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Les tumultes autour du voile à l’école n’a
certainement laissé personne indifrent.
Rarement un couvre-chef aura fait couler
autant d’encre et généré des controverses
aussi passionnées. Penser que la loi du 15
mars 2004 encadrant le port de signes ou
de tenues manifestant une appartenance reli-
gieuse dans les établissements scolaires1,
allait apaiser les tensions était sans conteste
une illusion. L’art Leyla Sahin contre Turquie
rendu par la Cour euroenne des droits de
l’Homme le 29 juin 20042 fait resurgir le débat
à propos des universis. On remarquera que
l’acharnement médiatique s’est surtout con-
cent autour de l’enseignement secondaire
sans s’inresser à l’enseignement supérieur.
Le port du voile par des étudiantes n’a certes
pas soule les mêmes difficuls que celles
rencontrées dans les collèges ou les lycées
mais des interrogations existent. La plus essen-
tielle est celle de se demander si ce signe
religieux est conforme à la laïcité qui, comme
chacun sait, est aussi applicable dans les uni-
versités.
Il ne fait aucun doute que la loi du 15
mars 2004 ne concerne pas les universités
car selon le rapport Stasi à l’origine de cette
loi, « la situation de l’université, bien que fai-
sant partie ingrante du service public, est
tout à fait difrente de celle de l’école. Y
étudient des personnes majeures. L’universi
doit être ouverte sur le monde. Il n’est pas
question d’emcher que les étudiants puis-
sent y exprimer leurs convictions religieuses,
politiques ou philosophiques ».3 La cision
Sahin contre Turquie part néanmoins être,
à première vue, d’un grand secours pour les
fenseurs d’une laïcité englobant les univer-
sis.
Dans cette affaire concernant la Turquie,
Leyla Sahin, une jeune fille issue d’une famille
traditionnelle pratiquant la religion musulmane
avait fait ses quatre premres années d’étu-
des de médecine à Bursa elle affirme avoir
porté le voile islamique sans aucune difficulté.
Elle s’inscrit en cinqume ane à la facul
de médecine d’Istanbul elle continue de
le porter. Le 23 février 1998, le recteur de
l’universi adopte une circulaire glementant
l’entrée des étudiants sur le campus universi-
taire. En faisant rence au droit interne mais
aussi à la jurisprudence européenne, la circu-
laire interdit l’entrée aux cours, stages et tra-
vaux pratiques des étudiantes « ayant la tête
couverte » et « les étudiants portant la barbe ».
Conforment à cette circulaire, l’accès à cer-
tains cours et épreuves écrites lui est refu.
Un recours sera introduit par l’étudiante pour
obtenir l’annulation de la circulaire et des sanc-
tions prises à son encontre. Elle n’obtiendra
pas gain de cause en Turquie. C’est finale-
ment devant la Cour de Strasbourg que l’af-
faire sera pore. Entre-temps, la reqrante
s’inscrit à l’Université de Vienne pour poursui-
vre, voie, ses études en toute tranquillité.
La décision de la Cour euroenne sur
la question du port du voile dans l’enseigne-
ment était attendue non seulement par les par-
Réflexions sur la laïcité,
le voile et l’université...
GÜLÞEN YILDIRIM*
lllllllll
dossier
DOSYA
* Docteur en Droit,
Maître de conférences
à la faculté de droit et
des sciences économi-
ques de Limoges.
1. Loi 2004-228
du 15 mars 2004, JO
65 du 17 mars 2004,
p. 5190.
2. Affaire Leyla
Sahin contre Turquie,
CEDH, quatrième
section, de requête
44774/98.
3. L’application du
principe de laïcité dans
la République, Rapport
remis au Président de
la République, 11
décembre 2003, La
documentation fran-
çaise, 2004, p. 60.
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tisans du voile que par ses opposants. C’est
encore à propos de la Turquie que la Cour
euroenne est amee à délimiter les con-
tours de la liberté de religion. Il convient ici
de rappeler que la République turque s’est
construite autour de la laïcité qui acquiert une
valeur constitutionnelle en 1937. Toutes les
formes révolutionnaires entreprises par Ata-
rk ne doivent pas faire oublier que la Turquie
est un pays dont la majorité de sa population
est de confession musulmane. Les résurgen-
ces de cette ancienne religion d’Etat étaient
inévitables. Pourtant, dans ce pays, comme
dans d’autres pays européens, le port du fou-
lard islamique à l’école et à l’universi est un
phénomène récent qui s’est manifesté à partir
des années 1980. Cette question continue
à être l’objet de vifs bats dans la soc
turque. Pour les partisans du voile islamique, il
s’agit seulement d’une obligation et/ou d’une
manifestation liées à l’identité religieuse ; pour
les autres, il est devenu un symbole d’un Islam
politique qui vise à instaurer un régime fon
sur les gles religieuses et qui menace la paix
civile et les droits des femmes acquis depuis
lebut de lapublique turque. Les affaires
du Refah partisi concernant la dissolution de
partis prônant un régime fon sur la Charia
ont don un aspect particulrement politique
à ce débat.
