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Participation aux frais d’édition 3 euros
N° 16
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Première Séance du jeudi 9 décembre
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Approches disciplinaires des générations
l s’agit d’ouvrir le séminaire sur les ruptures générationnelles. Pierre m’a demandé de faire les
propos préliminaires sans me dire exactement la philosophie de cette invitation, si c’est pour il-
lustrer ce qu’est une rupture générationnelle ou si c’est pour l’atténuer. Toujours est-il que j’essaierai à la
fois d’exposer les ambitions ou les intentions de l’OMOS sur ce séminaire et puis je ferai quelques consi-
dérations plus personnelles sur ce qu’on pourrai faire et comment le faire.
L’ OMOS est un lieu d’échange entre chercheurs et militants. C’est constitutif de chacun des sept
des séminaires. Ceux qui ont reçu le bulletin d’octobre en ont la liste et un énoncé sommaire. Celui-là
commence et donc nous avons la même ambition de dialogue entre chercheurs, c’est-à-dire pas seule-
ment des chercheurs d’un seul type mais essayer d’avoir des chercheurs,, des bourdivins, des marxistes
ça existe encore et d’autres et de différentes disciplines, j’insisterai dans un second point et des militants
de diverses origines et mêmes de divers âges, pour s’enrichir mutuellement et essayer de traiter de la
configuration de la jeunesse actuelle et ses rapports avec les autres ages. Donc après ce préambule gé-
néral, je ferai quelques considérations préliminaires sur l’étude des générations et puis je terminerai par
des propositions de telle sorte que la discussion avec les autres exposés, à partir de ce corpus, débou-
che sur un programme.
Considérations préliminaire sur la manière d’étudier les générations et la génération en voie de
constitution. Ce qui serait bien c’est que nous réunissions au moins six disciplines indépendamment du
pluralisme des militants que j’évoquais. De façon analytique pour ne pas être trop long. Il faudrait qu’il y
ait un démographe, si possible. Pourquoi, parce que c’est une science qui pourrait nous asseoir un peu
plus la finition de ce qu’est une cohorte ou une classe d’age avec les statistiques à l’appui sur au
moins quatre dimensions. D’abord l’espérance de vie, car selon les générations, on n’a pas les mêmes
espérances de vie. Les enfants vivront plus longtemps que ma génération. Le taux de suicide perturbe
la statistique. On sait que les tranches d’ages jeunes se suicident plus, pas seulement au Japon mais
même en France même si le décalage est moindre et puis la nuptialité et la fécondité. C’est ce qu’il nous
faudrait pour voir les comportements d’un point de vue statistique des jeunes. On dit qu’il y a un retour
du mariage. Il ne faut pas extrapoler, c’est par rapport à un creux. S’il y a un peu plus de mariage au-
jourd’hui, ce n’est pas des mariages classiques, ce sont des mariages d’intérêt : c’est quand le PACS
est jugé assez insuffisant, mais il faut voir le nombre de mariages dans la clandestinité, il n’y a plus de
fête…
L’entrée par la démographie ne veut pas dire qu’il faut faire un séminaire de démographie , mais il
faudrait qu’il y ait quelqu’un qui nous en injecte au moment opportun.
L’entrée par l’histoire, là je serai plus long. Les sociétés archaïques, traditionnelles, et il en reste des
traces dans les populations avoisinantes. Les sociétés dites « holistes » lorsque l’individu est pris dans
le groupe ont un rapport à la génération qui est un rapport de tradition. D’ailleurs, souvent on est fils ben.
Donc, il y a une généalogie qui est traditionnelle et qui fait partie de notre culture dans la mesure
nous avons quand même tous un peu baigné dans une culture judéo-chrétienne de générations en
générations, c’est une formule qui marque que l’on est au terme. La genèse commence par la généalo-
gie des patriarches. L’évangile de Saint Mathieu commence par la généalogie de Jésus et ça fait parti
quand même de certaines cultures, de respect des anciens et de perception que l’on est dans une
chaîne humaine. me dans des théoriciens comme les solidaristes, on nous ressort aujourd’hui pour
donner de la patine à notre république, que ce soit dans Léon Bourgeois ou d’autres, reprennent en fait
cette thématique de la continuité de l’unité de l’humanité. Alors chez les grecs, il y a aussi cette concep-
tion, je ne reviendrais pas sur des éléments que j’avais exposés un autre jour sur les trois attitudes des
grecs à l’égard de l’histoire. Est-ce que les générations sont en ascension ? Est-ce qu’elles sont meilleu-
res ? Est-ce qu’il y a perfectibilide l’humanité ? C’est le point de vue des sophistes et un peu d’Aris-
tote, quoiqu’on en dise. Le déclin, c’est l’inverse, c’est Hésiode, ça va de mal en pis ou c’est toujours pa-
reil, donc les générations répètent ce que les autres ont fait antérieurement.
