L`architecture soft-tech

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L’architecture soft-tech
La recherche de la technique non traumatisante
Marine Morain, Lauréna Cazeaux
Architectes, ingénieurs
Arbor&Sens, architecture et conseil, Lyon
en partenariat avec :
L’architecture soft-tech
La recherche de la technique non traumatisante
Marine Morain, Lauréna Cazeaux
Architectes, ingénieurs
Arbor&Sens, architecture et conseil, Lyon
leschantiersleroymerlinsource
Direction de la publication : Marie-Reine Coudsi,
directrice éditoriale et des savoirs de l’habitat, Leroy Merlin
Coordination éditoriale : Denis Bernadet,
chargé de mission, Leroy Merlin Source
Coordination graphique - maquette : Emmanuel Besson
Corrections - relectures : Béatrice Balmelle
SOMMAIRE
LE CONTEXTE ACTUEL : NORMER ET PREVOIR L’IMPREVISIBLE........................................................................... 4
POURQUOI L’APPROCHE SOFT-TECH EST-ELLE SOUHAITABLE ?........................................................................ 6
L’architecture et la technique : amour ou désamour............................................................................................................................................... 6
De l’utilité d’une troisième voix................................................................................................................................................................................................. 10
QU’EST-CE QUE L’ARCHITECTURE SOFT-TECH ?......................................................................................................................... 12
Soft-tech ou la technique non traumatisante.............................................................................................................................................................. 12
Soft-tech : définition progressive............................................................................................................................................................................................. 16
COMMENT ALLER VERS UNE ARCHITECTURE SOFT-TECH ?................................................................................... 19
Faisons renaître le Cerbère.............................................................................................................................................................................................................. 19
Efficience contre efficacité.............................................................................................................................................................................................................. 20
La conception participative........................................................................................................................................................................................................... 21
CONCLUSION ..................................................................................................................................................................................................................................... 23
BIBLIOGRAPHIE / WEBOGRAPHIE...................................................................................................................................................................... 24
OUVRAGES.............................................................................................................................................................................................................................................. 25
ANNEXES.................................................................................................................................................................................................................................................... 25
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
4
« Le progrès technique est comme une hache qu’on aurait mis dans les mains d’un psychopathe. »
Albert Einstein
LE CONTEXTE ACTUEL : NORMER ET PREVOIR L’IMPREVISIBLE
Le préalable à la réflexion qui nous intéresse, et que nous
développerons plus tard, est issu d’un constat terrain. Depuis
des années, le monde de la conception architecturale ou
technique des bâtiments s’est lancé dans une course effrénée
à la performance : RT2000, puis RT2005, BBC, BBC+, RT2012…
Chaque année de nouvelles exigences réglementaires, normatives ou volontaires, tels de nombreux labels et référentiels locaux, naissent. Les institutions normatives accentuent
la mutation du monde du bâtiment vers une technique en
permanente évolution, solution évidente aux enjeux de la
planète et aux attentes de confort toujours renouvelées…
Ces outils (normes, labellisation, référentiels…) sont utiles
car ils permettent de faire évoluer les pratiques, en quantité
non infinitésimale. Ils initient un changement des règles de
conception ou de construction. Mais peuvent-ils prétendre
initier le changement des règles d’usage ? Sans doute pas,
mais c’est là une hypothèse à vérifier encore…
De fait, quelle est la légitimité sociale de ces normes,
de ces règles, de ces référentiels ? Qui porte la question de
l’usage dans un projet de construction aujourd’hui ? Les
labels garantissent-ils le fait qu’un bâtiment soit construit
avant tout pour accueillir la vie et non pour la performance ?
Quels outils ont été développés pour qualifier le bien vivre
en plus du moins consommer ? Autant de questions sans
réponses claires, car éminemment complexes… Pourtant
la question est déjà bel et bien posée par certains qui souhaitent voir émerger la haute qualité d’usage au même
titre que la haute qualité environnementale. Et la méthode
habituelle refait surface : multiplicité de critères, grilles analytiques, matrice de comparaison… là encore, il faut trouver
une méthode universelle d’évaluation pour pouvoir noter
et comparer, classer, départager… Ainsi nous fabriquons
des grilles pour classer les usagers, sans cesse changeants,
contrairement au bâtiment, figé !
Alors que des modèles physiques permettent de prévoir
de façon très précise le comportement d’un bâtiment face
à une sollicitation donnée, alors que l’ingénierie se perfectionne, que la technique apporte de nouvelles solutions de
régulation, plus fines, plus rapides, plus adaptables… les sollicitations du bâtiment, elles, ne s’affinent pas, ne se régulent
pas selon des lois générales : elles dépendent de l’usage réel,
instable, complexe et déterminé par des facteurs multiples.
Or, plus le bâtiment devient performant, plus le rôle de l’usager devient déterminant, et plus l’occupant risque d’être stigmatisé en raison de ses mauvaises pratiques.
La question fondamentale, finalement, est d’interroger la
façon de rendre mouvantes les pratiques de conception et
de construction, pour respecter l’imprévisibilité de l’habitant.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
L’architecture est une discipline non spécialiste par
essence qui se préoccupe d’abriter les hommes dans les
meilleures conditions. Ces conditions ne se limitent pas à
offrir un habitat sain et viable. Il s’agit de gérer le rapport de
l’individu au monde qui l’entoure et à la société. L’architecture va alors chercher le géographe pour connaître le territoire, chercher le sociologue pour comprendre les groupes et
chercher le physiologiste pour comprendre les perceptions
du corps humain dans l’espace. L’émergence de l’approche
soft-tech, présentée ici, est issue de la pratique de l’architecture mêlée à une approche théorique, et c’est le regard
singulier que nous portons sur la construction liée à notre
formation technique d’une part et architecturale d’autre part
qui nous a permis d’aboutir à cette synthèse.
Comprendre le fonctionnement pragmatique des objets
techniques et être à l’écoute des individus et de leur rapport
au monde est la base de notre démarche, volontairement
non spécialiste, définitivement complexe.
Cette contribution à la réflexion que nous avons engagée, découle d’une pratique réelle au sein de l’agence
Arbor&Sens (Lyon). Nous, Marine Morain et Lauréna Cazeaux
(architectes-ingénieurs issues d’une double formation dispensée par l’école nationale supérieure d’architecture de
Lyon et de l’école nationale des travaux publics de l’État),
avons opéré un retour systématique des usages réels des
solutions architecturales et techniques mises en œuvre dans
des projets d’architecture, dite à haute qualité environnementale, produits par l’agence. Ainsi, nous interrogeons la
pertinence des outils méthodologiques et scientifiques que
nous utilisons sous un regard scientifique : vérifier la validité
des hypothèses de modèles de plus en plus complexes utilisés dans la conception des bâtiments, même ordinaires.
C’est à partir de ces retours que la question du rôle des
concepteurs (qu’ils soient architectes ou ingénieurs) dans
la relation finale de l’usager au bâtiment s’est posée. Cette
étude prétend rechercher dans quelle mesure les modélisations et promesses des techniques mises en œuvre collent
à la réalité, en s’appuyant sur des retours terrain d’opérations livrées depuis plusieurs années et sur des observations menées dans différents quartiers ayant fait l’objet de
démarches environnementales exemplaires. Les conclusions
menant à des écarts importants, toujours expliqués par
l’usage faute d’être expliqués par les modèles, une tentative
d’identification des raisons majeures de discordance sera
avancée.
5
Leroy Merlin Source appuie ce travail depuis plus de
deux ans et a permis de mobiliser différents acteurs autour
de cette question de la relation entre technique et habitant.
Ainsi, nos remerciements vont naturellement à nos interlocuteurs, patients et exigeants : Marie-Reine Coudsi, Denis
Bernadet et Pascal Dreyer ; ainsi qu’aux intervenants extérieurs qui se sont impliqués dans ce travail, en particulier le
docteur Gaëtan Brisepierre.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
6
POURQUOI L’APPROCHE SOFT-TECH EST-ELLE SOUHAITABLE ?
L’ARCHITECTURE ET LA TECHNIQUE :
AMOUR OU DÉSAMOUR
De l’architecte à l’équipe d’ingénierie…
L’architecture est une discipline mouvante, ardemment
défendue, définie de tant de façons qu’il est bien difficile de
la cerner. Mais pour notre part, nous affirmons que l’architecture a pour vocation d’émouvoir.
Pendant des siècles, l’architecte a été à la fois un artiste, un
dessinateur, un ingénieur, un constructeur : un multitâche.
Puis l’accélération généralisée du monde l’a spécialisé, il est
devenu, sous la tutelle honorifique des Beaux-Arts, le garant
du Beau, le titulaire de la légitimité esthétique ; tandis que
les ingénieurs prenaient en main la stabilité, la technique,
la constructibilité, et même l’économie…
Alors que les moyens techniques se développent de plus
en plus rapidement, l’esthétique évolue aussi. La construction métallique d’abord dès le XIXe, qui pointe sa légèreté
vers les hauteurs, ouvre la voie des airs à des édifices élancés,
impressionnant par leur technicité : œuvres gigantesques
mêlant l’architecture et l’ingéniosité constructive dans les
gratte-ciels que nous admirons, toujours béats. Le béton
armé viendra ensuite ouvrir de nouveaux horizons à l’aube
du XXe siècle et, comme le métal, révolutionnera l’esthétique d’un siècle. L’industrialisation autorise tout, le contexte
économique et les enjeux sociétaux aussi. Il faut reconstruire, produire en masse, et rapidement. La technique est
constructive, structurelle, matérielle. Elle est visible, tactile,
émouvante. Elle sert l’architecture.
Puis vient la physique des tubes et des flux. La densité
nouvelle apportée par la performance structurelle, conjuguée au besoin impérieux de relogement dans des conditions décentes d’après-guerre, amène les gens à vivre dans
des habitats collectifs. Les flux de personnes véhiculent des
besoins nouveaux, en eau, en air, en énergie. Et parce que
rien ne se perd, tout ce qui entre dans le bâtiment fini par
en sortir, en eau sale, en air sale, en déchets… La prouesse
technique est un imbroglio de tubes, circulaires, oblongs, en
métal, en fonte, en PVC, noirs, verts, bleus, rouges… Elle est
esthétiquement contestée, tactilement inusitée et émotionnellement pauvre, voire affligeante… parce que les architectes ne se la sont pas appropriée, qu’ils n’en maîtrisent pas
la complexité et n’en assument pas l’utilité sans doute ; sauf
dans de rares, très rares cas comme le centre Georges Pompidou, une proposition de Rogers et Piano d’un bâtiment qui
cite les codes de la technique en leur donnant un sens architectural. Ils revendiquent ainsi le parti pris de libérer l’intérieur du bâtiment de toutes ses contraintes, la structure et les
fluides se trouvent à l’extérieur exprimant leur complexité.
Centre Pompidou (Beaubourg), maquette du projet définitif, façade
est. Renzo Piano et Richard Rogers. 1973. © Photo D.R.
Maison tropicale de Jean Prouvé©, architecture bioclimatique préfabriquée en
métal, conçue et fabriquée par un ferronnier, architecte autodidacte : les techniques modernes sont mises au service d’une amélioration de la qualité de vie.
Du coup, la technique apporte sans faillir des solutions
là où l’architecture n’en cherche plus. Et pour cause, la technique remplit toutes ses promesses. Elle garantit hygiène,
sécurité, confort thermique en été comme en hiver, eau
chaude à tous les étages… L’industrie du tube se porte bien,
elle investit en recherche et développement, elle imagine,
elle invente. Elle propose toujours plus : plus de confort, plus
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
de compacité, plus de légèreté, plus vite, plus loin, et plus de
contrôle.
Et l’architecte reste le garant du Beau. Il n’organise pas l’industrialisation, ni le développement de masse, il revendique
l’unicité de l’œuvre, l’apanage de l’émotion. Mais l’architecte
devient par la même occasion l’unique garant de l’usage.
Peut-être sans en être pleinement conscient.
