Synthèse de l`étude réalisée dans le cadre de la

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Bilan de l’apport des gazoducs au
réseau des continuités écologiques
La réflexion sur les continuités écologiques a prouvé que les bandes de servitude des
gazoducs peuvent contribuer à la sauvegarde et à la gestion de la biodiversité
francilienne. Ces servitudes, en contexte forestier ou prairial, ont l’avantage de présenter une
continuité permanente de leur strate herbacée, contrairement à d’autres infrastructures linéaires
(routes, canaux, voies ferrées…), qui créent des coupures peu perméables ou infranchissables
(principalement pour la faune). A ce niveau, les dépendances vertes des gazoducs deviennent
des éléments du maillage écologique qui favorisent les déplacements.
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Carte CBNBP BD Ortho ® © IGN 2005
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Figure 24 : Continuité de la strate herbacée en contexte forestier d’une bande de servitude (à gauche) et
continuité herbacée (symboles en rouge) rompue par une infrastructure linéaire d’autoroute, au niveau
d’un massif forestier (à droite)
Les structures de forme linéaire et étroite constituent habituellement des vecteurs de
dissémination rapide d’espèces exogènes, voire invasives. En Ile-de-France, les servitudes des
gazoducs se démarquent également par le fait qu’elles ne semblent pas jouer le rôle de
couloirs préférentiels de propagation à la flore exogène. En effet, au cours des trois années
de prospection, peu de populations d’espèces considérées comme invasives ont été
détectées, contrairement à ce qui a pu être observé le long d’autres structures linéaires.
Synthèse de la convention
Fabrice Perriat – Décembre 2009 – CBNBP
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Lors de la pose des gazoducs, le transfert de sol (déplacement de la couche superficielle du
sol au début des travaux et rétablissement au même emplacement lors de la remise en état du
site) assure le respect de l’ordre des horizons, en particulier pour celui de surface qui contient la
banque de graines. La recolonisation spontanée, qui laisse la végétation coloniser le site
naturellement, assure le caractère natif des espèces et donc la conservation du patrimoine
génétique de la flore locale, même si l’aspect de celui-ci n’est pas esthétique les premières
CBNBP-MNHN / F. PERRIAT
CBNBP-MNHN / J. MONDION
années.
Figure 25 et Figure 26 : Bande de servitude d’un gazoduc avec pieds isolés de Solidage du Canada, sans
prolifération (à droite) et talus envahi par la Renouée du Japon, favorisée par la perturbation des couches
superficielles du sol et le couloir créé par la route(à gauche).
Les dépendances vertes des gazoducs peuvent compenser, localement, l’altération, la
fragmentation, l’isolement et la séparation géographique et écologique dont sont
victimes les milieux naturels (herbacés uniquement) accueillant la vie sauvage. Alors que la
nature ordinaire est souvent banalisée et menacée par l’extension urbaine et l’intensification
agricole, les servitudes des gazoducs présentent une strate herbacée permanente, constituée
par la flore locale, et non soumises aux facteurs d’influence négatifs de l’agriculture intensive.
De ce fait, elles peuvent contribuer au maintien d’une connectivité fonctionnelle entre les
espaces encore naturels de ces zones, par la création de milieux de substitution. Dans les
secteurs hébergeant une biodiversité de grand intérêt, limités et largement dispersés sur le
territoire francilien, les servitudes des gazoducs assurent également des connections entre
les différents habitats.
De plus, en contexte forestier, les trouées générées par le passage des conduites de gaz
multiplient les zones de contact entre milieux forestiers et milieux herbacés, ce qui est
profitable aux espèces des lisières. Ces bordures de bois, diversifiées, peuvent contribuer
Synthèse de la convention
Fabrice Perriat – Décembre 2009 – CBNBP
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au maillage écologique en constituant des éléments de liaison propices au déplacement
CBNBP-MNHN / F. PERRIAT
CBNBP-MNHN / F. PERRIAT
des espèces entre leurs différentes zones de développement.