La notion de progrès dans les générations va s’affirmer avec le christianisme, et ça se voit dans la
langue latine. Génératio veut dire au départ enfantement, la création d’un nouvel être ; et c’est autours
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du 4
ème
siècle que génération ne va pas seulement indiquer l’acte de générer mais la chaîne d’homme.
C’est un théologien que vous connaissez tous Ambroise qui parle des générations humaines mais pour-
quoi ? Parce que le christianisme a une conception évolutive de sa propre religion. Dès le 4
ème
siècle, on
dit il y eu Jésus-Christ et après il y eu les apôtres et après les post apostoliques , les martyres, les patristi-
ques. Donc toute la patristique, tous les grands docteurs, Saint Augustin et les autres, il y a donc une suc-
cession et une progression. La révélation est donnée mais elle s’enrichit et se développe. Chaque généra-
tion apporte quelque chose. Donc c’est au 4
ème
siècle qu’on a pleinement conscience que le christianisme
s’est développé, qu’il a des dogmes qui n’étaient pas formulés dans l’évangile. Je veux simplement m’en
tenir à l’essentiel, à savoir que dans le christianisme, il y a bien cette notion de progression, en tout cas
d’articulation entre génération qui se formule de différentes façons. Bernard de Chartres avec cette
phrase « Nous somme des nains montés sur des épaules de géants ». Il y a Pascal. Pascal dit « l’huma-
nité est une et apprend chaque jour ». Il y a dans le christianisme le maintien d’une perspective à la fois
de révélation et de croissance qui est dominante. L’histoire moderne va transformer la généalogie qui
n’aura plus le côté sacré, le côté mythique. Nous avons de grands anciens, mais à partir du 17
ème
siècle, il
y a une rupture ; la généalogie devient une science. Elle va même devenir un instrument de gestion de la
propriété et les français comptent, je vous cite Ménestrier, il y a Laboureur et le père Anselme, il y donc
toute une réforme de la généalogie qui devient un instrument préparatoire de l’histoire. Et c’est vraiment
avec le 18
ème
siècle qu’on entre dans un rapport aux générations comme élément d’analyse des ruptures.
Jean-Jacques Rousseau dans le discours sur les Sciences et les Arts de 1750, il utilise la formule, tout le
préambule qui est très beau sur une rupture dans l’histoire. Jusque là, on était dans la tradition dans les
certitudes et voilà que nous entrons « dans les lumières de la raison ». C’est une formule que Kant re-
prendra. Les lumières de la raison apportent la distanciation à l’égard de la tradition, à l’égard des vérités
proclamées mais sans fondement donc toutes ses merveilles du 18
ème
siècle, il nous dit se sont renouve-
lées depuis peu de générations, donc conscience que ces hommes de la lumière sont une génération
nouvelle par rapport aux classiques est constitutive. C’est à partir de là que je vais vous fournir des repè-
res sur l’histoire de l’histoire par rapport aux générations. Je vais en citer trois. La première c’est Alexis de
Tocqueville dans « De la démocratie en Amérique » de 1835, Tocqueville est prémarxiste. Ce grand libé-
ral dit : « les publicistes anciens et modernes ont trop négligé la loi des successions », c’est-à-dire que au
lieu de s’attacher à la transmission génétique et à la filiation biologique, ce qui est intéressant à considérer
c’est la transmission des biens. Donc c’est une conception de l’histoire profondément liée au capital, à la
propriété. Donc il y a la prise en compte par les fondateurs de l’histoire française qu’ il faut avoir une ap-
proche de génération mais au sens social pas simplement biologique et de ce qui est transmis notamment
en terme de biens de propriété. Et bien sûr Karl Marx (le 18 brumaire de Louis Bonaparte de 1852) avec
toute une entrée formidable sur les générations, les stigmates des générations, la tradition de toutes les
générations mortes qui pèsent sur nous. La révolution se fait à travers des représentations qui sont celles
de Rome antique, on a des Brutus, on a des César, on a toutes ces figures qui masquent ce que font réel-
lement les bourgeois à savoir une révolution bourgeoise. Et Karl Marx, c’est lorsque la chose est faite que
l’on peut se débarrasser des figurants, des figuratifs pour avoir les gens concrets, c’est-à-dire Royer-
Collard, Guizot, Benjamin Constant, les penseurs de la bourgeoisie française.