Et les institutions, les organismes de certification, les
laboratoires de recherche portés par l’État (AFNOR, CSTB…)
avancent avec leur temps. Ces structures appuient l’innovation technique et poussent à l’industrialisation. Elles y
arrivent parfaitement avec les secteurs de l’automobile par
exemple, et étendent leur désir de voir l’innovation technologique poindre aussi dans le secteur du bâtiment que certains définissaient, dans les années 2000, comme le parent
pauvre de la technologie ! Loin de l’industrie automobile ou
aéronautique, fleurons européens, loin des développements
fulgurants des moyens de communication ! L’évolution souhaitable semble être, pour les ingénieurs, d’aller vers le bâtiment high-tech car le bâtiment n’utilise pas encore au mieux
les possibilités techniques et celles-ci peuvent certainement
régler tous nos problèmes. La technique peut faire consommer moins, elle peut améliorer les conditions de confort, elle
peut collecter des données, analyser, prévoir et même agir.
L’industrie et ses ingénieurs travaillent depuis plus de
40 ans pour rendre les bâtiments autonomes et les faire
parler. Et nous y sommes. Ils parlent ! En ajoutant quelques
tubes encore, de fibres optiques, de câblage réseaux et
quelques cerveaux miniatures, nous pouvons contrôler les
autres tubes, savoir ce qui entre, ce qui sort, impulser, même
sans être physiquement là ! Le bâtiment fait les courses, vous
donne la météo, éteint la lumière quand vous quittez la
pièce, arrose la pelouse même si vous partez en vacances…
Il peut fonctionner sans personne à l’intérieur.
7
Il est possible aujourd’hui de commander, depuis son
smartphone, l’ouverture ou la fermeture des volets, l’éclairage afin de faire croire aux voleurs que le logement est
occupé. La majorité des produits domotiques viennent aider
l’habitant lorsqu’il est absent. D’autres solutions viennent
répondre aujourd’hui à l’amélioration des conditions de
maintien à domicile des personnes âgées par exemple, avec
les systèmes d’alarme et d’alerte, mais qui ne sont pas associés au fonctionnement-même de l’habitation et au confort
mais bien à la sécurité.
Mais pourquoi la technique sert-elle l’absence ? Comblet-elle un vide ? Et les bâtiments bavards sont-ils plus amicaux,
plus habitables ? Ils consomment théoriquement beaucoup
moins. Ils consomment pratiquement un peu moins… mais
ils consomment quand même souvent plus que prévu ! Pourquoi ? Parce que les gens ne savent pas s’en servir ! Parce que
le bâtiment est comme une voiture de course, exceptionnellement performant, parfaitement maîtrisé techniquement,
extrêmement coûteux, mais qu’il est piloté par vous et moi,
par n’importe qui.
Le mouvement low-tech comme un avenir possible ?
Dans les années 80, alors que l’industrialisation est effective, un écueil philosophique surgit : une partie du monde
est entièrement exclue du progrès technique car elle n’a
ni les moyens économiques, ni les moyens de production
nécessaires pour accéder au progrès technique.
Ainsi, aux États-Unis, en voisin des innovations techniques
les plus poussées, le mouvement de construction low-tech
se développe. Il s’oppose idéologiquement à deux postures
du moment : l’une s’appuie sur le fait que la technique saura
apporter une réponse à tout nouveau problème, l’autre
accepte l’inévitable fait que l’évolution de la société laisse
de côté une partie de la population qui n’aura pas accès au
progrès. La philosophie low-tech, puisqu’il s’agit bien d’une
philosophie avant d’être une théorie architecturale, prône le
retour à une conception avant tout économique car dédiée
Projet « Living tomorrow », UNStudio & living Tomorrow : cette maison imaginée en 1995 était déjà capable de faire les courses ou recevoir les
colis en l’absence de l’occupant.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
aux plus pauvres, une conception spécifique au lieu, car
ayant recours uniquement aux ressources locales, accessibles tant en termes de matière que de savoir-faire ; enfin
une nouvelle conception esthétique où la beauté de l’objet
fini provient de son processus de conception et de fabrication spécifiques. Ce mouvement témoigne son opposition à
la technologie comme représentante de la réalité mercantile
et avilissante de l’époque et écologiquement déraisonnable.
La technique étant hors de portée, l’architecte revient à son
rôle multitâche puisqu’il redevient le garant de la stabilité,
du confort, de l’acceptabilité sociale… tout en proposant
une identité architecturale.
Les professeurs Ruth et Mockbee (Rural Studio) de l’école
d’architecture d’Auburn (Alabama, États-Unis) développent
avec leurs étudiants l’idée que le Beau n’a pas besoin de la
technique. L’architecte, toujours garant de l’esthétique, peut
produire sans technique.
8
L’architecture low-tech est une niche apparue en même
temps que l’architecture des tuyaux… Elle perdure et prend
parfois des pseudonymes : architecture de l’urgence, architecture des catastrophes, architecture low-cost, architecture
temporaire ; restant toujours liée à la question du besoin
premier de l’homme : avoir un abri. Elle passe à travers les
ans. Elle est toujours localisée, dictée par des conditions économiques ou sociales spécifiques, souvent éloignée de nous
d’ailleurs.
En attendant, les habitants que nous sommes ont des
attentes bien éloignées de cette approche… L’architecture,
la technique, et l’homme…
L’envie de confort
Si l’architecture s’intéresse à toutes les activités de
l’homme, que ce soit habiter, se cultiver, travailler ou se
détendre, la question la plus sensible est sans doute celle
de l’habiter : un lieu où l’usage prend toute ses dimensions (culturelle, sociale, économique), un
lieu où naît le confort, valeur actuelle de
nos sociétés occidentales. L’habitant y
aspire au même titre qu’à la sécurité ou
à l’intimité, il est donc nécessaire que les
concepteurs acquièrent cette compétence.
Si les exemples présentés précedemment peuvent être interprétés comme
une diminution du confort, dans l’accepRural Studio, réalisations diverses : une beauté singulière des édifices liée à l’utilisation économe des
tion actuelle du terme pour la société
matériaux.
occidentale, elle ne l’est pas pour les personnes précaires. Le low-tech peut donc
être est un progrès. Mieux vaut un toit en tôle évidemment,
que pas de toit du tout. Cet aspect subjectif du confort,
déterminé par une vision dominante peut être illustré par les
constructions des Trente Glorieuses. Les grands ensembles
représentaient une augmentation du confort vis-à-vis de la
société de l’époque, un luxe pour ses habitants. Aujourd’hui,
ces techniques (salle de bains, WC, ventilation hygiénique,
chauffage) constituent un standard que les labels, normes
et certifications font évoluer vers toujours plus d’équipements (normes électriques, niveau d’équipement, moyens
de communication comme la fibre optique…). Les constructions sont de plus en plus performantes, de plus en plus
exigeantes, et de plus en plus techniques. L’accélération va
bon train, impactant essentiellement les équipements techShigeru Ban, église en carton construite suite à un tremblement de terre à
Christchurch en Nouvelle Zélande : le matériau lié à l’urgence du chantier (des
niques et le second œuvre plus que la matière et les princroyants sans lieu de culte) donne naissance à une nouvelle esthétique.
cipes de conception structurels.
L’architecture low-tech abandonne les tubes et s’intéresse
à nouveau fondamentalement à la matière. La beauté dont
il est question alors n’est pas celle de l’ornement mais celle
implicite dégagée par le bâtiment juste et utile remplissant
son rôle d’abri sans être bavard, par la matière utilisée ou
détournée à bon escient.
Le rêve du bâtiment high-tech
Longtemps occidentale, l’innovation high-tech a fleuri
dans les capitales européennes et nord-américaines.
Aujourd’hui, elle s’orientalise car elle nécessite des moyens
financiers importants pour le développement de nouveaux
systèmes et produits. La réponse à l’intention, qui est émi-
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
nemment esthétique, arrive par la technique nouvelle, développée spécialement, le bâtiment devenant un prototype
high-tech démonstratif.
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forme en prouesse de par son échelle et sa situation hors
normes.
Par exemple, le projet King Abdulaziz center for
knowledge and world culture, développé par les Finlandais de SnØhetta, construit en Arabie saoudite sur le lieu
de la découverte du premier puits de pétrole du pays, a été
conçu comme un objet posé au milieu du désert, pouvant
s’abstraire totalement de son contexte. La conception du
bâtiment par morphogénèse1 numérique se traduit dans la
matérialité de l’objet construit.
La conception de la peau qui habille le bâtiment, en
complément de l’enveloppe climatique, a nécessité une
débauche de moyens. Le bâtiment doit résister aux tempêtes
de sable. Il sera totalement enveloppé dans des tubes d’acier
inoxydable permettant de coller au mieux à l’image (au
mirage ?) spectaculaire du projet. Des prototypes à l’échelle
1 de la façade ont été construits en Allemagne, puis testés
en condition tempête sur le site. Des hélices de lamellé-collé
positionnées dans des cours construites trop vite par le fabricant, nécessitent la construction d’un entrepôt sur le site
avec des conditions hygrothermiques maîtrisées…
© Agence Snohetta, King Abdulaziz center for knowledge and world culture.
À l’autre bout de la péninsule, la construction du Louvre
d’Abu Dhabi présente également une approche high-tech,
avec la conception d’un dôme de 180 mètres de diamètre
(égal à la diagonale de la cour du Louvre à Paris). Le bâtiment
a été conçu au départ sans programme et sans contexte,
l’île artificielle n’étant pas terminée et le Louvre n’étant pas
encore associé au projet. Le dôme est une ombrière2, objet
non technique a priori mais dont la construction se trans1
La morphogénèse numérique correspond à un ensemble de
méthodes de conception architecturale partant de la forme tridimensionnelle. La morphogénèse peut se baser sur différentes méthodes
comme l’utilisation d’algorithmes génétiques qui font apparaître des
séries d’objets sur la base d’une conception originale. L’ordinateur n’est
pas seulement un outil de représentation, il crée le résultat.
2
Ombrière : élément construit destiné à ombrager l’espace situé
dessous.
© Atelier Jean Nouvel, Louvre d’Abu Dhabi.
Ici l’architecture invente, propose de nouvelles formes à
matérialiser et la technique soutenue par des moyens financiers importants est l’outil qui permet de concrétiser les
images les plus inattendues.
D’autres voies se développent également sur ces territoires. Ainsi l’architecte
Bill Odell a développé pour la construction de l’université KAUST (King Abdallah
university of science and technology) en
Arabie saoudite une approche bioclimatique en réinterprétant la densité des
villes anciennes de ce territoire : les moucharabiehs, les tours à vent et les rues
couvertes. Cet architecte dit volontiers
que s’il gagne des projets c’est en parlant
d’usages et d’occupants, de la vie qu’il
y aura dans le bâtiment. Il a commencé
le projet en se demandant comment on
ferait sans électricité. La technique et les simulations climatiques viennent également en renfort pour développer le
projet (simulations microclimatiques pour l’emplacement du
bâtiment). L’usage et la culture du lieu donnent naissance à
une image plus ordinaire mais se basant sur des moyens passifs avec pour objectif premier le confort. Il précise d’ailleurs
que la façade rideau, munie de casquettes au sud en complément du vitrage, réduit la consommation de climatisation
des locaux de 30 à 40% par rapport aux mêmes locaux sans
protection solaire. On voit apparaître des enjeux de confort
et d’usage pour réduire la dépendance à la technologie, bien
que celle-ci soit évidemment toujours nécessaire. Ce projet
aujourd’hui réalisé est le plus gros projet jamais labellisé par
l’organisme Leed, label nord-américain équivalent de notre
norme HQE.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
10
Et l’architecte dans tout cela :
-- A-t-il renoncé à la technique ?
-- Non, mais elle est toujours l’apanage des ingénieurs.
-- A-t-il renoncé au Beau ?
-- Non, il est toujours le porteur du message esthétique
et le revendique.
-- A-t-il questionné l’utilité du Beau ?
