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brousse. Or nous sommes dans une période où l’héritage de Labrousse est contesté. Antoine Prost sem-
ble le porte-parole de cette contestation dans les douze leçons sur l’histoire de 1996 où il dit : « le para-
digme Labrousse est mort ». Ces gens de l’école des « Annales » avaient de grands mérites mais ils né-
gligeaient la psychologie, ils négligeaient les institutions et le droit. On peut discuter de ce jugement, je
pense qu’il est pour partie totalement erroné mais il fonctionne et les jeunes historiens sont dans cet esprit
là. Si on veut faire carrière aujourd’hui, il faut commencer par dire, je ne reprends pas les turpitudes de
Labrousse. Je les reprendrais un peu mais c’est parce que je n’ai pas fait cette rupture générationnelle de
notre sujet. Il y aura un inventaire à effectuer sur l’usage contemporain de la notion de génération, je vous
en donne deux exemples. Le premier, c’est dans l’histoire littéraire, cela avait été amplifié par un livre de
H. Peyre « les générations littéraires » et on le retrouve dans l’histoire des idées politiques chez Michel
Winock, « le siècle des intellectuels » où vous avez une classification en trois générations : les années
Barrès, les années Gide, les années Sartre. Nous sommes sortis de Sartre donc il n’en traite pas mais
nous sommes dans les années Bourdieu et peut-être post-Bourdieu. Sur le plan de l’histoire du mouve-
ment ouvrier la rue Malher, l’histoire du syndicalisme est devenu simplement un des trois piliers. Ce piler
est surtout consacré à la prosoprographie c’est-à-dire l’histoire des itinéraires des individus, c’est le déve-
loppement du Maitron dont je vous rappelle que le tome 1 était paru en 1964, c’était pas du tout une ap-
proche individuelle que le Maitron voulait mais son œuvre aboutit à une approche du mouvement ouvrier
considéré d’ailleurs comme mort à partir des individus, à partir des générations. Donc la seconde disci-
pline à convoquer est l’histoire il faudrait voir si on ne peut pas faire venir Michel Pigener à l’occasion.
Troisième discipline, c’est psychologie, psychanalyse. Il faut prendre sous l’angle historique. La
grande secousse, c’est évidemment Sigmond Freud avec la mort du père « Totem et tabou » et 1912, et
puis le malaise dans la culture de 1930. La psychanalyse avance parce qu’à l’origine de la société il y a le
meurtre du père. Il y a la horde primitive, elle en a assez de la tyrannie du père abusif elle le tue. A ce
moment là la société peut se constituer. En même temps, le tabou de l’inceste est maintenu. Et puis sur le
plan psychologique, c’est évidemment le concept d’Electre, le concept d’Œdipe, le rapport conflictuel et
comment on se structure en s’opposant. C’est passé dans la psychologie ordinaire et de la psychologie
des jeunes à travers un livre important de 1957 d’ Hélène Deutsch qui s’appelle le « selected problems of
adolescence » les cohortes d’adolescents se structurent dans l’opposition à la génération précédente et
c’est développé en particulier par Gérard Mendel qui vient de nous quitter qui était un inventeur de la so-
cio-psychanalyse. La génération de 1968 a largement baigné dans cette culture. Il y a un redoublement
de notre sujet, l’interférence entre la conscience le savoir de l’époque. Autre discipline énorme qu’il fau-
drait essayer d’associer, ce sont les différentes facettes de la sociologie qui a fait beaucoup de travaux
sur les générations. Je pense qu’un des hommes qui a le plus contribué à solidifier, c’est Karl Mannheim
(in Wissen soziologie, réédition 1964 ) sans oublier Wilhelm Dilthey ( « Ueber das studium der Ges-
chichte der Wissenschaften vom Menschen » in Schriften t IV, 1924 ) mais aujourd’hui il y a une sociolo-
gie de la jeunesse, on peut citer des noms, François Dubet, Olivier Galland, Franck Poupeau, Gérard
Mauger qui ont étudié les bandes de jeunes et les grèves récentes des enseignants ; sociologie de l’école
Jean-Pierre Terrail, Terrail vient de la sociologie du travail et sa thèse était sur les jeunes ouvriers de R.
V.I. donc il a une culture qui permettrait le dialogue ; sociologie de l’emploi… le centre d’étude de l’emploi
à une époque a beaucoup travaillé, il y avait Gabrielle Balazs, Jean-Pierre Faguer qui étaient dans la
mouvance de Bourdieu. D’après mes fiches, leur dernier travail est de 1997, il faudrait voir du côté du
CEREQ, peut-être aussi Serge Volkoff qui travaille sur l’ensemble des tranches d’âges ; sociologie du tra-
vail avec **Pialou**, il n’y en pas tant qui essayent d’étudier les jeunes ouvriers et puis la socio-
linguistique, peut-être voir Josette Lefèvre pourrait nous cerner la manière dont les classes d’âges sont
désignées dans le discours syndical de 1970 à 2003.
Avant-dernière discipline, la science politique ; c’est Annick Percheron en France, s’inspirant des tra-
vaux américains, qui a travaillé le plus sur la socialisation politique des enfants et des jeunes. Cela avait
aboutit au congrès de l’A. F.S.P (Association Française des Sciences Politiques) en 1981 à une table
ronde qui a été éditée « générations et politique ». Le débat tournait autour de la définition, de la perti-
nence de la notion avec notamment Pierre Favre, Raoul Girardet, Alexis Ferrand . Beaucoup de travaux
sur les militants politiques de François Subileau et Marie-Claire Lavabre (PS, PC) ont essayé de voir les
différentes générations et puis Anne Muxel, Sophie Béroud vient de sortir une enquête pour la C.G.T. sur
les jeunes face au syndicalisme et à la vie associative. Enfin, il faudrait un philosophe. Qui a dit « la nais-
sance des enfants c’est la mort des parents », c’est Hegel. Le travail qui a été fait par Lucien Sève sur la
théorie de la personnalité nous aiderait grandement.