DROIT ADMINISTRATIF FICHE 8 - LE PRINCIPE DE LEGALITE Si l’administration est tenue de respecter, en règle générale, le principe de légalité (I), elle peut être conduite parfois à s’en écarter (II). I - LE RESPECT DU PRINCIPE DE LEGALITE PAR L’ADMINISTRATION Le respect du principe de légalité par l’administration peut revêtir deux aspects : A - Une notion minimum de légalité Elle s'exprime dans un rapport de simple non-contrariété ou de nonincompatibilité. Dans ce sens, les organes des autorités administratives ne doivent rien faire qui soit contraire à une règle de droit. L'administration agit alors légalement, régulièrement, lorsqu'elle adopte un comportement qui n'enfreint pas le droit. B - Une notion plus rigoureuse de la légalité Elle s'exprime dans un rapport de conformité. Selon cette notion maximum de la légalité, l'acte légal est seulement celui qui est conforme au droit. Dans cette vision, tous les actes des autorités administratives doivent être conformes à la réglementation. L'administration ne peut faire que des actes conformes à la réglementation. La légalité se présente comme un rapport entre l'activité administrative et les règles qui régissent cette activité. Il faut donc rechercher quelles sont ces règles que l'administration ne peut pas méconnaître et dont la violation est de nature à entraîner une sanction juridictionnelle (annulation ou réparation par le juge). Ces règles ne sont pas seulement constituées par la loi, mais aussi par d'autres normes telles que la Constitution, les traités internationaux, les actes administratifs généraux (réglementaires) ou individuels, puis encore les décisions de justice. II - LES LIMITES AU RESPECT DU PRINCIPE DE LEGALITE PAR L’ADMINISTRATION Il existe différentes hypothèses où le respect par l’administration du principe de légalité pourra être assoupli, pour lui permettre d’agir avec plus de vigueur et de rapidité. On peut ainsi admettre qu'en période de crise, la nécessité doit l'emporter sur le strict respect de la légalité. Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 1/8 A - La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles La théorie des circonstances exceptionnelles a été élaborée par le Conseil d'Etat à l'occasion de la Première Guerre mondiale. a) La notion de circonstances exceptionnelles Par l'arrêt Heyriès du 20 juin 1918, le Conseil d'État admet qu'en période de crise - voire, comme dans le cas de l'espèce, en période de guerre - la puissance publique dispose de pouvoirs exceptionnellement étendus afin d'assurer la continuité des services publics. Par un décret du 10 septembre 1914, le gouvernement avait suspendu l'application aux fonctionnaires civils de l'État de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qui exige la communication à l'agent de son dossier avant toute mesure disciplinaire prise à son encontre, afin de pouvoir procéder sans délai aux déplacements et aux nominations qui s'imposaient selon lui. M. Heyriès, qui avait été révoqué sans que son dossier ne lui ait été préalablement communiqué, attaqua cette mesure en excipant de l'illégalité du décret du 10 septembre 1914. En temps normal, le Conseil d'État aurait donné raison au requérant dès lors qu'il est constant qu'un décret, acte du pouvoir réglementaire, ne peut suspendre l'application de dispositions législatives. Mais le Conseil d'État, en l'espèce, lui donna tort. Il jugea en effet que, en vertu de la Constitution - en l'espèce l'article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 - il incombe aux pouvoirs publics « de veiller à ce que, à toute époque, les services publics institués par les lois et règlements soient en état de fonctionner, et à ce que les difficultés résultant de la guerre n'en paralysent pas la marche ». Dans l'affaire Dames Dol et Laurent du 28-02-1919, le Conseil d'État a reconnu la régularité des mesures de police, à savoir l'interdiction de servir à boire à des filles publiques et l'interdiction de racoler. Les dames Dol et Laurent attaquent la décision en disant qu'elle porte atteinte à la liberté d'aller et venir. Le Conseil d'État admet cette limitation des libertés en spécifiant qu' « il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exercent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l'état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu'il importe de prévenir ». b) Les effets des circonstances exceptionnelles La