-- Oui, c’est son métier, sa motivation, et son travail présente sa réponse à ce questionnement permanent.
-- A-t-il questionné l’utilité de la technique ?
-- etc.
DE L’UTILITÉ D’UNE TROISIÈME VOIX
Bill Odell architectes, © Bill Odell, Université KAUST.
Quand le défi est réellement important, et les moyens
financiers aussi, la technique permet tout. Et c’est là son plus
gros défaut. Elle fait sans doute croire que tout est permis,
or cela n’est vrai que pour une toute petite minorité. Le bâtiment high-tech restera forcément un rêve pour la plupart,
ne serait-ce que parce que le high-tech par définition est à la
pointe, innove et coûte donc très cher… Il est donc inaccessible à la majorité !
Le high-tech ne peut être défini que par rapport à une
époque. Des systèmes high-tech hier sont aujourd’hui très
répandus. Par exemple, une ventilation mécanique contrôlée
est un élément très technique au départ, tellement généralisé aujourd’hui qu’il est plus difficile de s’en passer que de
s’y conformer. Une fois généralisée, la technologie tant attendue devient normale et n’est plus un objet de désir.
Ainsi, dans les opérations internationales d’envergure
comme dans les bâtiments de logements neufs construits
partout sur le territoire français, ce sont des réponses techniques qui garantissent le niveau de confort conventionnel.
Elles sont souhaitables et ne sont pas remises en question
à grande échelle, mais elles deviennent d’une exigence
presque excessive. Qui a besoin de la notice pour régler la
chaudière installée il y a vingt ans ? Personne. Qui peut régler
sa chaudière neuve sans lire la notice aujourd’hui ?
L’architecture, depuis Vitruve3, se fonde sur trois principes
fondamentaux, désignés sous les noms latins utilitas, firmitas, venustas (utilité, solidité, beauté). La conception architecturale dominante s’est focalisée sur la relation dialectique
entre solidité et beauté. Et lorsqu’il s’agit de confort, il n’est
question ni de solide, ni de beau, mais d’utile.
Le retour des questionnements sur le confort, comme
ceux sur l’usage, c’est le rééquilibrage des rôles par l’intégration du troisième principe de base de Vitruve : l’utilité.
Or, l’utilité n’est pas qu’une question technique. Nous pensons que l’architecte ne peut ni agir ni concevoir aujourd’hui
de manière pertinente, dans une société revendiquant le
droit à la participation, en négligeant l’usage. D’autant que
cette question reparaît aujourd’hui en lien avec l’incitation
impérieuse du recours aux économies d’énergies.
La logique des tubes engendre nécessairement des
consommations, et le confort implique une gestion fine des
flux. Confier la gestion du bâtiment à l’usager sous-entend
qu’il est capable d’agir sur la technique pour adapter les flux
à ses attentes en termes de confort. Mais s’il est certain que
l’habitant s’inquiète de son confort chez lui, il est heureux
d’être déchargé de la responsabilité de la gestion de ce
confort.
3
Vitruve : architecte romain du premier siècle avant Jésus-Christ.
Il est à l’origine d’un traité « De architectura » où il décrit la construction de l’Antiquité romaine.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
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dans une maison témoin pendant plusieurs
mois : le projet MH2020. Après six mois, la
famille affirme d’ailleurs que la domotique et les
programmes mis en place et ajustés permettent
de gérer leur confort dans 90% des cas. Il reste
10% où l’interaction de l’habitant sur son cadre
de vie est nécessaire.
CSTB, la maison du futur : domotique, contrôle et sécurité (2000).
Objectivement, les tentatives sont nombreuses. Gestion à
distance, interfaces pédagogiques sur téléphone portable ou
tablette. Des solutions encore expérimentales et coûteuses,
non généralisées dans tous les cas. La domotique apporte
depuis des dizaines d’années des tentatives d’améliorations,
mais globalement cela reste encore une très faible part
des techniques existantes qui sont massivement utilisées
(fermeture centralisée des volets roulants, ouverture du portail, etc.) et ce, essentiellement pour l’habitat individuel.
Ces derniers temps, des expérimentations taille réelle,
c’est-à-dire habitées, ont vu le jour, telle l’opération menée
par la société Velux qui a permis de suivre la vie d’une famille
Si ces offres apparaissent c’est pour deux
raisons : la première est que la performance
accrue des bâtiments engendre une très grande
sensibilité, en termes de confort, pour l’utilisateur. Plus étanches, plus isolés, les bâtiments
réagissent beaucoup plus vite aux sollicitations, qu’elles soient extérieures (climatiques)
ou intérieures (occupation). Cette sensibilité
augmentée accroît les situations potentielles
d’inconfort, reportant sur l’habitant la responsabilité de son inconfort ; les démonstrations réalisées par les concepteurs, grâce à des simulations thermiques
(réglementaires ou dynamiques) montrent que le bâtiment
répond bien aux normes. Si l’on n’y arrive pas, c’est que l’on
n’utilise pas le bâtiment correctement. Et force est de constater qu’avec des bâtiments réagissant à la moindre sollicitation, l’habitant doit être hyperattentif et hypercompétent
pour assurer son propre confort !
La seconde est finalement plus importante, les industriels
ont compris et anticipé les usages que les acteurs n’ont pas
encore intégrés : un retour des habitants, en situation réelle,
est nécessaire pour juger de la pertinence ou non d’une solution technique et permettre d’en améliorer les performances.
Étant entendu que l’architecte ne peut être responsable de l’usage réel d’une habitation, il est pourtant
responsable des possibles que pourront concrétiser les
occupants par leur action.
Publicité Velux© (contrôle à distance).
MH2020 : la maison expérimentale de Velux©, habitée par une
famille témoin pour un an. Voir : www.maisonairetlumiere.fr
Les architectes concrétisent le rapport du bâtiment au
temps qu’il fait et au temps qui passe4. Cette relation se traduit par des moyens donnés aux usagers de faire évoluer la
relation du bâtiment à son environnement. La conception
est forcément impactée ; elle ne peut plus se perpétuer selon
des modèles d’usages établis et l’architecte devient le garant
de l’utile autant que de la beauté.
4
D’après Michel Serres, Habiter.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
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QU’EST-CE QUE L’ARCHITECTURE SOFT-TECH ?
Préalable à la discussion
La démarche analytique, qui guide la conception technique, héritée de Descartes est une démarche déductive,
découlant d’un enchaînement de réflexions, dont la justesse s’appuie sur des enchaînements logiques, vérifiables
à chaque étape. Cette approche guide l’enseignement des
matières scientifiques depuis des dizaines d’années, or c’est
une démarche adaptée à l’observation, à la compréhension
de nos environnements, à la découverte, mais ce n’est pas
une démarche créative. Pourtant il s’agit bien aujourd’hui
de créer, non pas une nouvelle technique mais une nouvelle
façon de faire.
Or, les méthodes évaluant la qualité environnementale
sont majoritairement analytiques et thématiques. Elles sont
scientifiquement justifiables, les critères sont quantifiables,
vérifiables. Ces méthodes sont tout à fait adaptées à leur
objectif qui est d’évaluer la qualité d’un projet. Pour évaluer, on analyse, on note, on classe. Elles se frottent d’ailleurs
consciemment et sans se cacher aux limites que ces outils
analytiques représentent en introduisant des grilles multicritères, des approches confrontant les différentes cibles,
des regards croisés, identifiant la difficulté d’être exemplaire
en tout.
Appliqués au logement, ces référentiels5 sont encore plus
discutés car ils ne peuvent prendre en compte la diversité
des usages et des usagers réellement constatée et identifiée sur le terrain. De fait, ils sont souvent mis en défaut par
les professionnels et apparaissent parfois incomplets ou
rigides…
SOFT-TECH
OU LA TECHNIQUE NON TRAUMATISANTE
Mais il y a certainement une façon de répondre aux
attentes des usagers et à l’impérieux besoin de liberté des
concepteurs, en tout cas de façon plus complète qu’aujourd’hui. Encore faut-il définir ces attentes et ces besoins.
Ni pour l’architecte…
De par sa formation et par la dichotomie observée entre
ingénieurs et architectes dans l’exercice de leur profession,
le plus souvent l’architecte maîtrise trop peu la technique
pour s’en faire une alliée.
Le rythme effréné d’évolution de la règlementation thermique, l’apparition de nouveaux critères d’évaluation (toujours techniquement fondés) et de nouvelles normes (NF,
HQE®) justifient pour certains toutes les volontés technicistes
et environnementalistes. Cela expliquerait aussi la privation
de liberté qui s’impose aux architectes ou qu’ils s’imposent.6
Ils subiraient une sorte de dictature de la performance,
un totalitarisme a-culturel, sans référence, sans âme. Sans
doute leur peur de voir la beauté disparaître mérite-t-elle
une excuse environnementale. Peut-être cela leur permet-il
de justifier la gesticulation formelle, non fondée techniquement, bien difficile en effet à caser dans les démarches d’évaluation éminemment rationnelles des différents référentiels
utilisés.
Pourtant, la recherche de performance ne devrait limiter ni le choix de la forme ni celui de la matière. La technique n’a rien à dicter à celui qui s’en est fait une alliée.
Pour ne pas traumatiser l’architecte, la technique doit se
faire entendre, se faire comprendre. Et voilà l’architecte qui
doit se mettre à l’écoute...
... À l’écoute de la technique et de ses limites, à l’écoute
surtout des usagers et de leurs besoins qui évoluent, qui
participent de leur culture propre. Certains architectes ont
construit leur travail sur l’échange avec les futurs usagers,
comme support même du projet : pour Patrick Bouchain,
par exemple, la participation de l’habitant va même jusqu’à
5
Par exemple : QEB, référentiel qualité environnementale du logement social en Région Rhône-Alpes : http://www.logementsocialdurable.fr
6
HQE, Les renards du temple de Rudy Riciotti. Voir bibliographie
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
l’impliquer dans les travaux de réhabilitation de son habitation.7
Ni pour l’usager…
Passée la peur de la technique par l’architecte, une fois
assumée la pertinence du recours aux tubes, les architectes
et les ingénieurs se trouvent bien inconfortablement installés, côte à côte. La plupart du temps, ils conçoivent sans
savoir qui habitera les logements projetés sur la base d’un
programme imposé. Les retours terrain sont tellement
redoutés par les gestionnaires que cela a conduit les bailleurs et les concepteurs à ignorer les usages, faute de remontée d’information pourtant essentielle pour analyser avec un
œil critique des productions souhaitées exemplaires.
Avec les opérations labellisées, une partie de l’information
est collectée : consommations, températures, qualité de l’air,
les moyens de mesure sont de plus en plus utilisés, rendant
l’analyse du fonctionnement des équipements plus facile.
Mais cela ne traduit pas pour autant le fonctionnement global de l’habitation. En particulier, il est bien rare d’avoir une
connaissance suffisante de l’usage que les habitants font de
leur logement pour évaluer la pertinence de la mesure effectuée. Il en est de même lorsque l’on compare les consommations réelles aux consommations prévisionnelles.
Conscients de cette difficulté, des promoteurs sociaux
et privés, de plus en plus nombreux, associent la maîtrise
d’œuvre à la performance réelle en demandant des notices
d’utilisation destinées aux habitants (et non aux gestionnaires), c’est-à-dire à des non-sachants. Ces notices doivent
expliciter aux futurs habitants les principes de fonctionnement du bâtiment liés à la performance environnementale
(énergie, eau…) et au confort (voir illustration page 14).
L’approche couramment admise aujourd’hui est donc
de sensibiliser les usagers, de leur apprendre à se comporter, de redéfinir les niveaux de confort. En tant que sachant,
les notions abordées dans ces guides paraissent simples,
et il semble évident que les occupants les suivront.
Mais que se passe-t-il si l’habitant ne change pas de comportement ? S’il est informé, s’il comprend, mais qu’il a une
bonne raison de contourner les consignes ? Est-il en tort ?
