COMMENTAIRE DES TRANSPARENTS

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COMMENTAIRE DES TRANSPARENTS
I. La renaissance de l’Europe
de l’Ouest : 1945-1955
européenne étroitement associée à celle du maintien de
la paix. Construire l’Europe, ce sera tisser des liens solides entre les États européens, qui permettront d’empêcher la renaissance des nationalismes destructeurs de la
première moitié du siècle.
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Les ruines de Cologne
(Allemagne, avril 1945)
Cette vue aérienne oblique de la ville de Cologne met
en évidence les destructions causées par les bombardements massifs de la Royal Air Force. Cologne a été la première ville allemande à subir un raid de plus de 1000 bombardiers le 30 mai 1942, raid qui détruisit plus de 240
hectares dans le périmètre urbain. Le général de l’armée de
l’air britannique Arthur Harris souhaitait briser le moral et
la capacité de résistance du peuple allemand par cette
technique de l’ « Area Bombing ». Les bombardements britanniques ont eu lieu de nuit et se sont concentrés sur les
secteurs les plus urbanisés, tandis que les bombardements
diurnes américains ont pris pour cible les zones industrielles.
D’autres villes, comme Dresde en février 1945, ont subi
des bombardements plus massifs et plus meurtriers encore,
mais il a fallu attendre le mois de mars pour que l’opportunité d’une telle stratégie fasse débat à la Chambre
des communes et que Churchill recommande à son étatmajor de « concentrer les attaques sur les cibles militaires
(…) situées immédiatement derrière le front ».
La photographie montre les destructions des quartiers
d’habitation et des infrastructures de transport. Toutes
les maisons semblent touchées et le pont sur le Rhin est
détruit. Miraculeusement préservée, la cathédrale gothique
de Cologne dresse encore ses flèches au-dessus d’un horizon de dévastations.
La force du cliché réside autant dans la représentation
des dégâts causés par les bombes que dans la présence
d’une cathédrale gothique, exemple d’une architecture
européenne médiévale, symbolisant une première forme
d’unification culturelle, témoin ici des déchirements de
l’Europe.
Les guerres et leurs cortèges de destructions ont constitué de puissants catalyseurs de l’idée européiste. Les
« pères fondateurs » appartiennent à une génération qui
a vécu les deux guerres mondiales et qui a commencé à
exercer des responsabilités politiques ou économiques
après le premier conflit mondial, avec le souci d’épargner
à leurs concitoyens les drames d’une nouvelle guerre.
De 1929 à 1932, Aristide Briand préconisait déjà l’institution d’ «une sorte de lien fédéral entre les peuples européens » lors d’un célèbre discours devant la Société des
Nations. La crise économique de 1929 et l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler allaient mettre un terme aux débats.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Français Jean
Monnet, l’Allemand Konrad Adenauer et l’Italien Alcide
De Gasperi sont les principaux propagateurs d’une idée
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Affiche en faveur du plan Marshall
(Pays-Bas, 1947)
Cette affiche néerlandaise en faveur du plan Marshall
veut démontrer combien l’union des pays d’Europe est
nécessaire à la réussite du plan de redressement européen
(European Recovery Program) initié par le général George
Marshall le 5 juin 1947. Les symboles mis en œuvre ici
sont particulièrement éloquents: le crochet de levage représente les États-Unis, le maillon est décoré aux couleurs
des seize pays européens ayant accepté l’offre (Autriche,
Belgique, Danemark, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, RoyaumeUni, Suède, Suisse et Turquie), l’épi de blé et l’engrenage
représentent l’agriculture et l’industrie européenne dont
les capacités ont été dramatiquement réduites par la guerre.
L’affiche est cerclée par un slogan : « L’Europe unie crée
la prospérité. »
Signé par le président Truman le 3 avril 1948, le plan
Marshall consacre 13 milliards de dollars au redressement
économique de l’Europe, essentiellement sous la forme
de dons. Proposé à tous les pays belligérants d’Europe,
le plan Marshall est néanmoins refusé par les Soviétiques
qui y voient une manœuvre pour éviter la crise du capitalisme américain et surtout un moyen de détacher l’Europe
centrale et orientale de l’aire d’influence qu’ils mettent en
place depuis 1945. De fait, le plan Marshall constitue une
étape importante dans la bipolarisation du continent européen. Les États-Unis ont certes proposé ce plan de redressement à tous mais en espérant un refus des Soviétiques,
car leur stratégie est déjà atlantiste et le gouvernement
américain ne se fait plus d’illusions sur l’évolution de la
situation européenne. D’ailleurs l’aide Marshall repose
sur une exigence américaine: la mise en œuvre d’une coopération européenne afin de répartir l’aide. La mise en place
d’une solidarité économique et de structures de concertation permanentes en Europe occidentale semble au
département d’État américain le plus sûr moyen d’empêcher une propagation soviétique à l’ouest du continent
européen.
C’est pour répondre à cet impératif qu’est organisée
la conférence de Paris sur la coopération économique
européenne en juillet 1947, sévèrement critiquée par Molotov, le ministre des Affaires étrangères soviétique. Renonçant à mettre en place une union douanière sur le modèle
du Benelux, les participants créent un organisme de coopération intergouvernemental, l’OECE, rejoint par quinze
pays d’Europe ainsi que la Turquie et l’Allemagne occi3
dentale. Limité dans son action par la règle de l’unanimité, cet organisme œuvre à la facilitation des échanges
intra-européens et permet la création d’une Union européenne des paiements pour rendre les monnaies européennes convertibles entre elles. En 1960, après l’adhésion des États-Unis et du Canada, elle devient
l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
➜ Fiche 3, p. 19
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La CECA, un rapprochement francoallemand (caricature britannique, Punch,
1950)
Cette caricature est parue dans le journal satirique britannique Punch, véritable institution de l’humour britannique, qui a cessé de paraître en 2002. Intitulée le « Pont
de la concorde », ce dessin représente Robert Schuman
installant une barre d’acier portant l’inscription « plan
charbon et acier » et permettant de relier les deux bords
du gouffre du « soupçon » et de la « méfiance » le séparant du chancelier allemand Konrad Adenauer.
