LES BASES
DE LA COMMUNICATION
Le schéma de principe de la communication est classique : lorsqu’une personne n°1, appelée
émetteur, transmet un message à une personne n°2, nommée récepteur, il s’agit non de
communication, mais d’information.
Pour que le terme communication puisse être utilisé avec validité, il faut que le récepteur puisse
faire savoir à l’émetteur que son message a bien été reçu, compris ou incompris.
A l’oral, l’orateur peut tout en dialoguant, constamment vérifier la compréhension de l’interlocuteur
et adapter son cheminement intellectuel en conséquence.
Rien de tel à l’écrit, où les éventuelles réactions du lecteur sont connues a posteriori. Ainsi,
l’impossibilité de vérifier la compréhension, comme l’absence éventuelle de destinataire clair et
connu, exigera que tout locuteur sache prendre en compte l’existence d’un récepteur même
potentiel, afin d’adapter au mieux son message.
Il devra également connaître les éléments parfois inconscients, qui risquent de perturber son
message.
Première idée fausse : la communication est une mode passagère :
Non seulement la communication est inhérente à la condition humaine, mais de plus, il est
impossible de ne pas communiquer :
- que votre interlocuteur se taise ou détourne son regard, et son silence comme son
désintérêt ont bien transmis un message, en l’occurrence son mépris.
- les recherches en biologie humaine ont démontré que nos odeurs (via les pherhormones)
nous trahissent en communicant sur nos états à notre insu.
Deuxième idée fausse : il existerait des êtres humains spontanément bons communicateurs,
orateurs habiles, ou fins négociateurs :
Sans nier la réalité des aptitudes innées, il existe des techniques qui peuvent permettre à tous
d’acquérir un minimum de savoir-faire.
D’autre part, la spontanéité peut s’avérer fort mauvaise conseillère.
Enfin, certains comportements positifs dans les échanges vont à l’encontre des réactions primaires
de l’homme. Il en est ainsi par exemple de la reformulation qui n’est que très rarement mise en
œuvre par celui à qui elle n’a pas été enseignée.
Troisième idée fausse : le bon locuteur est avant tout très sûr de lui :
Il est vrai qu’une communication efficace demande une confiance en soi certaine : confiance en ses
idées, en ses aptitudes verbales et en sa personnalitout entière puisque à l’oral, le locuteur est la
cible de tous les regards et de tous les jugements.
Cependant, il doit également posséder une quali antinomique : l’ouverture aux autres. Bien se
faire comprendre suppose la prise en compte de la personnalité, de la culture et des intérêts de ses
interlocuteurs.
Le paradoxe suivant s’impose donc en conclusion : l’efficacité de la communication exige que
l’émetteur soit centré à la fois sur lui-même et sur les autres.
Toute communication répond à des enjeux, c'est-à-dire à des objectifs que les acteurs de la
relation souhaitent atteindre, de manière consciente ou non.
Sur le fond, la communication cherche à répondre à l'un des objectifs suivants :
faire passer une information, une connaissance, ou une émotion ;
créer une norme commune pour se comprendre ;
créer une relation pour dialoguer fréquemment, ou relancer le dialogue ;
obtenir une influence pour inciter l'autre à agir selon sa volonté ;
donner son identité, sa personnalité au tiers, pour être connu.
On parle alors d'enjeux de la communication. Ces enjeux sont liés aux différentes fonctions du
message (voir les concepts de Roman Jakobson).
Dans tous les cas, l’enjeu majeur de la communication consiste, non pas à transmettre
simplement de l’information, mais à construire et maintenir une relation.
I- Le Processus de Communication :
Les spécialistes en communication ont bien entendu cherché à développer des modèles
permettant de rendre compte de l’acte de communication. L’ensemble ne présente pas une
cohérence réelle. Chacune des conceptions apporte un élément permettant de mieux maîtriser la
réalité.
1.1. Les modèles mécanistes de communication
1.1.1. Analyse du processus de communication : la grille de Lasswell
Harold Dwight Lasswell, politologue et psychiatre américain, s'est fait un nom en
modélisant la communication de masse. Pour lui, il s'agit de la décrire à travers les questions : «Qui,
dit quoi, par quel canal, à qui et avec quels effets ? ». C'est la stricte reprise des cinq questions que
Quintilien adressait à tout apprenti rhéteur.
