Spécial colloque COLLOQUE SUR LA PREPARATION MENTALE Seyssins le 16 octobre 2009 La psychologie du sport est peu abordée dans nos colonnes alors qu’elle suscite un vif intérêt depuis quelques années. C’est sans doute pourquoi le thème de la préparation mentale a mobilisé un nombre inégalé de participants à ce type de colloque technico-médical, puisque nous avons largement dépassé la centaine. Tous ont pu apprécier la qualité des intervenants qui a largement répondu aux attentes du public. Nous présentons nos excuses pour l’absence des champions qui figuraient sur notre annonce. Nous tenons à remercier profondément Laure Péquegnot qui s’est rendue disponible au pied levé. Mention spéciale à Pascal Silvestre qui nous a proposé un magnifique duo avec Laure, aussi riche qu’original. Merci à Nicolas Coulmy qui est venu présenter les travaux menés par la FFS en lieu et place d’Emilie Baudoin, empêchée. Ce dossier est constitué des communications transmises par les acteurs. Certains nous ont laissé un document exclusif très complet ; d’autres ont restreint leur texte à une ou deux pages ; enfin nous avons récupéré les supports de la présentation orale des derniers. Qu’ils soient tous remerciés pour leur participation et la passion dont ils ont tous fait preuve. Gérard GAUTIER Sont intervenus : - Annick Barthalais (Enseignante, membre de la SFPS) «Les travaux précurseurs du Dr André Bouvet» - Virginie Jacob (Psychologue du sport): «De la préparation psychologique à la préparation mentale» - Raphaèle Blum (Coach/Préparateur mental) : «La préparation mentale chez les catégories jeunes en ski alpin» - Jean-Philippe Heuzé (Enseignantchercheur) : «L'efficacité du psychologue selon les athlètes» - Emilie Beaudoin (Psychologue du sport) : Présentation du travail de la commission FFS « Développement des habiletés mentales et suivi psychologique des athlètes » - Luc Guibbert (psychologue du sport) «Une stratégie d'intervention pour la préparation des JO de Turin (ski de bosses)» - Bertrand Donzé (Entraîneur de l’équipe universitaire haut-niveau) «L’entraîneur d’escalade face à la peur du grimpeur» - Pascal Silvestre (Entraîneur au Comité de Savoie, ex-coach du groupe technique féminin france) Crédit photos : J.C. LIPRANDI et B. COUTURIER “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” 1 EN INTRODUCTION À LA JOURNÉE SUR LA PRÉPARATION MENTALE Par Annick BARTHALAIS « Un skieur sans tête… çà n’existe pas… un entraîneur sans tête, çà n’existe pas et la technique du ski… implique la mise en jeu de nombreux processus mentaux ! » 2 Le Dr Andrè Bouvet avait déjà compris l’importance des facteurs psychologiques dans la performance des skieurs, il y a près de… 50 ans (eh oui !) et il aurait été heureux de voir un tel rassemblement d’entraîneurs… intéressés par le thème de la préparation mentale. « Au début… le muscle a été privilégié par rapport au cerveau et la médecine s’est attachée à la biomécanique et à la physiologie délaissant les facteurs plus subtils et plus mystérieux du comportement. … Mais on ne peut plus ignorer la part qui revient aux facteurs psychiques dans la réussite ou l’échec en compétition… » (BMS n° 37, 1979) Le domaine psychologique apparaît un peu comme mystérieux pour le monde sportif, Andrè. Bouvet met en garde contre les « gourous » qui pourraient être néfastes pour les athlètes : « Il est tentant de faire appel au « sorcier » qui pourrait exploiter les pouvoirs de l’esprit par quelques opérations magiques et conduire l’athlète aux plus hautes marches du podium » Par son action, et celles de la Commission médicale, il va tenter de démystifier cette thématique, en s’appuyant sur des connaissances scientifiques, et en invitant les entraîneurs à se former pour optimiser les performances de leurs athlètes. Au delà des objectifs classiques (prévention des blessures, surveillance, soins..) la Commission Médicale met en place une démarche scientifique novatrice pour contribuer à l’amélioration de la performance des skieurs. Différentes recherches sont initiées pour étudier les facteurs physiques, physiologiques et psychologiques de la performance en ski alpin. Les connaissances scientifiques (dans tous les domaines) sont mobilisées. Des intervenants spécialistes sont sollicités (E. Ruchpaul, P. Baleydier, M. Lévêque, M.C.Lobrichon, J. Roget…) Les résultats sont diffusés par le Bulletin Médical du ski, par des communications (dès 1965 à Rome au premier congrès international de psychologie du sport) et par des actions de formations des entraîneurs. N° 72 - Décembre 2009 Spécial colloque Identifier les facteurs de la performance de haut niveau nécessite de comprendre le fonctionnement psychologique du skieur, de connaître les processus psychologiques indispensables à l’apprentissage de la technique. FACTEURS LIMITANTS PROFIL DE PERFORMANCE FACTEURS DE REUSSITE Bulletin médical n° 38, 1980 INTELLIGENCE Q.I. +, vivacité, analyse Q.I. -, lenteur déficiente Instabilité des temps de réaction MEMOIRE APTITUDES SENSORIMOTRICES Sélective, topographique Rapidité perceptive sens kinesthésique APPRENTISSAGE CONTROLE EMOTIONNEL hyperémotivité anxiété Médiocre Faible REGULATION TONIQUE RESISTANCE AU STRESS Maîtrise calme Stable ajustée élevée FORCE DU MOI Névrosisme, renoncement Problèmes relationnels Confiance en soi, adaptabilité sociale, conduite réfléchie Faible, instable, à court terme MOTIVATION NIVEAU D ’ ASPIRATION bas objectif à long terme détermination, persévérance élevé Cela passera par la recherche : la Commision Médicale va innover et utiliser différents outils d’évaluation ; les skieurs des équipes de France (et aussi les plus jeunes) passent à une batterie de tests particulièrement adaptés. •Test de personnalité : - QPS de Thill - Test des couleurs de Luscher - Entretien individualisé •Aptitudes psychomotrices : - Test de Macquarie (aptitudes visuo motrices, représentation spatiale - Temps de réaction (signal auditif, visuel membres inférieurs) - Labyrinthe enregistreur (mémorisation) •Contrôle émotionnel : -Trémomètre Ces travaux vont permettre de définir un profil de performance du skieur de haut niveau. Différents profils de personnalité existent selon la discipline (M. Lévêque, C. Bourbon) mais des ressources intellectuelles certaines s’avèrent indispensables. La maîtrise émotionnelle est très importante chez les champions, et le test du trémomètre met en évidence la progression parallèle (voire superposable) de la performance, des points FIS et des résultats au test. Différentes techniques de relaxation sont intégrées à l’entraînement dès les années 60… (yoga, hatha yoga pour les champions). G. Perillat affirme : « en 1965 je suis venu au yoga. J’en faisais chaque jour… C. Bozon, B. Orcel, JC. Killy, le pratiquaient aussi ». Ces techniques sont adaptées aux tempéraments, à la personnalité de chaque coureur et chacun y trouve un intérêt : une meilleure concentration, et récupération (A.Famose), une meilleure gestion de l’influx, et plus de souplesse (G. Perillat), la connaissance de soi, un bon contrôle de la respiration et du tonus musculaire (I. Lafforgue) (BMS n° 43) Il y a une réelle volonté de collaborer avec les entraîneurs. Pour A. Bouvet, l’intervention psychologique «… elle est affaire de l’entraîneur. Il lui appartient de bien connaître le caractère de ses skieurs, de créer un climat de confiance et d’émulation, d’intégrer dans l’entraînement des techniques de relaxation et d’entraînement mental » (BM n° 39, 1980) Les skieurs les plus performants ont des aptitudes visuo-motrices excellentes ; leur capacité de mémorisation est rapide (mémorisation spatiale, rythmique…) et ils sont très “imageants” (très bonne représentation mentale des actions et situations). D’autres facteurs ont un impact sur la performance. La qualité de l’apprentissage, l’encadrement technique, l’environnement affectif et relationnel, le contexte scolaire et/ou professionnel, la cohérence de la politique sportive tout au long de la carrière ont un impact sur la motivation.. Il semble que la dimension psychologique de la performance soit mieux prise en compte actuellement. « Les échecs ou les rejets de la part du milieu tiennent souvent au caractère insolite ou agressif d’expériences parachutées, ou à des psychologues de laboratoire ou de formation trop exclusivement universitaire, ou encore à des attitudes de méfiance ou d’hostilité de l’encadrement sportif. » (BMS n° 37, 1979) Ces travaux vont permettre l’évaluation psychologique des skieurs et le suivi de leur évolution au cours de la carrière. Leurs résultats sont confrontés aux observations des entraîneurs et veulent être une aide à l’entraînement. André BOUVET Médecin, neuro-psychiatre, skieur Président la Commission Médicale de la Fédération Française de Ski à de nombreuses reprises, jusqu’en1988 Un pionnier en psychologie du sport : orientations et actions novatrices de la Commission Médicale “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” 3 Spécial colloque Les difficultés identifiées par A. Bouvet ne sont peut être pas toutes balayées, mais la communication et l’information circulent mieux. « C’est un problème de relation et de communication entre les trois intéressés : psychologue-entraîneur-athlète. Relation triangulaire qui implique : a) que le psychologue soit qualifié et ait une bonne connaissance de la discipline sportive en question… b) que le milieu sportif soit sensibilisé à l’approche psychologique.» (BMS n° 37, 1979) nement concerné… qu’il développe à l’entraînement les habiletés mentales du skieur (traitement de l’information, mémorisation, contrôle émotionnel…) et qu’il tienne compte du contexte et de l’environnement relationnel, professionnel. C’est un tout, qui permet au skieur d’être en confiance et d’exprimer au mieux son potentiel. Annick BARTHALAIS Enseignante, Membre de la SFPS BE 3 entraîneur ski alpin Et j’ajouterai…qu’il est nécessaire que l’entraîneur se sente plei- Bibliographie Le Bulletin Médical du Ski (BMS) : N° 37, 1979 A. BOUVET : psychologie du sport (1). N° 38, 1980 A. BOUVET : la personnalité du skieur. N° 39, 1980 A. BOUVET : psychologie du sport (2). N° 40, 1981 C. BOURBON : la personnalité de l’athlète féminine. J.P. HERRY : surveillance médicale SSE Chamonix (bilan psychologique). N° 41, 1982 A. BOUVET : les motivations. N° 42, 1983 A. BOUVET : méthode de relaxation au service des sportifs. N° 43, 1983 A. BOUVET : relaxation yoga, parole des champions. N° 44, 1984 M. LEVEQUE : propos du psychologue. A. BOUVET : les effets psychologiques de l’échauffement. N° 45, 1984 D. ROQUES : résumé de thèse. N° 49, 1986 R. CHAUVIER, formation et pouvoir pédagogique. - A. BOUVET, Activités sportives et maturation de la personnalité chez l’enfant (Société Française de Psychologie du Sport et de l’Education Corporelle, ANNECY 1985). - A. BOUVET, L’évaluation des jeunes espoirs (Entraînement du compétiteur de haut niveau, Colloque ALTITUDE, GAP 1985. - A. BOUVET, Perception et mémorisation de l’espace chez le sportif. 3ème Congrès international de psychologie du sport, 1987, Paris. R. Krzentowski, Aspects médico psychologiques du ski alpin de compétition, 197. - A. BARTHALAIS, Ski alpin : la préparation psychologique de la compétition, Mémoire INSEP, 1988, BE 3ème degré. - C. BOURBON, La personnalité de l’athlète féminin de compétition de haut niveau, spécialisé dans l’épreuve de descente en ski alpin. 