Utilisation des cathéters intraveineux en oncologie

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DOSSIER
Utilisation des cathéters
intraveineux en oncologie :
prévention et traitement
des complications
" M. Pailler*
La prise en charge quotidienne des patients
cancéreux s’est considérablement modifiée au
cours de ces dernières années, en raison du
développement de techniques nouvelles permettant, dans de nombreux cas, de réduire la
durée de l’hospitalisation. Un nombre croissant
de patients, ne dépendant plus d’un lieu unique
de traitement, évoluent désormais dans un
réseau de soins. Ce changement des pratiques,
s’il réduit le temps d’exposition au risque d’infection hospitalière, peut rendre plus complexes la surveillance et la prévention des complications liées à l’utilisation des cathéters
veineux centraux.
* Hôpital Avicenne,
125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny.
libre de ses mouvements et peut se doucher ;
! les cathéters tunnellisés : de type HickmanBroviac. L’extrémité externe à la peau comprend un système de fixation sous la forme d’un
manchon en Dacron®. Ils sont constitués d’une
gomme siliconée radio-opaque.
PRÉVENTION PRIMAIRE DES COMPLICATIONS
SUR CATHÉTERS
Entretien et utilisation du cathéter (1, 2)
Lors de la mise en place d’une perfusion sur site
implantable, des règles d’asepsie doivent être
adoptées : l’infirmière doit se protéger à l’aide
d’un calot, d’un masque et de gants stériles.
MISE EN PLACE DU CATHÉTER
L’aiguille de Huber coudée est mise en place
Les risques de veinite et de nécrose liés à la
par une piqûre franche à travers la peau préalatoxicité des drogues cytotoxiques sur les parois
blement désinfectée avec un antiseptique derveineuses et la longueur des traitements sont
mique. L’ensemble du dispositif est maintenu
autant d’inconvénients qui font poser l’indicagrâce à des compresses stériles, des
tion d’une voie veineuse centrale, celle-ci assuStéristrips® puis un pansement.
rant au patient confort et sécuLa chambre implantable doit
rité. La mise en place se fait
En cas de non-utilisation, une
être héparinée toutes les 6 à 8
chambre implantable doit être hépasous anesthésie locale, au
semaines en cas de non-utilirinée toutes les 6 à 8 semaines.
bloc opératoire, par un médesation, le cathéter tunnellisé
cin anesthésiste ou un chirurtous les mois. Une réfection
gien entraîné, dans les conditions habituelles
du pansement est nécessaire tous les 8 à 10
d’asepsie chirurgicale. Un contrôle scopique
jours en cas de cathéter tunnellisé.
est nécessaire pour vérifier le positionnement
PRINCIPALES COMPLICATIONS DES VOIES
correct du cathéter dans la veine. L’abord est
jugulaire interne ou sous-clavier, et l’extrémité
VEINEUSES CENTRALES
interne du cathéter est positionnée dans la
Infections sur cathéter
veine cave supérieure. L’extrémité extérieure
Facteurs de risque
peut être de deux types :
La prolongation de la survie des malades d’onco! les chambres implantables ou “port-a-cath”
hématologie se fait souvent au prix d’une dimi(PAC) : composées d’une chambre métallique
nution de leurs défenses immunitaires. Cette
ou plastique sous-cutanée radio-opaque, plaimmunodépression associe, pour un même
cée en thoracique supérieur et reliée à un
malade et de façon variable dans le temps, diffécathéter en silicone ou en polyuréthane. Ce
rents éléments qui sont autant de facteurs de
type de cathéter présente plusieurs avantages :
risque d’infection nosocomiale. Les uns, liés à la
il ne nécessite pas de pansement, le patient est
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d o s s i e r
– infection liée au cathéter : suspectée devant
nature du cancer, sont fonction du type de la
de la fièvre avec ou sans frissons parfois assotumeur et de son stade évolutif. Les autres, liés
ciée à des signes de choc, en particulier dans
aux conséquences des traitements, sont la rançon du développement des chimiothérapies, des
les heures qui suivent la manipulation du
immunosuppresseurs et de l’usage extensif des
cathéter. Le diagnostic sera confirmé par les
cathéters veineux. Dans tous les cas, l’existence
hémocultures quantitatives comparatives préd’une dénutrition sévère constitue un facteur de
levées en même temps sur le site et en péririsque supplémentaire.