théorie des circonstances exceptionnelles administrative à s'affranchir : autorise l'autorité 1° Des règles habituelles de compétence : Le pouvoir réglementaire peut agir dans la sphère de compétence du pouvoir législatif lorsque l'urgence l'impose et que le législateur ne peut se réunir (Heyriès précité ; Ass. 16 avril 1948, Laugier, p. 161) ; le fonctionnaire qui est le mieux à même d'agir efficacement est habilité à le faire (1er août 1919, Sté des établissements Saupiquet, p. 713) ; le Conseil d'État a même admis que, en cas de carence de l'autorité administrative, de simples particuliers puissent la suppléer en prenant les mesures exigées par les circonstances, jouant ainsi le rôle de "fonctionnaires de fait" (5-03-1948, Marion, p. 113) ; Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 2/8 2° Des règles habituelles de forme (Sect., 10-11-1944, Auvray, p. 291) ; 3° Du respect de principes de fond, auxquels son action est normalement strictement subordonnée : liberté de circulation (28 février 1919, Dames Dol et Laurent, p. 208 ; 18 mai 1983, Rodes, p. 199, à l'occasion des mesures prises par le préfet de la Guadeloupe en 1976, pour faire face au risque d'explosion du volcan La Soufrière), droit de propriété (Marion précité, à propos de réquisitions), liberté individuelle (Ass. 7 novembre 1947, Alexis et Wolff, à propos d'arrestations survenues à la Libération). Toutefois, le juge administratif se livre à un contrôle de fond sur les mesures prises par l'administration dans le cadre de la théorie des circonstances exceptionnelles. Tout d'abord, il contrôle l'existence même de circonstances exceptionnelles : ainsi doivent être en cause des événements particulièrement graves et imprévisibles, ce qui distingue les circonstances exceptionnelles de l'urgence (Marion précité). Cette situation doit persister à la date à laquelle a été pris l'acte en cause (Laugier précité). Par ailleurs, le juge de l'excès de pouvoir s'assure que l'administration était effectivement dans l'impossibilité de prendre la mesure en cause de manière régulière ; ainsi, les "événements" de mai 1968 ne justifiaient pas que le ministre de l'Éducation nationale prenne par arrêté des mesures relevant normalement d'un décret, même si les "circonstances particulières" pouvaient autoriser le gouvernement à agir en se dispensant de certaines consultations normalement exigées (Ass. 12 juillet 1969, Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Etienne, p. 379). Enfin, le juge administratif vérifie que les actes en cause ont été pris dans un but d'intérêt général, notamment pour assurer la continuité de l'État, et ont été rendus nécessaires par les circonstances particulières du moment (4 juin 1947, Entreprise Chemin, p. 246). B - Les régimes législatifs organisant des circonstances exceptionnelles Le droit français contient deux textes législatifs qui tendent à augmenter les compétences de l'autorité administrative pendant des périodes de grandes difficultés : la loi du 09.08.1849 sur l'état de siège ainsi que celle du 03.04.1955 sur l'état d'urgence. 1° L’état de siège Prévu par l'article 36 de la Constitution du 4 octobre 1958, l’état de siège ne peut être décidé que par décret en Conseil des ministres et pour une durée maximum de 12 jours. Passé ce délai, sa prolongation doit être décidée par le Parlement. Institué pour faire face à « un péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée », l’état de siège débouche sur un transfert des pouvoirs de police à l’autorité militaire. Cette substitution de l’autorité militaire à l’autorité civile ne vaut que pour la police générale, et non pour les polices spéciales. Elle n'est pas non plus automatique : elle ne se produit que dans la mesure où les responsables militaires l’estiment nécessaire ; ceux-ci peuvent en outre autoriser, par voie de délégation, les autorités civiles à agir. Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 3/8 Elle se traduit également par des restrictions aux libertés publiques allant au-delà de ce qu’autorise le droit commun. Il en est ainsi du droit de perquisition de jour et de nuit, du droit d'éloigner les repris de justice et les personnes non domiciliées dans le ressort du territoire mis en état de siège, du droit de réquisition des armes et munitions, et du droit d'interdire les réunions de nature à entraîner des risques de désordre. 