TROISIÈME ÉPISODE
LES SUPPLIANTES / TRILOGIE TRAGIQUE
VICTORIA est une tragédie contemporaine, à ce jour en cours d'écriture. Elle constitue le
troisième volet du projet LES SUPPLIANTES (trilogie tragique), cycle de recherche sur les
formes tragiques mené par la compagnie du zieu dans les bleus.
Elle est à la fois le point de départ et l'aboutissement de ce cycle : en 2006, proposition fut
faite à Félix Jousserand, jeune auteur français, de se confronter, au côté d'une équipe de
création, à des formes tragiques issues d'une certaine tradition théâtrale et de travailler, au
regard de ces confrontations, à l'écriture d'une tragédie contemporaine en prise avec les
problématiques de son temps.
À partir de février 2009, des ateliers de recherche et des résidences de création sont mis en
place à L’ÉCHANGEUR - scène conventionnée de Fère-en-Tardenois, au THÉÂTRE MASSALIA
– La Friche La Belle de Mai à Marseille et à la Gare Mondiale, lieu de recherche et de
confrontation théâtrale à Bergerac. Victoria sera créée au cours de la saison 2009-2010.
TEXTE : Félix Jousserand
MISE EN SCÈNE : Nathalie Garraud et Olivier Saccomano
SCÉNOGRAPHIE : Jean-François Garraud
CRÉATION COSTUMES : Sarah Leterrier, assistée de Sabrina Noiraux
ACTEURS : Julien Bonnet, Virginie Colemyn, Rama Grinberg, distribution en cours
AUTRES MEMBRES DU GROUPE DE RECHERCHE : Mike Sens, Valérie Mitteaux et Anna Pitoun
PRODUCTION : DU ZIEU DANS LES BLEUS
COPRODUCTION : L’ÉCHANGEUR - scène conventionnée de Fère-en-Tardenois, la GARE MONDIALE
à Bergerac, le THÉÂTRE MASSALIA - Friche La Belle de Mai, à Marseille.
DU ZIEU DANS LES BLEUS reçoit le soutien du MINISTÈRE DE LA CULTURE - DRAC PICARDIE,
du CONSEIL RÉGIONAL DE PICARDIE et du CONSEIL GÉNÉRAL DE LAISNE.
DU ZIEU DANS LES BLEUS reçoit le soutien du MINISTÈRE DE LA CULTURE - DMDTS au titre du
compagnonnage d’auteur.
DU ZIEU DANS LES BLEUS est parrainé par le groupe ALIS.
LES SUPPLIANTES 01
LES SUPPLIANTES est conçu comme un cycle de recherche et d’expérimentation
contemporaine sur les formes tragiques. Il s’articule à la création de trois tragédies.
En préambule, pour définir ce projet, voici les arguments qui en sont à la fois les fondations
et les questions centrales :
1 - UNE TRAGÉDIE EST UN TEXTE DE THÉÂTRE
Ce qui nous tient, dans la tragédie, c’est d’abord la consistance d’une forme textuelle.
Depuis quelques années, sous la bannière du “texte-matériau”, le combat avec la consistance
du texte n’a plus souvent lieu : on s’intéresse plus à une “matière tragique” malléable,
recyclable à volonté (réduite à deux éléments : la grandeur et la violence, la “grande violence”
qui ouvre en général la voie à un théâtre compassionnel, néo-romantique), qu’à la forme de
la tragédie.
Or, aucun sujet, aucun fait, aucune image, aucun accident, aucune atmosphère, aucun récit
ne sont par eux-mêmes tragiques. La tragédie opère par sa forme, qui livre une situation à
un affrontement de paroles contradictoires.
Elle recueille dans le dialogue l’impossibilité d’un consensus. La tragédie est discordante.
2 - UNE TRAGÉDIE TRAVAILLE AUX CHARNIÈRES DE L’HISTOIRE
La tragédie n’agite pas des éléments éternels (le destin, la mort, l’amour, la condition
humaine, qu’il faudrait écrire avec les majuscules qui conviennent à l’absolu), mais articule
éternellement le passé au présent. Elle a toujours procédé par un détour historique :
les tragédies grecques mettaient en question les catégories de la démocratie naissante
à partir des héros mythiques, les tragédies françaises celles de la monarchie à partir des
héros antiques, etc. Ce détour est la condition nécessaire pour que l’Histoire soit posée
comme un problème, comme une construction. Si ce détour nous semble essentiel
aujourd’hui, c’est que nous sommes en train de sortir d’une longue période d’après-guerre,
et que de nouvelles catégories se sont formées (terrorisme, liberté individuelle, droit de la
personne…) sur lesquelles le présent médiatique se règle et cherche son confort de lecture,
par-delà la complexité historique des situations.
Le temps de la tragédie n’est pas le passé simple, ni le présent simple, mais le présent
compliqué par un passé. La tragédie est embarrassante.
3 - UNE TRAGÉDIE EST UNE FORME CRITIQUE
Les tragédies ressemblent à des bombes à retardement. Les personnages s’y attardent à dire,
à déplier, à argumenter, à programmer leurs actes. La tragédie n’est donc pas l’explosion
spontanée et immédiate des émotions et des actions. Dans la tragédie, il n’y a pas de grande
passion sans grande raison, elle fait éclater cette opposition simpliste. Les émotions et les
actions y sont tressées dans une grille de parole, dans une logique rigoureuse. Ici, le lyrisme
est en même temps analyse, la beauté est en même temps démonstration. Cet attardement
est le temps de la critique : les actes et les émotions mûrissent dans les paroles, et s’exposent
aux contradictions que les catégories de chaque personnage mettent en jeu.
