
26 Bulletin de la Banque de France • N° 154 • Octobre 2006
ÉTUDES
Les stratégies de désendettement du secteur public : enjeux économiques et enseignements des expériences étrangères
publique, tant d’un point de vue macroéconomique
que financier. Mais, aucun consensus ne se dégage
dans la littérature économique pour définir le niveau
optimal de dette. En particulier, les indicateurs de
soutenabilité permettent seulement de déterminer les
conditions qui permettent d’éviter les risques associés
à une dette excessive et croissante. Le niveau de dette
soutenable dépend, notamment, des choix nationaux
en matière de protection sociale et des perspectives
de croissance d’un pays. Enfin, rien ne permet non
plus d’affirmer que ce niveau doit être constant dans
le temps. La modification de la structure par âge
d’une population, par exemple son vieillissement,
peut exiger un besoin de dette soutenable de niveau
différent ou variable.
Au-delà des difficultés associées à la détermination
d’un niveau optimal d’endettement public, les dangers
d’une dette insuffisante sont contrebalancés par ceux
d’un endettement excessif. Or, ce sont ces risques
qui ont prévalu au cours des dernières années dans
beaucoup de pays industrialisés. En effet, ceux-ci ont
eu tendance à résoudre des problèmes structurels
croissants en ayant recours à un financement de
leurs dépenses courantes par la voie des déficits
publics, négligeant l’influence probable de ce choix
sur le niveau des taux d’intérêt réels et/ou sur les
perspectives de croissance (Wierts, 2005).
1|2 Un endettement public excessif
est porteur de risques économiques
et fi nanciers majeurs
Si le seuil de non-soutenabilité de la dette publique
semble difficile à estimer, il est certain en revanche
qu’une augmentation indéfinie du ratio de dette n’est
pas soutenable. En effet, les risques associés à un
endettement incontrôlé sont nombreux.
Le risque le plus fréquemment évoqué est celui de
l’effet « boule de neige » qui, lorsqu’il se déclenche,
produit un effet d’auto-alimentation de la dette
résultant à la fois des déficits successifs antérieurs
et de la dynamique cumulative de la charge d’intérêts
qu’ils suscitent. Tant que le taux de croissance du PIB
excède le taux d’intérêt apparent sur la dette, le ratio
de dette peut être stabilisé, même en présence d’un
solde public primaire négatif. En revanche, quand
le taux de croissance du PIB est inférieur au taux
apparent sur la dette, seul un excédent primaire peut
permettre de stabiliser le ratio de dette. Ainsi, quand
la dette publique est élevée, il faut, pour respecter la
contrainte de solvabilité, soit que la croissance du PIB
soit supérieure au taux d’intérêt apparent (ce qui peut
se révéler une condition relativement exigeante dès
lors que la charge de la dette est elle-même élevée),
soit que l’excédent primaire soit significatif. Si la
dette s’accroît, l’augmentation du solde primaire peut
s’obtenir soit par augmentation de la pression fiscale,
soit par réduction des dépenses publiques. Or, lorsque
le taux de prélèvements obligatoires est déjà élevé et
que la plupart des dépenses publiques sont, par nature,
peu flexibles, du moins à court terme (transferts
sociaux, salaires, retraites), le risque est important
que l’effort de réduction soit porté sur les dépenses
les plus favorables à la croissance (infrastructures,
recherche et développement, éducation supérieure,
soutien de l’innovation, actions de développement
du capital humain). En conséquence, les actions
susceptibles de faire contrepoids à l’effet boule de
neige, si elles ne sont pas correctement calibrées,
peuvent réduire la croissance potentielle et, de ce fait,
alimenter le phénomène initial. Ainsi, une hausse de
la dette (par augmentation des déficits publics) peut
stimuler la consommation privée à court terme en
remettant les impôts à plus tard, mais elle risque de
conduire à une baisse de croissance potentielle en
longue période, si cette hausse de la dette n’est pas
rapidement compensée par une baisse équivalente.
À l’inverse, réduire la dette publique peut présenter
un certain coût à court terme (réduction de la
consommation), mais offrir des perspectives plus
favorables à long terme. Ainsi, l’inversion de la spirale
de l’effet boule de neige semble vertueuse, mais ne
peut provenir que de l’assainissement durable des
finances publiques dans le respect des perspectives
de croissance à moyen terme.
Outre les difficultés de moyen terme, une dette
excessive induit des pertes de marge de manoeuvre
pour mener une politique conjoncturelle à court
terme. Plus le ratio de dette est élevé, plus la part
de la charge de la dette dans les dépenses est élevée
et moins l’État peut jouer son rôle de stabilisateur à
court terme, notamment en cas de récession.
Un autre risque peut exister lorsque la dette est
excessive et que la fiscalité est utilisée pour tenter
de limiter les déficits primaires, soit pour obtenir
des revenus supplémentaires, soit pour modifier
les arbitrages des agents contribuables afin, par
exemple, de soutenir la croissance : celui des
distorsions fiscales. S’il est clair qu’à long terme