Qui ?
Dit quoi ?
Par quels
moyens ?
A qui ?
Avec quels
effets ?
Emetteur
Contenu du
message
Canal
Récepteur
Impact
Grâce à cette grille (qui précède les travaux de Shannon et Weaver), le processus de
communication peut être décrit. Elle peut être complétée par les deux questions suivantes :
Dans quelles circonstances ? = analyse des caractéristiques de la situation
Dans quel but ? = analyse des intentions et des attentes
Ce modèle conçoit la communication comme étant un processus d'influence et de persuasion, très
proche de la publicité. Ce modèle dépasse la simple transmission du message (même s'il y reste
centré) et envisage notamment les notions
d'étapes de communication, la capacité de
pluralité des émetteurs et des récepteurs
et de finalité d'une communication (ses
enjeux).
La description des émetteurs, l’analyse du
contenu des messages, l’étude des canaux
de transmission, l’identification des
audiences et l’évaluation des effets : tels
sont les principaux pôles autours
desquels, doivent s’ordonner les études
sur les communications.
Michael Buhler représente le modèle de
Lasswell par le schéma ci-contre.
1.1.2. L’approche mécanique de Shannon et Weaver
Les premières théories de la communication datent des années 1940 à 1950 et s’inspirent des
recherches sur l’informatique et la cybernétique. Cela leur confère une apparence mécanique,
ultérieurement objet de critiques. Il reste qu’elles définissent cinq éléments de base, toujours
reconnus :
Très rapidement, d’autres chercheurs ont introduit la notion de Feed-back, autrement dit la
rétroaction de l’information du récepteur vers l’émetteur, qui permet à ce dernier de vérifier la
qualité de la transmission.
LIMITES :
- Considéré comme trop réducteur,
- Ne tient pas compte du contexte de la communication ou de l’influence réciproque.
1.1.3. Le modèle de GERBNER
George Gerbner, qui propose
d’articuler la schématisation selon
deux niveaux, ou plutôt deux
dimensions, l’une consistant en la
perception ou réception d’un
événement du monde réel (car Gerbner
tient à lier le message à la réalité, ce
qui est une option relativement
originale), et l’autre qui ressort plus
particulièrement du domaine de la
communication étant nommée
dimension de contrôle ; elle induit une
interaction entre le " percepteur" (qui
peut être un individu ou une machine)
et les éventuels contenus de
signification des messages ou
événements perçus. On obtient alors la
figure ci-contre.
L’événement E ne peut être perçu dans sa " totalité", car qu’il soit homme ou machine
microphone, par exemple le récepteur est d’une part limité par ses capacités physiques ou
techniques, et d’autre part sélectionne certains champs d’informations selon ses dispositions, ses
attentes, l’objet de son attention. Aussi la perception E1 de E n’est-elle bien entendu pas identique à
E, et surtout pas exhaustive. L’action dite de contrôle consistera en la transformation de E1 en un
signal concernant E, nommé SE, car divisible en signal (S) et contenu (E). Il existe évidemment
plusieurs S pouvant convenir, entre lesquels une sélection doit également se faire ; au final, le signal
SOURCE Emetteur Récepteur ARRIVEEsignal
Bruit
physique
Unité
d’émission
Unité de
réception
Message 1 Message 2
Codage Décodage
CANAL
SOURCE Emetteur Récepteur ARRIVEEsignal
Bruit
physique
Unité
d’émission
Unité de
réception
Message 1 Message 2
Codage Décodage
CANAL
dérivant de E sera, il va sans dire, incomplet et soumis à distorsions, tout le but de la
communication étant de réduire lesdites distorsions et de choisir le " meilleur" signal dans le "
meilleur" canal.
1.2. L’approche linguistique de Jakobson
Modèle centré sur le message et les fonctions qu’il remplit :
La fonction expressive : elle est centrée sur le sujet qui parle : sentiments, émotions, mimiques…
Exemple : Le ton jeune, enjoué et dynamique du narrateur d’une publicité pour une boisson
énergisante.