Le troisième texte que je voudrais évoquer, c’est de François Guizot qui a fait un livre que Pierre Ro-
senvallon sous-évalue en le classant parmi les œuvres politiques pourquoi parce que c’est la préface à
l’édition de ses discours mais en réalic’est une œuvre historique aussi solide, plus importante à mes
yeux que bien d’autres texte de François Guizot. Trois générations : 1789, 1814, 1848 ; c’est un texte de
1862. Il y a une des rares tentatives avant la période moderne de penser le concept de génération à la
fois dans son unité et dans la diversité. Pour Guizot, il y a trois générations à partir de la révolution fran-
çaise et 1830 n’en fonde pas une. Il y a trois générations de groupes d’hommes qui ont une unité parce
qu’ils sont impliqués dans le même évènement politique fondateur et à ses yeux 1830 n’est pas un événe-
ment politique fondateur, c’est une transition ; c’est la réalisation de ce que voulait les gens de 1814. Il y a
une problématique de la génération politique ; et ce groupe d’hommes générationnel est clivé par les clas-
ses sociales, est clivé par des oppositions idéologiques. Il y a trois dimensions qu’il faut prendre en
compte pour étudier chaque génération ; ses options idéologiques, ses désirs et ses pratiques.
Une nouvelle époque de l’histoire française arrive avec « les Annales » en 1929 on va insister sur
les classes sociales en tant que groupes et sur l’infrastructure économique. En histoire sociale ce sera
principalement Ernest Labrousse qui fait sa thèse en 1944 et qui est le fondateur du centre d’histoire du
syndicalisme qui est devenu le centre d’histoire des mouvements sociaux et le centre d’histoire sociale du
20
ème
siècle . Les orientations contemporaines de l’histoire sociale ont leurs origines dans l’action de La-
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brousse. Or nous sommes dans une période où l’héritage de Labrousse est contesté. Antoine Prost sem-
ble le porte-parole de cette contestation dans les douze leçons sur l’histoire de 1996 il dit : « le para-
digme Labrousse est mort ». Ces gens de l’école des « Annales » avaient de grands mérites mais ils né-
gligeaient la psychologie, ils négligeaient les institutions et le droit. On peut discuter de ce jugement, je
pense qu’il est pour partie totalement erroné mais il fonctionne et les jeunes historiens sont dans cet esprit
là. Si on veut faire carrière aujourd’hui, il faut commencer par dire, je ne reprends pas les turpitudes de
Labrousse. Je les reprendrais un peu mais c’est parce que je n’ai pas fait cette rupture générationnelle de
notre sujet. Il y aura un inventaire à effectuer sur l’usage contemporain de la notion de génération, je vous
en donne deux exemples. Le premier, c’est dans l’histoire littéraire, cela avait été amplifié par un livre de
H. Peyre « les générations littéraires » et on le retrouve dans l’histoire des idées politiques chez Michel
Winock, « le siècle des intellectuels » vous avez une classification en trois générations : les années
Barrès, les années Gide, les années Sartre. Nous sommes sortis de Sartre donc il n’en traite pas mais
nous sommes dans les années Bourdieu et peut-être post-Bourdieu. Sur le plan de l’histoire du mouve-
ment ouvrier la rue Malher, l’histoire du syndicalisme est devenu simplement un des trois piliers. Ce piler
est surtout consacré à la prosoprographie c’est-à-dire l’histoire des itinéraires des individus, c’est le déve-
loppement du Maitron dont je vous rappelle que le tome 1 était paru en 1964, c’était pas du tout une ap-
proche individuelle que le Maitron voulait mais son œuvre aboutit à une approche du mouvement ouvrier
considéré d’ailleurs comme mort à partir des individus, à partir des générations. Donc la seconde disci-
pline à convoquer est l’histoire il faudrait voir si on ne peut pas faire venir Michel Pigener à l’occasion.