1981. - L. CRESTE, Aspects psychologiques du sportif : application au ski alpin de compétition, 1984. - J.P. HERRY, Apprentissage et mémoire topographique du skieur de compétition, 1976. - D. ROQUES, Test de Macquarie, épreuve du trémomètre, inventaire de personnalité d’Eysenck, dans le cadre du bilan médico-psychologique du sportif de compétition de haut niveau, 1983. - J. TREVELO, Apport de la psychologie à l’entraînement et à la pédagogie du ski de compétition Mémoire INSEP, 1976. Article sur le colloque paru dans le DAUPHINE LIBERE du 21 octobre 2009 4 N° 72 - Décembre 2009 DE LA PRÉPARATION PSYCHOLOGIQUE A LA PRÉPARATION MENTALE Par Virginie JACOB DALLA COSTA -La performance et le mental sont des termes de plus en plus associés dans le discours sur le sport. Il est apparaît maintenant comme une évidence qu’un sportif pour réussir, être performant a besoin non seulement de physique, de technique mais aussi d’un mental pour gagner. Malheureusement, nous rencontrons peu de sportifs qui consultent un psychologue du sport, préparateur mental ou autre spécialiste, dans le but d’améliorer sa performance actuelle. Bien souvent, c’est quand tout va mal, lorsque le corps ne répond plus, lorsque la tête ne suit plus… que l’athlète s’interroge sur son mental… Il cherche alors une solution à ses difficultés, sorte de potion magique qui lui permettrait de goûter de nouveau à la performance. Hors, tout comme le physique se travaille, le corps se modèle, le « mental » se prépare, s’entraîne. Attention cependant à ne pas considérer les techniques de préparation mentale comme une solution miracle à d’autres difficultés plus personnelles, plus « psychologiques ». Préparation psychologique / préparation mentale sont, pour moi, deux approches complémentaires. “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” DEFINITION Comment définir ses deux types de préparation : Par préparation psychologique j’entends : l’individu (en l’occurrence sportif) pris dans son environnement. L’environnement c’est bien entendu l’environnement sportif mais également la cellule familiale, les relations affectives, les relations amicales, la scolarité ou la profession… Le sportif n’est pas qu’un sportif. Il a une vie à côté. Le rôle du psychologue est de comprendre comment le sportif parvient à trouver un équilibre entre le sportif et l’homme, la femme qu’il est dans la société. Les difficultés rencontrées sur le terrain sportif sont parfois le simple reflet de difficultés rencontrées ailleurs : « Je vis un conflit dans mon couple... je ne parviens plus à être aussi concentré à l’entraînement. » « A chaque difficulté que je dois dépasser, je n’y arrive pas. J’ai peur et je fais des contre performances. Et pourtant j’ai appris des techniques de gestion du stress… cela ne marche pas ! Petit, j’étais déjà comme ça. J’ai marché très tard » « je ne parviens pas à dépasser la place de 5 en coupe du monde. Dans ma tête, dès que je suis devant je lâche. Mon frère lui est devant, c’est un champion. Moi, je ne parviens à le battre qu’à l’entraînement »… Ces exemples vous permettront de comprendre très simplement le lien entre performance et difficultés psychologiques. La préparation psychologique repose essentiellement sur des entretiens de face à face cliniques. Elle peut parfois s’accompagner de tests de personnalité notamment. Lors de ses entretiens, le psychologue fait une sorte d’état des lieux. Il cherche à comprendre l’individu dans sa globalité. Il l’interroge donc sur sa famille, sur ses loisirs, globalement sur ce qu’il vit en dehors du sport. Il s’intéresse aussi à la manière dont il vit, pratique son sport. Le but est de pointer à la fois les ressources et les difficultés que l’individu a à sa disposition. Il s’agit aussi d’amener la personne à mieux se connaître. D’ailleurs une meilleure connaissance de soi permet parfois d’atténuer des doutes sur ses capacités. 5 Spécial colloque La préparation mentale renvoie essentiellement à la pratique sportive. Cette préparation intéresse plus la compétition mais elle peut parfois agir sur les comportements à l’entraînement (exemple : la concentration à l’entraînement). Nous pouvons mettre dans le catalogue préparation mentale les notions suivantes (liste non exhaustive) : - stress et gestion du stress, - travail sur la concentration, - la confiance en soi, - l’agressivité (j‘entends bien sûr la bonne agressivité), - la gestion des émotions (agressivité « la mauvaise », l’énervement, l’abattement,….), - les pensées positives, - le travail sur la récupération (physique et mentale), - l’amélioration des gestes techniques, - préparation à une performance sportive, - entretien de la motivation … Différentes techniques sont utilisées en préparation mentale. Cependant, chaque technique utilisée varie aussi d’un préparateur mental à l’autre, mais surtout d’un athlète à un autre. En fait, même s’il y a une base théorique, une trame sur la technique utilisée, le vécu de l’athlète (les mots employés, sensations ressenties) va induire des variations. Attention cependant : ce n’est pas parce qu’on fait régulièrement de la préparation mentale que l’on va devenir champion du monde. La préparation mentale seule ne fait rien car comme je le répète souvent aux athlètes et entraîneurs avec qui je travaille « on ne fait pas d’un âne un cheval de course, ni même d’un coureur du dimanche un marathonien chevronné ». La préparation mentale doit être envisagée comme un complément, un petit plus à l’entraînement physique, technique, tactique. DE LA PREPARATION PSYCHOLOGIQUE A LA PREPARATION MENTALE Comment s’effectue le lien entre ces deux types de préparation ? Lorsque un sportif franchit pour la première fois le palier de mon cabinet c’est bien souvent parce qu’il rencontre une difficulté dans son sport. Cependant, consulter un psychologue, même spécialisé dans le sport, reste encore marginal, voire tabou. « Voir un psychologue ? Mais je ne suis pas fou ! » reste aujourd’hui une des ré- 6 ponses que des sportifs font. Cette attitude résulte souvent d’une méconnaissance du travail que peut faire un psychologue dans le sport et des apports de cette collaboration tant dans le domaine du bien être, du plaisir pris à pratiquer son sport que dans l’amélioration de la performance. Les difficultés qu’avancent les sportifs ne sont pas toutes du domaine de la psychopathologie, de la psychiatrie. Loin de là ! Leurs demandes sont particulièrement intéressantes dans le sens où elles relèvent souvent de la préparation psychologique ET de la préparation mentale. Souvent, la demande du sportif porte sur la préparation mentale. Il veut apprendre des techniques pour être plus performant. Le premier entretien s’avère fondamental afin de déterminer quelle sera la nature du travail à effectuer. LES PRINCIPALES DIFFICULTES MENTALES CHEZ LE SPORTIF Le stress Le stress est une réaction normale de l’organisme. Il indique déjà que le sportif est prêt mentalement pour la compétition. Cependant, trop de stress peut s’avérer néfaste et entraîner une diminution des performances. Il existe des techniques de régulations des émotions. Ces dernières peuvent ne pas suffire. Dans ce cas, il s’agit de comprendre les raisons psychologiques de la venue du stress et sa difficulté pour le gérer. En effet, si le problème de stress du jeune sportif vient de sa relation avec son entraîneur, celui-ci étant trop autoritaire, trop exigeant, les techniques de gestion de stress s’avèreront inefficaces sur la durée. Il s’agit avant tout de s’intéresser au vrai problème, sachant que derrière un problème relationnel, de communication ou autre avec l’entraîneur peut se masquer un conflit latent avec la famille (notion de transfert). La confiance en soi Le manque de confiance est un problème plutôt fréquemment rencontré par le sportif, et ceci, quel que soit son niveau. Dans le sport, croire en soi, en ses possibilités est fondamental. La confiance nous permet d’oser prendre des risques, de faire des choix, d’aborder une compétition plutôt sereinement… Ainsi, pour attaquer, un cycliste doit avoir un minimum de confiance en soi. Sinon, il se contente de suivre le mouvement. Il fera peut être des places mais gagnera rarement avec des gens de son niveau. La confiance intervient aussi dans l’apprentissage d’un geste, notamment lorsqu’il s’agit d’abandonner un vieil automatisme pour en acquérir un autre plus performant. Tel nageur pour espérer monter de niveau devra parfois apprendre une technique un peu différente dans sa gestuelle et accepter alors d’être moins performant pendant ce temps d’apprentissage. Tout est histoire de confiance en soi, en son potentiel, mais aussi, en son entraîneur. Le travail sur la confiance est parfois long car il résulte assez souvent de l’éducation reçue par nos parents mais aussi par nos premiers entraîneurs, éducateurs. Il s’agit aussi en parallèle d’apprendre au sportif manquant de confiance à changer son discours sur lui : avoir un discours plus positif. La concentration Se concentrer au moment opportun permet bien souvent au sportif d’optimiser ses performances. Tel biathlète lors du tir devra parvenir à se mettre dans sa bulle, tel basketteur au lancer franc, tel tennisman au service, tel grimpeur dans l’ascension de sa voie. Là aussi, il existe des techniques pour apprendre à mieux se concentrer. Mais il est aussi important de se connaître et d’évaluer ce qui peut perturber notre concentration, ce peut être des problèmes dans notre vie quotidienne (soucis scolaire, difficultés relationnelles, problèmes de couple…) La démotivation La motivation est la clé principale de la réussite. Elle nous permet de vivre les contraintes de l’entraînement de manière moins difficile. Elle est aussi une aide précieuse pour notre progression, pour nous fixer des objectifs et les atteindre. La plupart du temps elle reste globalement stable sur la saison. Cependant, il peut arriver que l’envie disparaisse, s’amenuise : il n’y a plus de plaisir. Parfois, la démotivation conduit à l’abandon de l’activité. Les raisons de cette démotivation: des entraînements trop difficiles, routiniers, un entraîneur trop autoritaire, une ambiance trop compétitive dans l’équipe, une pression trop présente, une fatigue physique ou/et émotionnelle, … Le psychologue va chercher à comprendre comment le sportif est arrivé à cet état là et l’aider progressivement à retrouver ce qui lui plaît dans ce sport, pour enfin reN° 72 - Décembre 2009 Spécial colloque nouer avec LE PLAISIR DE FAIRE SON SPORT ET la performance. Cependant, parfois, l’athlète découvre que le choix de son sport ou la manière de pratiquer son sport ne lui correspond pas, n’est pas véritablement son choix mais celui de ses proches. Il stoppe ou change d’activités mais de manière consciente. exemple, un escrimeur menant au score qui, sans aucune raison, va changer sa tactique ou raccourcir son bras. Son adversaire va progressivement remonter et peut même inverser la tendance. Gagner entraîne parfois des conséquences qui ont plus de poids que la victoire en elle-même. La peur de perdre / la peur de gagner Ces deux peurs se masquent souvent derrière des manifestations du stress. Elles rendent inopérantes, sur le long terme, les techniques de gestion du stress. La peur de perdre est plus fréquente que la peur de gagner. Elle est souvent en lien avec une pression que le sportif se met ou qui lui est mise. Elle traduit aussi un manque de confiance en soi et une tendance à s’inférioriser. Elle entraîne une perte de lucidité, « un