phérie. La suspicion d’une infection liée au
L’existence d’une voie veineuse centrale multicathéter impose l’ablation de celui-ci devant
plie par 40 à 100 le risque de survenue d’une
quatre situations :
bactériémie chez les malades immunocompé– signes de choc et absence d’autre infection
tents (3), et par 4 seulement chez les aplaévidente ;
siques (4). Le risque infectieux varie largement
– infection locale profonde associée ;
en fonction du terrain, de l’environnement hos– thrombophlébite septique ;
pitalier, du type de matériel utilisé, du site ana– voie veineuse non ou plus indispensable.
En même temps, une antibiothérapie probabiliste
tomique d’insertion de la voie veineuse cenvisant les staphylocoques sensibles à la méthiciltrale, de sa durée d’implantation, de ses
line sera débutée. En dehors de ces quatre situamodalités d’utilisation. La colonisation se fait,
tions d’urgence, la voie veineuse peut être mainteen général, à partir de la flore cutanée du
nue en place sous couverture antibiotique, et une
malade ou, accidentellement, à partir de la flore
réévaluation de la situation clides mains du personnel lors des
Deux types d’infections sur cathéters :
nique et bactériologique est
soins. La colonisation de la por– locale profonde isolée : retrait
nécessaire à la 48e heure.
tion intravasculaire du cathéter
immédiat de la voie veineuse cenL’ablation de la voie veineuse
à partir d’un foyer infectieux à
trale ;
doit être envisagée en l’abdistance semble peu fréquente
– liée au cathéter : ablation à discuter
sence d’amélioration clinique
en oncologie. La dernière décenou de persistance d’hémocultures positives à la 48e
nie a vu la régression des infections à bacilles à
heure, en cas d’isolement de Staphylococcus
Gram négatif sur cathéter et le développement
aureus, de Pseudomonas aeruginosa, d’Acinetorapide des staphylocoques à coagulase négabacter sp, de Stenotrophomonas sp, de Bacillus sp,
tive, qui constituent désormais les germes les
plus fréquemment isolés (5). Il s’agit en règle de
d’une levure, d’une mycobactérie ou d’une infecStaphylococcus epidermidis, beaucoup plus
tion polymicrobienne. Elle est recommandée en cas
rarement de Staphylococcus saprophyticus,
d’isolement de certains bacilles Gram négatif viruStaphylococcus hominis, Staphylo-coccus haelents comme Klebsiella sp, Entero-bacter sp,
molyticus (6). Une autre dominante est l’acSerratia sp.
En présence d’une infection sur cathéter non
croissement de l’incidence et de la sévérité des
compliquée à staphylocoque coagulase négative
infections sur cathéter à Staphylococ-cus
ou à bacilles Gram négatif non virulents, l’infecaureus, Pseudomonas aeruginosa et à Candida
tion peut être traitée cathéter en place. Le traitesp, ainsi que l’émergence d’authentiques septiment antibiotique pourra être administré par voie
cémies à germes opportunistes tels que
systémique ou localement selon la méthode du
Corynebacterium, Bacillus sp (5).
verrou antibiotique. Cette méthode consiste à
On distingue deux types d’infections sur cathélaisser en place 12 heures par jour la lumière
ters (7) :
interne du cathéter infecté avec une forte concen– infection locale profonde isolée : évoquée
tration (100 à 1 000 fois la CMI) d’un antibiotique
devant des signes inflammatoires (douleur, chaleur, rougeur, parfois du pus) en regard de la loge
adapté au germe. Ce verrouillage est renouvelé
d’insertion de la chambre implantable ou sur le
tous les jours pendant 10 à 15 jours (8).