Mérite-t-il son inconfort ? Le concepteur n’est-il pas sensé
donner des possibles et non une solution d’usage établie ?
Il convient de noter que cette question se pose dans un
contexte où la relation entre architecte et usager est plus que
ténue dans le cas de la production de logements collectifs.
Il ne s’agit donc pas de proposer un bâtiment moulant,
adapté au plus proche de l’occupant comme c’est le cas
lorsque l’on conçoit une maison individuelle ; mais de se
positionner vis-à-vis de l’usager abstrait, générique afin
qu’il bénéficie d’un bâtiment souple et adapté et sans doute
adaptable à ses usages.
En attendant, voilà l’usager responsable de son propre
confort…
Ni pour l’ingénieur
Il convenait pour appuyer les hypothèses de travail présentées jusque-là, d’étayer la réflexion sur une approche
terrain que nous avons menée sur deux opérations livrées
depuis trois ans. Il ne s’agissait pas du tout d’évaluer la performance habitée qui consiste finalement à juger de la
capacité de l’habitant à s’adapter à une notice, à suivre une
consigne, à entrer dans une norme de confort environnementalement acceptable. L’objet, ici, était d’évaluer la pertinence des solutions mises en œuvre par rapport à l’usage
concret qui en était fait.
L’approche mêle à la fois des compétences physiques
(compréhension des modélisations habituelles des professionnels de l’ingénierie) et des compétences sociologiques
(méthodes d’enquête et d’analyse)8. Ainsi, sur un échantillon
de logements BBC réalisés en région lyonnaise, les modélisations thermiques ont été réalisées sur la base des hypothèses
admises dans les référentiels locaux utilisés habituellement9.
En parallèle, des entretiens ont été menés avec les habitants
pour questionner l’usage réel des lieux. Les modélisations
ont ensuite été actualisées en intégrant les usages réels des
habitants et non les hypothèses admises.
Cela a permis en premier lieu de valider la pertinence
des modèles, qui une fois actualisés avec les usages réels,
donnent des résultats cohérents par rapport aux observations faites par les habitants. En second lieu d’identifier que,
même informés, même conscients de l’enjeu énergétique et
de confort, plus de la moitié des occupants reconnaissent
sans peine ne pas suivre les recommandations des notices et
qu’en réalité, aucun ne suit réellement toutes les recommandations, même inconsciemment. Et tous ont d’excellentes
raisons pour ne pas le faire.10
Les principales causes de comportements performanciellement non adaptés relèvent de considérations associées
au fait même d’habiter : sécurité et intimité peuvent être en
8
Nos remerciements à Gaëtan Brisepierre pour son aide méthodologique et son accompagnement.
9
7
Cf. conférence : Opération de réhabilitation de Boulogne sur Mer ;
« Habiter pour Construire », in Imprévisibles habitants, 2mes Assises
de l’Habitat Leroy Merlin, parus chez Archistorm, numéro spécial 07,
septembre 2013.
13
10
Référentiel Région Rhône-Alpes et référentiel Grand Lyon.
Cf. annexe : Considering real hypothesis in Dynamic Thermal Simulations of summer comfort in low energy social housing, Lauréna Cazeaux,
Marine Morain, Arbor&Sens, 2013.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
Notice bâtiment Amplia, Lipsky&Rollet architectes, Lyon Confluence.
14
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
concurrence avec le confort thermique pur. Le tableau suivant précise les principaux blocages observés.
15
Voilà enfin l’ingénieur les bras chargés d’outils de plus en
plus performants, mais bien mauvais anticipateur…
Pour un bâtiment sans notice
COMPORTEMENTS
MOTIVATIONS EXTERNES
OBSERVÉS
AU CONFORT THERMIQUE
Enfermement à l’intérieur
en mi-saison et en été
Intimité du jardin vis-à-vis
des voisins insuffisante
Ensoleillement trop
important
Fermeture des fenêtres
Mauvaises odeurs
Portes qui claquent
Bruit
Sentiment d’insécurité
Présence d’insectes
(moustiques, etc.)
Fermeture des volets
Intimité des espaces privés
Éblouissement (trop
d’éclairage naturel)
Des observations réalisées sur une opération où les logements sont conçus bio-climatiquement et dont les ouvertures sont orientées au sud pour maximiser l’apport solaire,
nous ont apporté des résultats surprenants. L’absence de
pousse des végétaux en limite des jardins engendre un
problème d’intimité majeur entre cheminements collectifs
et jardins privatifs. Les habitants en arrivent à fermer leurs
volets la journée en hiver pour ne pas se sentir observés. Les
apports solaires qui devaient profiter au bâtiment ne bénéficient donc pas aux occupants.
Les retours terrain montrent donc que l’usager ne se plie
pas à la notice. Ces conclusions rendent caduques la multitude d’études et de modélisations effectuées et les moyens
mis en œuvre pour optimiser l’ingénierie du bâtiment. L’écart
est tel entre réalité et hypothèses admises, que l’amélioration des équipements pour gagner quelques points de performance ou de confort est réduite à néant devant les écarts
moyens observés.
Or, une fois que l’on a géré le chauffage par un système,
la ventilation par un autre, le froid par un troisième, on n’a
pas pour autant résolu la vie quotidienne de l’usager. Même
si on a modélisé le confort hygrothermique, le confort visuel
et le confort acoustique, on n’a pas pour autant garanti que
les conditions d’usage seront compatibles avec les hypothèses des modèles. Or, quel scientifique se vanterait d’un
résultat basé sur des hypothèses jamais vérifiées ?
L’approche usage est forcément systémique, tout comme
l’est la conception architecturale : le meilleur plan, la meilleure façade et la meilleure coupe combinés ne donnent pas
forcément le meilleur bâtiment ; voire ils ne donnent pas de
bâtiment du tout.
L’approche usage est aussi une approche bottom-up alors
qu’aujourd’hui la dynamique est dans le top-down. De plus,
la complexité dans le projet rend la gestion des usages par
la technique réductionniste et largement insuffisante car elle
néglige des aspects structurants dans la mise en place du
confort. L’approche du confort en ingénierie se borne à étudier les échanges physiques avec l’environnement extérieur,
seule la physiologie est considérée et les aspects psychologiques sont réduits à une marge d’erreur prise en compte
dans les modèles. L’architecture s’intéresse à l’usage et elle
le conditionne. C’est donc tout le projet qu’il faut interroger
et pas seulement les techniques opérées pour atteindre un
niveau de confort satisfaisant.
Ainsi, les occupants d’un bâtiment ont acquis avec l’expérience un certain nombre de pratiques qu’il convient d’identifier avant de projeter sur eux l’utilisation de systèmes qu’ils
ne connaissent pas. Quelques pratiques contre-performantes
sont relatées plus bas11. Dans tous les cas, les bâtiments ont
été construits en 2008 et 2009, ils ont été labellisés BBC et
ont fait l’objet de réunions d’information auprès des habitants ou des usagers, et d’une notice de bonnes pratiques.
Première observation : une assistante maternelle ouvre
systématiquement la fenêtre après la sieste de l’enfant, malgré la ventilation double flux qui assure un débit suffisant
pour la qualité de l’air et dont l’équilibrage n’a pas été prévu
avec une fenêtre ouverte en hiver, cela génère donc des
inconforts dans d’autres pièces. Après avoir identifié la cause
de l’inconfort lors d’une visite, elle est informée qu’il n’est
pas utile d’ouvrir la fenêtre. Quelques semaines plus tard,
les mêmes désagréments sont à nouveau observés. Même
cause. L’assistante maternelle ouvre toujours la fenêtre pour
aérer, même par -10°C dehors. Elle n’a pas observé de mauvaise odeur mais a entendu à la radio qu’il faut ventiler en
ouvrant ses fenêtres, ce qui l’a confortée dans son ancienne
pratique à laquelle elle ne dérogera plus. La technique performante (double flux avec détection de CO2) va à l’encontre
de la culture et de l’usage des occupants. L’utilisation qui en
est faite est alors contre-productive puisque le contrôle de
11
Elles ont été choisies parmi les retours observés sur des opérations
que nous avons conçues et suivies, et dont nous parlons donc ici sans
gêne et sans crainte de la colère de confrères, puisque nous sommes
les seuls incriminées.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
température mis en place induit un appel de puissance supplémentaire sur la chaudière qui monte en régime et se met
en sécurité, coupant le chauffage pour l’ensemble de l’établissement. La solution trouvée consistera à poser des détecteurs d’ouverture sur les fenêtres des dortoirs pour couper
automatiquement le chauffage en cas d’ouverture. Une technique supplémentaire apporte une solution à la technique
initiale qui ne correspondait pas à l’usage des lieux.
16
SOFT-TECH : UNE DEFINITION PROGRESSIVE
Definition : soft-tech 0.00
Le bâtiment sans notice n’est pas high-tech. D’abord parce
que cette technologie ultraperformante est le plus souvent
trop exigeante, parfois même contraignante en termes
d’usage, ensuite parce qu’elle est réservée à une minorité et
n’est pas économiquement généralisable.
Deuxième observation : des logements basse consommation ouvrent sur un jardin orienté au sud par une généreuse
baie vitrée. Pour éviter les surchauffes, celle-ci est équipée d’un brise-soleil orientable (BSO) permettant d’ajuster
l’occultation à l’usage du séjour. Une fois baissé, le BSO
empêche la sortie des enfants dans le jardin puisqu’il passe
devant l’ouvrant vitré, moyennant quoi, le BSO n’est fermé
qu’à demi quand les enfants sont là et le séjour surchauffe.
Sans cela, les enfants ne peuvent pas aller jouer dehors. Et il y
aurait bien d’autres exemples.
Le bâtiment sans notice n’est pas low-tech, c’est-à-dire
qu’il ne renie pas la technique, il reconnaît son utilité et a
les moyens de recourir aux technologies actuelles, il s’inscrit entièrement dans le respect des exigences de confort
actuelles. Il n’est pas le produit d’un militantisme économique ou environnemental qui se traduirait par une posture
anti-technologique.
Troisième observation : dans un groupe scolaire, l’équipe
de maîtrise d’œuvre, sensibilisée à la prise en compte de
l’usager dans la conception du bâtiment, a proposé de
mettre en place des capteurs de CO2 reliés à un voyant de
couleur. Lorsqu’un certain seuil est atteint, la couleur rouge
s’affiche pour indiquer qu’il faut prévoir de renouveler l’air
en ouvrant les fenêtres. Sur le terrain, la vue de ce voyant
panique les enseignants qui associent cette information à un
danger (alors que le seuil retenu présente une marge importante avant que la concentration en CO2 puisse provoquer
une réelle gêne). Pourtant toute la communication nécessaire a été réalisée auprès des enseignants pour leur expliquer le système.
Il n’a pas recours à des solutions techniques coûteuses
inutiles qui ne servent que quelques mois par an ou permettent de gagner quelques kWh, et seront amorties après
avoir été remplacées.
Cette accumulation d’observations interroge, y compris
sur des systèmes non techniques a priori, comme les occultations. Et le retour des usagers amène à concevoir autrement,
en questionnant de façon très pratique la façon dont le lieu
sera habité et vécu.
Le confort se vit, il ne se gère pas.
Émerge alors l’idée d’un bâtiment sans notice. Il s’agirait de concevoir un bâtiment bénéficiant d’une robustesse
suffisante pour s’adapter aux bons usages comme aux moins
performants, autorisant l’imperfection, l’imprévision.
La méthode de conception doit alors s’adapter, et les
concepteurs devenir capables d’anticiper ce qu’ils pourraient considérer comme les mésusages de la construction.
Autrement dit, il ne s’agit plus de démontrer que le bâtiment est très performant avec des usagers parfaits mais
qu’il est correct avec n’importe quel usager. La notice ne
s’adresse plus à l’usager mais au concepteur, pour qu’il
appréhende l’efficience du bâtiment projeté.
Le bâtiment sans notice est soft-tech. Il utilise une technique douce, non traumatisante.