pétage de plomb » (comme disent certains sportifs), une rigidité dans la gestuelle, un comportement inadapté… Parfois la peur de perdre fait suite à une blessure ou à une succession de moins bonnes performances. Le sportif croit qu’il n’est plus à la hauteur, qu’il n’a pas retrouvé son niveau, que l’autre est forcément plus fort. Dans ce cas, un travail de discussion autour du résultat et de l’importance accordée à ce dernier, un travail sur la confiance en soi et sur des objectifs de comporte- ment amènera progressivement le sportif à relativiser. La peur de gagner est plus complexe. En effet, gagner n’est pas aussi simple que cela. Le sportif s’il veut gagner doit aller chercher sa victoire. Il faut mentalement être prêt. De plus cette dernière ne dépend pas uniquement de lui. Comment se traduit cette peur : c’est par “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” J’ai ainsi rencontré un judoka qui deux ans de suite faisait un podium aux championnats de France alors qu’il avait la possibilité de gagner. Mais, s’il gagnait, une place lui était offerte au pôle France et il ne souhaitait pas quitter sa famille. Pour lui, il était plus simple d’être second que de choisir entre partir pour éventuellement faire une carrière sportive et dans ce cas s’éloigner de chez lui ou faire le podium et rester auprès des siens (famille, amis, quartier…) . La perte de sensations La perte de sensations se rencontre plus spécifiquement dans les sports très techniques comme la gymnastique, le plongeon, le trampoline…Dans ce cas, ces sportifs parlent plus de perte de figure. Mais elle peut toucher aussi les autres disciplines : je l’ai notamment rencontrée chez un basketteur. Cette perte de sensation est associée à la gestuelle, le mouvement du corps dans l’espace, mais aussi au contact avec l’objet utilisé par le sportif. Ainsi ce basketteur ne « sentait » plus son ballon. Cette difficulté est souvent la conséquence d’une blessure, ou d’une chute douloureuse ou qui a provoqué de la peur (sorte de mini traumatisme). A son retour, le sportif est à la fois dési- reux de reprendre son activité mais aussi a peur de se reblesser ou de ne pas retrouver son niveau d’avant. Il s’agit alors de mettre en mots cette appréhension et de travailler à partir d’images positives. Le discours de confiance de l’entraîneur est aussi très important. Ce dernier accompagne le sportif dans la réappropriation de son corps, de son geste, de son sport. La perte de sensations peut aussi être un indicateur de la fatigue du sportif. C’est une sorte de signal d’alarme : gare au surentraînement ! Dans ce cas, le rôle du psychologue est d’apprendre au sportif à écouter son corps et à reconnaître les signaux d’alarme. La contre performance Un bon résultat, tout comme un mauvais résultat, est la conséquence d’une série de comportements adaptés, ou inadaptés, à la situation et aux événements. La contre performance peut être parfois d’origine psychologique. MAIS avant d’arriver à cette conclusion, il s’agit de se poser les bonnes questions : - Avant la compétition, physiquement est ce que j’étais prêt ? - Avant la compétition, comment étais-je techniquement ? - Tactiquement, ai-je fait des erreurs inhabituelles ? - Et sur le plan diététique ? Et sur le plan hygiène de vie ? - Ai-je des soucis dans ma vie de tous les jours ? (votre copain ou copine vient de vous quitter, ce n’est pas toujours évident d’être mentalement au top pour réussir sa compétition !) Un autre critère important avant de parler de psychologie c’est le caractère répétitif de ce type de contre performance. Ainsi, à chaque tournant de leur carrière, certains sportifs feront une ou plusieurs contre performances. Cette dernière peut dans ce cas exprimer leur appréhension de l’échec ou des conséquences que la réussite peut entraîner. Parfois ces contre performances sont plus délicates à analyser : ainsi elles peuvent traduire une colère inconsciente contre des personnes. Le sportif veut réussir mais ne peut pas inconsciemment le faire. Ainsi, certains sportifs seront contre performants pour « ne pas faire plaisir à leurs parents » ou « parce que pour leurs parents le sport ce n’est pas bien »… Le psychologue va, dans ce cas, les aider à prendre conscience de la raison qui les conduit à la contre performance pour les aider ensuite à résoudre leur conflit intérieur. 7 Spécial colloque En conclusion, il existe autant de raisons à la contre performance que de demandes concernant ce problème. La blessure Le psychologue peut intervenir pendant la période de la blessure car beaucoup de sportifs vivent ce moment comme une trahison de leur corps. De plus du statut de sportif, il passe à celui de patient. Il devient dépendant du corps médical alors que l’indépendance est souvent un trait de personnalité du sportif. Le psychologue l’aide à mieux accepter cette blessure. Il intervient aussi pour accompagner le sportif dans son retour progressif dans son activité. Mais la blessure peut aussi avoir un sens et traduire un mal être, un conflit, …, quelque chose de psychologique. Avant de faire cette conclusion, là aussi plusieurs critères doivent être pris en compte : Les problèmes médicaux : tous les examens nécessaires doivent être faits. J’ai mal quelque part, en 1 je prends rendez vous avec mon médecin. Une entorse mal guérie fragilise le membre touché. L’hygiène de vie : le sommeil, l’alimentation, le rythme de vie…, L’aspect répétitif et « bizarre » de ces blessures ou maladies : ainsi tel sportif avant chaque sélection, tombera malade, ou se foulera la cheville… 1 fois, 2 fois, cela peut arriver mais quand ces problèmes prennent un caractère répétitif la question du « psy » peut être posée et recherchée. La liste pourrait être longue encore car les demandes des sportifs sont très variées. CONCLUSION Comme vous l’aurez compris, préparation psychologique et préparation mentale sont 2 approches différentes ET complémentaires. Les sportifs, entraîneurs, parents seront très friands de techniques de préparation mentale. Mais attention de ne pas faire l’impasse sur les conflits psychologiques que peuvent rencontrer les sportifs. reposer s’avèrera beaucoup plus bénéfique. N’allez pas croire cependant que je suis opposée à la préparation mentale. Je l’utilise aussi dans mon travail avec les clubs, fédérations sportives. Pour moi, la préparation mentale a certes son utilité dans la quête de la performance mais il est important de se rappeler que chaque sportif est avant tout une personne unique avec une histoire, un vécu et que son histoire ne s’arrête pas à sa vie de sportif ! Virginie JACOB DALLA COSTA Psychologue, spécialisée dans le sport Sophrologie, préparation mentale [email protected] Je compare souvent la préparation mentale à l’aspirine que l’on prend quand on a mal à la tête. Si le mal de tête a comme origine un manque de sommeil, dormir, se En haut à gauche table ronde finale de gauche à droite : Laure Péquegnot, Pascal Silvestre, Raphaèle Blum, Jean-Philippe Heuzé et David Allemoz au micro En bas à gauche : Jean Louis VIDAL, Marcel CALVAT et Gérard GAUTIER Ci dessous :Marcel CALVAT animant la table ronde finale 8 N° 72 - Décembre 2009 LA PRÉPARATION MENTALE SUR LE TERRAIN CHEZ LES JEUNES SKIEURS EN SKI ALPIN Par Raphaèle Blum Préparateur psychologique/coach mental LE SKI DE HAUT NIVEAU Le ski alpin est tout d’abord un sport de glisse qui se pratique dans un environnement incertain et instable. C’est un sport d’équilibre et de déséquilibre en mouvement, le skieur doit ajuster en permanence les inclinaisons de son corps aux reliefs et aux variations des différentes forces s’exerçant sur les skis. C’est un sport d’intelligence en mouvement, car il implique une adaptation et une réadaptation permanente de sa gestuelle, de son équilibration, à tous les paramètres rencontrés. des émotions... Qui demandent au skieur d’être bon physiquement, techniquement Une habileté mentale est un « processus ou une technique permettant de contrôler ou diriger les pensées, les sentiments ou les émotions indispensables à la performance » (Smith, 1993). Ex : la relaxation, l’imagerie, le dialogue interne, la fixation d’objectif, l’orientation, l’attention…les habiletés mentales sont apprises et non observables : on observe ses manifestations. et mentalement. Lorsque nous observons deux skieurs de haut-niveau, tous deux très bon techniquement et physiquement, ce qui va les distinguer sont les habiletés mentales développées et la capacité à les utiliser et à les maîtriser à l’instant t. Ainsi, le ski est un sport d’habileté ouverte où le skieur est constamment en mouvance gestuelle; ce qui implique donc une intelligence gestuelle, de mouvement, qui doit permettre, en fonction des fondamentaux, des acquis techniques ainsi que du mental, de pouvoir s’adapter et se réadapter en permanence aux terrains instables. LA PREPARATION MENTALE Le ski de haut niveau requiert des capacités d’adaptation, de disponibilité, d’anticipation, de combativité, de concentration et re-concentration, de motivation, de gestion La préparation mentale est une préparation à la compétition par un apprentissage d’habiletés mentales ainsi qu’un accompagnement quotidien des skieurs pour attein- “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” dre la performance. La préparation mentale a donc pour objectif l’autonomie du sportif face à la production de performance en les amenant à avoir « du mental » c’est à dire à être capable de contrôler, de manière consciente ou inconsciente, son corps, ses émotions, ses processus de traitement de l’information et ses relations aux autres dans le but d’être performant. En travaillant son « mental », le skieur prend conscience de ses stratégies mentales de réussite, s’entraîne à les pratiquer tout comme la technique, le physique ou la tactique, afin de les automatiser et d’y avoir accès systématiquement dans la réalisation de l’objectif visé. 9 Spécial colloque Types Caractéristiques Le réformiste Cherche la perfection, réaliste, consciencieux, raisonnable, honnête, auto discipliné, fiable, haut sens moral (principe et rigueur). Attentionné, chaleureux, serviable, généreux, indulgent et sincère, se fait du souci pour les autres, répond aux désirs des autres. Energique, sûr de lui, optimiste, efficace, autonome, confiant. L’aidant Le battant L’artiste Motivation fondamentale Vivre de manière juste. Stress Se sentir aimé et estimé. Tendance à devenir possessif, manipulateur, jaloux. Réussir, être productif et éviter l’échec. Barre fixée haute. Tendance à devenir opportuniste, agressif, menteur, inconstant, à rechercher exagérément sécurité et honneurs. Il se croit nul : « on m’aime pas pour ce que je suis mais pour ce que je fais ». Tendance à devenir tourmenté, dépressif. Tendance à devenir intolérant, colérique, obstiné, pointilleux. Original, authentique, créatif, intuitif, raffiné, mélancolique, sensible. Difficulté à se positionner. Rien à faire des principes. Assoiffé de connaissance, curieux, analytique, capable d’une bonne perception, réservé, objectif, autonome. Chercher un sens à sa vie, être compris, être différent des autres. Chercher à tout savoir et tout comprendre, rester autonome. Tendance à devenir distant, sceptique, théorique. Le loyal Est responsable, dévoué, digne de confiance, engagé, courageux, doute souvent, anticipe les scénarios possibles. Cherche la sécurité. Tendance à devenir rigide, peureux, dépendant et agressif. Il