Entretien avec
Henri Crohas
Nous nous sommes rendus le jeudi 22 octobre 2009 au
siège d’Archos, situé à Igny, en banlieue parisienne.
Notre équipe était composée de Cajl pour JBMM et
de Thocan pour ArchosLounge.
Nous avons été reçus par Henri Crohas (le PDG d’Archos) et Virginie Bajan (PR & Com-
munication Manager), pendant plus de deux heures riches d’information.
Cet entretien a été préparé avec Hellena, membre émérite de la communauté Archo-
sienne, qui a pu nous apporter une aide précieuse lors de l’élaboration des questions.
Ce compte rendu est découpé en cinq parties, permettant de faciliter la lecture de cette
interview longue, mais passionnante :
Episode 1 : PREAMBULE
Episode 2 : RETOUR SUR LA CONFERENCE
Episode 3 : LARCHOS 5IT : RUPTURE OU SIMPLE TRANSITION ?
Episode 4 : COUVERTURE DE PRESSE ET SANTE FINANCIERE
Episode 5 : PARTENAIRES
Episode 6 : CONCURRENCE ET EVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES
Episode 7 : CONCLUSIONS
Préambule
AL&JBMM : Bonjour Henri Crohas et merci d’avoir
accepté de nous consacrer du temps pour cette in-
terview.
Un mois s’est écoulé depuis la dernière conférence
et l’annonce de l’Archos 5 Internet Tablet. Depuis
désormais trois ans, Archos planie des conférences
pour le lancement de ses produits. Quel sentiment
ces shows à l’américaine vous procurent-ils ?
HC : La préparation de ce type de conférence est
toujours un exercice difcile. Si je ne suis pas un
grand communiquant, j’essaie de communiquer à
bon escient.
La communication vers la presse a toujours été
pratiquée chez Archos, on faisait beaucoup de
road shows, plus à l’étranger qu’en France. L’étran-
ger était favorisé car il était nécessaire qu’on s’y
développe, qu’on s’y implante. Le premier combat
d’Archos fut pendant longtemps aux Etats-Unis.
Quand Archos a percé avec le Jukebox6000, c’était
aux Etats-Unis. On est entré rapidement chez Best
Buy et, d’emblée, nous avons obtenu des reviews
extraordinaires.
Aux USA, comme le pays est très grand, seules
les très grandes entreprises font des conférences.
Pour nous, il est préférable de passer par des road
shows : Washington, New York, Chicago, Dallas,
San Francisco, Los Angeles… à chaque fois en «one
to one».
Par la suite, nous avons été reconnus en France,
mais ce n’est pas venu tout de suite. A l’époque,
de nombreux journaux français avaient une réac-
tion de dénigrement : «c’est français, donc ça ne
peut pas marcher !». Aujourd’hui, nous avons dé-
sormais une très bonne image en France, même
si la popularité génère forcément des détracteurs.
AL&JBMM : Quel est le moment que vous préférez
lors des présentations ?
HC : D’une manière générale, effectuer ce genre
de présentation est un moment d’émotion intense.
AL&JBMM : Pourquoi avoir changé le format des
conférences en 2008 (en petits comités presse)
pour revenir au show à l’américaine en 2009 ? Ca
coute probablement moins cher de faire une confé-
rence en petit comité que de faire une conférence
plénière… Or, cette année, Archos a réalisé deux
grandes messes !
Quel est votre secret pour
vous permettre de faire ces
deux conférences alors que
la société, tant française
que votre propre entreprise,
traverse de très grandes
difcultés ? Serait-ce une
conséquence de la présence
de certains partenaires ?
HC : Je ne peux pas le dire...
même si ce n’est peut-être
pas faux.
Je pense que, à l’intérieur
d’un budget marketing, c’est
ce qui paie le mieux. C’est
on a le meilleur retour sur investissement. Nous
l’avons fait en France et en Grande Bretagne, nous
avons réalisé un presse-tour en Allemagne et aux
USA.
Ensuite, le deuxième axe, c’est avec le retailer.
C’est sur ces deux axes là que nous mettons notre
budget marketing. L’année d’avant, nous avions
fait moins et je pense que c’était une erreur. Un
rythme de deux conférences par an est bon, même
si on doit évidemment faire en sorte que ça puisse
correspondre aux sorties des produits.
AL&JBMM : Pour la communauté, en tous cas,
c’est clairement ce qu’il y a de mieux ! Même si
nous devons faire attentions à ce que nos serveurs
ne s’écroulent pas sous la charge… (rires)
Vous nous aviez donné rendez-vous à Las
Vegas, avec la présentation de l’Archos-
phone...
Y-a-t-il d’autres surprises à espérer ?
HC : LArchosphone à Las Vegas, je ne
peux pas le promettre. Il y aura
des annonces à Las Vegas, c’est
sûr, mais les choses ne sont pas
gées à ce point là.
