LETTRE
DE COEUR A COEUR
Ou l'illustration d'une souffrance négligée
Nusaybah Nasrudeen
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A tous ces cœurs trahis,
A toutes ces souffrances enfouies,
A toutes ces douleurs ennemies,
A toutes mes sœurs meurtries…
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LETTRE D'UNE SOEUR
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Chère Nusaybah,
Si tu savais combien de temps s'est écoulé avant que je ne prenne la décision de t'écrire et
t'adresser ces quelques mots.
Je trempe ma plume dans un océan de détresse et de tristesse pour me confier à toi, chère
sœur, de cœur à cœur…
Je t'écris par ce lien de fraternité qui lie mon cœur au tien, ce lien qui nous engage l'une
envers l'autre au nom du Divin.
C'est vrai que tu ne me connais pas, et je ne te connais pas non plus, mais la croyance en
notre Seigneur et le partage d'une foi commune ne nous lient-elles pas l'une à l'autre…? Tu
fais partie de moi et je fais partie de toi. A ce titre, et si tu cherches avec sincérité et vérité, tu
pourras alors ressentir toute la douleur qui érode mon cœur.
Et quelle douleur !
Pendant des années, je me suis perdue dans une certaine insouciance voire inconscience au
regard de ma religion. J'ai tant marché dans les ténèbres, avec pour seuls guide et repère mes
passions…Je me suis égarée avant de revenir vers la Lumière, Sa Lumière !
De toutes ces années, il ne me reste qu'amertume et regrets, convaincue qu'ils ne s'effaceront
jamais. Tant de séquelles indélébiles et tant de plaies ! Des douleurs et des rancœurs !
J'ai bien tenté de les soigner auprès de ma Communauté, mais quels furent ma ception et
mon désarroi devant tant de rivalités et de duplicités cachées ! Alors, mon cœur s'est
davantage serré et détaché de cette Communauté !
Aujourd'hui je me dis : Quel gâchis ! Quelle hypocrisie ! Qu'avons-nous fait de l'amour et du
souci de l'autre ? Il m'apparait que nous avons tout détruit !
Je sais, je sais tu pourrais me blâmer et me dire que je ne suis pas la seule à ressentir ce
manque d'amour des uns des autres, que tout le monde en souffre, oui je le sais. Je ne
recherche pas de bouc-émissaire à ma douleur, ni de responsable à mes rancœurs, mais juste
un soutien, et, à mes tourments, une fin.
Mon cœur a atteint un tel degré de souffrance que je me demande s'il est possible que la foi
puisse y habiter ! Peux-tu me dire comment un cœur meurtri peut-il s'épanouir ? Comment
un cœur si loin du Généreux peut-il se tranquilliser afin de L'adorer au mieux ?
Tu sais, j'ai commis, par le passé, tant de péchés et j'ignore si j'en serai pardonnée.
Notre bien-aimé Muhammad a dit :
« En vérité, il y a dans le corps humain un morceau de chair qui, en bon état, permet au corps tout
entier de prospérer et qui, en mauvais état, le corrompt en entier, c'est le cœur. »1
1 Rapporté par Al-Bukhâri et Muslim.
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Je me suis alors plongée dans les profondeurs de mon cœur, et j'en suis ressortie essoufflée
par tant d'efforts et tant de luttes qu'il doit mener au quotidien. Je l'ai trouvé enfoui sous un
amas de tristesse, de déceptions et de trahisons venant de ceux qui semblaient m'aimer, de
regrets de mes actes passés, ainsi que de peurs et de solitudeil n'y a personne à ses
côtéssi tu savais ! personne qui ne voit ni ne mesure le degré de ma souffrance, je me bats
seule, tu sais et quoi de pire, chère sœur, que de se sentir seule malgré la multitude ? Y'a-t-il
un sentiment plus atroce que celui-ci ?
Oui, je me sens seule, et mon cœur souffre de cet isolement. J'ai tant besoin de parler, et peu
de personne à qui me confier…
Alors dis-moi…La foi est-elle seulement une affaire personnelle ? Une foi qui pousse l'un à se
préoccuper de l'autre uniquement lorsque son intérêt est en péril ? Dis-moi, se peut-il que je
sois mauvaise à un point tel que je ne mérite aucune compagnie ? Et dans ce cas, suis-je alors
condamnée à vivre triste et sans bonheur jusqu'à mon dernier souffle ? Je ne sais si ce que je
vis est un châtiment ou une épreuve !
Chère sœur, mon cœur souffre de ton absence et de tes silences, et je souhaitais te parler à
cœur ouvert…Sois pour moi cette brique à mon édifice qui me permet de tenir encore debout
malgré les vents de la tentation et de la perdition.
Ne pense pas que j'exagère, que je grossis le trait, que je me complais dans la victimisation et
la fatalité. Ne me dis pas, de grâce, qu'avant de blâmer, il faudrait peut-être d'abord songer à
s'analyser et à son âme s'adresser. Non, ne me le dis pas car sache que mon cœur et mon âme
sans cesse je les blâme. Ne me juge pas pour la faiblesse de ma foi, car elle est tel un homme
qui erre sans toit.
De cœur à cœur, ma sœur aide-moi à le renforcer afin qu'il puisse enfin goûter à la félicité.
Sois pour mon cœur, un antidouleur !
Ta sœur
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