a peur d’être trahi. Le généraliste Est un bon vivant, optimiste, charmeur, gai, curieux, spontané, enthousiaste. Déteste l’ennui ou ennuyer les autres. Avoir des activités agréables, apporter une contribution au monde, éviter la souffrance et la douleur. Tendance à devenir impulsif, dispersé, immodéré. Le leader Est puissant, dominant, courageux, combatif, protecteur, responsable, indépendant, sûr de lui, loyal, réaliste. Tendance à devenir violent, cassant. Le médiateur Cherche l’union avec les gens, réceptif, facile à vivre, paisible, patient et diplomate. S’adapte facilement. Se montrer fort, compter sur soi-même, agir dans son propre intérêt, être indépendant, relever les grands défis. Préserver la paix et éviter les conflits. L’observateur Tendance à devenir passif, indécis, inactif. « on me rejette quand j’exprime mon opinion ». Exemple de type de profil de personnalité des skieurs LA PREPARATION MENTALE CHEZ LES CATEGORIES JEUNES Sur le terrain, les skieurs s’expriment le plus souvent directement en termes : - D’énergie « je suis fatigué… j’ai la forme… », - D’émotion « j’ai peur de ne pas y arriver, de me faire mal …», - De traitement de l’information « je me suis déconcentré…», - De relationnel « subir son partenaire, communication avec l’entraineur, avec la famille » - De confiance « je n’ai pas confiance… j’ai confiance… ! ». Ils expriment un besoin concret ou un état lié à une situation qu’ils souhaitent soit modifier, soit reproduire. Il est donc important de leurs répondre en termes de compétences c’est-à-dire de savoir-faire, de corrections, de représentations et d’émotions, afin qu’ils puissent gérer leurs situations de façon la plus autonome possible. Cet objectif d’autonomie implique le savoir minimum concernant chaque compétence : la connaissance du « pourquoi ». Cela implique de savoir repérer ce qu’il 10 faut modifier ou reproduire, quel en est l’objectif et comment procéder pour modifier ou reproduire ? Par exemple: dans une manche, lorsque le skieur produit une erreur qui le déconcentre, il « sait » qu’il doit se « re-concentrer », son objectif est de se replacer et donc de traiter immédiatement l’erreur. Pour cela, des stratégies de concentration et de re-concentration auront été mises en place auparavant et intégrées (comme le discours interne, l’ancrage, la respiration) Ainsi, dès les catégories minimes-cadets et même avant, des bases mises en place seront constructives pour la suite. LA RELATION ENTRAÎNEUR / ENTRAÎNÉ 1- S’adapter aux différents profils des skieurs Les jeunes skieurs, en plus de leurs corps différents, de leurs passés différents, ont également des profils de personnalité différents. En effet, les entraîneurs gèrent des jeunes qui fonctionnent différemment, qui n’ont pas la même motivation, pas la même façon d’intégrer les informations, pas la même façon de fonctionner, pas la même éducation, pas la même autonomie… Par exemple, au départ d’une compétition, certains auront besoin d’être activés au départ et d’autres relaxés. Ainsi, face à ces différents profils, l’entraîneur doit adapter et individualiser ses interventions. 2- La communication verbale Mettre en place une communication constructive La communication est très importante dans la progression du skieur. Les entraîneurs se trouvent donc face à des leaders, des sensibles, des hyper actifs, des forces tranquilles, des stressés… chacun réagit différemment, et il est important pour l’entraîneur d’adapter sa communication. Certains chercheront à tout comprendre, d’autres à être le meilleur dans n’importe quel domaine, d’autres à s’amuser… Certains mots motivent ou peuvent avoir un effet motivateur pour certains et ces mêmes mots auront un effet destructeur pour d’autres. Par exemple, « si tu étais descendu à pied, tu serais allé aussi vite… », « Si tu n’es pas capable, tu rentres à la maison ». L’entraîneur doit privilégier une communication constructive adaptée aux différents skieurs. N° 72 - Décembre 2009 Spécial colloque Les consignes Le vocabulaire utilisé lors des entraînements et des compétitions a également un impact important sur la compréhension et la réalisation de la consigne. En effet, il est important pour l’entraîneur d’éviter dans les consignes ou les corrections les tournures négatives et/ou limitantes. « Essaie de ne pas t’asseoir… » ; « Si tu arrives à passer cette figure, ne laisse pas tes bras en bas », « ne regarde pas tes pieds » « ne dérape pas dans le mur»… Le skieur aura beau avoir bien saisi la consigne, il recommence, recommence encore et n’arrive pas à passer outre. Cela a tendance à énerver l’entraîneur qui prend cela pour un manque de concentration, de motivation, du je-m’en-foutisme… Or le cerveau n’entend pas la négation, l’entraîneur aura beau répéter la consigne, si celle-ci est négative, le skieur mettra beaucoup plus longtemps à l’intégrer et à l’exécuter. Ainsi, en reprenant les exemples ci-dessus « ne regarde pas tes pieds » « ne dérape pas dans le mur»… le cerveau retient et se représente « regarde, pieds », « dérape, mur »! Alors que si la consigne est « regarde devant », « appui au dessus de la porte », le cerveau retient les termes, et la consigne est intégrée et réalisée très rapidement. De plus, les tournures limitantes comme « essaye de… », « si tu arrives… », amènent un élément déterminant aux skieurs qui est : « ce n’est pas sûr » ; la notion de doute. Cela implique qu’il n’y arrivera peut être pas ou alors qu’il peut essayer mais que ce n’est pas sûr non plus. Il est donc important d’éviter ces mots limitants. Alors imaginons quand les deux tournures sont ensembles dans une consigne : « essaie de ne pas t’asseoir… » ; « Si tu arrives à passer cette figure, ne laisse pas tes bras en bas », le skieur se représente s’asseoir ou les bras en bas et rajoute pardessus la notion de doute dans la capacité à le faire. Représentation du vocabulaire Le skieur peut avoir des représentations d’un mot différentes que l’entraîneur. En effet, lorsque l’entraîneur communique, lorsqu’il énonce une consigne, le sens n’est peut être pas compris ou la signification peut être différente. Les consignes, les corrections, doivent être précises et détaillées. Prenons l’exemple du terme « performance » : quelle définition en donne l’entraîneur ? Et l’athlète ? Il se peut que l’athlète en fasse une représentation différente de celle de l’entraîneur, ce qui peut poser problème. Il est important de se synchroniser sur les termes. “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” La performance est l’atteinte d’objectifs préalablement fixés. Mais pour les jeunes elle est une recherche mentale induite par le skieur, l’engagement sur le terrain. Que ce soit en descente, en super géant, en géant ou en slalom, « performer », c’est avoir appris à lire le terrain, avoir emmagasiné les informations pour être efficace. En effet, le skieur qui n’est pas capable de lire le terrain, qui n’a pas emmagasiné son parcours, les figures, les mouvements de terrain, les différences de neige ne pourra pas performer et à la première difficulté, il sera à la faute. Performer c’est également la préparation de la course : la préparation du matériel, le fartage, l’hygiène de vie… mais aussi après la course : le bilan, la vidéo… Performer c’est mettre tout en place pour aller vite et pour ne pas freiner. Il est donc essentiel d’avoir un retour de la compréhension de l’athlète lors d’un échange avec l’entraîneur afin de réduire le décalage des significations des mots et par conséquent la relation entre eux sur le terrain, relation de confiance qui se met en place vers un but commun. Feed-back Dans la démarche d’apprentissage, le feed-back de l’athlète dès le plus jeune âge est primordial dans le sens qu’il donne à sa pratique et à ses actions. On peut lui demander de reformuler la consigne ou la correction afin de voir s’il a bien compris et intégré ce que l’entraîneur lui a demandé. 3- Communication non verbale Les messages non verbaux sont associés en permanence aux messages verbaux. Les attitudes et les comportements sont autant de messages que le jeune décode automatiquement. Veiller à donner le même message comportemental et verbal. Ex : si vous parlez haut et fort sur un ton très sûr et en même temps, vous vous grattez la tête en regardant vers le bas, vous donnez le message inverse à travers vos paroles et vos expressions de visage. 4- La communication hors terrain L’entraîneur crée de « l’entrain ». Les progrès visent autant la performance sportive du skieur que son épanouissement personnel. Un des rôles de l’entraîneur est de réguler perpétuellement le niveau de motivation du sportif en prenant en compte aussi bien les paramètres sportifs qu’extra-sportifs. L’environnement du skieur comme l’entou- rage, la famille, l’éloignement de la famille, une blessure et un retour à l’activité, la relation entraîneur-entraîné, la représentation de la compétition...vont influer sur ses performances. En effet, certaines situations ou divers événements que traversent le sportif influent directement sur sa motivation à s’entraîner ou à concourir. Des comportements opposés peuvent alors apparaître : soit une surmotivation entraînant une activation intense conduisant jusqu’au surentraînement, soit une baisse d’investissement tant en compétition comme à l’entraînement conduisant aux contre-performances. Souvent, ces comportements sont occasionnés par un changement de structure d’entraînement, une sélection, une non sélection, plus de temps disponible pour s’entraîner, un problème personnel, une contre performance, une performance, les parents ou différentes pressions. Outre les capacités à déceler les dysfonctionnements, l’entraîneur doit privilégier une communication optimale, une écoute (engagement de soi dans la relation avec le skieur), une présence, un accompagnement, un soutien afin de modifier judicieusement le comportement du sportif (savoir recadrer énergiquement, savoir stimuler, encourager ...) et de créer un rapport de confiance. Ainsi l’entraîneur doit mettre en place un contexte optimal en accompagnant le skieur dans sa croissance, ses projets, son identité… LES PEURS: APPRENDRE À SAVOIR-PERDRE La peur est une menace ressentie à partir de stimuli facilement identifiables comme la peur d’échouer, de tomber ou encore de se blesser. Le refoulement de la peur est très souvent présent dans l’apprentissage du skieur. « Si tu as peur, tu rentres à la maison », « fais un autre sport… » ou quand le skieur voit que les autres du groupe n’ont pas peur, il va enfouir cette peur et suivre le groupe. Être constamment fort, au risque de paraître ridicule, de ne plus être reconnu, de ne pas être remarqué… Si je montre une faiblesse, je vais être jugé et peut-être rejeté alors je la cache et je la refoule jusqu’au jour où elle ressort pouvant entraîner une blessure, une non sélection, une mise à l’écart… Dès lors où le skieur va percevoir un décalage entre ses ressources et la tâche, une situation menaçante pour son intégrité, il va stresser. Cet état de stress peut durer ; même si cette perception de décalage est ponctuelle, la conséquence qui 11 Spécial colloque gressé ? ». Ils cherchent à faire la démonstration de progrès personnel et d’apprentissage : plus ils font des efforts, plus ils progressent. Ainsi, l’impression d’avoir donné son maximum procure un sentiment de compétence. s’en suit peut durer longtemps. Plus tard, en pôle France, en équipe de