Equité intergénérationnelle et préoccupations environnementales…
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Sur la base de ce dernier argument, une valeur élevée du taux d’actualisation social peut
être liée à une forte valorisation du présent, ce qui signifie que la génération présente est
disposée à peu de sacrifices pour les génération futures. Inversement, un taux d'actualisation
positif mais plus faible reflète une plus grande valorisation du futur et l'acceptation par les
générations présentes de sacrifices importants. La préférence pure pour le présent doit être
cependant supérieure à zéro car, dans le cas contraire, les taux d'épargne seraient beaucoup
trop élevés pour être acceptables : les sacrifices consentis par les générations présentes
seraient insupportables (Arrow, 1995).
Concernant l’ « effet richesse », il apparaît que sa prise en compte dans le calcul
économique peut se traduire par l'évacuation de toute préoccupation d'équité
intergénérationnelle. En effet, puisque la croissance sous l'effet du progrès technique permet
d'envisager que les générations futures seront plus riches que les générations présentes, il n'est
pas nécessaire de se soucier du futur, ce qui conduit à adopter des taux d’actualisation élevés.
Ce propos peut être renforcé par l'idée que les générations futures étant plus riches que les
générations présentes, elles pourront faire face à l'environnement naturel dégradé hérité de
leurs prédécesseurs. En réalité, l'appréciation de l « 'effet richesse » dépend fortement de
l'évolution attendue du taux de croissance g(t). Si on tient compte de la raréfaction des
ressources fossiles et de l'effet de ces ressources sur l'environnement naturel à long terme, on
peut envisager alors des valeurs plutôt faibles de g(t). Azar et Sterner (1996) considèrent que
la croissance exponentielle ne peut durer indéfiniment et que le taux de croissance
économique devra nécessairement diminuer dans un contexte de réchauffement climatique. Le
niveau de g(t) n'est pas dans ce cas indépendant du niveau de la dégradation infligée à
l'environnement.
De ce point de vue, par ailleurs, la prospective contemporaine (Mermet, 2003 ; Gallopin
et al, 1997) et certains travaux d’histoire économique (Maddison, 2001) intègrent de plus en
plus ce que les historiens connaissent visiblement mieux que les théoriciens de la croissance, à
savoir que des périodes plus ou moins longues de régression économique peuvent exister (les
périodes 500-700 et 1350-1450 en Europe occidentale, la décennie 1990 en Russie), et qu’à
plus long terme encore, les civilisations ne sont pas éternelles (Toynbee, 1996 ; Diamond,
2006).
1.2 Equité, incertitude et horizon temporel : l’actualisation en
difficulté
Tel que présenté, le procédé de l’actualisation utilisé dans l’analyse coûts-avantages fait
débat lorsque la question de l’équité entre les générations est explicitement introduite
(Schumacher, 2005 ; Schubert, 2006). Tout d’abord, le choix du taux d’actualisation n’est pas
neutre sur la répartition des flux de ressources entre les générations successives. Plus
précisément, si la préférence pure pour le présent est appliquée dans une perspective
intergénérationnelle, elle implique une influence tutélaire des générations présentes sur les
générations futures qui peut être contestée d'un point de vue éthique. Symbolisant une
dépréciation du futur, l'existence d'une préférence pure pour le présent supérieure à zéro au
niveau de la collectivité ne permet pas de traiter les générations successives de manière
équitable. En effet, si l’on considère que l'économie mondiale est une économie dans laquelle