La fonction conative : cette fonction permet au destinateur d'agir sur le destinataire (inciter à
écouter, à agir, à émouvoir).
Exemple : En utilisant cette crème de jour tous les matins, ma peau se raffermi et je parais 10 ans de
moins.
La fonction phatique : cette fonction est relative au contact. Elle permet de provoquer et de
maintenir le contact.
Exemple : mise en scène d’accidents de la route dans des campagnes télé de la Sécurité Routière.
La fonction métalinguistique : cette fonction s'exerce lorsque l'échange porte sur le code lui-même
et que les partenaires vérifient qu'ils utilisent bien le même code. Cette fonction consiste donc à
utiliser un langage pour expliquer un autre langage.
Exemple : VOLKSWAGEN Das auto*
*L’automobile
La fonction référentielle : cette fonction permet de dénoter le monde qui nous entoure, c'est le
référent, c'est-à-dire «de quoi il s'agit».
Exemple : Témoignage d’un joueur de l’équipe de France de Handball sur son habitude de boire
une marque d’eau particulière dans sa vie de tous les jours.
La fonction poétique : elle ne se limite pas à la poésie seulement, car tout message est expressif.
Cette fonction se rapporte à la forme du message dans la mesure elle a une valeur expressive
propre.
Exemple : Il y a des choses qui ne s’achètent pas, pour le reste il y a Mastercard.
Selon Jakobson, les 6 fonctions du langage « ne s’excluent pas les une au autres, mais […]
se superposent souvent ». Ces fonctions sont donc cumulables dans l’utilisation du schéma de
Jakobson.
LIMITES :
- Ne prend pas en compte les influences réciproques (feedback)
- Néglige l’importance du canal ou du média
1.3. L’approche comportementale de l’école de Palo Alto
Les chercheurs comme Bateson et Watzlawick, réunis dans la ville de Palo Alto, qui a donné
son nom à leur école de pensée, ont abordé la communication sous des angles psychologiques et
comportementaux, dépassant ainsi largement la simple analyse de transmission d’une information.
Leur apport le plus important réside dans la mise en évidence de plusieurs couples de concepts, dont
deux sont présentés ci-après.
Les réactions symétriques et complémentaires :
L’école de Palo Alto a mis en évidence que face à un comportement donné d’un émetteur, la
réaction du récepteur pouvait être symétrique, de même ordre, ou complémentaire.
Un personnage très agressif, ou au contraire très calme, suscitera chez autrui une attitude
équivalente, voire supérieure (réaction symétrique).
Ces comportements peuvent aussi entraîner un comportement de soumission pour l’agressivité ou
d’agressivité pour le calme (réaction complémentaire).
Cette distinction permet de comprendre les comportements ciproques que les
interlocuteurs exercent l’un sur l’autre.
Cela éclaire également le développement des conflits ou des situations relationnelles inextricables,
chacun adoptant une attitude qui exerce une influence sur l’autre.
Le comportement symétrique sera privilégié afin d’obtenir des relations professionnelles
fondées sur l’harmonie et la réciprocité : « Je fais ce que je dis, je dis ce que je fais, et faites ce que
je dis et je fais ».
Lorsqu’il s’agira de réguler des comportements déviants, un intervenant saura qu’il peut réagir de
deux façons antinomiques, sans cependant être certain a priori de l’efficacité de l’option choisie : un
bavard excessif en réunion pourra aussi bien se calmer si on lui ordonne de se taire (appel à une
attitude complémentaire) que si on lui propose de développer ses interventions (appel à une attitude
symétrique susceptible de satisfaire suffisamment son besoin de reconnaissance pour qu’il se calme
de lui-même).
L’explicite et l’implicite :
Les premières théories ne s’intéressaient qu’au contenu objectif et explicite du message.
L’école de Palo Alto a mis en valeur le rôle du non-dit, faisant même de l’implicite l’essentiel de la
motivation de la communication.
Ainsi, le participant à une réunion qui pose une question complexe et embarrassante à l’animateur
peut être mû par :
- le louable désir de comprendre,
- à moins qu’il ne cherche à affirmer sa supériorité,
- à se valoriser aux yeux du groupe
- ou encore à régler un ancien compte avec l’institution scolaire.
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