Cet environnement particulier qui entoure la
laïcité en Turquie conduit à nous interroger sur
la question de savoir si la décision Sahin est
un arrêt spécifique au cas
turc ou si elle est exploita-
ble dans les autres Etats
parties à la Convention
et notamment en France.
Si nous les comparons,
nous remarquerons que la
France et la Turquie ont ins-
crit la laïcité dans leurs prin-
cipes constitutionnels fon-
damentaux. Au nom de ce
principe, ces deux pays ont
mis en œuvre un projet lc
et républicain de soc.
Toutefois, en France, la laï-
ci tend à devenir un principe de liber et
de torance. La Turquie siste et, au nom de
ce principe, des restrictions aux libertés sont
impoes. La bienveillance de la jurisprudence
euroenne face à ces restrictions rassure
la Turquie. Parallèlement, certains aspects de
l’évolution cente des sociétés européennes,
marqe par la montée des valeurs identitai-
res, voire de l’intégrisme, montrent que le prin-
cipe de lci, dans sa version lirale, devient
inopérant face à ces dangers. Toutefois, en
Turquie, la laïcité n’a pas empêc la ques-
tion religieuse de rester encore aujourd’hui un
objet de conflit politique et de division sociale.
D’une manre rale, on a dans ce pays,
de la question religieuse, une approche sou-
vent formulée en termes d’antagonisme,
la religion fait figure de dogmatisme anachro-
nique, inconciliable avec les ouvertures dont
le régime véhicule. Sa présence, ressentie
comme essentiellement politisable et politisée,
est porteuse de réaction et toute expression
qu’elle prend, équivaut peu ou prou à une
menace directe sur l’autori publique. Dans
cette approche, ses moindres signes sociaux
(modes de vie, poids des traditions…) interp-
s comme des précurseurs d’opposition poli-
tique, sont préventivement stigmatis voire
directement répris. Entre Islam et vie civi-
que semble inscrite une ligne d’incompatibilité
globale qui justifie en conséquence une dyna-
mique d’affrontement.
Ce constat fait nécessairement douter de la
rali de la décision Sahin. Certains n’hé-
siteront pas à faire remarquer que la France
ou d’autres pays euroens ne sont pas con-
frons à la mone d’un Islam politique dont
l’ambition est d’instaurer un régime fon
sur la Charia. D’ailleurs, en
France, l’Islam n’est pas la
religion de près de 98 %
de la population. Elle est
anmoins de loin celle qui
progresse et qui occupe la
deuxme place. Les dis-
cours religieux entendus ça
et là doivent aussi amener
à une certaine vigilance. Il
ne faut pas oublier, comme
le rappelle la Cour euro-
enne, que la politisation
de la religion, qui est certes
pour l’instant une carac-
ristique de la Turquie, nécessite une autre
approche de l’équilibre entre religion et laï-
ci.
L’arrêt Sahin contre Turquie aura au moins
eu le mérite de nous inciter à une réflexion sur
... en France, la laïcité tend à
devenir un principe de liber
et de tolérance. La Turquie
siste et, au nom de ce prin-
cipe, des restrictions aux liber-
s sont impoes. ...
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le port du voile dans les universis. Toutefois,
elle pendra de l’interptation retenue de
cette cision de la Cour européenne. Cette
dernre affirme deux principes.