2° L’état d’urgence Pour faire face à un « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « d'événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques », l’état d’urgence peut être proclamé comme le prévoit la loi du 3 avril 1955. C’est par décret en Conseil des ministres que l’état d’urgence est proclamé pour une durée maximum de douze jours. Le 8 novembre 2005, un tel décret a été pris et signé par le président de la République. Mais l’état d’urgence peut être prolongé au-delà des douze jours. A cette fin, une loi doit être adoptée. La loi du 18 novembre 2005 a procédé à cette prolongation pour une période de trois mois à compter du 21 novembre 2005. Elle précise qu’il pourra y être mis fin par décret en Conseil des ministres avant l'expiration de ce délai. La mise en œuvre de l’état d’urgence se traduit de deux manières. En premier lieu, sur l’ensemble du territoire métropolitain les préfets peuvent prendre les mesures prévues à l’article 5 de la loi dès lors qu’elles sont adaptées aux nécessités du maintien de l’ordre public. Ainsi, peuvent-ils interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté et instituer des zones de protection ou de sécurité dans lesquelles le séjour des personnes est réglementé. En second lieu, dans les zones délimitées par décret du Premier ministre, des mesures complémentaires peuvent être prises par les préfets, si la situation l’exige. Il peut s’agir, d’assignation à résidence, de remise d’armes décidées par le ministre de l’Intérieur, ou encore de fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion ainsi que l’interdiction de réunions. De plus, le ministre de l’Intérieur ou les préfets peuvent ordonner des perquisitions. C - Le régime constitutionnel de l'article 16 de la Constitution. L'article 16 de la Constitution de la Ve République prévoit que : "Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel." L'article 16 a été mis en place en France par la décision du 23.04.1961 en raison du putsch des généraux à Alger. Le président de la République a pris un certain nombre de mesures dont une décision créant un tribunal militaire spécial chargé de juger les crimes et délits contre la sûreté de l'Etat. Cette mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution a fait l’objet de différents recours devant le Conseil d’Etat. Dans un arrêt d’Assemblée du 2 mars 1962 "Ruben de Servens", le Conseil d'Etat a examiné le régime de l'article 16 et déterminé ses compétences. Le Conseil d'Etat a séparé la décision de mise Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 4/8 en vigueur de l'article 16 par rapport aux décisions prises en application de l'article 16. La mise en application et la fin de l’article 16 de la Constitution sont des actes de gouvernement dont le Conseil d'Etat n'est ni en mesure d'apprécier la légalité ni de contrôler la durée d'application. En revanche, le juge administratif peut faire porter son contrôle sur les mesures individuelles de décisions générales prises au titre de l'article 16. D - Les actes de gouvernement. Un acte de gouvernement est un acte qui est "insusceptible d'être discuté par la voie contentieuse", selon la formule employée par la jurisprudence administrative. Un tel acte : • ne peut en aucun cas être déféré aux juridictions judiciaires, même au titre des théories de la voie de fait ou de l'emprise irrégulière : le conflit serait élevé à bon droit si une juridiction judiciaire entendait connaître d'un acte de gouvernement ; • ne peut être discuté devant les juridictions administratives, qui se déclarent incompétentes pour en connaître. a) L’origine de la notion d’acte de gouvernement Traditionnellement, les actes de gouvernement étaient définis par leur mobile politique, cette notion étant entendue de manière assez large : - Le Conseil d'État rejetait ainsi, sous la Restauration, le recours du banquier Jacques Laffitte réclamant le paiement des arrérages d'une rente qu'il avait acquise de la princesse Borghèse, sœur de Napoléon Ier, au motif que « la réclamation du sieur Laffitte tient à une question politique dont la décision appartient exclusivement au gouvernement » (CE, 1er mai 1822, Laffitte, Rec. 1821-1825 p. 202) ; - Sous le Second Empire, la saisie d'un ouvrage du duc d'Aumale, fils de Louis-Philippe, et le refus d'en restituer les exemplaires étaient de même regardés comme « des actes politiques qui ne sont pas de nature à nous être déférés pour excès de