France, si j’échoue, on me vire… peurs… de descendre d’un groupe… recours : la fuite (abandon, sortie), la blessure : le corps parle à notre place. Les blessures la veille de partir, à l’échauffement, pendant la course ? Blessure de fatigue ? Ou solution de secours pour dire stop ? La peur de perdre : si j’échoue, si je fais une faute… alors on ne m’aime plus … Et si on intégrait cette notion dans l’apprentissage, qu’est-ce que cela changerait ? Par la communication avec le jeune : si une peur apparait : peur de mal faire: oui et après ? Qu’est-ce qui va t’arriver si tu te fais mal ? Tu ne vas plus être aimé ? Tu ne vas plus être apprécié ? Tu vas paraître nul ? Et après ? En intégrant cette notion d’acceptation, de compréhension et de domination de la peur dans la vision de l’entraînement permettrait au skieur de se concentrer sur ses objectifs, sur la façon de les atteindre sans toutes les pensées négatives entravant la performance. Des les catégories jeunes, le skieur doit apprendre à accepter, à comprendre et à intégrer l’erreur ou l’échec dans sa vision : savoir traiter l’erreur sans jugement. L’erreur fait partie de la réussite, il doit se donner le droit à l’erreur. Le skieur sera ainsi non pas motivé par peur de… la sanction, du manque de reconnaissance, de la perte de l’amour du père ou de la mère… mais par envie d’innover, de se démarquer, de produire… pas fuir… mais aller vers… 12 LE CONTRÔLE DES ÉMOTIONS « Celui qui perd le contrôle émotionnel perd la compétition » (J.Taylor, psychologue du sport). Les émotions sont l’élément-clé, finales et déterminantes dans la production de la performance. Elles sont primordiales car «puissantes et immédiates», elles guident les performances du skieur. Les skieurs doivent tirer parti de leurs émotions pour réaliser pleinement leurs capacités et développer les challenges émotionnels : encourager la prise de risques, rendre les erreurs acceptables et redéfinir le succès et l’échec comme contrôlables. L’orientation de la motivation Pourquoi le jeune se lève-t-il tous les jours pour venir s’entraîner ? Motivation, mais vers quoi ? La motivation correspond ici à une recherche de performance, d’excellence. L’atteinte ou la non-atteinte est évaluée par des critères sociaux, personnels et d’objectifs ; elle sollicite donc la compétence et l’effort. Le skieur a une motivation soit liée aux bénéfices qu’il tire directement de son activité, soit qui renvoie à l’ensemble des récompenses et des sanctions. Certains se sentent compétents en se référant à des critères personnels (à leur propre performance) et sur un processus de comparaison temporelle : « Ai-je pro- Certains ont besoin de démontrer qu’ils sont les meilleurs. Le skieur est donc ici préoccupé par son positionnement par rapport aux autres : il veut « démontrer » sa compétence et « dissimuler » son incompétence. Il va démontrer son habileté en montrant une supériorité face aux autres. « Où je me situe par rapport aux autres? Suis-je bon ? Suis-je ridicule ? ». Le skieur se repose ici sur des critères externes : sur la comparaison et la performance des autres skieurs. Il peut avoir progressé sans pour autant se sentir compétent parce qu’il reste en dessous des meilleurs. Il peut aussi se sentir compétent quand il obtient le même résultat que les autres, mais avec moins d’effort. Ainsi son effort augmente sa performance mais signale son incompétence en cas d’échec. Il faut tout de même préserver l’affrontement compétitif car l’incertitude du résultat, attachée à la compétition, a un côté motivant. De plus, le but que poursuit le skieur dépend à la fois de sa personnalité et du contexte. En effet, à travers ses relations avec son entourage ainsi que des feed-backs apportés par les personnes référentes, il a une prédisposition à s’orienter sur l’activité ou sur les autres. Le contexte a une part importante dans le fait qu’il influence le choix du skieur à s’orienter soit vers sa propre performance soit vers une comparaison. L’environnement l’amène à adopter un comportement adapté qui va lui permettre de réussir. Un but impliquant une comparaison sera induit lors de tests ou de compétitions (feed-backs normatifs) alors que le but vers sa propre performance sera induit lorsque les feed-backs insisteront sur l’investissement et les progrès en réduisant les récompenses, punitions… LA FIXATION DE BUTS Afin de mettre en place chez le skieur une motivation constante et élevée, il est nécessaire de développer une stratégie d’objectifs (amener le skieur à savoir où il va, à gérer les nouveaux choix qui se présentent à lui). Tout d’abord les buts devront être orientés vers la propre performance des skieurs, N° 72 - Décembre 2009 Spécial colloque spécifiques et difficiles mais réalisables et hiérarchisés à long et à court terme. Pour optimiser cette stratégie de buts, le skieur peut écrire ses propres buts sur un « cahier de buts » et développer des stratégies d’atteinte de ses buts (planification, …). L’entraîneur doit : Prendre en considération la personnalité de chaque sportif et orienter des stratégies vers des critères personnels. Favoriser l’engagement personnel du sportif vers les buts visés en encourageant les progrès et en laissant le skieur participer à ses propres buts. Soutenir le skieur dans ses efforts pour atteindre ses buts : communiquer avec l’entourage pour lui signifier l’importance des performances de maîtrise à côté de celle habituellement accordée aux résultats. Evaluer les progrès dans la réalisation des buts d’après les stratégies d’évaluation initialement prévues. Ainsi, grâce à cette stratégie de buts, le skieur sait où il va, apprend à se connaître et à gérer les choix qui se présentent à lui, ce qui augmente sa motivation et ainsi sa performance. LA CONCENTRATION ET LES STRATÉGIES Que ce soit pendant les entraînements ou pendant les compétitions, le skieur est placé devant des situations où il lui est nécessaire de s’adapter en permanence. Il est plongé dans un environnement et reçoit des informations très variées qu’il doit apprendre à traiter. Elles sont d’ordre visuel, auditif ou kinesthésique. Il sera intéressant ici d’amener le skieur à sélectionner les informations pertinentes pour l’action et de délaisser très vite les non-pertinentes afin qu’il soit le plus efficace. De nombreuses stratégies peuvent être mises en place comme des ancrages, de l’imagerie mentale où le skieur utilisera ses différents sens pour créer ou reproduire une situation dans sa tête, ce qui sera utile dans son apprentissage mais également dans d’autres domaines comme le contrôle énergétique ou le contrôle émotionnel. Ainsi grâce à la mise en place de straté- gies de concentration optimisant la qualité et l’intensité, le skieur pourra focaliser son attention sur les points essentiels. Un travail sur les croyances est également intéressant à aborder où le but sera de diminuer les croyances négatives liées à soi et aux autres et de les changer en des croyances positives. LA CONFIANCE EN SOI La confiance en soi peut être définie comme une sorte de croyance. Elle est la conviction qu’a le skieur dans sa capacité à atteindre son objectif. La plupart des jeunes skieurs ne savent pas pourquoi elle apparaît et surtout pourquoi elle disparaît. Après un échec, certains savent très vite la reconstruire, d’autres vivent cet évènement comme une perte d’estime de soi. Les différents potentiels que nous venons de voir influent sur la confiance en soi de l’athlète. Lorsque l’ensemble du travail mental accompli et des savoir-faire est mis en œuvre, cela va constituer un équilibre qui va optimiser la confiance en soi de l’athlète. La confiance en soi et la performance sont liées, au fur et à mesure que la confiance augmente, la performance va augmenter. Or, lorsque la confiance devient excessive, la performance diminue rapidement. Pour que les skieurs soient performants, il faut que leur niveau de confiance soit optimal. : « Zone optimale de confiance ». Un skieur qui manque de confiance en lui va se concentrer sur ses faiblesses plutôt que sur ses forces. Souvent, ils expliquent leurs baisses de performance par la baisse de confiance. Mais il faut chercher la cause de cette baisse. La confiance est une construction de tous les instants. L’oscillation du niveau de confiance est habituelle et normale mais le skieur doit être capable de retrouver ce niveau avant l’épreuve. S’aimer soi même, s’accepter tel qu’on est, c’est le socle de la confiance. Quelques questions simples pour estimer le manque « d’amour de soi » : - qui suis-je ? - quels sont mes défauts / mes qualités ? - de quoi suis-je capable ? - quels sont mes réussites / mes échecs ? - est- ce que je conduis ma vie comme je le souhaite ? - est-ce que je triche avec moi-même ? - quelle est ma valeur à mes yeux / aux yeux des autres ? - suis-je en paix avec moi-même ou fréquemment insatisfait ? Les réponses données seront d’excellentes indications pour établir une vision positive du skieur et pouvoir établir ou rétablir la confiance. CONCLUSION Les interventions en préparation mentale chez les catégories jeunes en ski se centrent principalement sur la communication verbale et non verbale à mettre en place, la représentation des mots, le non jugement, l’acceptation des peurs, la relation entraîneur-entraîné qui vont entraîner un rapport de confiance, un langage et des objectifs communs et des bases solides pour la suite dans l’évolution du skieur. Le but est d’amener le jeune skieur à se connaître, à s’écouter, à donner du sens à ce qu’il fait afin de le rendre autonome pour la suite. La notion de plaisir est à privilégier notamment à travers des buts impliquant des critères personnels, de progrès et d’effort pour se dépasser. La concentration mentale pourrait être utile à mieux mettre en œuvre la phase psychologique de préparation. De même, la phase psychologique de l’action pourrait être travaillée par des techniques d’habileté mentale qui permettent de développer la détection des moments opportuns pour la mise en œuvre de cette action (c’est en fait ce que préconise Dominique Keller dans « approche du piquet en slalom », n° 71 de septembre 2009), la phase de relaxation émotionnelle pourrait être conduite par les techniques appropriées dites de relaxation, et enfin celle du bilan par des techniques de méditation par exemple, ou de développement de l’attention. Une démarche de ce type permettrait à l’entraîneur de s’adapter à chaque type de skieur et de choisir, avec l’accord de ce dernier, la ou les phases à travailler. Elle aurait de plus l’avantage de rester simple, en laissant l’aspect théorique à la psychologie et le concret aux techniques mentales . [email protected] Références Bibliographiques Cox, R.H. (2005). Psychologie du sport. De Boeck. Durand-Bush, N. & Salmela, J.H. (1995) Locke, E.A., & Latham, G.P. (1985). The application of goal setting to sports. Journal of Sport Psychology Nicholls, J.G. (1984). Conceptions of ability and achievement motivation. In R. Ames & C. Ames (Eds.), Research on motivationin education: Student motivation (Vol. I). New York: Academic Press Target, C. (2003). Manuel de préparation mentale. Chiron “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” 13 L’EFFICACITÉ DU PSYCHOLOGUE DU SPORT SELON LES ATHLÈTES Jean-Philippe Heuzé Université Joseph Fourier, Laboratoire SENS, Centre d’Expertise et de Formation en Activités Physiques et Sportives L’intervention psychologique auprès