1) Tout d’abord, il ne fait aucun doute que
le port du voile à l’université constitue une
manifestation religieuse. En ce sens, son inter-
diction peut constituer une ingérence. Il con-
vient néanmoins de revenir aux sources pour
apprécier ce qui semble être pour la Cour,
une évidence. S’agissant de la tenue vestimen-
taire, le Coran édicte certaines prescriptions à
l’encontre de la femme. Plusieurs dispositions
y font référence et notamment la sourate Al-
ahzab 33, verset 59 : « Prophète, dis à tes
épouses, à tes filles, aux femmes des croyants
de revêtir leurs mantes : c’est le seul moyen
de ne pas être reconnues et d’échapper à
toutes offenses ». Ce texte est inressant à
plusieurs égards. Tout d’abord, cette obliga-
tion part s’imposer uniquement aux femmes
musulmanes. C’est ainsi qu’à l’origine, le voile
était un élément de distinction entre la femme
musulmane et la femme de condition infé-
rieure. Dans le premier scle de l’Hégire, le
voile n’a d’autre motif que d’assurer la dis-
tinction des classes. Avec les conquêtes et
l’augmentation du nombre des esclaves, cette
distinction a disparu. Le port du voile change
de signification. Ce verset est aussi destiné
à proger les femmes des regards indis-
crets. Hors du logis, il est préférable que la
femme soit voie pour ne
pas être importue. C’est
pourquoi, le voile a été
parfois interprété comme
un moyen de libération
de la femme. Il permet
son engagement dans la
société. Certains considè-
rent même qu’elle s’affirme
dans la soc grâce à ses
compétences et non pas
par son charme ou ses
attraits physiques : porter
le Hijab signifie « couvrir
son corps pour révéler son
être ». Appréhen dans
son être profond plutôt que dans la super-
ficialité de ses apparences, la femme peut
rayonner librement dans la société. Cette con-
ception laisse perplexe car elle signifie qu’ac-
tuellement, le voile offre paradoxalement à la
femme la protection que devrait en principe lui
garantir la publique.
Parallèlement, le Hijab renvoie à la notion
de pudeur qui est essentielle à comprendre la
dimension éthique du voile. « La pudeur est
l’une des branches de la foi » selon un hadith.
Le lien entre le Hijab et la pudeur permet de
dire que le port du voile fait bel et bien partie
du culte musulman. Il puise sa source dans
le Coran ainsi que dans la Sunna, tradition
du propte.4 Envisa sous ce sens, le voile
devient une prescription religieuse. Toutefois,
il faut rappeler que la tradition du port du voile
existait dans la péninsule arabique bien avant
l’avènement de l’Islam et qu’il n’est pas propre
au monde musulman. De plus, cette interp-
tation du voile, « élément du culte », n’est pas
partagée par tous les musulmans. Certains
considèrent que dans le culte, il y a exclu-
sivement les cinq piliers de l’Islam à savoir
la croyance en Dieu et son prophète, les
cinq prières quotidiennes, le respect du jne
du Ramadan, le pèlerinage à la Mecque et
l’aune donnée aux plus pauvres. Le port
du voile serait obligatoire lors de recueillement
vers Dieu (prière, pèlerinage). Dans la soc,
le port du voile serait simplement conseil.
En somme, le port du voile peut avoir plu-
sieurs significations. Cette diversité explique les
paradoxes où d’un , les femmes iranien-
nes se battent pour ne pas le porter au risque
d’être pries de liberté et d’un autre, cer-
taines femmes musulma-
nes dans les pays occi-
dentaux revendiquent ce
qu’elles considèrent être
un droit. Quelle serait l’in-
terptation à retenir ? Il
est permis de se deman-
der s’il appartient à un
Euroen, serait-il juge à
la Cour européenne des
droits de l’homme, d’en-
trer dans cette discus-
sion.
2) L’interdiction du port
du voile dans les univer-
sis turques constitue donc une ingérence
dans la liberté de religion de la reqrante.
Or dans l’affaire Sahin, la Turquie n’est pas
condame par la Cour européenne alors que
4. on voit de la
femme autre chose que
ceci ! » en montrant le
visage et les mains.
... le port du voile peut avoir plu-
sieurs significations. Cette diver-
si explique les paradoxes
d’un côté, les femmes iranien-
nes se battent pour ne pas le
porter au risque d’être privées
de liberté et d’un autre, certai-
nes femmes musulmanes dans
les pays occidentaux revendi-
quent ce qu’elles consirent
être un droit. ...
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ce pays à l’habitude d’être mont du doigt
par les instances strasbourgeoises. En effet,
me si l’interdiction du port du voile à l’uni-
versité est une atteinte à la liberté religieuse
des étudiantes voilées, cette inrence de
l’état turc était justifiée et nécessaire dans une
société mocratique. Plusieurs éléments
terminants semblent avoir convaincu la Cour
euroenne. L’analyse de ces différents argu-
ments laisse perplexe quant à la portée de l’ar-
t Sahin. Tout au long de sa lecture, les par-
tisans d’une interptation extensive ne pour-
ront pas s’abstenir de se demander si cette
cision n’est pas spécifique au cas turc. Sa
transposition à l’universi fraaise est discu-
table sur de nombreux points.