Retour sur la conférence
AL&JBMM : vous avez présenté lors de cette
conférence l’Archos 5IT, qui est désormais dispo-
nible dans le commerce.
Que représente pour vous cette nouvelle généra-
tion ?
HC : Comme je l’expliquais
lors de la conférence, le suc-
cès de l’iPod Touch a été une
surprise pour nous. Jusqu’en
2007-2008, Apple avait réali-
environ 3 millions de pièce
et Archos en faisait globale-
ment un pour 4, un pour 5.
Et puis l’activité d’Archos a
plongé pendant les années
2008-2009 et nous nous sommes retrouvés ni-
chés dans le haut de gamme par Apple. Pendant ce
temps, les autres concurrents ont déserté vers le
bas de gamme...
Puis, alors que tout laissait penser que l’iPod Touch
ne marchait pas très bien et que les consomma-
teurs s’étaient focalisés sur l’iPhone, on s’est aperçu
que le Touch se vendait aux alentours de 3 produits
pour 2 iPhone, alors que toute la communication et
les budgets sont mis sur le téléphone d’Apple. Cela
montre que le téléphone n’envahit nalement pas
tout, même s’il empiète évidemment sur le marché
des baladeurs.
Il y a donc beaucoup de gens qui préfè-
rent avoir un téléphone normal dans
la poche et un autre produit pour se
divertir. Il se vend d’ailleurs actuel-
lement un très grand nombre de
baladeurs mp3 bas de gamme.
AL&JBMM : Est-
ce une génération de
transition, de rénova-
tion ou de révolution ?
HC : Il y a eu 3 ruptures fortes
dans les produits Archos : la pre-
mière fut avec le Jukebox6000
nous avons, en gros, avec d’autres, inventés le ba-
ladeur mp3 à disque dur. Puis nous avons inventé
le baladeur vidéo, avec l’AV120 et surtout l’AV300.
Et enn, aujourd’hui, l’Archos 5IT qui constitue une
nouvelle étape.
Ce qui importe dans Android,
c’est l’ouverture de la pla-
teforme, c’est l’ouverture à
toutes les applications. Au-
jourd’hui, nous n’avons pas
encore Marketplace, mais
nous avons cependant bon es-
poir de l’avoir et, de toute ma-
nière, nous allons continuer
de développer notre AppsLib
car tous les produits Android ne seront pas forcé-
ment Marketplace. Or, nous allons aller plus loin
que les tablettes d’aujourd’hui, nous sommes
actuellement face à l’iPod Touch, dans les mêmes
prix (en gros entre 250 et 350 euros).
Pourquoi c’est une grande rupture ? Je pense que
nous pourrons faire de l’Android entre 100 et 200
dollars en 2010. Dès janvier/février, nous allons
introduire de nouveaux produits qui ne seront
pas des baladeurs 5 pouces, mais qui seront des
produits différenciés et à moins de 200 euros. Et
je pense qu’en 2011, nous arriverons à passer la
barre des 100 euros avec ce type de produits. Cela
veut dire qu’Android va envahir toute une catégo-
rie de nouveaux marchés : des cadres photos, des
PMP de grands écrans, jusqu’aux radioréveils…
Android va donc nous permettre de déployer une
gamme beaucoup plus large. Mais attention, je n’ai
pas dit qu’Archos allait se mettre à fabriquer des
radioréveils ! (rires)
AL&JBMM : Ce succès semble même surprendre
Google !
HC : Google ne pensait pas forcément avoir ce
succès, mais c’est surtout que Google au-
jourd’hui ne le veut pas !
Android est complètement libre,
à l’inverse du Markeplace et des
principales applications de Google
(comme GoogleMaps). Google ne
tient pas vraiment à avoir autant de
succès, car Android a été conçu contre
L’Archos 5IT : Rupture ou
simple transition ?
l’iPhone, les Nokia, Windows mobile etc. A
mon avis, Android est fait pour promou-
voir les applications web 2.0 de Google.
Le browser est le sien. Une fois que le
browser est présent dans le pro-
duit, c’est une force majeure sur
le produit. Quand une société
tient les mails, les applications
bureautiques (type GoogleDocs),
elle prend vraiment le pas sur les
autres.
Et c’est pour cela que Google ne
souhaite pas mettre Marketplace
sur tous les produits : un radioréveil ne
va promouvoir ni Googlemaps, ni les mails…
Cela ne sert pas la promotion pour l’envi-
ronnement Google au nal...
AL&JBMM : Avez-vous vraiment appris au dernier
moment l’incompatibilité de l’Archos 5IT avec ce
portail ?
HC : Les pourparlers
laissaient penser que
nous aurions accès au
Marketplace...
AL&JBMM : On parle
beaucoup de l’absence
de boussole et de ca-
méra...