pouvoir en notre Conseil d'État par la voie contentieuse » (CE, 9 mai 1867, Duc d'Aumale et Michel Lévy, Leb. p. 472 avec les concl. du président Aucoc). Cette théorie du mobile politique a été abandonnée par le Conseil d'État dans un arrêt fondamental du 19 février 1875 "prince Napoléon". Dans cette affaire, le prince Napoléon-Joseph Bonaparte, nommé général de division en 1853 par son cousin Napoléon III, se plaignait que l'annuaire militaire de 1873, après la chute du Second Empire, ne mentionnait pas son nom sur la liste des généraux. Le ministre de la Guerre lui répondit que sa nomination « se rattache aux conditions particulières d'un régime politique aujourd'hui disparu et dont elle subit nécessairement la caducité ». Cette décision fut déférée au Conseil d'État. L'administration opposa le caractère politique de la mesure attaquée. Mais le Conseil d'État se reconnut compétent et rejeta le recours au fond, suivant en cela les conclusions du commissaire du gouvernement David, qui fit valoir que : « pour présenter le caractère exceptionnel qui le mette en dehors et au-dessus de tout contrôle Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 5/8 juridictionnel, il ne suffit pas qu'un acte, émané du gouvernement ou de l'un de ses représentants, ait été délibéré en Conseil des ministres ou qu'il ait été dicté par un intérêt politique ». b) La typologie des actes de gouvernement Les actes de gouvernement sont ceux que le juge administratif reconnaît comme tels, en refusant qu'ils puissent être discutés par la voie contentieuse, tant par voie d'action (dans le cadre d'un recours direct pour excès de pouvoir) que par voie d'exception (dans le cadre d'une exception d'illégalité ou d'un recours en responsabilité). Cette catégorie n'a cessé de se réduire, au fur et à mesure que se sont étendus et affermis l'Etat de droit et l'autorité de la juridiction administrative. S'il n'existe pas de théorie générale de l'acte de gouvernement, il est possible d'établir une typologie : les actes de gouvernement tombent dans deux catégories : 1° Les actes qui touchent aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels : • Décisions prises par le pouvoir exécutif dans le cadre de sa participation à la fonction législative : 9 Refus de présenter un projet de loi au Parlement : CE Sect. 18-07-1930, Rouché, Leb. p. 771 ; CE, 29-11-1968, Tallagrand, Leb. p. 607 9 Décision de déposer ou de retirer un projet de loi : CE, Ass., 19-011934, Cie marseillaise de navigation à vapeur Fraissinet, Leb. p. 98 9 Refus de faire les diligences nécessaires à l'adoption rapide d'un projet de loi : CE, Sect., 25-07-1947, Société l'Alfa, Leb. p. 344 9 Refus de prendre l'initiative d'une révision constitutionnelle : CE, 26 février 1992, Allain, Leb. p. 659 9 Décision de promulguer une loi : CE, Sect., 3-11-1933, Desreumeaux, Leb. p. 993 • Décisions prises par le Président de la République dans le cadre de ses pouvoirs constitutionnels : 9 Décision de soumettre un projet de loi au référendum : CE, Ass., 19-10-1962, Brocas, Leb. p. 553 9 Décision de mettre en œuvre les pouvoirs de crise de l'article 16 de la Constitution : CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens et autres, Leb. p. 143, GAJA n° 87 9 Décision de dissoudre l'Assemblée nationale : CE, 20 février 1989, Allain, Leb. p. 60 9 Nomination d'un membre du Conseil constitutionnel : CE, Ass., 9 avril 1999, Mme Ba, Leb. p. 124 Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 6/8 2° Les actes liés à la conduite des relations extérieures de la France 9 Protection des personnes et des biens français à l'étranger (CE, 2 mars 1966, Dame Cramencel, Leb. p. 157) 9 Refus de soumettre un litige à la Cour internationale de justice (CE, 9 juin 1952, Gény, Leb. p. 19) 9 Ordre de brouiller les émissions d'une radio étrangère (TC, 2 février 1950, Radiodiffusion française, Leb. p. 652 9 Création d'une zone de sécurité dans les eaux internationales pendant des essais nucléaires (CE, Ass., 11 juillet 1975, Paris de Bollardière, Leb. p. 423) 9 Décision de reprise des essais nucléaires avant la conclusion d'un accord international devant interdire de tels essais (CE Ass. 29-091995, Association Greenpeace France, Leb. p. 347) 9 Décision d'engager des forces militaires en Yougoslavie en liaison avec les évènements du Kosovo (CE, 5 juillet 2000, Mégret et Mekhantar) 9 Conditions de signature d'un accord international (CE Sect. 1er-06-1951, Société des étains et wolfram du Tonkin, Leb. p. 312) 9 Décision de ne pas publier un traité : CE, 4-11-1970, de Malglaive, Leb. p. 635 9 Vote du ministre français au Conseil des communautés européennes : CE, Ass., 23 novembre 1984, Association « Les Verts », Leb. p. 382 9 Décision de suspendre l'exécution d'un traité (CE, Ass., 18-12-1992, Préfet de la Gironde c. Mahmedi, Leb. p. 446 concl. Francis Lamy) 9 Décision de suspendre la coopération scientifique et technique avec l'Irak pendant la guerre du Golfe (CE, 23-09-1992, GISTI, Leb. p. 346). d) Les limites de la théorie des actes de gouvernement Dans le domaine de la conduite des relations internationales, plus particulièrement, le champ des actes de gouvernement s'est réduit en raison de l'accroissement du contrôle du juge administratif sur les conventions internationales et du recours de plus en plus large à la théorie dite "des actes détachables". Enfin, la théorie de l'égalité devant les charges publiques permet d'ouvrir la perspective d'un début de responsabilité du fait des actes de gouvernement. 1° L'accroissement du contrôle sur les conventions internationales Pendant longtemps, le Conseil d'État se bornait à vérifier l'existence d'un acte de ratification ou d'approbation propre à introduire une convention internationale dans l'ordre juridique interne (CE, Ass. 16-11-1956 Villa, Leb. p. 433). Depuis 1998, le Conseil d'État contrôle également le respect des dispositions constitutionnelles qui régissent l'introduction des traités dans l'ordre interne, et vérifie si le traité était au nombre de ceux qui ne peuvent être ratifiés qu'en vertu d'une loi (CE, Ass. 18-12-1998, Sarl du parc d'activités de Blotzheim, Leb. p. 483 concl. Gilles Bachelier). Le Conseil d'État s'est reconnu compétence pour interpréter les stipulations obscures d'un accord international (CE, Ass., 29 juin 1990, Gisti, Leb. p. 171 concl. Ronny Abraham, GAJA n° 104), renonçant ainsi à sa pratique antérieure du renvoi préjudiciel au ministre des Affaires étrangères. Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 7/8 2° La théorie des actes détachables Le Conseil d'État accepte de connaître des mesures qu'il considère comme détachables de la conduite des relations diplomatiques, dont la légalité peut dès lors être appréciée sans que le juge soit amené à s'immiscer dans la politique extérieure de la France. Il en va ainsi des décrets d'extradition, qui sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (CE, Ass., 28 mai 1937, Decerf, Leb. p. 534 ; Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood, Leb. p. 291). Le contrôle du Conseil d'État sur ce type d'actes n'a cessé de s'accroître. Il a considéré que ne sont pas des actes de gouvernement : - la décision du gouvernement français d'adresser une demande d'extradition à un État étranger : CE, Sect., 21 juillet 1972, Legros, Leb. p. 554 ; - le rejet d'une demande d'extradition présentée par un État étranger : CE, Ass., 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et gouverneur de la colonie royale de Hong-Kong, Leb. p. 267 concl. Christian Vigouroux, GAJA n° 106. De même, ont été considérés comme détachables de la conduite des relations internationales les décisions et actes suivants : - destruction par la marine nationale d'un navire abandonné en haute mer : CE, Sect., 23 octobre 1987, Société Nachfolger Navigation, Leb. p. 319 - décision d'implantation du laboratoire européen de rayonnement synchrotron : CE, Ass., 8 janvier 1988, ministre chargé du plan et de l'aménagement du territoire c/Communauté urbaine de Strasbourg, Leb. p. 2. 3° Les actes de gouvernement et l'égalité devant les charges publiques Les actes de gouvernement ne peuvent donner lieu à une action en responsabilité pour faute. En revanche, un arrêt célèbre, mais isolé, a admis la possibilité d'une action en responsabilité sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques, à raison d'un traité international : CE, Ass., 30 mars 1966, Compagnie générale d'énergie radioélectrique, Leb. p. 257, GAJA n° 90. Il s'agit d'une variante de la théorie de la responsabilité du fait des lois et des décisions légales, inaugurée par le fameux arrêt d'Assemblée du 14 janvier 1938 Société anonyme des produits laitiers "La Fleurette" (Leb. p. 25, GAJA n° 54). Droit administratif fiche n° 8 : le principe de légalité © lagazette.fr – Tous droits réservés 8/8