Migros Magazine N° 26 / 25 JUIN 2012 (française)

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au quotidien
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santé
| No 26, 25 juiN 2012 |
Mangés tout crus!
Arrivée des Etats-Unis il y a quelques années, l’alimentation vivante est en plein
essor. Bio, végétale et locale, elle est un véritable art en soi.
O
n les appelle crudivores, mais ils
préfèrent parler d’alimentation
vivante. Leur credo: la cuisson
des aliments qu’ils consomment ne doit
pas dépasser 42 degrés afin de préserver les enzymes et les vitamines. Quoi!
Manger des feuilles de salade, croquer
dans une carotte ou une courgette en
guise de repas, voilà qui ne fait pas rêver,
direz-vous. Car pour beaucoup, ce type
d’alimentation basée essentiellement
sur les légumes, les fruits, les graines
germées et les épices rime avec austérité et morosité. Nous voici donc à mille
lieues de l’image bon vivant et du raffinement culinaire.
un mode de vie
nommé «crusine»
Certes, les crudivores sont souvent végétaliens et font la part belle aux algues
et aux graines. Pas une raison pour renoncer à se faire plaisir. France Droz en
est le parfait exemple. Cette pétillante
Québécoise de 42 ans installée près de
Lausanne est tombée dans la marmite du
tout cru il y a cinq ans. Une révélation
qui l’a menée à explorer les multiples
facettes de ce que ses adeptes nomment
la «crusine». Des stages aux Etats-Unis
et en Angleterre où ce type d’alimentation fait recette depuis longtemps l’ont
amenée à devenir formatrice. Parlez-lui
légumes, elle évoquera avec passion le
plaisir de déguster une «vraie» tomate
mûre, les goûts et les saveurs «extraordinaires» qui se dégagent des produits
apprêtés «sans dénaturation», tels ces
raviolis de betteraves ou cette pizza de
sarrasin. «On n’imagine pas tout ce que
l’on peut faire!» s’enthousiasme-t-elle.
Pionnier du mouvement en Europe après
avoir été formé en nutrition aux EtatsUnis, le Valaisan Jacques-Pascal Cusin
affirme lui aussi qu’il existe «une gastronomie vivante». Il vient de publier
Les secrets de l’alimentation vivante, un
traité agrémenté de recettes élaborées
avec Nadia Bernier, cheffe en cuisine
crue établie à Morges et inventrice des
Petits carrés, des biscuits salés et sucrés
à base de graines de tournesol germées.
«Ces derniers sont simplement déshydratés à une température qui permet
de préserver les principes actifs et les
nutriments des aliments et des ingrédients qui les composent», écrit-elle sur
son site internet. Tous deux défendent
une approche intégrative et environnementale de ce qu’ils estiment être avant
tout un mode de vie. Car manger vivant,
c’est non seulement privilégier les aliments à forte densité nutritionnelle, au
plus près de leur état naturel, mais aussi
consommer bio, local et de saison, précise Jacques-Pascal Cusin. Les bienfaits d’une telle alimentation seraient
nombreux. Parmi eux: l’élimination des
toxines, la préservation du système immunitaire, une meilleure digestion et
une énergie retrouvée, notamment grâce
à la chlorophylle contenue dans les légumes verts et les micro-algues.
attention
aux carences
Attention toutefois à ne pas tomber dans
l’excès, prévient Muriel Jaquet, diététicienne diplômée à la Société suisse de
nutrition. «Sans aucun aliment d’origine animale, on s’expose à des carences,
notamment en vitamine B12, essentielle
pour les cellules nerveuses et la formation des globules sanguins.» Pour elle,
choisir ce type d’alimentation ne devrait
se faire que si l’on est en bonne santé,
adulte et bien informé. «Manger en partie cru, pourquoi pas, mais il est préférable de manger de tout.»
Sans compter qu’opter pour le tout
cru peut vite se révéler handicapant
lorsqu’il s’agit de prendre un repas à
l’extérieur. Et l’isolement social guette
le crudivore s’il fait preuve de jusqu’auboutisme. France Droz se souvient de ses
premiers pas en société: «Au début, personne ne voulait plus m’inviter, on me
regardait comme une extraterrestre!»
une question
de mesure
Tout est question de dosage, affirme
de son côté Jacques-Pascal Cusin, qui
mange cru à 70% et met en garde contre
le sectarisme: «Je suis quelqu’un qui
vit de manière très intégrée. Je ne rejette pas la cuisson. Simplement, plus
on transforme un aliment, plus il perd
ses qualités originelles. Je privilégie
donc les goûts naturels.» Et de préconiser un passage «en douceur» en commençant par baisser sa consommation
de viande et augmenter la présence de
crudités dans son assiette. «Modifier ses
habitudes alimentaires prend du temps
et doit s’intégrer dans un tout harmonieux, avertit-il. Ce que je dis aux gens,
c’est «apprenez les principes et soyez
heureux!»
Texte: Viviane Ménétrey
Photo: Getty Images
Jacques-Pascal Cusin, «Les secrets
de l’alimentation vivante», Albin Michel.
«Plus on transforme un aliment, plus
il perd ses qualités originelles. Je
privilégie donc les goûts naturels»
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