Le projet de Communauté européenne du charbon et
de l’acier, connue sous le nom de « plan Schuman », est
en fait autant l’œuvre de Jean Monnet que celle de Robert
Schuman. Le 9 mai 1950, ce dernier fait une déclaration
qui fait l’effet d’une bombe tant le secret a été bien gardé.
Il annonce le projet d’une coopération sectorielle forte
entre la France et l’Allemagne.
Les motivations françaises reposent essentiellement
sur la volonté de neutraliser la puissance militaire germanique en mettant en œuvre la réconciliation franco-allemande sur la base d’une mise en commun de deux secteurs stratégiques de l’industrie lourde : la production de
charbon et celle d’acier. Il s’agit aussi de se doter des outils
nécessaires pour éviter que les efforts de reconstruction
n’aboutissent à une crise de surproduction. Le plan Schuman présente en outre l’avantage d’ancrer définitivement
la République fédérale d’Allemagne (RFA) au monde occidental libre. Aussitôt accepté avec enthousiasme par le
chancelier allemand Konrad Adenauer, qui y voit l’occasion de reprendre le contrôle des ressources minières et
sidérurgiques de la Ruhr (alors gérées par une Autorité
Internationale de la Ruhr réglementant la production et
sa répartition au profit de la France) puis par l’Italie et les
trois pays du Benelux, le projet conduit à la signature du
traité de Paris instituant la Communauté européenne du
charbon et de l’acier, le 18 avril 1951.
L’intégration sectorielle reste partielle, puisque confinée à deux secteurs de production, mais profondément
fédérale. Une Haute Autorité de neuf membres, indépendants des États qui les ont nommés, prend les décisions
économiques, tandis qu’une assemblée de 78 parlementaires encadre les travaux de cette Haute Autorité. L’optique
fédéraliste l’emporte nettement dans ce cadre institutionnel. C’est Luxembourg qui est choisie pour accueillir
la Haute Autorité et la Cour de justice de la CECA, tandis
que l’assemblée commune siège à Strasbourg à l’instar de
l’assemblée consultative du Conseil de l’Europe.
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Commentaire des transparents
En France, la ratification s’avère délicate. Les députés
communistes s’opposent à toute idée de communauté
européenne, jugée intrinsèquement hostile à l’Union soviétique, et les gaullistes sont très réticents envers le caractère supranational de la Haute Autorité. Au cours des
débats, le gouvernement doit même poser par deux fois
la question de confiance.
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Contre le danger soviétique :
la Communauté européenne de défense
(affiche du mouvement Paix et Liberté,
1951)
C’est à la fin de 1950 que le député radical-socialiste
de Seine-et-Oise et maire de Mantes Jean-Paul David crée
l’association anticommuniste « Paix et Liberté », dans le
but de contrecarrer l’efficace propagande du Parti communiste français, qui reçoit des renforts d’artistes de renom
comme celui de Pablo Picasso. L’association reçoit le soutien politique et financier du président du Conseil René
Pleven et profite d’autres généreux donateurs privés. Elle
publie des centaines d’affiches de contre-propagande pour
lutter contre le communisme et sensibiliser les Français
au danger soviétique. Si de nombreuses affiches sont simplement composées de textes virulents contre le Parti communiste, d’autres répondent aux affiches du PCF avec une
évidente qualité graphique et un talent humoristique qui
fait souvent mouche. L’affiche présentée ici appartient à
la campagne menée en faveur de la Communauté européenne de défense. Pour protéger l’éden occidental où
s’épanouissent les fleurs de la prospérité et de la liberté,
une innocente petite fille, symbole de paix, brandit un
parapluie aux couleurs des participants à la CED contre la
nuée menaçante de faucilles et de marteaux en provenance
d’URSS.
La Communauté européenne de défense est née sous
l’impulsion du gouvernement français de René Pleven afin
de contrer la volonté américaine de restaurer une armée
allemande après la première crise de Berlin. Le projet prévoit de calquer les institutions de la CED sur celles de la
CECA. Ce serait alors une avancée considérable pour les
partisans du fédéralisme européen. Une armée européenne
verrait progressivement le jour et l’Europe occidentale se
doterait d’une défense plus autonome vis-à-vis des Américains.
Le projet, ratifié par l’ensemble des partenaires européens, rencontre de profondes oppositions en France. Si
les « Cédistes » mettent en avant la fin des guerres civiles
européennes, le PCF joue la carte du nationalisme débridé
en agitant l’épouvantail du réarmement de l’Allemagne,
tandis que le RPF s’inquiète d’une perte de souveraineté
militaire de la France. Plusieurs fois amendé et progressivement vidé de sa substance supranationale, le projet de
CED connaît une fin sans gloire sous le gouvernement de
Pierre Mendès-France qui se refuse à soutenir le projet,
tandis que l’Assemblé nationale l’enterre sans discussion
le 30 août 1954. Le sentiment national plutôt qu’européen a prévalu et la peur du réarmement allemand est
encore plus prégnante qu’un danger soviétique encore
abstrait pour beaucoup de Français.
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