Troisième discipline, c’est psychologie, psychanalyse. Il faut prendre sous l’angle historique. La
grande secousse, c’est évidemment Sigmond Freud avec la mort du père « Totem et tabou » et 1912, et
puis le malaise dans la culture de 1930. La psychanalyse avance parce qu’à l’origine de la société il y a le
meurtre du père. Il y a la horde primitive, elle en a assez de la tyrannie du père abusif elle le tue. A ce
moment là la société peut se constituer. En même temps, le tabou de l’inceste est maintenu. Et puis sur le
plan psychologique, c’est évidemment le concept d’Electre, le concept d’Œdipe, le rapport conflictuel et
comment on se structure en s’opposant. C’est passé dans la psychologie ordinaire et de la psychologie
des jeunes à travers un livre important de 1957 d’ Hélène Deutsch qui s’appelle le « selected problems of
adolescence » les cohortes d’adolescents se structurent dans l’opposition à la génération précédente et
c’est développé en particulier par Gérard Mendel qui vient de nous quitter qui était un inventeur de la so-
cio-psychanalyse. La génération de 1968 a largement baigdans cette culture. Il y a un redoublement
de notre sujet, l’interférence entre la conscience le savoir de l’époque. Autre discipline énorme qu’il fau-
drait essayer d’associer, ce sont les différentes facettes de la sociologie qui a fait beaucoup de travaux
sur les générations. Je pense qu’un des hommes qui a le plus contribué à solidifier, c’est Karl Mannheim
(in Wissen soziologie, réédition 1964 ) sans oublier Wilhelm Dilthey ( « Ueber das studium der Ges-
chichte der Wissenschaften vom Menschen » in Schriften t IV, 1924 ) mais aujourd’hui il y a une sociolo-
gie de la jeunesse, on peut citer des noms, François Dubet, Olivier Galland, Franck Poupeau, Gérard
Mauger qui ont étudié les bandes de jeunes et les grèves récentes des enseignants ; sociologie de l’école
Jean-Pierre Terrail, Terrail vient de la sociologie du travail et sa thèse était sur les jeunes ouvriers de R.
V.I. donc il a une culture qui permettrait le dialogue ; sociologie de l’emploi… le centre d’étude de l’emploi
à une époque a beaucoup travaillé, il y avait Gabrielle Balazs, Jean-Pierre Faguer qui étaient dans la
mouvance de Bourdieu. D’après mes fiches, leur dernier travail est de 1997, il faudrait voir du côté du
CEREQ, peut-être aussi Serge Volkoff qui travaille sur l’ensemble des tranches d’âges ; sociologie du tra-
vail avec **Pialou**, il n’y en pas tant qui essayent d’étudier les jeunes ouvriers et puis la socio-
linguistique, peut-être voir Josette Lefèvre pourrait nous cerner la manière dont les classes d’âges sont
désignées dans le discours syndical de 1970 à 2003.
Avant-dernière discipline, la science politique ; c’est Annick Percheron en France, s’inspirant des tra-
vaux américains, qui a travaillé le plus sur la socialisation politique des enfants et des jeunes. Cela avait
aboutit au congrès de l’A. F.S.P (Association Française des Sciences Politiques) en 1981 à une table
ronde qui a été éditée « générations et politique ». Le débat tournait autour de la définition, de la perti-
nence de la notion avec notamment Pierre Favre, Raoul Girardet, Alexis Ferrand . Beaucoup de travaux
sur les militants politiques de François Subileau et Marie-Claire Lavabre (PS, PC) ont essayé de voir les
différentes générations et puis Anne Muxel, Sophie Béroud vient de sortir une enquête pour la C.G.T. sur
les jeunes face au syndicalisme et à la vie associative. Enfin, il faudrait un philosophe. Qui a dit « la nais-
sance des enfants c’est la mort des parents », c’est Hegel. Le travail qui a été fait par Lucien Sève sur la
théorie de la personnalité nous aiderait grandement.
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