Compte-rendu de la session Quelles stratégies de communication

Compte-rendu de la session
Quelles stratégies de communication
pour sensibiliser les adolescents à la
prévention ?
Paris Centre universitaire des Saints Pères
5 juin 2013
Modérateurs : Colette MENARD, Inpes et Benoît FELIX, CRIPS
Quelles stratégies de communication pour sensibiliser les adolescents à la prévention ?
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Introduction
Colette MENARD
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
La présente session a été organisée par l’Inpes en collaboration avec l’Institut national de la
jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) représen par son directeur Olivier Toche, avec
l’Ecole des parents et des éducateurs représentée par Mirenxtu Bacquerie, avec le Centre régional
d’information et de prévention du SIDA (CRIPS) d’Île-de-France représenté par Benoît Félix, avec
David Heard, responsable du département des campagnes de l’Inpes et Annick Gardies, directrice
de l’information et de la communication de l’Inpes.
Au cours de la matinée, nous mobiliserons divers experts pour dresser un état des connaissances
relatives aux jeunes avant d’aborder concrètement, à l’occasion des débats de l’après-midi, des
dispositifs de communication en direction des jeunes publics.
Annick GARDIES
Directrice de l’information et de la communication de l’Inpes
La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, vient tout juste dévoquer en
ouverture de nos Journées la communication et le nécessaire ciblage des publics auxquels elle
s’adresse : en vous proposant une session sur la communication en direction des adolescents, nous
voici donc au cœur des enjeux !
La communication dans le domaine de la santé publique est une notion qui interroge, inquiète
voire effraie. Pourtant, en matière de prévention et de promotion de la santé, il convient
d’encourager chacun à prendre en charge sa santé et à adopter des comportements favorables au
bien-être physique, mental et social. Aussi, comment atteindre cet objectif si ce n’est en suscitant
un désir de changement ? Comment donner envie de changer et comment réussir à nouer le contact
avec les jeunes ? La problématique est complexe et questionne les différents acteurs de la
prévention. Elle désarçonne et fascine à la fois, les jeunes demeurant un objet de questionnement
et d’attention pour chacun d’entre nous. Nous éprouvons le besoin de comprendre leur psychologie,
leurs comportements tandis que leur santé nous préoccupe. Pourtant, comme en témoignent les
études, et les tout derniers résultats du Baromètre santé jeunes de l’Inpes sont là pour le
réaffirmer : les jeunes sont plutôt en bonne santé1.
Les jeunes sont au cœur des actions de terrain et au cœur des politiques publiques, car chacun sait
que plus les habitudes de vie favorables à la santé sont prises tôt, plus elles portent leurs fruits. La
communication en promotion de la santé étant également l’un des domaines d’expertise de l’Inpes,
il apparaissait donc gitime de mettre en avant ce sujet à l’occasion de la huitième édition des
Journées de la prévention. Au travers de cette mise en exergue, il s’agissait de prolonger une
action amorcée dès les années 90, notamment par l’intermédiaire d’une étude pilotée par le
Comité français d’éducation pour la santé (CFES), prédécesseur de l’Inpes. Ladite étude, intitulée
« La communication sur la santé auprès des jeunes », permettait de conclure qu’il était
crucial de nouer une relation avec les jeunes. Qu’il fallait par conséquent travailler sur le présent
1 Pour plus d’informations, voir les résultats récemment édités du Baromètre santé-jeunes de l’Inpes de 2010 :
www.inpes.sante.fr/Barometres/barometre-sante-2010
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et l’immédiateté, insister sur des valeurs plutôt que sur des bénéfices en termes de santé. Cette
étude illustrait, déjà en 1990, le caractère indispensable de la multiplication des approches
créatives, de la mobilisation de ressorts de communication comme l’émotion, l’humour voire la
peur, à condition que celle-ci soit savamment dosée. Enfin, elle faisait apparaître la nécessité
d’être présent à l’occasion des événements investis par les jeunes (festivals, concerts…). L’Inpes a
donc travaillé au fur et à mesure des années à partir des indications de ses études et de son
Baromètre santé-jeunes.
A titre d’exemple, l’Inpes a investi le sujet de l’entrée en sexualité au travers d’une web-série
PuceauX. Par l’intermédiaire du site internet on sexprime.fr2, l’Inpes travaille par ailleurs sur les
addictions au tabac, à l’alcool et aux drogues illicites. Certaines campagnes, telles que Toxicorp,
Le cannabis est une réalité, Contre les drogues chacun peut agir ou le manga Attraction sont
autant d’exemples de stratégies de communication marquantes. Face au catalogue de ces
dispositifs, vous pourriez légitimement vous interroger sur leur impact réel.