La tragédie ne reflète pas une contradiction, mais elle la force à faire retour sur elle-même.
C’est une forme réflexive. La tragédie est pensante.
PRÉAMBULE
02
LES SUPPLIANTES
Lorsqu’en 2005 nous avons initié LES SUPPLIANTES, nous l’avons pensé comme un chemin.
Dès le départ, nous avions décidé que ce chemin nous mènerait à l’écriture et à la mise en
scène d’une pièce, la troisième pièce de la trilogie, dont nous ne savions rien encore. Nous
l’appelions la “tragédie manquante”.
Ce que nous savions concernait seulement le mode de travail choisi : il y aurait, sur trois
ans, la création de trois pièces, la mise en place d’un laboratoire permanent réunissant les
participants aux trois projets (auteur, traducteurs, metteurs en scène, producteurs, acteurs,
scénographes…), et l’organisation d’ateliers de recherche et de pratique à destination
d’amateurs, conduits par les membres du laboratoire.
Ces trois espaces se questionnant et s’alimentant les uns les autres.
La proposition faite à Félix Jousserand concernant l’écriture de la troisième tragédie était
donc, dès l’origine, organiquement reliée à la totalité du cycle : il en serait le compagnon et
pas seulement l’auteur d’une des parties. Participant aux réunions de travail dramaturgiques,
menant des ateliers amateurs, assistant aux premières lectures et à des sessions de
répétitions, il nourrirait sa visée d’écriture de ces temps de travail et de réflexion sur la
forme tragique.
Ce temps de découverte des enjeux d’une forme textuelle comme celle de la tragédie était
propice au questionnement concernant l’écriture, dans la mesure où, au démarrage, nous
n’avions le texte « tout fait » d’aucune des deux premières pièces :
— Le texte d’ISMÈNE (le premier épisode, créé en 2007) n’existait pas. Il a été composé
à partir d’un texte d’Eschyle (Les Sept contre Thèbes, retraduit en 2006 à notre
demande par Pierre Judet de la Combe) et d’un texte de Sophocle (Antigone, traduit
par Jean et Mayotte Bollack, dont les conseils furent précieux).
— Le texte d’URSULE d’Howard Barker (le deuxième épisode, créé en 2008) n’était pas
traduit en français. Il le fut en 2007, à notre demande, par Mike Sens, membre de la
compagnie d’Howard Barker.
À chaque fois, l’établissement du texte pour le plateau a donc été l’occasion d’un questionnement
actuel, partagé avec les traducteurs (Pierre Judet de la Combe, Jean et Mayotte Bollack, Mike
Sens) et les auteurs (Howard Barker, Félix Jousserand), portant sur la forme des textes et
l’inscription historique de ces formes.
Ainsi, notre recherche ne relève pas d’une entreprise archéologique (de la tragédie antique
à la tragédie contemporaine) dont la rigueur supposée nous permettrait d’aboutir à une
nouvelle forme théâtrale, qui serait en quelque sorte un équivalent contemporain à des
modèles textuels historiques. Au contraire, nous envisageons la construction de chaque
texte comme proposant son propre terrain d’expérimentation, à partir duquel mettre en acte
des nécessités contemporaines.
LES SUPPLIANTES
(TRILOGIE TRAGIQUE)
03
LES SUPPLIANTES
04
Notre choix était de nous confronter à des textes issus d’une certaine tradition théâtrale et
de CONFRONTER UN AUTEUR D’AUJOURD’HUI À CES FORMES, non pour lui fixer des impératifs ou
des modèles à suivre, mais pour le questionner lui aussi sur la forme de l’écriture théâtrale
aujourd’hui, à la lumière d’une possible mise en acte contemporaine de ces textes. À une
époque, la nôtre, souvent engoncée dans la triste alternative post-moderne/réactionnaire,
il nous semblait important de travailler, au théâtre et par le théâtre, à établir un rapport à
l’Histoire et à l’art dégagé de cette ornière.
Le compagnonnage avec Félix Jousserand s’est engagé sur ces bases.
Il a aussi reposé sur deux points qui, dès le début, nous ont semblé essentiels et qui ont
motivé notre engagement dans un travail en commun :
Tout d’abord, Félix Jousserand n’est pas seulement auteur, il dit ses textes sur scène (slam).
Ses textes, comme des textes de théâtre, sont donc écrits pour être dits, écrits en anticipant
un acte de parole publique qui aura lieu sur scène.
Cette dimension, propre à sa pratique du slam, est porteuse d’une forte intuition théâtrale,
d’un sens de l’exécution qui doit tenir compte de l’efficace de la parole, et des détours
rhétoriques opératoires pour développer une narration qui maintienne l’attention et l’intérêt
de l’auditoire.
Ensuite, Félix Jousserand est un écrivain d’une génération, la nôtre, qui est celle de
“l’après-après-guerre”. Mais son écriture n’en est pas l’expression spontanée : ses textes
n’expriment pas l’époque, ni ne la reflètent mais, d’une certaine façon, la font voir,
en jouant avec ses codes. Témoins de l’époque et en dialogue avec leur époque et ses modes
d’énonciation, ses textes, dans une certaine mesure, jouent le jeu de leur temps, ce qui les
éloignent au moins de toute naïveté expressive (jugement sur l’époque) ou de toute modestie
narcissique (“l’intime” et ses dérivés).
Aussi, son écriture ne met rien “à nu”, mais fait jouer, au contraire, dans le travail aiguisé
de la forme, un sens du masque, qui nous semble être le mode sur lequel le théâtre peut,
aujourd’hui encore, travailler son intervention dans le cours d’une Histoire.
LA TRAGÉDIE
MANQUANTE
LES SUPPLIANTES
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