Ainsi, la protection des « droits et libers
d’autrui » dans un pays où la majorité de la
population adhère à la religion musulmane est
essentielle. Cette interdiction s’impose car il
faut préserver les autres religions. La recon-
naissance juridique du port du foulard islami-
que équivaudrait à une demande de privige
en faveur d’une religion. Une telle faveur peut
constituer une forme de pression sur les étu-
diants qui ne pratiquent pas lIslam et sur ceux
qui adhèrent à une autre religion. Or l’Etat a
l’obligation de préserver le pluralisme religieux.
Plus globalement, l’objectif est de lutter
contre le prolytisme. Si la liberté de mani-
fester sa religion comporte en principe le droit
d’essayer de convaincre son prochain sans
quoi la liber de changer de religion ou de
conviction resterait lettre morte, il faut distin-
guer le simple témoignage religieux du pro-
lytisme abusif. Or dans un pays frappé par
des mouvements fondamentalistes religieux,
la simple autorisation du port d’un signe sym-
bole de cette religion peut se révéler comme
du prosélytisme abusif. D’ailleurs, l’universi
d’Istanbul avait été le théâtre d’affrontements
entre différents groupes radicaux et de nom-
breuses plaintes avaient été poes par des
étudiants qui noaient les pressions exer-
es par des étudiants membres de mouve-
ments fondamentalistes.
L’interdiction du port du foulard préserve
les droits et libers d’autrui mais ne consti-
tue-t-elle pas au fond une pratique discrimina-
toire à l’égard des femmes musulmanes ? La
requérante constate une certaine torance à
l’égard des étudiants de confession juive ou
chtienne. Il est vrai qu’en Turquie, comme
d’ailleurs en France, lebat a toujours porté
sur le port du voile des jeunes filles musulma-
nes. Beaucoup ressentent une certaine injus-
tice face à cette focalisation du débat. En
France, bien que la loi vise les signes reli-
gieux sans distinction, personne n’est dupe :
chacun sait qu’elle concerne le voile islami-
que. Toutefois dans la décision adoptée par
le recteur de l’université d’Istanbul, la neutra-
li des termes et le fait de placer sur un pied
d’égalité toutes sortes de tenues ont été déter-
minants. De me, l’interdiction du port du
voile n’était pas générale : elle ne concernait
qu’un lieu détermi. La solution aurait été iné-
vitablement autre si cet acte était prohi dans
les espaces privés ou les espaces communs.
C’est pourquoi, face à ces pcautions rédac-
tionnelles et pratiques, l’argument d’une éven-
tuelle discrimination est reje par la Cour.
La confrontation entre cette prescription
religieuse et l’égali entre les sexes était
cessaire. De part son histoire, la Turquie est
aussi marqe par un attachement profond à
ce principe. s le but de la publique,
des droits civiques et politiques ont été recon-
nus aux femmes. L’exclusion de l’Islam de la
spre publique s’expliquait en grande partie
par la difficul de concilier le gime de la
Charia avec le nouveau statut accordé aux
femmes. Depuis, le principe d’égali entre
les sexes a acquis une valeur constitution-
nelle. La référence au droit turc est d’un grand
secours pour la Cour euroenne qui ne dit
pas expressément que ces deux normes sont
incompatibles. On comprend encore une
fois sa gêne. Lui appartient-il de dire ouver-
tement que la Charia néglige le droit des
femmes ? Elle s’en remet au droit turc et à son
attachement aux droits des femmes. Sur cette
question encore, tout est affaire d’interpta-
tion. L’esprit du droit musulman originaire était
d’améliorer le sort des femmes qui n’avaient
aucune existence juridique dans l’Arabie préis-
lamique. Des droits civils comme celui d’héri-
ter, certes de manière inégalitaire, leur furent
reconnus. Aujourd’hui, certaines branches de
l’Islam font pvaloir cet esprit du droit musul-
man et sont donc plus progressistes, d’autres
mettent l’accent sur la lettre du texte sac
et sont plus conservatrices. Cette ambiguïté
explique le décalage énorme entre la bourca
portée par les femmes afghanes et le hijab
qui laisse entrevoir le visage de la femme.
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Il est anmoins difficile de concilier toutes
ces variantes de tenues ries de la même
gle religieuse avec les droits de la femme,
et cet argument est tout à fait recevable à
l’égard d’autres pays comme la France, atta-
chée elle aussi, à ces valeurs. D’ailleurs, dans
tous les bats récents sur le voile à l’école,
était présente la place résere par le Coran à
la femme. Mais il serait aussi abusif d’assimi-
ler, sans autre justification, le port du foulard à
une atteinte aux droits des femmes ou à une
discrimination qu’elles subissent du fait que
les hommes ne doivent pas le porter. Ce ne
serait rien d’autre qu’un amalgame douteux.
