Voile islamique et djihadisme : trajectoires personnelles
Matthieu Fannière – Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)
Le port du voile islamique et la radicalisation djihadiste soulèvent au Québec et
ailleurs des débats enflammés. Quel que soit son niveau de connaissance du
sujet, chacun a un avis sur ces questions mêlant religion et société. Loin de la
rumeur médiatique, des chercheurs se penchent sur les personnes qui vivent au
cœur de ces problématiques. Les résultats préliminaires de leurs études ont été
présentés dans le cadre du plus récent congrès de l’Acfas.
Professeure de sociologie à l’Université de Montréal et titulaire de la chaire de
recherche du Canada en études du pluralisme religieux, Valérie Amiraux s’est
intéressée aux femmes qui ont décidé de ne plus porter le foulard, en discutant
longuement avec quelques-unes d’entre elles, des femmes de nationalité
française vivant en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Que ressentent-t-
elles après plusieurs années passées à porter ce « marqueur » religieux ? Elles
parlent tout d’abord d’une expérience sensorielle. Certaines se sentent revivre,
tandis que d’autres se sentent mal à l’aise, le hijab étant devenu pour elles une
protection, représentant une certaine sécurité. Maintenant, le regard des gens
qui les entourent change, les échanges avec les autres dans la rue ne sont plus
ressentis comme de petites agressions, mais comme de véritables interactions. «
J’existe ! » disent-elles.
Elles racontent aussi l’obligation d’expliquer ce geste à leur famille, à leur
communauté, à leurs collègues. Certaines commencent par sortir la nuit ou dans
d’autres quartiers. Et puis, « en expliquant pourquoi on enlève le voile, on en
arrive à expliquer pourquoi on l’a mis ». Et toutes ces justifications sont vécues
comme autant de violence à propos d’un sujet qui, pour elles, relève de l’intime.
Chez ces femmes que Valérie Amiraux a rencontrées, enlever le voile a
également changé le rapport à la religion. « Comment se sentir musulmane,
maintenant que son islamité n’est plus affichée ? » Ainsi, plusieurs disent s’être
remises à pratiquer la prière. Enfin, le geste d’enlever le voile questionne, bien
sûr, leur sexualité, de la même manière que lorsqu’elles avaient décidé de le
mettre. Une chose est sûre, ce geste est vécu comme une rupture sociale avec
leur communauté précédente et qui impose de retisser des liens sous peine de se
retrouver isolée.
Djihadisme et islam
Politologue, et codirecteur de l'Observatoire sur la radicalisation et l'extrémisme
violent de l’université de Sherbrooke, David Morin questionne quant à lui la place
du religieux chez les djihadistes canadiens. Après avoir étudié plus de 80
trajectoires individuelles de jeunes radicalisés, il n’y a pas vu de schéma, mais