Il utilise des techniques robustes, permettant d’adapter
le niveau de confort à l’usager : le confort étant une notion
très personnelle, la possibilité de contrôle est essentielle.
Pour que l’habitant ait la capacité de contrôle, les moyens de
contrôle ne doivent pas être trop complexes, ils doivent être
mémorisables, voire intuitifs.
Il apporte le confort suffisant, y compris non environnementalement correct. Il n’est pas envisageable par exemple
d’interdire le recours à la climatisation si les températures
intérieures en été atteignent fréquemment plus de 28°C.
Il est possible par contre d’éviter que cette situation ne survienne en gérant les orientations, l’inertie, les occultations…
Il est performant et répond aux enjeux de réduction des
consommations, tout en présentant une sensibilité moindre
à l’action (ou la non action) de l’habitant qui pour des raisons
toujours valables peut se comporter de façon imprévisible.
Il n’utilise pas de techniques complexes culpabilisantes
qui laisseraient penser à l’habitant qu’il est incompétent.
Il ne recourt pas à des techniques ou des procédés architecturaux qui contrecarrent les usages courants de l’habitation (comme accéder à son jardin lorsqu’il fait beau ou
fermer sa fenêtre si le voisin est bruyant…)
Redéfinitions : soft-tech 0.01 et 0.02…
De cette première définition construite avant tout sur un
n’étant pas, le soft-tech, testé partiellement sur quelques
projets vécus, se redéfinit sans cesse. Il se densifie.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
Il se revendique de la technologie non traumatisante
(0.00), de la bienveillance technique et architecturale (0.01),
et de la méthode (0.02).
• De la technologie non traumatisante, non liberticide :
la technologie ne doit pas empêcher l’action prévue
par l’habitant, auquel cas il s’affranchira du système
plutôt que de renoncer à l’action envisagée. Si la
contrainte est trop forte, le système est dévoyé, voire
ignoré. Le niveau de confort s’en trouve dégradé. En
dernier lieu, l’usager ira jusqu’à installer lui-même un
autre système pour corriger l’inconfort généré par
l’inadaptation du système initial.
• De la bienveillance technique : lorsqu’Alain Bornarel12
explique que le coût énergétique d’une installation
double flux n’est jamais amorti par le gain réalisé sur
les factures énergétiques dans la moitié des installations réalisées en France (pour des raisons évidentes
de climat)13, il est temps en effet de réinterroger les
systèmes existants, et de passer au mieux technique
et non au plus ou au moins technique. Dans la très
grande majorité des cas, l’acharnement à la recherche
de performance est inutile et totalement vain. Les
usages réels étant tellement distants des hypothèses
faites lors des études, la technique est beaucoup trop
performante et pas efficiente. L’efficience est l’objectif à rechercher, c’est-à-dire une adéquation entre
une performance recherchée et un service rendu.
Cela implique d’anticiper les conflits entre usages et
techniques ou systèmes (même architecturaux) et
donc d’intégrer un volet culturel fort aux approches
durables. Chercher l’efficience, c’est accepter l’imprécision, la part d’adaptabilité de l’habitant et sa part
d’imprévisibilité. Les systèmes apprenants cherchent
à approcher ces logiques floues des usagers, de façon
à adapter la réponse en fonction d’une sollicitation
et d’une réponse déjà observée. Mais à l’échelle du
logement et dans un contexte de crise impliquant de
construire toujours moins cher, le recours à ces solutions reste de l’ordre du luxe et l’éviter est sans aucun
doute plus raisonnable. En effet, ces solutions dont la
performance réelle n’est acquise qu’après quelques
mois ou années, coûtent cher et ne sont pas d’une
simplicité à toute épreuve. Le plus souvent, elles
nécessitent un suivi par un professionnel pour réaliser
les réglages pendant au moins un an. Cela présente
évidemment un coût additionnel au seul coût de
l’équipement : le coût des services induits. Dans bien
des cas d’ailleurs, les retours que les bailleurs sociaux
nous font sur les installations exemplaires traduisent
bien cette problématique : les économies d’énergie
12
Fondateur et dirigeant du bureau d’études Tribu à Paris, spécialisé
en qualité environnementale du bâtiment et développement durable.
13
Entretien avec Alain Bornarel, Chaud Froid Performance n°766,
pages 10 à 12, avril 2013.
•
17
sont bien là, mais le gain économique est quasiment
nul une fois les charges d’entretien et de maintenance
prises en compte.
De la méthode : ne pas toujours recourir à de nouvelles
techniques pour répondre au nouveau problème,
voilà qui induit d’appliquer de nouvelles méthodes.
Ces méthodes, qui nécessitent la mise en relation de
domaines communiquant peu aujourd’hui, relèvent
d’une approche systémique par essence. La méthode
interroge chaque acte architectural et technique
au regard de l’usage. Pour ce faire, les concepteurs
doivent avoir connaissance de l’usage possible. Deux
voies s’offrent alors : soit intégrer dans les équipes des
personnes compétentes sur ces sujets, soit accepter de
concevoir avec les usagers.
Un cas emblématique : les protections solaires
En premier lieu, il est nécessaire de définir les usages intéressants de la situation de référence, avant de les observer
dans les bâtiments BBC, pour pouvoir identifier leur évolution. Les constats sont assez clairs : en ville, les immeubles
anciens sont souvent jugés inconfortables l’hiver (il y fait
un peu froid, on y observe de la condensation sur les vitres
quand on chauffe, les logements sont mal insonorisés entre
eux…) mais plutôt confortables l’été. Des systèmes avaient
été prévus pour maintenir l’intimité de chaque logement
par rapport à la rue, au voisin d’en face… Lorsqu’ils ont été
démontés car devenus non fonctionnels, les habitants l’ont
regretté (en particulier les jalousies).
Les observations n’ont été menées que sur les systèmes
architecturaux observables de l’extérieur, sans entrer dans
les habitations. Les réponses actuelles produites sur des opérations exemplaires ont été mises en comparaison avec les
réponses plus anciennes.
Sur le bâti antérieur aux années 1970, on observe quasi
systématiquement des systèmes d’occultation permettant
l’intimité. Parfois, ces systèmes sont énergétiquement peu
efficaces car ils ne permettent pas de couper la vue sans
couper le soleil et donc sans couper les apports gratuits en
hiver. Les observations ont été faites par temps froid et ensoleillé et on remarque que les protections sont en place alors
que la performance énergétique aurait voulu qu’elles soient
relevées. Ces protections ne permettent pas de gestion
différenciée par saison, par contre elles remplissent leur rôle
de protection de l’intimité.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
18
Lorsqu’ils sont posés au nu extérieur de la loggia ou du
balcon, ils n’empêchent pas de profiter de l’espace extérieur
privatif en été, ombragé et protégé de la vue, et donc appropriable par l’habitant.
C’est avec des systèmes de ce type que l’approche softtech commence. Une bonne protection solaire dans des bâtiments BBC est un préalable nécessaire pour ne pas installer
de climatisation dans les logements. Sans cela, l’effet thermos des bâtiments surisolés rend vraiment difficile l’évacuation des calories facilement accumulées et les surchauffes
deviennent très fréquentes et insupportables.
Différentes protections solaires anciennes permettant la gestion de l’intimité : jalousie, volet
à projection, végétation...
Sur les bâtiments de logements récents, c’est-à-dire livrés
depuis 2010, sur des opérations BBC ou HQE ®, les modes
d’occultation sont très divers. Souvent, ils s’écartent de la
façade pour générer des espaces intermédiaires (loggia,
balcon...). Le volet battant et la persienne sont ré-inventés
alors qu’ils avaient été totalement oubliés dans l’habitat collectif depuis des années. Fermés, ils donnent entière intimité
sans mettre l’habitant dans le noir ; entrouverts, ils protègent
du soleil sans se couper de la lumière…
Amantea, Lyon confluence / Fuksass, Lyon confluence / Vergely,
Lyon confluence.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
19
COMMENT ALLER VERS UNE ARCHITECTURE SOFT-TECH ?
FAISONS RENAÎTRE LE CERBÈRE
Les trois têtes : concepteur, observateur et habitant
qui apportent au moins un aspect d’usage, celui de la complexité de la maintenance.
La maîtrise d’œuvre s’organise encore en France sur la
base de la séparation entre l’architecte et l’ingénieur, mais
les architectes acquièrent de plus en plus en interne les
compétences majeures d’ingénierie. Ailleurs, cette pratique
s’est déjà fortement développée dès la formation des futurs
professionnels. Les deux disciplines sont couplées dans les
écoles : c’est le cas en Suisse, en Allemagne, en Espagne...
Nous pouvons alors considérer que l’esthétique et la solidité
ne sont pas dissociées mais intégrées. Actons de fait que
l’architecture est aussi une question technique et que cette
architecture ingénieuse ne constitue qu’une seule tête.
Pourtant les enquêtes menées sur le bâti récent, réputé
performant et confortable, nous paraissent indispensables
pour que les équipes puissent estimer les avantages et
inconvénients des différents systèmes en termes d’usage
et non de performance. Si les enquêtes quantitatives permettent d’identifier s’il y a ou non dysfonctionnement, seules
les enquêtes habitants peuvent nous aider à identifier les
éléments qui ont pu mener à un mauvais usage d’un système
(qui peut être la cause du dysfonctionnement en question).
La technique et l’architecture sont au cœur de l’efficacité,
l’usager est au cœur de l’efficience.
Quant aux sociologues, ils s’attachent depuis longtemps
à questionner les usages de l’habitat et constituent une
deuxième tête. Leur approche fondamentalement dissociée
du projet architectural apporte une autre vision. Depuis
quelques années, ils s’attachent de façon spécifique à la relation que les usagers ont avec l’énergie, la performance, la
technique. Leurs apports récents sont précieux mais souvent
confidentiels et ne sont pas encore relayés par les concepteurs. Les architectes et les sociologues se frôlent, se lisent,
s’observent, mais ils ont rarement l’occasion de se côtoyer
de façon pratique sur les projets14. Pourtant comme le projet
s’enrichirait d’un échange entre concepteur et observateur
extérieur !
Pour améliorer l’efficience, il faut donc un Cerbère :
architecte, sociologue et habitant.
Mais pour ce qui est de l’utilité, finalement qui peut en
parler mieux que l’usager lui-même ?
Il semble parfois bien risqué de demander son avis à
l’habitant sur la qualité d’usage de son habitation. Il n’y a
pas meilleur moyen pour que les revendications pleuvent
et les bailleurs peuvent craindre les retours négatifs. Force
est de constater, en partie pour ces raisons, que les solutions architecturales et techniques mises en œuvre ne sont
jamais questionnées a posteriori, sauf par les gestionnaires
14
Lors des projets de réhabilitation lourde en site occupé, les sociologues interviennent de plus en plus en maîtrise d’œuvre dite sociale.
Mais celle-ci est dissociée de la maîtrise d’œuvre architecturale et s’occupe finalement plus de gérer les conflits d’usage durant la période
de travaux que d’accompagner réellement le projet et d’interroger les
habitants sur leurs usages pour qu’ils soient pris en compte dans le
projet.
Les trois types d’usagers
L’habitant et l’usage ne sont jamais généralisables ou
simplifiables, en aucun cas prévisibles. Mais on ne peut
se contenter de ce constat d’imprévisibilité : aussi avonsnous approché la connaissance des usages en fonction des
différentes techniques présentes dans le bâti. Nous avons
réalisé des enquêtes qualitatives, constituées d’entretiens
menés dans les foyers. À partir de ces enquêtes, le niveau
de réalité de l’usage prévu lors des études a pu être défini
et intégré dans le modèle de prévision pour des opérations
ultérieures.
À la vue des enquêtes réalisées, il semble pertinent de
constituer une typologie d’habitant. Nous avons rencontré
trois types d’usager :
• l’usager militant15,
• l’usager informé,
• l’usager non informé16.