Figure 27 et Figure 28 : Bande de servitude avec lisières bien développés abritant une biodiversité élevée
(à gauche) et lisière en recul, où la forêt butte sans aucune transition avec de grandes cultures sans
marge de végétation (à droite)
Les dépendances vertes des gazoducs, de par leur configuration linéaire, peuvent créer des
voies de propagation propices aux échanges entre populations d’espèces d’un même
site, initialement distantes. A l’inverse, ces servitudes ne semblent créer que de façon
indirecte des ponts entre les différents espaces protégés compte tenu de la distance importante
qui les sépare le plus souvent. En effet, les interconnexions qui pourraient relier ces espaces
sont presque toujours systématiquement interrompues par des parcelles vouées à l’agriculture
intensive. Les milieux herbacés de substitution liés au passage des gazoducs, et situés à des
distances intermédiaires entre les zones noyaux, permettent la constitution de populations
pouvant servir de points d’appui. A ce titre, les gazoducs semblent apporter une
participation à la mise en réseau des espaces naturels présentant un fort intérêt
écologique.
Synthèse de la convention
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Carte CBNBP BD Ortho ® © IGN
2005
1/ 15 000 ème
Figure 29 : Localisation des populations de Violette élevée et de Sanguisorbe officinale autour
d’un gazoduc traversant la Réserve naturelle nationale de la Bassée. Le fait que la Violette soit
régulièrement répartie sur la servitude du gazoduc, montre que ce linéaire permet la
constitution de populations, pouvant ensuite potentiellement servir de points d’appui à une
future expansion de l’espèce, par dissémination le long des chemins ou ruisseaux adjacents à
la bande de servitude. De plus, cette bande herbeuse pourrait assurer un lien entre les
populations de la partie est de la Réserve Naturelle et les populations situées plus à l’ouest, et
présenter ainsi des continuités écologiques entre espaces naturels isolées présentant un fort
intérêt écologique.
Les bandes de servitude des gazoducs créent également des interconnexions au-delà des
frontières administratives de l’Ile-de-France, avec les régions voisines qu’ils parcourent. De
ce fait, ces servitudes participent à la dispersion et à la migration des espèces et apportent une
contribution à la constitution d’un réseau écologique cohérent, à une échelle dépassant
le cadre régional. Toutefois, les deuxième et troisième années d’étude ont mis en évidence
qu’un morcellement plus accentué des habitats et des paysages diminue les possibilités et la
viabilité des connexions à des échelles de distance importantes.
Synthèse de la convention
Fabrice Perriat – Décembre 2009 – CBNBP
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Carte CBNBP
1/ 250 000 ème
Figure 30 : Localisation des populations de Cardère poilu dans la vallée du Loing, au niveau des
départements de la Seine-et-Marne (Ile-de-France) et du Loiret (Centre).
Les trouées intraforestières résultant du passage de gazoducs semblent profitables au Cardère poilu, en
créant des lisières fraîches favorables à son implantation et à son développement. A ce titre, ces bandes
de servitude contribuent au maintien de cette espèce non dénuée d’intérêt, par la création de milieux de
substitution. Ces populations pourraient par la suite pallier à l’altération et à la fragmentation des milieux
humides dont sont victimes des espèces comme le Cardère poilu, dans une région où l’urbanisation et les
activités humaines se concentrent principalement dans les vallées.
Synthèse de l’étude et perspectives
Bilan global
Les résultats obtenus au cours des trois années d’étude ont confirmé l’intérêt que peuvent
présenter les bandes de servitude des gazoducs à la sauvegarde de la biodiversité francilienne,
en compensant localement, l’altération, la fragmentation, l’isolement et la séparation
géographique et écologique dont sont victimes les milieux naturels.
Au terme des 3 années d’étude des bandes de servitude des gazoducs, il ressort les éléments
suivants :
Synthèse de la convention
Fabrice Perriat – Décembre 2009 – CBNBP
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Sur le plan floristique :
-
Peu de milieux à forts enjeux naturalistes traversés par des gazoducs ;
-
Un nombre important d’espèces sur les bandes de servitude ;
-
Un nombre d’espèces patrimoniales assez important ;
-
Une gestion favorable à la biodiversité.
Sur le plan des continuités écologiques :
-
Un apport concret au maintien de la biodiversité ;
-
Une non-prolifération des espèces exogènes ;
-
Une réponse concrète à la fragmentation des habitats, dans une région urbanisée et
de culture intensive ;
-
Un lien avec les espaces protégés ;
-
Une continuité avec les régions voisines.
