CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LA QUALIFICATION DÉMOCRATIQUE Les exigences de la démocratie CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Tableau d‘Alfred Bramtot (1852-1894) Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-281 LA QUALIFICATION DÉMOCRATIQUE Les exigences démocratiques conférence d’Éric Lowen donnée le 15/01/2009 à la Maison de la philosophie à Toulouse La démocratie est un régime politique contre-naturel, il demande donc un nombre d’exigences bien plus importantes que tous les autres régimes politiques, aussi bien sur le plan individuel et collectif, social et citoyen. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 2 LA QUALIFICATION DÉMOCRATIQUE Les exigences démocratiques PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Être démocrate, ce serait agir en reconnaissant que nous ne vivons jamais dans une société assez démocratique. Jacques Derrida (1930-2004) Le Monde de l'éducation - septembre 2000 I RÉGIME POLITIQUE ET EXIGENCES POLITIQUES 1 - La notion d’exigence en matière de régime politique 2 - Tout régime politique repose sur des exigences politiques 3 - Les exigences d’un régime politique sont définitionnelles et révélatrices de ce régime 4 - La démocratie se caractérise par une double différence en matière d’exigence 5 - Les exigences sont accrues par la contre-naturalité du régime politique II LES EXIGENCES DE LA DÉMOCRATIE 1 - Les exigences institutionnelles 2 - Les exigences téléologiques 3 - Les exigences sociétales 4 - Les exigences dirigeantes 5 - Les exigences citoyennes, la qualification citoyenne III LES EXIGENCES CITOYENNES, LA QUALIFICATION CITOYENNE EN DÉMOCRATIE 1 - Les exigences citoyennes, la qualification démocratique du citoyen 2 - Plus qu’un citoyen, un démocrate - la démocratisation du citoyen 3 - Les devoirs plus que légaux des démocrates 4 - Une conscience politique autonomisée (et pas seulement des opinions politiques) 5 - L’intérêt pour la chose publique, la res publica 6 - La recherche de l’intérêt commun et non la communautarisation de son intérêt particulier 7 - La compréhension de la démocratie, de son esprit, de son intérêt, de ses limites 8 - La compréhension tout aussi nécessaire des régimes non-démocratiques et anti-démocratiques 9 - La qualification de la réflexion politique, sans esprit critique pas de démocrate 10 - La conscience des pièges de la "déréflexion" politique 11 - La participation à la vie des institutions politiques 12 - La transposition de l’esprit démocratique au-delà du politique 13 - La recherche de la progression démocratique et la défense de la démocratie IV DÉMOCRATIE ET EXIGENCES DÉMOCRATIQUES 1 - La démocratie est le plus exigeant des régimes politiques 2 - Le haut degré de qualification démocratique est une spécificité de la démocratie 3 - Le défi de la démocratie implique une qualification démocratique des citoyens 4 - La qualification démocratique des citoyens, base de la vie réelle d’une démocratie 5 - Le démocrate, premier objectif politique d’une démocratie 6 - La perte des exigences démocratiques, origine du déclin ou du progrès des démocratie 7 - Autant la démocratie est une construction historique, autant le démocrate est une construction 8 - Ces exigences sont des devoirs politiques intradémocratiques 9 - Une importante limite ontologique de la Démocratie et des défauts des démocraties V CONCLUSION 1 - Mieux comprendre les exigences de la démocratie pour mieux démocratiser 2 - Par ses exigences et ses qualifications, la démocratie déborde du domaine politique ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 3 Document 1 : La prise de conscience de l’exigence démocratique n’est pas récente, elle se trouve déjà dans l’histoire de la démocratie athénienne. De tous les moyens indiqués pour assurer la durée des constitutions, le plus important et celui que tout le monde néglige actuellement, c'est un système d'éducation conforme au régime politique. On ne tirera en effet aucun profit des lois les plus bénéfiques, même sanctionnées par l'unanimité des membres de la cité, si ces derniers n'ont pas des habitudes et une éducation dans l'esprit de la constitution, de caractère démocratique, si les lois sont démocratiques, oligarchique, si elles sont oligarchiques : le manque de maîtrise de soi, en effet, peut exister chez un individu, et également dans une cité. Mais avoir reçu une éducation conforme à la constitution, c'est faire, non pas ce qui plaît aux oligarques ou aux partisans d'une démocratie, mais ce qui permettra aux uns d'avoir un gouvernement oligarchique et aux autres de se gouverner démocratiquement. Aristote (384-322 av. J-C.) Politique V, 1310 à 12-22 Document 2 : Exemple d’exigence démocratique, la question de l’éducation. Ainsi dans une démocratie, l’alphabétisation du démos est une obligation fondamentale. Ma prétention est de vous montrer que l’égalité d’éducation n’est pas une utopie : que c’est un principe ; qu’en droit, elle est incontestable et qu’en pratique dans les limites que je dirai, et en vertu d’une expérience décisive que j’ai principalement pour but de vous faire connaître, cette utopie apparente est dans l’ordre des choses possibles. [...] L’inégalité d’éducation est, en effet, un des résultats les plus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de la naissance. Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle, et l’égalité des droits est pourtant le fond même et l’essence de la démocratie. [...] Je ne viens pas prêcher je ne sais quel nivellement absolu des conditions sociales qui supprimerait dans la société les rapports de commandement et d’obéissance. Non, je ne les supprime pas : je les modifie. Les sociétés anciennes admettaient que l’humanité fût divisée en deux classes : ceux qui commandent et ceux qui obéissent ; tandis que la notion de commandement et de l’obéissance qui convient à une société démocratique comme la nôtre, est celle-ci : il y a toujours, sans doute, des hommes qui commandent, d’autres hommes qui obéissent, mais le commandement et l’obéissance sont alternatifs, et c’est à chacun son tour de commander et d’obéir. [...] Enfin, dans une société qui s’est donnée pour tâche de fonder la liberté, il y a une grande nécessité de supprimer les distinctions de classes. Je vous le demande de bonne foi, à vous tous qui êtes ici et qui avez reçu des degrés d’éducation divers, je vous demande si, en réalité, dans la société actuelle, il n’y a plus de distinction de classes ? Je dis qu’il en existe encore ; il y en a une qui est fondamentale, et d’autant plus difficile à déraciner que c’est la distinction entre ceux qui on reçu l’éducation et ceux qui ne l’ont point reçue. Or, Messieurs, je vous défie de faire jamais de ces deux classes une nation égalitaire, une nation animée de cet esprit d’ensemble et de cette confraternité d’idées qui sont la force des vraies démocraties, si, entre ces deux classes, il n’y a pas eu le premier rapprochement, la première fusion qui résulte du mélange des riches et des pauvres sur les bancs de quelque école. Jules Ferry (1832-1893) Conférence, 10 avril 1870 au profit de la Société pour l’instruction élémentaire Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 4 Document 3 : L’apprentissage de la philosophie, gage de liberté, et peut-être même gage d’esprit démocratique. Enfin, l’enseignement de la philosophie dans les lycées est plus que jamais opportun, et plus conforme que tout autre à l’esprit des temps nouveaux et à la nature des institutions libres. Nous n'avons pas besoin d'insister sur ce point. Esprit philosophique et esprit de liberté sont deux mots synonymes. La philosophie, en ce qui concerne l'homme, n'est que le commentaire de la démocratie. Vous êtes tous libres, tous égaux, tous frères : voilà le langage que la philosophie tient à la jeunesse, et non seulement elle dit cela, mais elle l'explique et le prouve sous toutes les formes, au nom du sentiment et de la raison. C'est pour cela que toutes les fois qu'un gouvernement se fait tyrannique, la philosophie ne manque pas d'être la première victime. Nul, mieux que le despotisme, n'a le secret de cette logique profonde qui veut que la liberté et l'égalité suivent, surtout en France, la liberté de la pensée. Pour nous, au contraire, qui venons de rompre avec les dernières traditions du despotisme, ce que nous avons à former, ce sont des esprits libres et fermes, libres par principes, fermes par conviction, faits pour vivre sous une république qui reconnaît et confère à l'individu la plus haute valeur. Or, les principes, où la jeunesse peut-elle mieux les puiser qu'au sein d'un enseignement régulier, auquel rien ne supplée que d'une manière insuffisante, faute de préparation méthodique ? Des esprits libres, disons-nous, c'est-à-dire qui ne relèvent que d'eux-mêmes, des esprits convaincus, et qui se rencontrent dans une certaine unité de doctrines, voilà ce que veut l'État Il doit donc encourager et fortifier les études philosophiques. Il ne convient pas que la patrie de Descartes devienne exclusivement industrielle. La défaite des forces de la matière est sans doute encore un triomphe de l'esprit humain, mais il ne faut pas qu'il s'oublie dans ce triomphe, et qu'il se laisse dominer et affaiblir par les charmes enivrants de la conquête. Une ère nouvelle de combats et de luttes, avant l'ère plus heureuse de la pacification, va s'ouvrir ; ne négligez rien, nous vous en