Aujourd’hui, grâce à Internet, nous disposons de nouveaux éléments d’évaluation qui tendent à
confirmer le succès de ces opérations qui génèrent des centaines de milliers voire de millions de
pages vues. Preuve de l’intérêt que les jeunes y portent. De plus, les dispositifs d’information et
de communication sont reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l’une
des dix stratégies efficaces dans le cadre par exemple de la lutte contre le tabagisme. C’est
d’ailleurs à ce titre que les campagnes de communication anti-tabac sont aujourd’hui déclinées
dans plus de 20 pays dans le monde.
Il est donc possible d’intéresser les jeunes à la prévention. En effet, certains discours retiennent
leur attention et suscitent leur adhésion. Il ne s’agit cependant pas d’un processus mécanique et
seule la complémentarité des actions assure l’efficacité de la communication. Une campagne de
communication vise à alerter, à donner une visibilité à un sujet, à livrer un message, etc.
Néanmoins, pour obtenir un effet, il est nécessaire de communiquer dans la durée,
continuellement, et de multiplier les approches créatives et les canaux de diffusion. Les campagnes
créent un terrain favorable aux changements de comportement mais nécessitent d’être relayées par
des actions de proximité plus pédagogiques et pérennes. Les campagnes de communication
nécessitent également d’être relayées par des pairs. Or, ces pairs aujourd’hui se trouvent
souvent sur les réseaux sociaux et sur le web. Il nous faut donc conquérir les jeunes ils sont :
c’est-à-dire sur le web. Il faut leur donner le désir d’adopter des comportements favorables à leur
santé au travers des moyens et des techniques de leur époque.
Grâce à cette délicate alchimie alliant opérations de communication, actions interindividuelles et
actions de terrain, nous réussirons tous ensemble. Car en promotion de la santé, et tout
particulièrement en communication, il n’existe pas de recette miraculeuse. Certaines actions
fonctionnent, d’autres sont plus ou moins efficaces mais dans tous les cas, la duplication du succès
n’est pas chose aisée. Ceci dit, en communication comme ailleurs, l’expérience des uns peut faire
le bonheur des autres. C’est la raison pour laquelle nous avons construit cette journée de façon à
ce qu’elle constitue un temps de partage, d’écoute et d’échange. Je vous souhaite une bonne
journée !
2 www.onsexprime.fr
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Adolescence : état des connaissances
Un portrait socio-comportemental des jeunes
La jeunesse, objet immémorial de représentations des adultes
Patrice HUERRE
Pédopsychiatre3
Les jeunes ont toujours constitué une surface importante de projection pour les adultes. En
effet, les adultes ont de tout temps projeté sur les adolescents leurs craintes et leurs espoirs selon
les périodes de l’Histoire ainsi que nombre de leurs fantasmes. Notre époque n’est pas avare de ces
fantasmes, comme l’illustre le fait que 75 % des parents s’inquiètent au sujet de leurs adolescents
et font état d’un malaise de leur progéniture. Parallèlement, 75 % desdits adolescents se trouvent
bien à l’école, en famille et sont plutôt optimistes vis-vis de l’avenir. Aussi, dans l’approche de
la jeunesse, il convient de se méfier de nos représentations d’adultes qui témoignent davantage de
nos inquiétudes que de la manière dont les adolescents voient le monde.
Par ailleurs, les adolescents actuels ne sont pas des mutants qui nécessitent de dépêcher des
spécialistes des tribus primitives pour en comprendre les us et coutumes. En effet, les adolescents
d’aujourd’hui sont occupés par les mêmes questions que les générations précédentes même si les
formes de réponses proposées diffèrent. Les questions qui les occupent en particulier les
changements pubertaires demeurent néanmoins identiques et le temps de leur résolution n’a pas
varié.
La représentation négative de la jeunesse n’est pas nouvelle. Dès l’antiquité, Hésiode considérait
qu’avec la jeunesse qu’il observait, le monde courait à sa perte. En revanche, la nouveauté réside
dans notre formidable capacité d’amnésie. Par ailleurs, les théories relatives à la jeunesse
fleurissent en période de crise et de grands changements sociaux. Ces théories rendent
invariablement compte des inquiétudes des contemporains. Ainsi, la place faite à la jeunesse
correspond à deux grandes caractéristiques historiques : d’une part, lors de circonstances
guerrières ou révolutionnaires, la jeunesse est l’objet de louanges. D’autre part, à l’occasion de
périodes plus calmes, la jeunesse dérange invariablement. Ainsi, au cours des périodes de crise,
aucune place n’est faite à la jeunesse et la tendance est au maintien de la place des adultes. Ce
mécanisme se retrouve dans l’ensemble des sociétés animales. En effet, le groupe des juvéniles
fera en permanence l’objet de mesures d’inclusion ou d’exclusion du groupe en fonction des
conditions écologiques du territoire.
