Quelles incidences mon projet peut-il avoir sur la biodiversité ? Le dérangement Le dérangement est l’une des menaces les plus importantes qui pèsent sur les espèces animales, surtout les oiseaux et les mammifères (chauves-souris, loutre, castor…). Il peut avoir pour conséquence un déplacement d’individus avec un risque d’abandon de leur l’habitat. De nombreuses activités humaines (travaux, loisirs de plein air…) peuvent entraîner des dérangements en général involontairement. Presque tous les animaux voient en effet l’homme comme un prédateur ; sa simple présence ou son activité (bruit, lumières…), surtout à proximité des lieux de reproduction ou de repos, peuvent provoquer un comportement de fuite. La fuite des individus est d’autant plus préjudiciable pour des espèces qui se reproduisent dans des milieux particuliers, comme dans le cas de certains oiseaux (falaises, arbres morts…). Si le dérangement a lieu avant la reproduction, il est possible que les individus ayant fui se retrouvent isolés les uns des autres et que la reproduction échoue. Selon le nombre d’oiseaux dérangés, cela peut devenir préoccupant pour la survie de l’espèce. Le dérangement peut avoir lieu en début de reproduction (couvaison…) ; dans ce cas, seuls les individus mobiles, donc adultes, pourront fuir la zone perturbée en abandonnant leurs œufs ou les jeunes à peine éclos. L’échec de la reproduction peut avoir des conséquences dramatiques pour l’espèce, si son statut est déjà précaire. Les mammifères, et notamment les chauvessouris, sont eux-aussi sensibles aux dérangements, que ce soit en période de reproduction ou d’hibernation (à la mauvaise saison). En général le dérangement n’influe pas directement sur la survie des individus (du moins des adultes), sauf en période hivernale (épuisement des animaux qui ne peuvent reconstituer leurs réserves énergétiques…). Mais il peut avoir des impacts sur la survie à long terme de l’espèce. Castor d’Eurasie femelle, photo : Denis Palanque La fragmentation d’habitat A : Habitat non fragmenté B : Habitat fragmenté Un habitat est fragmenté lorsqu’il se retrouve éclaté en plusieurs parties séparées (B), alors qu’à l’origine il n’était constitué que d’un bloc (A). La fragmentation des habitats est un des impacts les plus courants et constitue la principale cause d’extinction pour la biodiversité. Certaines espèces sont très spécialisées et ne peuvent vivre ou se reproduire que dans un milieu très particulier (roselières, falaises, arbres morts, mares, tas de sable…). Ces habitats sont aujourd’hui morcelés (axes routiers, urbanisation…), et c’est seulement au bout de plusieurs kilomètres que l’on retrouve le même milieu. Les conséquences sont que les populations sont plus fragiles, regroupées dans de petites zones refuges où il y a moins de ressources alimentaires, de lieux de reproduction ou de repos… donc moins d’individus. reproduction soit trop peu importante pour garantir la survie de l’espèce. La fragmentation des habitats entraîne des « coupures » dans les milieux, préjudiciables à certaines espèces notamment celles qui se déplacent peu, comme la tortue d’eau douce « Cistude d’Europe » ou les amphibiens (Sonneur à ventre jaune ou Triton crêté). Il est donc important de prendre en compte les habitats naturels dans tous les projets d’aménagements pour ne pas entraîner de rupture entre les différents milieux nécessaires à l’accomplissement du cycle biologique complet d’une espèce. De plus, l’isolement de populations (végétales ou animales) dû à la fragmentation des milieux naturels les rend plus vulnérables aux aléas de la nature (inondation, sécheresse, grand froid, incendie…) et aux destructions ou perturbations que ces aléas provoquent. L’isolement peut compromettre les chances de reproduction d’une espèce : si les zones de reproduction sont de plus en plus petites et de plus en plus éloignées, il est possible que les individus ne puissent se retrouver ou que la Cistude d’Europe, photo : Denis Palanque 2 Haut Plateau de la Drôme, Photo : Denis Palanque Destruction d’habitat ou d’espèce L’impact le plus évident sur la biodiversité est la destruction soit de milieux naturels, soit d’espèces animales ou végétales, ces dernières étant particulièrement vulnérables puisque incapables de se déplacer ! La destruction directe de milieux rares et fragiles, parfois issus d’une évolution multiséculaires et dont