de sportifs reste encore marquée par des attitudes ou des à priori négatifs (Lévèque, 1993). Souvent, elle suscite un certain scepticisme de la part des acteurs sportifs (Bull, 1995), voire soulève une appréhension, une crainte d’être stigmatisé par les autres (son entraîneur, ses partenaires d’entraînement, en particulier) si ces derniers apprennent que l’on consulte un(e) psychologue du sport (Martin et al., 2001). Combattre ces attitudes suppose d’informer tous les acteurs sportifs sur la réalité d’une intervention psychologique, ses conditions d’efficacité. Les témoignages d’anciens champions ayant recouru à ce type de dispositif peuvent également remplir cette fonction. En s’appuyant sur des entretiens réalisés avec une trentaine de sportifs de niveau international, cet article propose de rapporter le point de vue des athlètes sur leur travail réalisé avec un(e) psychologue du sport et les éléments qui, selon eux, concourent à l’efficacité de cet intervenant. En 2004, Anderson, Miles, Robinson et Mahoney ont publié une enquête réalisée auprès de trente sportifs internationaux (20 femmes et 10 hommes) ayant travaillé entre 1 et 9 ans avec un(e) psychologue du sport. Dans cette enquête, les auteurs demandaient aux participants de décrire les qualités importantes d’un(e) psychologue du sport et les activités réalisées avec lui/elle qui, selon eux, concouraient à l’efficacité de l’intervention. En terme de personnalité, les sportifs ont souligné qu’un(e) psychologue du sport devait être calme, posé(e), extraverti(e), honnête et digne de confiance. Cette dernière qualité était présentée comme une caractéristique fondamentale pour développer une relation de travail avec les sportifs. Les athlètes ont également associé l’efficacité du/de la psychologue du sport à sa qualité d’écoute permettant aux sportifs de facilement lui parler, se confier. Ils ont également insisté sur la disponibilité de cet intervenant, ce qui pouvait supposer son 14 immersion dans la situation vécue par les sportifs (par exemple, partager des stages, des entraînements). A cette disponibilité s’ajoutait son accessibilité, soit une attitude générale (comportements, propos) perçue par les athlètes et interprétée comme la possibilité pour eux de l’aborder, de l’approcher. Enfin, l’empathie, soit l’intuition des sentiments, des humeurs, des émotions ressenties par les sportifs, était également attendue par les athlètes. Le/la psychologue du sport a également été présenté(e) par les participants de cette étude comme un médiateur de la relation entraîneur-entraîné. Les sportifs percevaient cet intervenant comme une personne neutre entre l’entraîneur et l’athlète, permettant de faire le lien entre les deux. Mais parfois, la neutralité de cet intervenant, perçu comme un membre du staff technique de l’entraîneur, interrogeait, inquiétait, amenait à douter de la confidentialité du travail pouvant être réalisé avec lui/elle. Partington et Orlick (1991) ont souligné combien il était important pour un(e) psychologue du sport d’expliciter, de clarifier son rôle auprès des athlètes et de leur(s) entraîneur(s) pour construire une relation de confiance avec eux. Une question récurrente dans le domaine de l’intervention psychologique, en contexte sportif, concerne le niveau de connaissance du/de la psychologue de l’activité sportive pratiquée par les personnes avec qui il/elle travaille. Certains sportifs se considèrent mieux compris par un intervenant disposant d’une bonne connaissance de leur activité sportive. Mais ce sentiment n’est pas partagé par tous, car d’autres estiment, au contraire, qu’une méconnaissance du sport confère à cet intervenant un regard plus objectif, original, novateur sur leurs pratiques. Cette méconnaissance de l’activité sportive peut aussi prémunir l’intervenant contre une confusion possible des rôles qui le conduirait à conseiller des athlètes dans des domaines ne relevant pas de la préparation psychologique (par exemple, des élé- N° 72 - Décembre 2009 Spécial colloque ments techniques ou tactiques). Enfin, certains sportifs considèrent qu’un intervenant non spécialiste de leur discipline leur permet plus facilement de « prendre un temps mort » par rapport au sport, de se distancier de leur activité. Face à ces avis contradictoires, Anderson et ses collègues (2004) estiment plus important de témoigner aux athlètes un intérêt pour leur sport, une volonté d’apprendre les spécificités de leur activité au travers de leur discours, que de posséder une bonne connaissance du sport pratiqué. Une dernière qualité associée à l’efficacité d’un(e) psychologue du sport concerne l’ouverture de cet intervenant. Les internationaux interrogés ont apprécié travailler avec une personne qui ne parlait pas toujours de psychologie du sport, n’était pas toujours en train de les observer, mais les percevait dans leur globalité et leur individualité, en ne les réduisant pas à des sportifs. Concernant les activités réalisées, les sportifs ont rapporté avoir appris et développé différentes habiletés mentales. Si la relaxation constituait l’habileté la plus fréquemment travaillée avec les psychologues du sport, l’imagerie, la concentration, le contrôle du niveau d’activation, la motivation, la confiance en soi, étaient également enseignés. Selon les athlètes, l’efficacité de ces activités reposait sur leur intégration dans un travail de préparation à la compétition, voire dans une évaluation post compétitive. Outre ces activités, les athlètes ont mentionné un travail de dynamique de groupe pour développer et entretenir la cohésion entre les athlètes sélectionné(e)s pour représenter leur pays dans une discipline particulière. Le travail en groupe leur permettait de partager des idées avec leurs partenaires, de mieux les comprendre, mais également de se familiariser avec le/la psy- chologue du sport quand ils hésitaient à franchir le pas d’un entretien individuel. A ces actions classiques en contexte sportif s’adjoignait une activité de conseil, fortement appréciée par les sportifs, pour les aider à faire face à des difficultés ponctuelles, comme un conflit avec autrui, une perturbation du sommeil, la survenue d’une blessure (Sullivan & Nashman, 1998). D’une manière générale, ces activités étaient perçues par les athlètes comme un moyen de mieux se connaître, d’apprendre à s’assumer en étant sensibilisés à leurs propres pensées, leurs forces et leurs faiblesses, leurs réactions et sentiments à l’égard d’autrui. Elles étaient réalisées dans des situations variées, allant d’un face à face individuel avec l’intervenant à des réunions collectives permettant de partager des idées, de mieux se comprendre, voire de se familiariser avec le contenu d’une intervention psychologique. Ces activités étaient programmées à distance des compétitions, ce qui constituait un critère majeur d’efficacité selon les internationaux. Pour conclure, l’efficacité d’un(e) psychologue du sport repose sur différents critères recouvrant aussi bien des caractéristiques individuelles que des compétences professionnelles développées dans et à l’issue d’une formation solide en psychologie du sport (Anderson, 2000). L’efficacité de l’intervention dépend aussi du contexte dans lequel elle est délivrée (Heuzé, 2009 ; Lévèque, 2005), par exemple à distance de la compétition, soutenue par l’entraîneur, intégrée dans le quotidien des athlètes. Lorsque ces critères sont respectés, une collaboration fructueuse se met en place entre le/la psychologue du sport et l’athlète, conduisant ce dernier à évaluer positivement le service reçu et à envisager une nouvelle collaboration, si nécessaire (Anderson et al., 2004) Bibliographie Anderson, M. B. « Doing sport psychology », Champaign, IL : Human Kinetics, 2000. Anderson, A., Miles, A., Robinson, P., & Mahoney, C. « Evaluating the athlete’s perception of the sport psychologist’s effectiveness: What should we be assessing? », Psychology of Sport and Exercise, 5, 255-277, 2004. Bull, S. « Reflections on a 5-year consultancy program with the England women’s cricket team », The Sport Psychologist, 9, 148-161, 1995. Heuzé, J. P. « Intervention psychologique auprès d’une équipe sportive professionnelle » Bulletin de Psychologie, 502, Tome 62 (4), 335-341, 2009. Lévèque, M. « Sport et psychologie. L’apport du psychologue aux acteurs » Paris : INSEP Publications, 1993. Lévèque, M. « Aspects éthiques et déontologiques de l’intervention auprès des sportifs » Bulletin de Psychologie, 58, 475, 91-95, 2005. Martin, S. B., Akers, A., & Jackson, A. W. « Male and female athletes’ and nonathletes’ expectations about sport psychology », Consulting Journal of Applied Sport Psychology, 13, 18-39, 2001. 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Les psychologues du sport espèrent ainsi développer des programmes de prévention de la blessure et améliorer la prise en charge des athlètes blessés en leur proposant un accompagnement psychologique (Williams, 2001). Cet article vise à (1) décrire les principaux antécédents psychologiques de la blessure sportive, (2) rapporter quelques programmes de prévention de cette blessure, puis (3) présenter des modalités d’accompagnement psychologique de l’athlète blessé. Dans la littérature sur la blessure sportive, le stress apparaît comme un concept central défini comme une réponse non spécifique de l’organisme à une demande qui lui est faite. Les psychologues du sport considèrent que des facteurs de stress seraient à l’origine de certaines blessures, mais celles-ci constitueraient en elles-mêmes un facteur de stress auquel le sportif doit faire face. Dès 1988, Andersen et Williams ont proposé un modèle du stress et de la blessure (Williams & Andersen, 1998 ; Figure 1) regroupant les antécédents psychologiques de la blessure en trois facteurs psychosociaux : la personnalité de l’athlète, son histoire personnelle, ses ressources de coping. Dans ce modèle, ces facteurs ne sont pas directement responsables de la blessure, mais en opérant séparément ou de manière combinée, ils atténuent ou exacerbent la réponse de stress du sportif (Petrie & Perna, 2004). Dans ce dernier cas, ces facteurs créent des conditions favorables à la survenue de blessures. Parmi les facteurs psychosociaux, les travaux sur la relation entre la personnalité de l’athlète et la blessure en sport ont produit des résultats peu consistants. Les recherches s’orientent vers les caractéristiques de la personnalité classiquement associées à une évaluation menaçante des situations d’évaluation : personnalité de type A (hyperactivité, impatience, exigence vis-àvis de soi et des autres, etc.), trait d’anxiété élevé (tendance à percevoir les situations de compétition comme étant menaçantes 16 Figure 1. Modèle du stress et de la blessure (Andersen & Williams, 1988 ; Williams & Andersen, 1998). et à répondre à celles-ci par des sentiments d’appréhension et de tension), faible endurance (faible goût du risque, du changement, investissement dans peu d’activités). En augmentant la menace perçue, ces caractéristiques personnelles pourraient indirectement favoriser des blessures. A contrario, les études, qui ont lié les blessures à l’histoire des sportifs et à leurs ressources de coping, ont produit des résultats plus convergents. Les événements stressants majeurs survenant dans la vie d’un athlète (décès d’un proche, perte d’emploi, rupture sentimentale, par exemple) multiplieraient par 2 à 5 le risque de