15
L’habitant militant correspond bien aux groupes d’habitat participatif, tel le Village Vertical à Villeurbanne (69), qui s’impliquent dans la
conception de leur habitat et se soucient de leur confort à venir dès la
conception, dans un objectif d’autogestion et d’exemplarité des comportements. Le travail que nous avons mené avec ce groupe durant
5 ans nous a permis de définir assez précisément ce type d’usager.
16
Les enquêtes menées sur 2 opérations que nous avons conçues et
réalisées nous ont permis de rencontrer ces deux types d’usagers, l’un
des bailleurs nous ayant demandé de réaliser une notice d’utilisation
et l’autre non.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
L’usager militant
Il est volontaire, exigeant et très documenté sur la technique. Il est souvent à l’origine de la conception de son habitat ou de sa transformation. Il intervient sur son cadre de vie,
est attentif à la qualité de l’isolation, au caractère bioclimatique de la construction, à la performance énergétique. S’il a
une particularité essentielle, c’est qu’il est prêt à accepter une
réduction de son niveau de confort moyen afin de répondre
à l’enjeu pour lequel il milite (non-recours à l’électricité,
abandon de la baignoire au profit de la douche) ou à augmenter le coût de son installation (recours à des matériaux
écologiques ou aux filières locales).
L’usager militant est fortement impliqué dans la gestion
régulière de son confort et accepte les contraintes liées à
l’obtention de ce niveau de confort. Par exemple, il accepte
de devoir fermer ses brise-soleil avant de partir travailler en
été, ou de porter un pull dans son logement en hiver pour
consommer moins.
L’usager informé
Il représente la plupart des habitants rencontrés dans
le cadre des enquêtes. Il a été informé en entrant dans son
logement des modalités de gestion de son habitation et
a été sensibilisé aux gestes verts. Il est conscient des bons
gestes et les met en pratique tant qu’ils ne sont pas fondamentalement incompatibles avec ses habitudes. Lorsqu’il y
déroge, c’est consciemment et en connaissance de cause. La
plupart du temps, il aura recours à une solution technique de
secours pour compenser le mauvais usage fait d’un système.
L’usager non informé
Il n’a pas été informé des gestes à réaliser pour garantir
son confort dans le bâtiment. Il peut soit apprendre par
répétition sur plusieurs saisons, soit compenser le défaut de
confort par des systèmes correctifs (par exemple, installer
une climatisation portative dans un séjour sans pour autant
fermer les stores en journée).
EFFICIENCE CONTRE EFFICACITÉ
La simplexité17
Selon Alain Berthoz18, face à la complexité du monde
qu’il a la capacité de saisir, le cerveau humain aurait besoin
pour sa survie d’un processus biologique de tri, de simplifi-
20
cation (tel que l’inhibition). Nous prenons à notre compte la
simplexité comme processus permettant de rendre la complexité supportable.
La technique, aujourd’hui courante, est suffisante pour
produire les logements performants dont on a besoin.
L’innovation technique n’est plus une nécessité pour l’habitat. Elle servira bien sûr à améliorer des réponses, à solutionner des questions toujours plus complexes, à alléger les
contraintes ou les coûts en améliorant la performance ou la
gestion. Autant d’innovations qui iront toujours vers plus de
performance, vers plus de justesse de la réponse technique,
pour une meilleure adéquation entre modélisation et réalité.
Mais la technique apporte aujourd’hui des réponses de plus
en plus complexes à des interactions de plus en plus nombreuses, au risque de perdre tout contrôle possible par un
individu normalement constitué et normalement informé.
L’individu a donc besoin de simplexité. L’habitat, lieu refuge,
cocon, espace protecteur, ne laisse pas de place à la complexité. C’est au contraire le lieu de la simplexité.
L’approche soft-tech consiste donc avant tout à limiter
la complexité du bâtiment, surtout lorsqu’il s’agit d’habitat,
et donc de limiter le nombre de couches successives de
recours à la technique. L’enjeu n’est plus à la performance
pure. L’efficacité d’une technique, c’est-à-dire le rapport
entre le résultat obtenu et les objectifs fixés (mesuré dans un
contexte normé pour pouvoir être comparé à d’autres solutions19), n’est pas forcément comparable à son efficience20.
Améliorer l’efficacité ne sert à rien sans améliorer l’efficience.
L’évolution des systèmes de ventilation de l’habitat est
un bon exemple du processus de simplexité envisageable.
D’abord, l’homme a cherché à se protéger des courants d’air.
Il a construit de plus en plus fermé, de plus en plus étanche,
jusqu’à se retrouver enfermé dans des bâtiments dans lesquels l’air était plus pollué que l’air extérieur, au point de
générer des désordres sur le bâtiment lui-même (moisissures…) et sur sa santé. La ventilation a donc été favorisée :
d’abord par des conduits de tirage naturel ou par ouverture
des fenêtres, puis par des systèmes d’extraction mécanique.
Plus besoin de penser à ouvrir la fenêtre. Énergivores, ces
systèmes se sont affinés pour devenir auto-réglables, puis
hygro-réglables (soumis à l’humidité, cause des moisissures),
puis asservis aux sondes de CO2 (c’est-à-dire à l’occupation). La ventilation se complexifie encore en offrant, avec
17
« La notion de simplexité que je propose résume une remarquable
nécessité biologique apparue au cours de l’évolution pour permettre
la survie des animaux et de l’homme sur notre planète : malgré la complexité des processus naturels, le cerveau doit trouver des solutions,
qui relèvent de principes simplificateurs, en tenant compte de l’expérience passée et en anticipant l’avenir. » cf. La simplexité de Alain
Berthoz, Odile Jacob Sciences.
18
Alain Berthoz est professeur honoraire de la Chaire de physiologie
de la perception et de l’action du Collège de France, membre de l’Académie des sciences.
19
Par exemple le rendement d’une chaudière traduit l’efficacité de
cette chaudière dont l’objectif est de produire le plus possible de chaleur à partir d’une quantité de combustible donné.
20
L’efficience est l’optimisation d’une technique dans sa mise en
œuvre pour aboutir à un résultat. Par extension du cas de la chaudière,
il s’agit plutôt de veiller à garantir une température dans le logement
tout en consommant le moins possible. La gestion de la température
de consigne est alors aussi importante que le rendement de la chaudière…
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
21
le double flux, une réduction des consommations énergétiques à débit équivalent. Les centrales de traitement d’air,
quant à elles, permettent de gérer l’humidité, la qualité de
l’air et la température dans le bâtiment… Mais il leur faut
une pièce dédiée, et un technicien pour les entretenir.
Un habitant, même militant, ne saura pas le faire seul.
Ces systèmes, de plus en plus complexes, sont aussi de
plus en plus sujets au bon entretien, à la maintenance. Un
filtre encrassé réduit les débits qui peuvent devenir inférieurs
aux débits sanitaires. Un échangeur non nettoyé, c’est le rendement de l’installation qui chute vertigineusement. Et tout
cela fonctionne 24h/24, et consomme !
Les consommations de chauffage évitées par l’amélioration des systèmes de ventilation ne sont parfois pas suffisantes pour compenser les consommations électriques
engendrées. Plus les bâtiments sont performants, plus l’enjeu économique et énergétique est sur la réduction de la
consommation électrique. Nous revenons donc à la ventilation naturelle, par conduits et extracteurs sans moteur…
Avec l’opération BedZED21, réalisée en l’an 2000, au sud
de Londres, l’architecte Bill Dunster a été précurseur de ce
mouvement qui utilise la technique et permet même l’innovation. Il a en effet utilisé un système de double flux en
ventilation naturelle. Très technique en lui-même, le système
ne demande pas d’intervention spécifique de l’usager et
ne consomme pas d’électricité. Mais on pourrait citer aussi
le programme d’habitat réalisé par Philippe Madec à SaintNazaire22 qui a recours à la ventilation naturelle pour des
logements.
Atelier Philippe Madec©, opération de 96 logements à Saint-Nazaire,
premiers logements 100 % ventilation naturelle.
La technique fonctionne grâce aux éléments climatiques
et à la conception architecturale qui devient majeure dans
de tels projets, tant elle conditionne le bon fonctionnement
du système et donc la simplicité d’usage. Les habitants ont
une ventilation naturelle fonctionnant en permanence, et
dont l’entretien est similaire à celui d’un système mécanique
traditionnel (nettoyage des bouches d’extraction et nettoyage occasionnel des filtres).
L’exemple de la diversité des solutions de ventilation imaginables est une illustration de la multiplicité des choix qui
s’offrent au concepteur. Or, la ventilation naturelle est une
technique plus complexe à maîtriser pour le concepteur
que les systèmes de tubes qui suivent exactement le chemin qu’on leur impose. En revanche, elle réduit fortement les
coûts de fonctionnement (plus de consommation électrique)
et d’entretien (gestion plus simple). Elle facilite la vie de l’occupant, mais implique l’architecte dans la performance. C’est
par définition l’objectif de l’approche soft-tech : la technicité
dans la recherche architecturale, la simplicité pour l’habitant.
LA CONCEPTION PARTICIPATIVE
La difficulté est de définir les réels besoins des habitants,
et leurs modes de fonctionnement. Une approche intéressante pour questionner la relation de l’usager à la technicité
et à la complexité du bâtiment est de l’associer à la conception. Il est alors informé, voire surinformé tant internet
foisonne…
Ventilation naturelle : quartier BedZED, Londres, Bill Dunster.
21
BedZED : Beddington Zero Energy (fossil) Development est une
opération d’une centaine de logements réalisés au sud de Londres,
lauréat du Prix de l’IRCA (Institut Royal des Bâtisseurs et des Architectes). www.zedfactory.com
22
Opération de logements BBC avec ventilation naturelle pour CISN
et Silene. www.atelierphilippemadec.fr
Présent dès le premier trait de crayon, l’habitant peut
encourager l’innovation. En effet, il participe à la décision,
qu’elle soit architecturale ou technique, et demande donc
à comprendre les principes mis en œuvre. Il questionne
chaque proposition de la maîtrise d’œuvre, se soucie de l’entretien et se projette dans son habitat futur. Il est surtout prêt
à remettre en question des a priori établis par la plupart des
maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre. Le regard neuf de
l’habitant sur la technique, et l’exigence attendue en termes
d’usages font que le projet se conçoit lentement, mais en
interrogeant chaque décision, en particulier technique.23
23
Cf. entretien Leroy Merlin Source avec Marine Morain par Denis
Bernadet.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
22
Habitat participatif : le Village Vertical, Villeurbanne (69), Arbor&Sens architecte mandataire + Detry & Levy.
L’exemple du Village Vertical a montré que les questions
techniques liées à la performance et à l’écologie ont accaparé une majorité des échanges entre les habitants et les
architectes. Le groupe, constitué essentiellement d’habitants militants, tels que définis plus haut, s’est interrogé sur
la nécessité de nouveaux espaces dédiés à des usages spécifiques. Par exemple, les circulations horizontales, tels des
pontons, s’ouvrent sur l’extérieur pour offrir en été une pièce
ombragée, ventilée et donc tenable en saison chaude. Cet
espace permet aussi de favoriser la ventilation naturelle des
logements par simple ouverture des fenêtres qui sont toutes
oscillo-battantes. Ainsi, les habitants peuvent laisser leur
logement ventilé lorsqu’ils sont absents sans craindre ni la
pluie ni l’intrusion. Ces pontons forment pour les logements
une extension qui permet de maintenir un niveau de confort
satisfaisant en été, sans recourir à la climatisation. Ils ont été
très vite appropriés par les habitants qui en ont fait un lieu
de calme et de rencontre avec les voisins.
La conception participative est une manifestation de
l’approche soft-tech. Si celle-ci ne peut être appliquée dans
tous les cas, elle incarne sans doute un moyen d’atteindre un
résultat satisfaisant pour l’usager avec un recours modéré,
et conscient, à la technique.
La durabilité passe, pour le concepteur, par la modestie à
se considérer comme un passager d’une aventure plus large,
initiée avant son arrivée et qui persiste après qu’il a transmis
le projet aux occupants.