Les gazoducs ne créent pas de biodiversité mais, par la gestion extensive qui y est
pratiquée, ces linéaires peuvent présenter des milieux refuges et contribuer au maintien
de cette biodiversité.
Comment favoriser la diversité floristique et les continuités
écologiques ?
Les 3 années d’étude permettent de dresser des recommandations et les principales
orientations de gestion, en vue de maintenir, voire améliorer la diversité floristique et de
favoriser les continuités écologiques au niveau des bandes de servitude des gazoducs.
Lors de l’implantation de nouveaux tracés :
-
Veiller tout particulièrement à respecter l’ordre des horizons lors du transfert de
sol, en particulier pour l’horizon de surface qui contient la banque de graines.
Ce dernier consiste à déplacer la couche superficielle du sol au début des travaux
afin de la rétablir au même emplacement sur le site après la pose de la conduite ;
-
Dans tous les cas, mais plus particulièrement dans le cas d’une bande de servitude
traversant des habitats frais à humides, il est impératif de ne pas créer de zones
surélevées au niveau du passage de la conduite souterraine ;
-
Exporter ou répartir les éventuels volumes excédentaires de terre ;
-
Favoriser la recolonisation spontanée, en laissant la végétation s’installer
naturellement pour assurer le caractère natif des espèces et donc la
conservation du patrimoine génétique de la flore.
Synthèse de la convention
Fabrice Perriat – Décembre 2009 – CBNBP
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Lors de l’entretien courant des bandes de servitude :
-
Faucher tardivement entre la fin de l’été et le début de l’automne, afin de ne pas
compromettre le développement jusqu’à fructification des plantes ;
-
Effectuer une coupe à une hauteur d’une dizaine de centimètres afin de garantir
une meilleure repousse des végétaux ;
-
Effectuer une rotation du fauchage au niveau d’un même tronçon de gazoduc, en
le répartissant sur deux années consécutives. Cette alternance permet de garantir
un meilleur étagement des strates, élément favorable notamment à la faune (zones
de refuge). Cela garantit également un meilleur potentiel de la banque de graines
par rapport à un fauchage unique et uniforme de l’ensemble de la bande de
servitude.
-
Proscrire l'épandage d'herbicides ;
-
Contenir des lisières progressives au niveau des emprises traversant des milieux
forestiers, en favorisant les lisières étagées, au détriment des lisières en recul qui
créent une coupure nette dans la strate arborescente.
L’exportation des produits de fauche, destinée à limiter l’enrichissement du milieu, concerne
les pelouses sèches (calcicoles ou acidiphiles) et les prairies humides.
Notons toutefois que la diversité floristique des bandes de servitude, tout comme les continuités
écologiques qu’elles peuvent présenter sont avant tout tributaires de l’intérêt floristique des
milieux traversés. En effet, les paysages de grande culture (grande séparation entre les milieux
naturels) et très fragmentés (important morcellement des massifs forestiers) sont des éléments
défavorables dans les deux cas.
Perspectives
Le rôle supposé des bandes de servitude des gazoducs en terme de continuité écologique a
été conforté par les trois années d’études de terrain menées dans le cadre de la convention.
Bien que ces dépendances vertes semblent participer à la mise en réseau des espaces
naturels présentant un fort intérêt écologique, les liaisons qu’elles peuvent créer d’une manière
concrète restent à étudier.
Le renouvellement du partenariat pour une durée de 3 ans permettra de réaliser des études
plus particulières sur une région écologique de la vallée de la Seine (Bassée). Ce travail vise à
favoriser la mise en place d’une trame verte et bleue, à l’aide de la cartographie des habitats
naturels et semi-naturels, tout en réalisant un focus sur une espèce remarquable, telle que la
Violette élevée (Viola elatior Fr.). Ceci permettra notamment d'analyser plus précisément les
continuités écologiques à une échelle locale, ainsi que les zones de ruptures existantes. On
évaluera au final comment s’insère le réseau des gazoducs dans ce schéma (zones nodales,
zones tampon, continuités).
A côté de cela, des études ponctuelles sur des sites industriels appartenant à GRTgaz
identifieront les éléments à prendre en compte en vue d’un aménagement écologique en faveur
de la biodiversité, complétées par des suivis dans le temps.
Synthèse de la convention
Fabrice Perriat – Décembre 2009 – CBNBP
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