supplions, de ce qui contribue à faire des hommes ; plus que jamais, à cette heure solennelle, la vérité et la France en ont besoin. Amédée Jacques Amédée Jacques (1813-1865) De l’enseignement de la philosophie dans les lycées nationaux, “La Liberté de penser”, avril 1848 Document 4 : Henri me regarde d'un air menaçant : “Vous admettrez quand même que ça valait largement cette vacherie de social-démocratie. - Possible ! - Non, pas possible, certain ! Nous avions tout en ce temps-là : monnaie stable, pas un seul chômeur, une économie florissante et le respect du monde entier. Monsieur va peut-être me soutenir que je suis un menteur ? - Je n'irai pas jusque-là. - Content de vous l'entendre dire. Et aujourd'hui qu'avons-nous ? - Pagaille, cinq millions de chômeurs, une économie de flibustiers et la guerre perdue. Ma réponse laisse Henri tout pantois. Il n'en revient pas d'avoir si facilement le dernier mot. «Je ne vous le fais pas dire, s'écrie-t-il. Aujourd'hui on est dans la merde, autrefois on pétait dans la soie. Je vous laisse le soin de conclure. - Puisque vous me permettez... - C'est pourtant simple, non ? Il nous faut un nouvel empereur et un gouvernement national convenable. Voilà ! - Halte ! dis-je. Vous oubliez un détail. Un mot manque à l'appel, très important, la locution conjonctive parce que. C'est là que gît le lièvre ; vous avez la mémoire courte, monsieur Kroll. Ça permet aujourd'hui à des millions de faquins de ramener leur grande gueule et d'emboucher le clairon. Deux petits mots : parce que. - Quoi ? demande Henri qui tombe des nues. - Parce que, l'expression parce que. Nous avons aujourd'hui cinq millions de chômeurs, l'inflation et la défaite parce que nous avons eu auparavant votre cher gouvernement national. Parce que ce gouvernement, dans son délire de conquête, a fait la guerre. Parce que, cette guerre, il l'a perdue. C'est pourquoi nous sommes aujourd'hui dans cette merde dont vous parliez si bien tout à l'heure. Parce que nous avions comme gouvernement vos chères têtes de bois et vos guignols en uniformes. Et loin de les rappeler pour améliorer la situation, il faut éviter comme la Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 5 peste leur retour, parce qu'ils nous foutraient tout droit dans une autre guerre et dans une nouvelle merde. Eux et vos collègues disent : autrefois c'était le bon temps, aujourd'hui tout va mal, donc vive l'ancien régime. En réalité il vaudrait mieux dire, : aujourd'hui ça va mal parce que nous avions autrefois ce con de régime... donc qu'il aille au diable ! Vous m'avez saisi ? Et le petit mot parce que ? Il est entré dans votre crâne ? Vos collègues ont trop tendance à l'oublier, monsieur Kroll. Erich Maria Remarque (1898-1970) L’Obélisque noir, 1956 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 6 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. 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Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 7 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Conférences sur la démocratie - Qu’est-ce que la démocratie ? l’esprit de la démocratie - Histoire de la démocratie et générations démocratiques - L’invention de la démocratie, de la perpétuelle invention de la démocratie - Démocratie et humanisme, introduction au démocratisme humaniste - Démocratie et laïcité, de la laïcité comme exigence démocratique - Les limites ontologiques de la démocratie - La qualification démocratique, les exigences démocratiques - La démocratie, projet politique ou projet civilisationnel ? - La désobéissance civile, nouvel outil démocratique 1600-204 1600-202 1600-205 1600-141 1600-172 1600-280 1600-281 1600-282 1600-244 Conférences sur des notions présentées dans cette conférence - La conquête des Libertés - Connaissance et liberté, ignorance et servitude - Qu’est-ce qu’une révolution - La libre pensée, penser par soi-même ! - L’art du doute - Éloge de la raison - Savoirs, médias et informations, les nouvelles structures du pouvoir 1600-167 1600-166 1600-130 1600-153 1600-154 1600-152 1600-142 Quelques livres et revues sur le sujet - Le rêve démocratique de la philosophie, Patrice Vermeren, L’Harmattan, 2001 - Histoire d’une démocratie : Athènes, Claude Mossé, Éditions du Seuil, 1971 - Démocratie et Totalitarisme, Raymond Aron, 1965 - L’obélisque noir, Erich Maria Remarque (1956), Plon, 1969 - Après, Erich Maria Remarque (1931), Gallimard - De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville (1836), Folio - La politique, Aristote (4ème siècle avant JC), Librairie philosophique J. Vrin, 1995 Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-281 : “La qualification démocratie, les exigences de la démocratie” - 15/01/09 - page 8