lES INSPIRATIONS mAETERlINcKIENNES… 219
commençaient doucement à se multiplier et les traductions se mettaient littéra-
lement àauer. Après une seconde représentation duspectacle de Pawlikowski
en1901 au éâtre de la Ville de Lvov, Intérieur céda lepas à d’autres pièces telles
que LaPrincesse Maleine, L’Intruse etMonna Vanna, dont on dénombre respec-
tivement une, deux et huit représentations rien qu’en 1902. Au même moment,
desfrancophiles s’attelaient à la traduction de textes encore non traduits (Agla-
vaine et Sélysette, Les Aveugles, Le Trésor des humbles, La Sagesse et la destinée,
LaVie des abeilles, etc.), suivant des près les publications en cours de l’écrivain
belge. Enn, toujours en 1902, Ignacy Matuszewski t dénitivement asseoir
le culte polonais de Maeterlinck en le comparant, dans Słowacki et le nouvel art
(Słowacki inowa sztuka, 1902), au poète-prophète romantique Juliusz Słowacki
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,
reconnaissant qu’ils avaient en commun «un sens profond de l’unité de l’univers»
(Matuszewski 1902: 282) et un mysticisme similaire3. Face à un tel triomphe,
Leśmian ne pouvait échapper à cet engouement généralisé, d’autant que même
son oncle Antoni Lange se révéla un fervent lecteur de Maeterlinck dont il tradui-
sit Joyzelle en 1904, un an à peine après sa sortie en français.
Leśmian put d’autant moins être épargné par cet emballement qu’il noua,
àpartir de 1901, des liens étroits avec Chimera et son fondateur Zenon Przesmy-
cki (Kulik 2008: 213), celui par lequel tout avait commencé. Maeterlinck n’aurait
en eet jamais pu connaître un tel succès et susciter une telle eervescence en
Pologne sans lapersonne de Miriam. En 1891, cet écrivain, critique et traducteur
inuent publia dans la revue Świat un essai sur Maeterlinck, intitulé «Maurice
Maeterlinck et sa position dans la poésie belge contemporaine» («Maurycy
Maeterlinck. Stanowisko jego wliteraturze belgijskiej ipowszechnej»). Ce texte,
qui prétendait formuler une analyse critique digne de ce nom de l’œuvre de
Maeterlinck4, devint bientôt un manifeste de l’art de la Jeune Pologne, au même
titre que Ballades etromances (Ballady iromanse, 1822) d’Adam Mickiewicz pour
le romantisme (Wasylewski 1930: VIII). De cette façon, le nom de Maeterlinck
sevit associé àun des textes fondateurs de l’esthétique de l’époque (l’année de
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«Le culte de Słowacki, très vif à l’époque de la Jeune Pologne, acontribué àl’aermissement
du culte du dramaturge belge.» (Stykowa 1983:128).
3 «Comme nous le voyons, la ressemblance des idées mystiques de Maeterlinck avec
lesconceptions de Słowacki est frappante. On peut sans aucun doute trouver des diérences,
etmême des diérences fondamentales, dans les détails, dans ledéveloppement et dans la concré-
tisation artistique des croyances des deux poètes, mais le point de départ et le noyau de la doctrine
qu’ils proclament sont les mêmes.» (Matuszewski 1902:285).
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Przesmycki se plaint de l’absence d’examen critique de l’œuvre de Maeterlinck et compte
bien y remédier:«Malheureusement, à l’exception de quelques “jeunes” petits journaux fran-
çais et belges, je n’ai trouvé aucune tentative similaire d’analyse fondamentalement critique.»
(Przesmycki 1894:VI–VII).