La réalisation de cette opération en mode participatif
nous a permis d’identifier les éléments de blocages majeurs
qui empêchent la massification de ce type d’opération. Ils
sont de deux ordres : administratifs et juridiques d’une part
(avec une complexité de montage partiellement résolue par
le projet de loi Alur24) et opérationnels d’autre part. Une obligation de garantie du coût et de garantie du délai, comme
sur toute opération non participative, est à trouver pour fia24
La loi Alur dite loi Duflot propose de créer deux statuts légaux pour
les opérations d’habitat participatif : les coopératives d’habitants et les
sociétés d’autopromotion.
biliser les groupes qui peinent à durer suffisamment pour la
concrétisation d’un projet de cette ampleur. Mais l’association des habitants à la conception implique une pédagogie
du projet, et donc une capacité à maîtriser pour l’architecte
l’ensemble de la chaîne de conception. Il faut expliquer l’architecture autant que la technique d’ailleurs. Cette maîtrise
passe sans doute par la recherche de solutions techniques
simples, intuitives et efficaces. Tous les groupes n’auront pas
la motivation et le militantisme qui ont rendu l’opération du
Village Vertical viable malgré cinq ans de travail pour aboutir.
C’est une nouvelle façon de concevoir, intégrant l’usager non plus comme utilisateur final mais comme expert
en usage, possédant une compétence pertinente lors de la
conception qu’il faudrait développer. Mais nous sommes
au-delà de l’approche soft-tech : dans le cas le plus courant,
le futur usager n’est pas connu, il y a alors un enjeu spécifique
à concevoir sans savoir. À noter enfin que toute conception
participative, si elle doit répondre aux besoins déclarés des
habitants, doit aussi permettre la mutation, les habitants
ayant participé à la conception pouvant aussi déménager un
jour…
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
23
CONCLUSION
À l’issue de cette étude, il n’est pas inutile d’interroger la
notion de progrès au regard de cette approche soft-tech.
La technique est la réponse toute trouvée à bon nombre
de problèmes, bien plus facile à mettre en œuvre qu’une
remise en question profonde des modes de faire et des
modes de penser actuels. Lorsqu’un nouveau problème
se pose, il existe toujours une nouvelle technique pour y
remédier ; mais pour répondre à l’ensemble des problèmes
avec peu d’énergie et peu de matière, cela demande une
approche globale, systémique, qui est plus difficilement mise
en place dans une logique de conception où aujourd’hui
chaque acteur a sa place et sa spécialité.
Si le high-tech correspond à une approche productiviste
de la société et le low-tech à l’émergence d’un mouvement
décroissant toujours marginal, la question qui se pose pour le
soft-tech est : vers quelle société tendons-nous ? L’approche
participative développée plus haut est une illustration de
cette démarche, prenant en compte le développement
durable et le retour de l’humanisme en architecture…
D’autres pistes restent à inventer !
Il s’agit donc pour l’homme d’aujourd’hui, de reprendre la
main sur la technique, pour ne pas nous retrouver dans une
capsule spatiale accompagnés d’un HAL 9000 aux intentions
peu amicales.26 La réponse est apportée par le travail en équipe mais
aussi par une sensibilisation de chacun aux problématiques
des autres acteurs. Dans le bâtiment, on sera en présence
d’un architecte comprenant la problématique des débits
sanitaires, un ingénieur structure capable de dimensionner
en fonction de l’acoustique, et d’un maître d’ouvrage dont le
souci environnemental le poussera à faire des choix risqués.
Il existe un avantage pour comprendre les usagers du
bâtiment : nous en sommes tous. Ainsi, se poser des questions sur le quotidien permet de prendre du recul face à
l’ajout de technique automatique et au regard cadré des professionnels du bâtiment. Les architectes habiteraient-ils les
logements qu’ils conçoivent ? Sous quelles conditions ?
Pour considérer d’un autre œil l’importance prise par
la technique, nous pouvons alors interroger à nouveau
la notion de progrès aujourd’hui souvent réduite au progrès technique. La définition qu’en donne Foulquier25 il y
a plus de 40 ans est en cela révélatrice : « amélioration des
moyens de production, grâce surtout au perfectionnement
des machines et à la mécanisation du travail ». Mais si l’on
revient à l’étymologie du mot, alors le regard que l’on
peut porter sur le progrès est bien différent : « emprunté
au latin progressus, marche en avant, développement des
choses, accroissement ; dérivé de progredior, aller en avant ».
Alors progresser dans le domaine du bâtiment renvoie à la
question du progrès de la civilisation et de la direction prise
par celle-ci. Le progrès technique est une étape du progrès
et en est un moyen, mais s’agit-il d’une fin en soi ?
25
Professeur Norbert Foulquier, droit public et droit de l’environnement, Sc.Soc 1978, CNRTL.
26
« 2001 l’odyssée de l’espace », film de Stanley Kubrick, 1968.
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
24
« Vous savez, c’est toujours la vie qui a raison, l’architecte qui a tort. »
Le Corbusier
BIBLIOGRAPHIE / WEBOGRAPHIE
SITES WEB : CONSULTÉS TROISIÈME TRIMESTRE 2013
Musée des Beaux-Arts de Nancy,
exposition Prouvé / La maison tropicale
http://www.officiel-galeries-musees.com/musee-desbeaux-arts-20/exposition/la-maison-tropicale-de-jeanprouve
Leroy Merlin Source : entretien avec Marine Morain
http://www.leroymerlinsource.fr/habitat-environnement-et-sante/275-quand-larchitecte-et-les-futurs-usagers-concoivent-ensemble-un-immeuble-le-village-vertical-a-villeurbanne
Dossier pédagogique de présentation
du bâtiment du centre Pompidou
http://www. centrepompidou.fr
Référentiel QEB logement social, Rhône-Alpes
http://www.logementsocialdurable.fr/
Pavillon « living tomorrow » / Amsterdam
http://www.arcspace.com/features/unstudio/livingtomorrow-pavilion
Shigeru Ban architects
http://www.shigerubanarchitects.com/
Université Kaust
http://www.inhabitat.com
Atelier Philippe Madec
http://www.atelierphilippemadec.fr/architecture/leslogements-collectifs/96-logements-mixtes-thpe-enrbbc-et-vnac.html
Lipsky&Rollet : opération Amplia, dossier de presse
http://www.lipsky-rollet.com/content/projet/LOT_E3_
AMPLIA_LYON/lr-amplia-pdf_897104_1363622034__
pdf-.pdf
Expérimentation MH2020 par Velux
http://www.maisonairetlumiere
CNRTL
Centre national des ressources textuelles
et lexicales
http://www.cnrtl.fr
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
25
OUVRAGES
BERTHOZ Alain
La Simplexité. Odile Jacob Sciences, 2009, 256 p.
VIGNE Antoine
Les Erreurs de l’architecture, Éditions Courtes et longues,
2013, 144 p.
DUNSTER Bill, SIMMONS Craig & GILBERT Bobby
The ZEDbook. Éditions Taylor & Francis, 2007, 224 p.
BORNAREL Alain
Entretien : « Il y a un moment où il faut accepter de ne pas
être dans la norme. » Chaud-froid performance n°766, avril
2013
OPPENHEIMER DEAN Andrea & HURSLEY Timothy
Rural Studio, Samuel Mockbee and an architecture of
decency. Princeton architectural press, 2002, 185 p.
ROCCA Alessandro
Architecture Low cost Low Tech. Actes Sud, 2010, 207 p.
RICCIOTTI Rudy
HQE, Les renards du temple. Al Dante, 2009
SERRES Michel
Habiter, Éditions Le Pommier, 2011, 224 p.
Opération de réhabilitation de Boulogne-sur-Mer :
« Habiter pour Construire », in Imprévisibles habitants,
2mes Assises de l’habitat Leroy Merlin, Archistorm,
numéro spécial 07, septembre 2013
CAZEAUX Lauréna, MORAIN Marine
« Considering real hypothesis in Dynamic Thermal Simulations of summer comfort in low energy social housing »,
IBPSA, Arbor&Sens, 2013, 8 p.
ANNEXES
ANNEXE 1: workshop soft-tech / déambulation et observations
ANNEXE 2 : abstract of scientific article « Considering real hypothesis in Dynamic Thermal Simulations of summer
comfort in low energy social housing »
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26
ANNEXE 1
WORKSHOP SOFT-TECH
AUTEUR : Marine Simon, Lauréna Cazeaux
TYPE : « dérive » à la recherche des soft-tech
SOURCE : Arbor&Sens
DATE : 18 février 2013
Une journée de déambulation dans les rues de la ville de Lyon et de la ville de Villeurbanne nous a menées à observer
la traduction pratique de certains dispositifs. L’étude a porté ici sur le cas visible de l’extérieur des occultations solaires.
L’objectif était d’identifier les différents procédés architecturaux et techniques permettant de se protéger du soleil,
d’identifier les rôles non thermiques de ces systèmes et d’en observer les différentes utilisations faites. Il ne s’agit pas de
quantifier mais de qualifier l’objet protection solaire.
USAGE : logements
USAGE : logements
LIEU : rue Marcel Dutartre, Villeurbanne
LIEU : rue de Bruxelles, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : plein sud
ORIENTATION DE LA FAÇADE : plein sud
SOFT-TECH OBSERVÉE : persiennes bois, arbre caduque
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets accordéon à projection
OBSERVATION : persiennes à l’étage et arbre à feuilles
en acier
caduques au rez-de-chaussée, une maison de faubourg
réhabilitée (changement des menuiseries récent)
OBSERVATION : masque important en face immeuble R+5,
en cette saison les volets n’ont pas de rôle de protection
solaire : intimité et lumière
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
USAGE : logements
USAGE : logements
LIEU : rue des Antonins, Villeurbanne
LIEU : rue Marcel Dutartre, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : plein est
ORIENTATION DE LA FAÇADE : plein nord
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets accordéon,
stores textile extérieurs
OBSERVATION : volet intimité/sécurité au RDC,
protection solaire extérieure « bricolée »,
aspect de store intérieur
SOFT-TECH OBSERVÉE : mini-serre
OBSERVATION : mini-serre faisant office d’espace climatique
tampon entre intérieur et extérieur
USAGE : logements
LIEU : rue Schmidt, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-sud-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : stores banne
OBSERVATION : protection sur toute la façade sud
USAGE : logements
LIEU : rue des Antonins, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : plein ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : arbre
OBSERVATION : arbre prodiguant ombre et intimité
27
des balcons filants par les stores bannes
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
USAGE : bureaux
LIEU : boulevard du 11 novembre, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : nord
SOFT-TECH OBSERVÉE : aucune
OBSERVATION : trois groupes clim en façade nord ?!
USAGE : bureaux, laboratoires
LIEU : rue de la Doua, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest-ouest-nord
SOFT-TECH OBSERVÉE : caillebottis fixes
OBSERVATION : protection solaire, effet architectural,
gestion de l’intimité ?
USAGE : école
USAGE : bureaux, laboratoires
LIEU : avenue Claude Bernard, Villeurbanne
LIEU : rue de la Doua Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud
ORIENTATION DE LA FAÇADE : plein sud
SOFT-TECH OBSERVÉE : lames d’acier horizontales fixes
SOFT-TECH OBSERVÉE : lames de bois horizontales fixes
OBSERVATION : protection solaire à l’étage
mais pas au rez-de-chaussée
OBSERVATION : façade rideau avec protection solaire,
pas de protection observée devant les ouvrants
(adaptation en vertical à l’ouest)
28
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
USAGE : école
LIEU : rue Raphael Dubois, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-est
SOFT-TECH OBSERVÉE : lames de béton horizontales fixes
USAGE : école
LIEU : avenue Claude Bernard, Villeurbanne
OBSERVATION : lames verticales béton sur toutes les
orientations, lames horizontales en est, sud et ouest
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-sud-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : BSO non relevables
OBSERVATION : ajout sur la façade du bâtiment
datant des années 70
USAGE : école
LIEU : rue des sports, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : est
SOFT-TECH OBSERVÉE : aucune
OBSERVATION : protections solaires intérieures
(stores screen), façade rénovée récemment,
pas de protections solaires
USAGE : école
LIEU : mail Claude Bernard, Villeurbanne
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud
SOFT-TECH OBSERVÉE : stores screen extérieurs
OBSERVATION : tous les stores sont descendus en février
(bloqués, cassés ?)