blessure (Williams, 2001). Les tracas du quotidien augmenteraient brutalement dans la dizaine de jours qui précèdent une blessure (Fawkner et al., 1999). Enfin, les événements de vie expliqueraient 10 à 15% des blessures constatées (voire 31% pour des joueurs déjà blessés lors de la saison antérieure) chez les joueurs de rugby disposant d’un faible soutien social et utilisant des stratégies de coping centrées sur l’évitement (Maddison & Prapavessis, 2005). Pour limiter l’intensité de la réponse de stress imputable N° 72 - Décembre 2009 Spécial colloque aux facteurs psychosociaux, les programmes de prévention de la blessure mobilisent des techniques cognitives et comportementales de management du stress (Johnson et al., 2005 ; Maddison & Prapavessis, 2005). Ces dernières comportent différentes phases qui visent (1) à sensibiliser un athlète à ses propres réactions au stress, (2) à lui apprendre diverses habiletés mentales (imagerie, relaxation, contrôle des pensées, fixation de buts, planification des événements) (3) qu’il devra utiliser dans des situations identifiées de stress, (4) puis dans des situations de la vie quotidienne. Cette formation est dispensée au cours d’entretiens de 1h30 à 2h, programmés pendant la présaison ou la saison elle-même, auxquels s’ajoutent des exercices complémentaires à réaliser de manière autonome. D’une durée de 6 à 12 mois, ces programmes ont démontré leur efficacité en réduisant significativement le nombre de blessures constatées (Johnson et al., 2005) ou le temps d’indisponibilité après blessure (Maddison & Prapavessis, 2005). Les psychologues du sport conseillent d’implanter ces programmes pendant la phase préparatoire à la compétition sportive et de les poursuivre tout au long de la saison sportive. Ces programmes de prévention ne prémunissent pas pour autant les athlètes contre toute blessure pouvant survenir pendant les entraînements ou les compétitions sportives. Aussi, la psychologie du sport s’est également intéressée à l’accompagnement des sportifs blessés. Comme les réactions psychologiques à la blessure mobilisent des réponses composites aux niveaux émotionnel (détresse, incrédulité, frustration, colère, dépression, etc.), comportemental (isolement, moindre adhésion au programme de réhabilitation, etc.) et cognitif (pensées négatives, doutes, peurs de reprendre trop vite, de se blesser à nouveau, de ne pas retrouver son niveau sportif, etc.), les dispositifs d’accompagnement poursuivent différents objectifs : maintenir l’équilibre émotionnel de l’athlète, identifier et mobiliser les stratégies de coping disponibles, soutenir l’efficacité personnelle, favoriser le processus de réhabilitation. Les moyens employés comprennent l’utilisation des habiletés mentales et la réalisation d’entretiens individualisés. Plusieurs études se sont intéressées à l’utilisation de l’imagerie mentale et de la relaxation dans des protocoles d’accompagnement d’athlètes blessés (Cupal & Brewer, 2001 ; Ross & Berger, 1996). Elles ont démontré que des sportifs opérés d’un genou, employant ces habiletés, ressentaient moins de douleur après une opération chirurgicale, éprouvaient moins d’anxiété, récupéraient plus rapidement leur force musculaire, voire leur niveau d’activité physique antérieur. Outre ces habiletés, l’entretien constitue un outil fondamental dans l’accompagnement psychologique des athlètes blessés. Il permet d’aider ces derniers à prendre conscience de la situation et de leurs réactions personnelles dans celle-ci. Récemment, Gutkind (2004) a proposé une procédure particulière d’entretien aboutissant à un conseil bref centré sur la solution. Cette procédure postule que le sportif est capable d’identifier par luimême les difficultés qu’il rencontre, les objectifs du conseil qu’il vient chercher et les solutions devant le conduire à atteindre ses objectifs. L’entretien est structurée en différentes étapes au cours desquelles le sportif (1) énonce le problème le plus important qu’il souhaite solutionner, (2) établit des objectifs à atteindre, (3) explore des situations particulières de la vie quotidienne dans lesquelles ce problème ne se manifeste pas, afin (4) d’identifier des solutions à mettre en œuvre. L’entretien se termine par (5) la formulation d’un ou plusieurs conseils reprenant les solutions identifiées à l’étape antérieure et incitant l’individu à les mettre en œuvre dans des tâches spécifiques. Les travaux rapidement présentés dans cet article suscitent plusieurs éléments de réflexion. Ils incitent à aller au-delà d’une simple vision médicale de la blessure et de sa rééducation en soulignant l’impact de variables psychologiques sur la survenue de la blessure, son traitement et la reprise d’une activité sportive. Ces travaux pointent également l’importance des habiletés mentales et de leur développement au cours de la pratique sportive. Si celles-ci sont employées dans le cadre de la préparation mentale à la compétition, elles sont également mobilisées dans les programmes de prévention de la blessure sportive ou de l’accompagnement de l’athlète blessé. Elles devraient donc faire partie de la formation des entraîneurs pour que ces derniers les intègrent dans les séances conduites avec leurs athlètes. [email protected] Bibliographie Andersen, M. B., & Williams, J. M. « A model of stress and athletic injuries: Prediction and prevention » Journal of Sport & Exercise Psychology, 10, 294-306, 1988. Brewer, B. 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Cette dernière utilisait une grille d’analyse déjà expérimentée avec d’autres Fédérations (en fonction de l’OBJECTIF quelle était la DEMARCHE annoncée, quel CONTENU permettrait de l’opérationnaliser, en fonction d’un ECHEANCIER à mettre en place, accompagné d’une EVALUATION permanente) La DEMARCHE identifiait les 3 projets du skieur (sportif – professionnel – personnel) et s’appuyait sur des entretiens dits de positionnement et de régulation ainsi que sur des observations en situation de compétition avec une analyse à 3 (entraineur – athlète – psychologue) à partir de vidéo afin d’initier une préparation mentale (P.M). Le CONTENU proposait des techniques permettant d’une part de cerner la personnalité des athlètes à l’aide de questionnaires, tests, échelles d’évaluation et d’autre part de participer à l’optimisation de sa performance par la mise en place d'une P.M s’appuyant sur des “ outils ” ( l’imagerie mentale – le monologue interne – la restructuration cognitive – ainsi que des techniques de régulation psychotonique : relaxation et contrôle respiratoire) choisis en fonction des objectifs préalablement déterminés. Ce contenu, montrant la place de la P.M dans l’accompagnement psychologique (A .P) se complétait de techniques telles que la programmation neurolinguistique, l’analyse transactionnelle qui permettent d’améliorer la communication. L’ECHEANCIER a été mis en place avec l’encadrement et 2 périodes ont été déterminées : 1e période : de juillet 04 à mars 05 - Objectif les C.M de RUCKA 2e période : d’avril 05 à février 06 – Objectif les J.O de PEKIN L’EVALUATION permanente s’est faite particulière- 20 ment lors des 3 moments d’appropriation (compréhension – acquisition – utilisation), le but étant de vérifier l’intégration de ces techniques dans les stratégies compétitives en même temps que l’évolution des conduites souhaitées par l’athlète. 1e PERIODE se terminant lors des C.M de RUCKA Elle a vu se succéder, lors des journées de juillet et novembre 04, une analyse de la personnalité des skieurs et un apprentissage puis un approfondissement de certaines techniques de P.M qui, après le choix de l’athlète et avec le concours de l’entraineur, ont été incluses et adaptées après observation en situations compétitives et analyse vidéo dans des stratégies employées et testées lors des Coupes du Monde (décembre 04 à janvier 05). La préparation des C.M lors d’un regroupement début mars a permis de préciser, avec l’entraîneur notamment, les ressources du moment et les stratégies “ de réussite ” élaborées en Coupe du Monde afin de les adapter à la spécificité de ce championnat.. Sur le site des C.M (15 – 21 mars), à partir de réunions de l’encadrement, les décisions de “ marche à suivre ” ont été prises incluant la P.M sous forme de visualisation – simulation - stratégie de course. Elles mettent l’accent sur la concentration – les routines – la maitrise émotionnelle - la relation. Après les C.M (F : 5e – G : 4e et 11e) fin mars, 2 types de bilan ont été effectués. Un bilan de l’encadrement sur les différentes actions, interventions, choix faits lors des C.M. Un Bilan individuel avec le skieur – l’entraineur – le psychologue sur les paramètres du résultat sportif. Ces 2 bilans ont été suivis d’une réunion du staff afin de déterminer les points positifs à adapter à la spécificité des J.O et de “ pointer ” les désaccords voire les conflits possibles susceptibles d’émerger à TURIN. 2e PERIODE se terminant lors des J.O de TURIN. Il a été repris la démarche des entretiens et des observations avec l’analyse Vidéo à 3. L’Entretien de Positionnement d’avril 05 en présence de l’entraineur a précisé les points forts à peaufiner et les points faibles à développer ainsi que la hiérarchisation des 3 Projets. L’Entretien de Régulation en juillet 05 a été l’occasion, en fonction des Coupes du Monde et par rapport à l’objectif final, d’orienter les conduites des skieurs. L’observation des Coupes a permis d’insister sur – l’abord de la compétition – la stratégie des 2 courses – l’autorégulation des émotions. Un problème s’est posé avec des skieurs blessés qui n’ont pu participer aux Coupes. Un “ travail ” spécifique en relation avec les experts (médecin – préparateur physique) a été initié faisant appel à l’imagerie mentale avec le support vidéo et aux TRPT (relaxation – contrôle respiratoire). Ceci a été régulé par des échanges téléphoniques. Dans le même temps une proposition a été faite au Staff dont je faisais parti pour la durée des J.O : - Animer les Réunions et veiller aux changements comportementaux lors du séjours - Participer aux bilans-vidéo au quotidien avec le skieur et l’entraineur - Observer lors de séances de “ visualisation ” pour guider le skieur en situation de simulations chronométrées sous le contrôle de l’entraineur - Organiser les réunions en soirée, de 20mn maximum, pour le bilan du jour et la préparation du lendemain. Ceci a produit le résultat suivant : F. 3e et G. 9e et 11e En guise de conclusion une question se pose : comment évaluer l’apport psychologique de cet accompagnement ? Les critères concrets se résument au résultat quant aux autres critères plus subjectifs ils dépendent du niveau de satisfaction du binôme majeur de la performance l’entraineur et l’athlète. Luc Guibbert Psychologue, intervenant dans le Freestyle : Bosses – ski cross [email protected] N° 72 - Décembre 2009 L’ENTRAÎNEUR FACE À LA PEUR DU GRIMPEUR Par Bertrand Donzé Introduction 1- La peur en escalade de haut niveau. Il est toujours difficile de trouver dans la littérature spécialisée, des méthodes ou recettes concrètes visant à réduire sinon éliminer, les phénomènes de peur et leurs effets, à propos du comportement des athlètes de haut niveau dans les sports à risques, lors des entraînements « aux limites », et des grandes compétitions. Mon intervention fait figure ici davantage de témoignage d’entraîneur en escalade sans aucune prétention, plutôt que du fruit d’une quelconque