En somme, la Cour européenne ne dégage
pas un principe néral dinterdiction du port
du voile à l’université applicable à tous les états
signataires de la Convention européenne des
droits de l’homme. Afin de justifier la liberté des
états pour décider d’une éventuelle interdiction,
elle insiste sur l’absence de consensus euro-
en en la matière. La diversité des situations
en Europe est bien sûr intrinsèquement liée aux
relations spécifiques que les Etats entretien-
nent avec les différents cultes. La position des
« Eglises » est loin d’être uniforme. Si l’Eglise
est parée de l’Etat dans nombre de pays,
ce principe de séparation se décline sous de
multiples variantes. La conception française de
la laïcité ne correspond, par exemple, pas à la
neutralité bienveillante ou tolérante qui prévaut
en Allemagne ou en Belgique.
Toute transposition de la solution retenue
à l’universi fraaise serait en définitive con-
testable tant que la Cour euroenne conti-
nuera à circonscrire ses décisions au contexte
turc. L’art Sahin présente cependant cet inté-
t de nous rappeler que l’universi n’est pas
à l’abri d’une telle difficul. Elle nous pousse à
une réflexion plus rale qui semble néces-
saire à plusieurs titres.
S’agissant des étudiantes, au-delà du voile,
la question de la compatibilité des prescrip-
tions religieuses incombant aux femmes avec
certains enseignements se pose. Nous pou-
vons en effet se demander si la reqrante
n’avait pas conscience en choisissant de
poursuivre des études de médecine que son
choix serait en contradiction, sur de nombreux
points, avec ses convictions religieuses. En
la matre, les exigences d’hygiène sont en
opposition avec une approche religieuse con-
servatrice. De même, il lui sera impossible de
suivre des cours d’anatomie masculine. Dans
sa vie professionnelle, sa religion respece
à la lettre lui imposera un comportement dis-
criminatoire à l’égard des patients de sexe
masculin. Or que devient le serment d’Hippo-
crate lorsque l’on refuse de les soigner en
invoquant ses convictions religieuses ? Cette
me interrogation vaut aussi pour les étu-
diants de confession musulmane qui refuse-
ront de soigner une patiente femme.
De plus, les jeunes filles voilées que l’on
forme dans nos facultés de droit seront ame-
es un jour à postuler sur des postes de la
fonction publique ou devenues avocates, elles
revendiqueront le droit de plaider en voile. Or le
veto de la neutrali de la fonction publique leur
sera opposé. N’est-ce pas un leurre d’entrete-
nir l’illusion qu’à partir de l’université, leur voile
devient compatible avec la laïcité ? Peut-être
pense-t-on que luniversité française est capa-
ble de faire évoluer leurs convictions religieu-
ses ou, pour celles esties contraintes de le
porter, de leur donner une indépendance des-
prit pour s’opposer à ces pressions. Peut-être
compte-t-on aussi sur la fonctiondagogique
de la loi du 15 mars 2004. L’apprentissage de
la laïcité par linterdiction du port du voile dans
les écoles, collèges et les lyes pourrait limiter
le nombre de jeunes filles voilées à l’universi.
Il s’agit dun pari difficile face au poids du
dogmatisme religieux ambiant.
A une époque l’on célèbre le centenaire
de la loi de 1905, il appart nécessaire de
repenser cette question à propos de l’univer-
si à l’aune de l’art Sahin contre Turquie.
Il faudrait surtout éviter l’écueil de renvoyer la
solution des difficuls aux doyens des facul-
s ou aux présidents d’universi. L’évolution
de l’affaire du foulard dans les établissements
secondaires illustre que c’est une manre de
se retrouver face à une situation inextricable
qui risque d’être à la longue non conforme à
la jurisprudence européenne.
Le voile continue donc de questionner l’Eu-
rope. Strasbourg n’apporte nullement de solu-
tion « miracle ». Peut-être est-ce mieux ainsi.
Plutôt que d’attendre un rede venu des
hautes instances euroennes, n’est-il pas pré-
rable d’accorder la priorité au dialogue dans
le respect des spécificis nationales ? A notre
sens, le dialogue doit rester la clé de ce débat
pour éviter de fermer les portes de l’universi
aux étudiantes retues du foulard. q
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