29
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
30
USAGE : logements (étudiants)
USAGE : logements
LIEU : boulevard du 11 novembre, résidence C, Villeurbanne
LIEU : avenue de Grande-Bretagne, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : est-nord-est
ORIENTATION DE LA FAÇADE : nord-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : BSO caillebottis fixes
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets roulants bois,
double fenêtres stores banne
OBSERVATION : stores banne y compris sur doubles fenêtres
sur certains logements, grande hétérogénéité
OBSERVATION : rénovation de logement étudiant,
adaptation des protections solaires selon l’usage ?
USAGE : logements
LIEU : avenue de Grande-Bretagne, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest
USAGE : logements
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets roulants à projection en bois
LIEU : avenue de Grande-Bretagne, Lyon
OBSERVATION : seul le dernier étage est équipé
de protections solaires
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets roulants bois,
stores screen à projection
OBSERVATION : immeuble cossu, protections
solaires et occultations différenciées
L’architecture soft-tech / mars 2014 / page
USAGE : logements
LIEU : avenue de Grande-Bretagne, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest et nord
SOFT-TECH OBSERVÉE : jalousies lyonnaises
OBSERVATION : système de BSO, stores extérieurs,
répandus à Lyon, protections solaires
USAGE : logements
LIEU : rue Romarin, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-est
SOFT-TECH OBSERVÉE : jalousies lyonnaises
OBSERVATION : intimité et protection solaire
USAGE : innocupé
LIEU : place Carnot, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets roulants bois,
USAGE : logements
LIEU : rue Terraille, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : est et ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : jalousies lyonnaises
OBSERVATION : intimité uniquement
petite ouverture en haut de la fenêtre
OBSERVATION : dispositif régulièrement observé
en centre-ville avec grande hauteur sous plafond,
une baie principale et des ouvrants secondaires
(parfois oscillo)
31
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USAGE : centre commercial
LIEU : cours Charlemagne, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : nord-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : aucune
USAGE : bureaux
OBSERVATION : toiture prenant la forme d’une double
LIEU : cours Verdun Récamier, Lyon
membrane gonflante, insufflation permanente d’air
dans la structure
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-sud-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : brise-soleil verticaux en bois
OBSERVATION : protection solaire fixe, efficacité juillet/août
USAGE : pas d’usage actuel, ancienne halle aux fleurs
LIEU : cours Charlemagne, rue Smith, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : nord-nord-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : brise-soleil verticaux en béton armé
OBSERVATION : protection solaire contre la chaleur
(protection des fleurs ?)
USAGE : bureaux
LIEU : quai Antoine Riboud, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud sud ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : filet
OBSERVATION : le filet de sécurité, une soft-tech de secours
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USAGE : logements
USAGE : logements
LIEU : quai Antoine Riboud, Lyon
LIEU : quai Antoine Riboud, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-sud-ouest
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-sud-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : protections solaires accordéon
SOFT-TECH OBSERVÉE : protections solaire BSO et volet
OBSERVATION : protection solaire de balcon
fréquemment observée à la Confluence
accordéon, jardin d’hiver
OBSERVATION : deux stratégies différentes de protection
solaire de balcon ou de baie, pas de protection solaire sur
jardin d’hiver
USAGE : logements
USAGE : logements
LIEU : quai Antoine Riboud, Lyon
LIEU : allée André Mure, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : sud-sud-ouest
ORIENTATION DE LA FAÇADE : est-nord-est
SOFT-TECH OBSERVÉE : aucune
SOFT-TECH OBSERVÉE : ptotections solaires BSO
et volets coulissants
OBSERVATION : deux approches, protection solaire fixe
(mono-usage) sur baie double hauteur ou volet coulissant
mobile (occultation et protection solaire)
OBSERVATION : pans de verre fixes, pas d’intérêt thermique,
ni intimité, inox poli miroir en façade, amplification des
apports solaires (reflets)
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USAGE : logements
USAGE : logements
LIEU : allée André Mure, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : est-nord-est
SOFT-TECH OBSERVÉE : bâtiment serre
OBSERVATION : double peau de verre, y compris devant
LIEU : rue Casimir Périer, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest-nord-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : volets persiennés coulissants
OBSERVATION : volets permettant de traiter vis-à-vis
et soleil (baie cuisine)
paroi opaque. Volet roulant pour occultation,
ventelles + coulissants (usage réel vu le positionnement
différent d’un logement à l’autre)
USAGE : logements
LIEU : allée Paul Scherrer, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : ouest-nord-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : vitres à ventelles accordéon
OBSERVATION : travail de double peau, ici position hiver
USAGE : logements
optimale (effet du guide geste vert ?) problème d’intimité au
RDC, pas de possibilité apparente de protéger le balcon du
RDC au niveau solaire et intimité
LIEU : rue Casimir Périer, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : nord-nord-ouest
SOFT-TECH OBSERVÉE : canisses d’intimité
OBSERVATION : volet opaque malgré un vis-à-vis important :
choix entre intimité et vue. Ajout de canisses pour l’intimité
des espaces de RDC
USAGE : logements
LIEU : rue Bayard, Lyon
ORIENTATION DE LA FAÇADE : nord-nord-est
SOFT-TECH OBSERVÉE : ventilation naturelle local vélo
OBSERVATION : grille perforée au lieu de menuiserie
au niveau du local à vélo
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35
ANNEXE 2
CONSIDERING REAL HYPOTHESIS IN DYNAMIC THERMAL SIMULATIONS
OF SUMMER COMFORT IN LOW ENERGY SOCIAL HOUSING
27
Lauréna Cazeaux, Marine Morain,
Arbor&Sens,
Architecture and environmental engineering limited liability company, Lyon, France
ABSTRACT
The object of this paper is to evaluate the impact of taking into account real behaviour on provisional Dynamic Thermal
Simulations (DTS). The disparity that can occur between a model developed according to accepted hypothesis ordinarily used and a model deduced from real behaviour/ habits is significant. In order to take into account the hypotheses
of real use, inhabitants are questioned about their practices in semi-directive interviews, based on a thematic grid. This
allows the identification of genuine behaviour and its use as input in DTS software. The conclusions of the interviews
permit the identification of non-thermal pressures the interviewees are subjected to. These pressures create illogical
behavior from a thermal point of view which are not currently taken into account in predicted models.
INTRODUCTION
Buildings are adapting to energy rarefaction with low consumption goals (BBC) and now Thermal Law 2012 (RT 2012).
The question of comfort in winter is technologically already resolved through good insulation and a reliable heating
system, in both new and older buildings. Summer comfort is more difficult to model and therefore ensure. Indeed, it
depends above all on the facilities that are available and how they are used by the inhabitants (windows, shutters). The
increase in temperature in summer leads to discomfort. Buying an air-conditioning unit is a means of producing ones
own constant indoor climate. The heat wave of the summer of 2003 contributed to the tripling of the number of airconditioning units between 2001 and 2007. In effect heat within dwellings is considered a danger. The principal risk in
massive air-conditioning equipment is creating new energy consumption while world context is increasingly moving
towards energy moderation. The energy department has already observed peaks in the request for energy are increasing in the middle of summer days and it will get bigger in the future (MEEDTL, 2009).
Passive summer comfort in housing is an emerging stake.
Frames of reference about environmental quality have been created by contracting authorities (Rhône-Alpes region,
Grand-Lyon metropolis and social backers). Their goal is to improve current and future accommodation but also to compare the operation of them.
For this reason these frames of reference impose a certain number of objectives in results and means of calculating.
Dynamic thermal simulation is one of the tools to be put into place in order to prove that a certain quality of comfort
can be attained in housing during summer without air-conditioning systems. It is a passive approach to summer com27
Article téléchargeable sur : http://www.ibpsa.org/proceedings/BS2013/p_2075.pdf
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fort that is retained. For example, the frame of reference from the Rhône-Alpes region considers its objective of comfort to
be not going over a temperature of 28°C inside the housing for more than 40 hours in one calendar year according to
the climatic base of 2004.
Dynamic thermal simulation allows the consideration of complex hypotheses which can be divided into three classes:
climate hypotheses, building hypotheses and users hypotheses. If the base climate file is imposed 2004 (Météo France /
French weather data) and the construction of the building defined, the hypotheses which depend on the inhabitants are
not fixed for the calculation. For the same results behavior inputs can change, i.e. two models, with different hypotheses
can reach the same objective but not in the same manner. This therefore compromises the comparison between the
projects.
How can the proximity between retained hypotheses and actual behavior be confirmed ?
Usually, there is not any connection between project management and building users. On an operational basis, the link
between the different actors in a buildings life cannot be seen as a direct exchange. In effect the team that conceives
the building does so according to the specifications of the management team, the norms and the suppositions they
can make of the users. At this point, the building’s response to users’ demands is computed through the aid of different
software, and therefore DTS software. Then, the project is built and delivered. The inhabitants occupy the building and
manage it on their own. There are few studies about how people deal with indoor climate. Usually, this research is done
by design offices that did not handle the conception (Enertech, 2012).
This study aims to develop a link between building design and occupation by real inhabitants.
This approach is based on a case study done on a group of 6 semi-detached houses in urban area and 4 houses in rural
area. They are all situated in the Rhône-Alpes region in France.
The cohesion of the information and the actors in this study is guaranteed by its being carried out by the architectural
and thermal design offices which conceived the building. The design and construction work is completed through a
veritable field investigation. Data collection took shape in the form of oral interviews in order to understand the behaviour and feelings towards comfort. This approach based on a narrow sample is qualitative rather than quantitative. No
measurements were made because the goal is to understand how people react, and not the building’s response which
is calculated through the use of software. The behaviour considered is typical of a certain number of uses but cannot be
considered exhaustive. This study cannot therefore be applied directly to other cases.
Nevertheless, it allows the estimation of the disparity between admitted hypothesis and those deduced from the interviews of the field investigation. This data is integrated into the Dynamic Thermal Simulations model representing the
building where the inhabitants questioned live. The Comfort-behavior link can be viewed as a dialectic relationship
between an accommodation and its inhabitants.
How taking into account the real behavior of occupants can allow the evaluation of the relevance of projected dynamic
thermal simulations about summer comfort in housing ?
How can a more accurate assessment of comfort conditions impacts the design of future accommodations?
We will attempt to identify non-thermal elements which come into play in the establishment of summer comfort. That
is to say what can influence the psychological adaptation of people and which methods to develop while computing
behavior models.
Firstly this paper explains the method developed for this work. Comfort notion is explained in order to place this study
in the context of studies carried out on this subject. A software model is then described in order to transpose the real
comfort process into a theoretical projected model. The real hypotheses deduced from the survey are integrated into
the model, in which the inhabited building was computed, in the form of uses scenarios.
Secondly the results are exposed and interpreted to appreciate the gap that can exist between the two kinds of
hypotheses those accepted and those based on fieldwork. The emergence of comfort conditions will be considered
according to the adaptive comfort theory (Brager, 2001). The relevance of the hypotheses which come into play or not
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in the model will be discussed in relationship with the case studies. The impact of setting up less restrictive technologies in habitations with identical uses, will also be tackled.
Finally, and to conclude the influence of previous results on generally used methods for predicted studies will be
assessed.
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professionnels qui ont accepté de partager leurs savoirs et leurs connaissances avec les collaborateurs de
l’entreprise. Au sein de trois pôles, Habitat et autonomie, Habitat, environnement et santé, Usages et façons
d’habiter, ils élaborent des savoirs originaux à partir de leurs pratiques, réflexions et échanges.
Ils travaillent de manière transversale au sein de chantiers dont les thèmes sont définis annuellement par
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