposer librement de leurs
droits individuels et le fournisseur est lui
aussi privé de son droit à un procès
équitable. Le ministre ne pouvait donc
demander l’annulation des contrats de
coopération commerciale illicites en
l’absence des fournisseurs concernés à la
procédure et cette nullité constituant un
préalable à l’examen des demandes de
cessation des pratiques, de prononcé de
la répétition de l’indu et d’une amende civile,
ces dernières demandes étaient aussi
irrecevables.
Pour intéressantes qu’elles soient sur le
plan du raisonnement juridique, ces
décisions n’en étaient pas moins gênantes
du fait que dans plusieurs affaires récentes
initiées par le ministre, le montant des
sommes dont la répétition était demandée
dépassait largement le plafond de l’amende
civile dont le ministre peut solliciter le
prononcé (celui-ci étant fixé à deux millions
d’euros avant que la loi de modernisation
de l’économie du 4 août 2008 ne permette
au juge de la prononcer à hauteur du triple
du montant de l’indu). Ainsi, la menace
d’une répétition de l’indu très lourde était
plus dissuasive pour les distributeurs que
celle de se voir infliger une amende civile
qui dans les faits, n’a jamais dépassé les
500.000 euros et ce, dans des affaires
concernant des centrales nationales
françaises de la distribution généraliste.
Ces décisions validaient en quelque sorte
la thèse de la doctrine et des distributeurs
selon laquelle le ministre, en demandant la
répétition de l’indu au profit des fournisseurs,
alors que ceux-ci n’étaient pas parties à
l’instance, exerçaient les droits de ces
derniers sans leur consentement.
La portée de ces décisions doit cependant
être relativisée car elles n’étaient pas
représentatives de l’ensemble de la
jurisprudence. Trois cours d’appel avaient