démarche scientifique. Cependant, je dois tout de même prévenir que je suis influencé par une série de travaux sur l’entraînement qui ont débuté en milieu des années 90 sous la responsabilité de Marc Durand. Ces travaux m’ont très franchement aidé à trouver mes repères afin de suivre plusieurs grimpeurs de niveaux internationaux. Celle ci se singularise nettement par rapport à celle des grimpeurs de plus faibles niveaux ; elle est plus discrète et pas toujours observable. Elle est plurielle, il n’existe pas une peur mais des peurs ! Dit autrement la palette des colorations émotionnelles est dense et les agents anxiogènes sont nombreux : la peur du vide liée au caractère impressionnant du milieu bien sûr, mais chaque grimpeur ne sera gêné que par un effet de contexte très précis et isolé : certaines formes de préhensions (prises fuyantes ou pincettes..), des configurations de reliefs particulières ou certaines ruptures d’inclinaisons ou d’itinéraires, des grains d’adhérence ou des effets de toucher du rocher, l’espacement variable des points de protection… En fait chaque grimpeur qui est en proie à un inconfort émotionnel, va identifier et reconnaître un détail dans le contexte d’action qui lui est propre et qui va agir comme un déclencheur personnel de stress. Trois postulats théoriques président à ce regard sur l’entraînement : - Le caractère indissociable de l’athlète et son contexte d’action. C’est une référence directe au grand chercheur chilien Francisco Varela (1989), qui lui parlait de « totalité dynamique complexe » pour évoquer le rapport des actions, des acteurs à leur contexte (notion de «couplage structurel affects/indic contextuels»). - Toute action est « située » (culturellement, sportivement, climatiquement…), à savoir que toute action est unique, imprévisible et singulière… ( Lucy Suchman, 1987). - Le primat de l’acteur : C’est à partir des sensations, ressentis, repères, regards du grimpeur ou de l’athlète que va s’organiser la réflexion (Jacques Theureau, 1993) d’où une nécessité impérieuse pour le coach, et dans le cadre de ces problèmes là, de recourir nécessairement à l’empathie ( Berthoz, 2004). Enfin, ajoutons à cela une conviction personnelle (mais tout à fait discutable) : une émotion de nature inhibitrice ou gênante n’est pas forcément une émotion « à maîtriser » mais une émotion à effacer au profit d’une autre. Je dis cela, car la littérature abonde de cette notion « la maîtrise des émotions »… Elle me paraît inopérante dans le cadre des entraînements de haut niveau tout simplement car cela induirait de mettre l’athlète dans une double tâche simultanée : celle de conduire techniquement son déplacement, et parallèlement de livrer un combat intérieur, qui de toute façon ne pourra que déboucher sur des tensions très handicapantes notamment au niveau de la nécessité de se relâcher. “L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN” 2- Les manifestations de la peur en acte Il est déjà assez difficile d’établir une idée précise du problème à traiter à partir des simples manifestations orales par exemple lors des débriefings : les communications orales sont entachées de « bruits sémantiques » ou d’incapacités « à exprimer » la profondeur ou l’intensité de l’inconfort émotionnel. Parfois une expression très marquée ( les grands orateurs) pour une frayeur négligeable ou facile à traiter, et souvent des gênes très marquées pour des témoignages, ténues, pudiques, pénibles à avouer au coach… Reste alors l’observation du grimpeur avec un œil « alerté » pour le coach, afin d’ identifier en acte, les indices comportementaux significatifs de l’émotion négative (Vitgosky 1934), qui souvent dans ce sport ont tendance à se dissimuler à travers ceux de la fatigue. Je ne m’étendrai pas sur les indices que j’appellerais macroscopiques et qui se retrouvent dans tous les sports : tonicité généralisée, manque d’engagement de certaines ou toutes les parties du corps dans l’enchaînement des actions, placements respiratoires erronés, crispation distale, absence de sensations proprioceptives organisatrices, stratégies d’exploration visuelle réduites… Les indices microscopiques de manifestations de la peur chez le grimpeur. C’est à ce grain d’analyse là, et d’observation qu’il convient de béné- 21 Spécial colloque ficier d’une « histoire » qui souvent caractérise la dyade entraîneur/entraîné (Jacques Saury, 2001). Ces indices infimes sont souvent invisibles par un coach qui ne connaît pas le grimpeur depuis plusieurs années, dans son style de grimpe et dans toutes les dimensions physique et affective que celui ci noue avec la difficulté du support à grimper (roche ou mur artificiel). Il s’agira de repérer des formes inhabituelles de progression, et qui ne seraient pas immédiatement perçues comme une dégradation de la technique, mais un phénomène extrêmement fin de « dé-stucturation motrice » nuisant à terme à l’accès à la performance : enchaînement de méthodes gestuelles différentes, avec des régimes de contractions musculaires eux aussi différents (augmentation des blocages de bras, moins de mouvements explosifs, augmentation de la durée des contrôles visuels sur les pointages de pieds…). Nous parlons d’ici d’un grimpeur qui n’a pas conscience de sa peur ou qui ne veut pas le reconnaître même à lui même, et pour lequel la fiabilité de l’observation du coach lui sera essentielle, même la vidéo demeure inopérante ! 3- Tentative de traitement d’élimination de la peur La tâche est audacieuse pour ne pas dire prétentieuse : simplement réduire ou s’accommoder d’un inconfort émotionnel même léger, se marie mal avec la recherche de performance optimale; Ce qui est recherché ici est tout simplement l’engagement total, sans freins, sans inhibitions, sans raisonnement… En escalade on dit « rien lâcher » (mais en ski ce serait peut être « tout lâcher » ?) C’est en tout cas dans cet ordre d’idée que je vous propose deux méthodes d’entraînement qui ont eu quelques résultats, avec toute la prudence qu’il convient de garder à l’esprit puisqu’elles n’auront jamais d’application universelle. Je suis aussi conscient du caractère baroque de ces « modes opératoires » face aux théories scientifiques et aux chercheurs ici qui sont censés les représenter. a) L’accompagnement vertical ( soutenir) Il s’agit de faire grimper en parallèle au grimpeur coaché, un partenaire dans un itinéraire plus facile. Le grimpeur accompagnateur sera évidemment quelqu’un du même team (car l’esprit d’équipe est très important en escalade) mais surtout très proche affectivement de la personne suivie dans cet entraînement. Il aura pour tâche de l’encourager voir de le guider mais uniquement dans une communication orale dite « horizontale » c’est à dire toujours au même niveau d’altitude (comme au sol), et avec une voix peu élevée. L’objectif ici est de « casser » la verticalité et l’impression de hauteur. Habituellement les consignes techniques et tactiques, criées à haute voix du pied de la paroi par le coach accentuent défavorablement les crispations en augmentant la sensation de hauteur et de solitude du grimpeur, qui par ailleurs peut attribuer le ton du coach (forcément à haute voix pour couvrir la distance ) à un début de colère ou de déception… On est là sur un risque de transmission des émotions négatives qui se surajoutent à celles déjà vécues par la situation. Tout est lié. Ainsi, préférence d’une intervention douce, rapprochée du grimpeur, à l’intervention dure mais éloignée de lui. Le grimpeur accompagnateur régule sa présence en fonction des risques de chute du grimpeur visé et se rapproche au maximum au moment de la chute. L’idée est de soutenir affectivement en terme de présence proche pour faire oublier la quantité de corde déployée entre les points d‘ancrage, et chercher à faire éviter l’opération mentale inutile, consistant à calculer le risque de hauteur de chute, afin de concentrer entièrement toute l’attention sur les mouvements à exécuter . b) la dé-cristallisation (durcir) Terme emprunté à Kurt Lewin, dans sa fameuse théorie de psychologie sociale sur le changement des habitudes alimentaires. Je reprends donc cette formulation de façon tout à fait personnelle (et sauvage), pour désigner cette fois ci une méthode qui va dans le sens du durcissement de l’attitude du coach, d’une façon non frontale. Tout comme certains indices d’actions très contextuels « in situ » peuvent être des déclencheurs émotionnels, les mots le sont aussi (théorie du constructivisme social d’Averill, 1980). Il s’agit en fait de se préoccuper de la gêne émotionnelle du grimpeur de manière secondaire pour se concentrer sur une inquiétude récurrente et douloureuse du grimpeur, et connue du coach. Il ne s’agit pas d’évoquer la vie privée et sensible du grimpeur, mais des sujets habituels qui posent parfois cruellement problème dans la carrière sportive d’un champion (relation avec la fédération, des médias, sponsors etc…). Dans un briefing préalable à une situation d’entraînement, il convient donc de mettre le grimpeur dans une situation affective d’attaque sur un thème différent et étranger à sa peur pour le lui faire oublier momentanément (décristallisation des sentiments) le temps d’une séance. Nous sommes ici dans un cas de figure ou cette situation fera figure de dernière chance. Il s’agit donc de faire glisser cette émotion à un état affectif plus profond mais sur un agent anxiogène d’une autre nature, et nécessitant de l’agressivité pour tenter de le résoudre. Il ne s’agit aucunement de manipuler en bricolant des sentiments artificiels, mais de rester toujours dans l’évocation de la vérité en désignant par exemple les conséquences probables d’un échec sportif. La sollicitation en cours d’entraînement, de l’énergie qui découle de la fierté naturelle et de son amour propre, peut faire renverser la tendance, en stimulant de l’agressivité, seule émotion que je connaisse capable d’effacer la peur en acte. En cas de réussite ou de progrès tangible, l’importance du dé-briefing à chaud devient cruciale pour tenter de ré-installer une émotion positive (augmentation de l’image de soi, fixation des bonnes sensations, soulagement et confiance retrouvée dans la dyade entraîneur/entraîné…) correspondant à la re-cristallisation d’un nouvel «état affectif» propice à la production de performance. Conclusion Tout est irrationnel dans cette réflexion qui touche aux aspects les plus complexes de la nature humaine. Nous sommes nous, entraîneurs, à la recherche des méthodes qui donnent des résultats tangibles souvent à court terme, et il apparaît parfois que celles ci nous dépassent et ne trouvent aucune explication. Pour autant nous tentons de les appliquer en les adaptant à des contextes pleins de surprises. Même si dans le milieux de l’entraînement, notre ego sur dimensionné est bien souvent générateur d’énergie, le recours à l’humilité non pas en tant qu’ «attitude sociale pour faire chic», mais comme méthode de base, est tout à fait crucial. [email protected] Bibliographie Durand M., Arzel G., Saury J., «Quelles sciences pour le sport» AFRAPS 1997, recherche et intervention en sport et en condition physique : réflexion sur les conditions d’un domaine cognitif consensuel. Berthoz A., Jorland G, 2004, L’Empathie, Odile jacob. Maturana H., Varela F., 1994, l’arbre de la connaissance, Addison-Wesley. Suchman L., 1987, Plans and Situated action. . 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