trajet sous-cutané du cathéter. Ce type d’infecL’efficacité de ce traitement sera contrôlée par
tion impose le retrait immédiat de la voie veides hémocultures sur cathéter aux 3e et 4e jours
neuse centrale et sa mise en culture ainsi que la
ainsi que 48 heures après la fin des verrous.
mise en route d’une antibiothérapie par voie
Thrombose sur cathéter (9)
générale probabiliste active sur les staphyloL’apparition d’une douleur et d’un œdème cercoques sensibles à la méthicilline, voire adaptée
vical, scapulaire ou de l’avant-bras doit faire
au germe isolé ;
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DOSSIER
suspecter une thrombose dans les veines du
CONCLUSION
membre supérieur où est implanté le cathéter.
L’écho-doppler veineux permet d’en faire le diaIl est indispensable que, en plus des progrès
gnostic, de préciser le siège et l’étendue de la
thérapeutiques, les patients puissent bénéfithrombose. Le traitement repose sur la mise en
cier des progrès techniques leur offrant une
place d’une anticoagulation à
meilleure qualité de vie. La
doses efficaces par héparines
mise en place des dispositifs
Le risque majeur : l’extravasation.
de bas poids moléculaire
intraveineux centraux partiArrêt immédiat de la perfusion, aspiration, envoi du patient en milieu spé(HBPM). L’ablation du cathécipe à cette amélioration de la
cialisé.
ter sera envisagée en l’abqualité de vie. Même si le taux
sence d’amélioration, voire en
global de complications est
cas d’extension de la thrombose sous HBPM ou
rare (0,23 pour 1 000 jours d’utilisation pour
devant un cathéter non fonctionnel. En l’abBow) (10), le respect des règles d’asepsie et
sence de consensus concernant la durée de
d’entretien des cathéters ainsi que la connaisl’anticoagulation, on peut considérer que, si le
sance des complications liées à leur usage
contrôle de l’écho-doppler montre une perméadevraient en permettre une plus large utilisabilité des veines du membre supérieur après six
tion en ambulatoire.
"
semaines de traitement, l’anticoagulant peut
être interrompu.
BIBLIOGRAPHIE
Obstruction du cathéter
Elle se manifeste par l’absence de reflux sanguin
et par des difficultés à injecter une solution.
L’opacification du cathéter permet de distinguer
plusieurs étiologies : une mauvaise position du
cathéter, un caillot sanguin formé dans la lumière
ou à l’extrémité inférieure du cathéter, ou des
dépôts de fibrine. Les thromboses formées dans
la lumière ou à l’extrémité du cathéter peuvent
être, dans la majorité des cas, traitées par des
injections d’urokinase (2 500 à 5 000 UI/ml)
laissé en place 30 min à 2 heures) (1).
Extravasation
Elle correspond au passage dans les tissus
sous-cutanés des drogues cytotoxiques. Elle
peut être la conséquence d’une malposition de
l’aiguille de Huber, parfois d’une désadaptation
de la chambre et du cathéter ou d’une fissuration de ce dernier. Il s’agit d’un accident grave.
La prise en charge immédiate nécessite l’arrêt
de la perfusion et l’aspiration de 5 à 10 ml dans
le cathéter afin d’éliminer le maximum de produit. À l’aide d’une aiguille sous-cutanée, on
aspire autour du cathéter le produit infiltré sous
la peau. On délimitera la zone infiltrée au
crayon pour le suivi. Le patient est adressé en
milieu spécialisé, où une ablation du cathéter
sera envisagée. Cette ablation est nécessaire
en cas de nécrose cutanée secondaire complète
d’une greffe de peau. Les cytotoxiques en cause
sont les anthracyclines, la mitoxantrone, les
alcaloïdes de pervenche, l’actinomycine D et les
sels de platine.
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