Dans ce cadre, il est une bonne chose de prévenir et non « d’avoir des préventions ». Or, l’époque
se caractérise plutôt par le fait « d’avoir des préventions ». Malgré cela, les jeunes vont
globalement bien, et globalement mieux que les générations précédentes. En revanche, un écart se
creuse entre des jeunes qui vont bien et ceux-ci sont de plus en plus nombreux et les jeunes
3 Patrice Huerre est psychiatre des hôpitaux et psychanalyste, ancien chef de service en psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent. Vice-président de la maison des adolescents des Hauts-de-Seine, il a été à l’origine de l’établissement de
deux cliniques spécialisées dans les soins et l’étude des adolescents. Depuis plus de 30 ans, il s’est spécialisé sur les
problématiques de prévention et de soins des enfants, des adolescents et des jeunes adultes. Il préside par ailleurs
l’institut virtuel de Seine-Ouest et occupe la charge de membre du collège international de l’adolescent. A l’échelle
nationale, il est coordinateur des unités d’hospitalisation des jeunes adolescents du groupe ORPEA-CLINEA
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les plus vulnérables dont la situation s’aggrave. S’agissant du rapport au changement, les jeunes
ne semblent pas réfractaires à celui-ci ou effrayés par lui, au contraire des adultes. En revanche,
dans une période qui privilégie les réponses voir « la réponse » - aux questions, l’absence de
formulation des questions engendre des réponses inadaptées.
Des adolescents d’aujourd’hui pas si différents des adolescents d’hier
Le groupe d’âge des jeunes se caractérise à la fois par des constantes et des changements. Au rang
des constantes, leur corps change et les transformations pubertaires n’ont pas encore été évincées
par les évolutions technologiques. Cette maturation demeure à cet égard déterminante pour la
suite du parcours de l’adolescent. En outre, les jeunes d’aujourd’hui, à l’image des nérations
précédentes, expriment un désir d’appartenance générationnelle qui évolue néanmoins vers un
sentiment d’appartenance à des groupes d’âge de plus en plus étroits. Ainsi, le sentiment
d’appartenance s’oriente des groupes des collégiens et des lycées à des subdivisions plus fines des
groupes d’âge. Alors que le rapport des jeunes à leurs camarades du même âge conserve toute sa
vivacité, les jeunes manifestent des attentes identiques vis-à-vis des adultes. En effet, les
études témoignent du fait que les parents conservent la première place du « hit-parade » des
adultes importants, une situation souvent autrement perçue par les parents eux-mêmes. Pourtant,
les jeunes ne maltraitent leurs parents qu’en raison d’un fort investissement affectif. Dans le cas
contraire, l’indifférence et la cohabitation pacifique seraient la règle. De manière générale, les
figures d’adultes rencontrées à l’occasion du parcours d’un adolescent sont constamment investies
d’attentes.
Parallèlement, le besoin de transmission est de plus en plus fort. Dans une riode qui privilégie le
présent et l’immédiat, ce besoin d’inscription dans une histoire et une filiation culturelle ou
familiale apparaît prégnant. Une fois encore, l’adolescent feindra l’indifférence vis-à-vis des
parcours de vie familiaux mais n’en perdra cependant pas une miette. L’un des problèmes
principaux des adultes réside dans l’inversion des attentes. En effet, les attentes classiques de
l’enfant correspondaient à obtenir l’assurance de l’amour de ses parents. Or, la dynamique est
actuellement inverse et de nombreux parents cherchent à être rassurés sur l’amour de leurs
enfants. Dans ce cadre, de nombreux parents arrivent en consultation effondrés parce que leur
enfant leur a dit « je ne t’aime plus », vivant cette réaction ordinaire comme une atteinte directe
au modèle du bon parent qu’ils avaient endossé.
Enfin, les jeunes se caractérisent toujours par un besoin d’exploration. La jeunesse est
caractérisée par le besoin d’exploration de son être, de ses capacités et de ses compétences. Cette
exploration amène à côtoyer les limites d’un « soi » pour partie inconnu. Cette démarche
d’exploration est improprement qualifiée de « prise de risques ». Or, le fait de prendre des risques
correspond au fait de prendre possession d’un territoire mais aussi de capacités physiques et
relationnelles nouvelles. Dans cette perspective, ce besoin d’exploration et de « prise de risques »
apparaît fondamental.
Les écueils de l’hyperstimulation des enfants
Au rang des changements, quelques données nouvelles appellent une attention particulière. Les
adolescents d’aujourd’hui sont les bébés d’hier. Or, ces anciens bébés sont depuis une quinzaine
d’années l’objet de nombreuses sollicitations bien intentionnées dont nous savons que l’enfer est
pavé. En effet, de nombreux parents estiment qu’en stimulant précocement leur enfant, ils
l’aideront à s’inscrire plus facilement dans le monde de demain et dans la grande compétition
mondiale qui l’attend. Ainsi, les berceaux sont dès la naissance submergés de jeux à haute valeur
technologique qui ont vocation à développer les compétences des enfants au travers de diverses
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