HC : Je ne peux pas répondre à la place de Google.
Mais je peux en revanche vous dire que nous al-
lons sortir très bientôt des produits avec caméra et
boussole. Je ne peux pas vous en dire plus…
AL&JBMM : Des chinois annoncent pourtant des
produits compatibles avec le Marketplace alors
qu’ils n’ont pas de caméra...
HC : Les chinois annoncent tout ce qu’ils veulent.
Ils auront Android Market
parce qu’ils l’auront mis sur
leur produit, sans l’accord de
Google. Archos pourrait très
bien mettre également sur
ses produits Android Market
si nous n’étions pas respec-
tueux des lois.
Les chinois font des télé-
phones compatibles iPhones,
avec les applications de
l’iPhone dessus... Les protec-
tions n’ont pas résisté long-
temps. On trouve toutes ces bidouilles sur
Internet…
Archos veut évidemment faire des pro-
duits Marketplace et on en fera.
C’est une question de quelques
mois, voire de semaines.
Mais, en parallèle, sur les pro-
duits éloignés du monde de la
téléphonie, on y trouvera éga-
lement de l’Android, notam-
ment dans les produits d’entrée
de gamme. Ce qui nous permettra
d’ajouter de nouvelles étagères à notre
magasin.
Au sein d’une même étagère, les produits
se phagocytent entre eux, c’est donc inté-
ressant pour nous d’ajouter d’en ajouter de
nouvelles.
Ainsi, en plus de notre étagère mp3/mp4, nous
avons désormais l’étagère du netbook, un peu dif-
férente de celles des PC portables. Il y a égale-
ment celle des téléphones, qui est extrêmement
intéressante mais difcile à conquérir, mais vous
savez déjà que nous avons des velléités de faire
un téléphone. Nous persistons et j’espère qu’on va
signer...
AL&JBMM : Signer avec des opérateurs télépho-
niques ? (rires)
HC : Dans tous les sens du terme ! On peut en
effet difcilement entrer dans la téléphonie sans le
concours des opérateurs...
Il y a également l’étagère du cadre photo, une belle
étagère qui s’est construite assez rapidement.
AL&JBMM : Pourquoi n’avez-vous pas investi dans
ce domaine, qui paraissait très proche technologi-
quement du savoir faire d’Archos ?
HC : Parce que nous n’avions
pas mis encore en place notre
nouvelle stratégie à l’époque
et que nous sommes limi-
tés par nos forces internes.
Les différents partenariats
chinois qui sont mis actuelle-
ment en place pour les mp3,
les mp4 et les netbooks per-
mettent justement de dupli-
quer nos forces.
En interne, nous faisons da-
vantage de design, d’architecture produit et de
marketing en aval, et cela nous permet d’étendre
nos marchés, par le bas et le haut, et donc de le
rééquilibrer : par le haut avec l’Archos 9 et les net-
books, par le bas grâce aux mp3/mp4 et à la dé-
mocratisation d’Android.
Android va aller dans des produits plus démocra-
tiques.
AL&JBMM : Cela devrait vous permettre d’amélio-
rer la cohérence de votre gamme, aujourd’hui écla-
tée sur plusieurs plateformes : Android, Windows,
interfaces chinoises...
Y aura-t-il des netbooks sous Android dans les pro-
chaines années ?
HC : Je ne pense pas. Tout dépend de ce qu’on ap-
pelle un netbook... Pour moi, un netbook c’est un
PC avec de l’Intel et du Windows. Après, on parle
de Smartbook... Mais je trouve que les Smartbooks
sont des produits ambigus, coincés entre les pro-
duits Android et Windows...
Les prix des netbooks descendent à une vitesse
vertigineuse. Intel et Microsoft adaptent leur po-
litique pour systématiquement arrêter l’entrée. Il
faut se souvenir que l’entrée des netbooks a été
réalisée sous Linux et que Microsoft a réussi à éjec-
ter cet OS de la quasi totalité des netbooks du mar-
ché.
AL&JBMM : A ce titre, qu’a donné votre tentative
d’Archos 10 sous Ubuntu ?
HC : Je crois qu’on a fait quelques centaines de
pièces et voilà. C’était un test pour répondre à une
catégorie précise de clients…
AL&JBMM : Quel est le résultat de ce test ? Pen-
sez-vous le réitérer dans le futur ?
HC : Je ne sais pas, je ne peux pas répondre
catégoriquement mais, en tous cas, ça n’at-
tire pas les foules : les retailers n’en veulent
plus parce qu’ils ont connu la phase ils ven-
daient un PC et les gens revenaient en disant
que ça ne fonctionnait pas... Les gens ne se préci-
pitent pas chez leur distributeur pour demander du
Linux ! Hormis quelques consommateurs avertis.
Pourtant, Linux a toute sa vertu sur les produits
que nous concevons...
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