Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité 2/8
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A - La théorie jurisprudentielle des circonstances
exceptionnelles
La théorie des circonstances exceptionnelles a été élaborée par le Conseil
d'Etat à l'occasion de la Première Guerre mondiale.
a) La notion de circonstances exceptionnelles
Par l'arrêt Heyriès du 20 juin 1918, le Conseil d'État admet qu'en période de
crise - voire, comme dans le cas de l'espèce, en période de guerre - la
puissance publique dispose de pouvoirs exceptionnellement étendus afin
d'assurer la continuité des services publics. Par un décret du 10 septembre
1914, le gouvernement avait suspendu l'application aux fonctionnaires civils
de l'État de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qui exige la communication
à l'agent de son dossier avant toute mesure disciplinaire prise à son encontre,
afin de pouvoir procéder sans délai aux déplacements et aux nominations
qui s'imposaient selon lui. M. Heyriès, qui avait été révoqué sans que son
dossier ne lui ait été préalablement communiqué, attaqua cette mesure en
excipant de l'illégalité du décret du 10 septembre 1914. En temps normal, le
Conseil d'État aurait donné raison au requérant dès lors qu'il est constant
qu'un décret, acte du pouvoir réglementaire, ne peut suspendre l'application
de dispositions législatives. Mais le Conseil d'État, en l'espèce, lui donna
tort. Il jugea en effet que, en vertu de la Constitution - en l'espèce l'article 3
de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 - il incombe aux pouvoirs
publics « de veiller à ce que, à toute époque, les services publics institués
par les lois et règlements soient en état de fonctionner, et à ce que les
difficultés résultant de la guerre n'en paralysent pas la marche ».
Dans l'affaire Dames Dol et Laurent du 28-02-1919, le Conseil d'État a
reconnu la régularité des mesures de police, à savoir l'interdiction de servir à
boire à des filles publiques et l'interdiction de racoler. Les dames Dol et
Laurent attaquent la décision en disant qu'elle porte atteinte à la liberté d'aller
et venir. Le Conseil d'État admet cette limitation des libertés en spécifiant qu'
« il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exercent ces pouvoirs de
police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de
l'état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu, la catégorie des
individus visés et la nature des périls qu'il importe de prévenir ».
b) Les effets des circonstances exceptionnelles
La théorie des circonstances exceptionnelles autorise l'autorité
administrative à s'affranchir :
1° Des règles habituelles de compétence :
Le pouvoir réglementaire peut agir dans la sphère de compétence du pouvoir
législatif lorsque l'urgence l'impose et que le législateur ne peut se réunir
(Heyriès précité ; Ass. 16 avril 1948, Laugier, p. 161) ; le fonctionnaire qui
est le mieux à même d'agir efficacement est habilité à le faire (1er août 1919,
Sté des établissements Saupiquet, p. 713) ; le Conseil d'État a même admis
que, en cas de carence de l'autorité administrative, de simples particuliers
puissent la suppléer en prenant les mesures exigées par les circonstances,
jouant ainsi le rôle de "fonctionnaires de fait" (5-03-1948, Marion, p. 113) ;