la reconstitution est impossible (tourbière, marais, forêts centenaires…) représente une perte irréparable. De plus, elle s’accompagne de la disparition des espèces végétales et animales associées, parfois très spécialisées. Ainsi certaines espèces qui dépendent de la présence de bois morts (insectes se nourrissant de bois en décomposition…) ou d’arbres avec des cavités (oiseaux ou chauves-souris vivant dans ces trous) sont directement condamnées par la disparition de leur habitat. Des papillons (comme les Azurés…) qui ne se reproduisent qu’en présence de certaines plantes ou de fourmis (indispensables pour leur cycle de reproduction) dépendent intégralement de la présence de ces autres espèces et des milieux qui les accueillent (pelouses sèches, zones humides…). Certaines espèces sont protégées et leur destruction est à ce titre interdite. Mais d’autres plus « banales » ont néanmoins un rôle à jouer dans l’équilibre du site Natura 2000 (source de nourriture, contribution à l’équilibre de l’écosystème …) ; leur disparition serait préjudiciable pour le site et pour toute la biodiversité présente. Les roselières par exemple ne sont pas protégées en temps qu’habitat menacé, mais doivent être préservées en tant que milieu favorable à la nidification de plusieurs espèces d’oiseaux, qui elles sont protégées (Héron, rapaces…). Tout projet risquant d’entraîner la destruction de milieux naturels ou d’espèces doit donc être « réfléchi » en amont de sa réalisation afin de minimiser son impact, qui pourrait être préjudiciable à l’ensemble de la biodiversité locale. 3 Deux exemples d’incidences Les chauves-souris Les chiroptères (chauves-souris) sont des espèces très sensibles au dérangement et à la destruction de leurs habitats. Ces animaux se reproduisent peu et lentement, chaque femelle ne mettant au monde qu’un petit tous les ans, voire tous les deux ans. Ce rythme de reproduction étant très lent, toute perturbation peut avoir des conséquences tragiques pour l’espèce. Les chauves-souris hibernent durant la saison froide. Si une perturbation intervient durant cette période à proximité d’une colonie de chauves-souris, cela peut avoir des conséquences malheureuses, si celles-ci se réveillent et n’arrivent pas à trouver un autre refuge et à retrouver leur état d’hibernation. La colonie peut mourir, car les animaux n’auront pas assez de réserve pour résister à la période hivernale. Minioptère de Schreibers, photo : F. Schwaab De plus, les chauves-souris sont soumises à de multiples pressions : les produits chimiques servant à traiter les charpentes où elles nichent, la fragmentation de leurs habitats, le dérangement dû aux activités humaines, les infrastructures éoliennes responsables de destructions directes d’individus… Les zones humides L’appellation « zones humides » regroupe plusieurs types d’habitats, dont beaucoup sont concernés par Natura 2000 : marais, tourbières, prairies humides, lagunes… Tous ces milieux sont une interface entre la terre et l’eau. Les milieux humides se présentent sous plusieurs formes, mais se caractérisent par la présence d’une biodiversité exceptionnelle. Un étang en Dombes (Ain), photo : Martine Poumarat De nombreuses espèces animales et végétales sont présentent dans ces zones. Les milieux humides jouent un rôle important dans le cycle de l’eau : régulation de la ressource en eau par leur capacité à stocker ou restituer l’eau, épuration, prévention des crues… Les zones humides sont des milieux souvent très fragmentés : autrefois très présentes, elles sont aujourd’hui rares et très menacées. Elles sont menacées par certaines activités humaines (construction, drainage, assèchement…), mais aussi par les changements globaux (climat). De par leurs rôles, elles représentent un enjeu de conservation majeur pour le développement durable. Les projets d’aménagements peuvent avoir plusieurs types d’impacts : la destruction directe de la zone humide et donc de la biodiversité qui en dépend ; la destruction indirecte, due par exemple à une perturbation de l’alimentation en eau de la zone humide par l’installation de réseaux de drainage ou d’équipements fluviaux. Mais la zone humide peut aussi perdre la biodiversité qu’elle héberge par l’introduction d’espèces envahissantes ou la pollution des eaux liée à certaines activités humaines. Chef de projet Natura 2000 : Martine Poumarat Stagiaire : Aurélien Simon 4