Dossier
daccompagnement
Création 2013 Théâtre Nouvelle Génération / CDN Lyon
Texte : Stéphane Jaubertie
Mise en scène et conception visuelle : Nino D’Introna
Avec : Angélique Heller, Cédric Marchal et Gabriel Hermand-Priquet en alternance avec
Alain-Serge Porta
Musique et univers sonore : Patrick Najean
Lumières : Andrea Abbatangelo
Consultant marionnette : Gabriel Hermand-Priquet
Construction des marionnettes : Gabriel Hermand-Priquet et Virginie Schell
Costumes : Emilie Piat, réalisation : Florie Bel
Maquillages : Laetitia Sallabery
Photos : Cyrille Sabatier
à télécharger sur :
http://www.tng-lyon.fr/TNG-CDN/Creations-co-productions/Everest
Eléments scéniques réalisés dans les ateliers du TNG
Avec la complicité de Graines de Spectacles / Clermont Ferrand.
Texte publié aux Editions Théâtrales
Théâtre / Marionnette dès 9 ans / 1h / Grande scène
Everest
[Tapez une citation prise dans le
document, ou la synthèse d’un
passage intéressant. Vous pouvez
placer la zone de texte n’importe où
dans le document et modifier sa mise
en forme à l’aide de l’onglet Outils de
dessin.]
L’histoire
C'est un père qui marche dans la forêt.
Son fils le suit.
« Aïe ! » fait le père. Il vient de se faire mordre par un serpent.
Pour rester en vie, il ne doit plus bouger.
Le fils doit partir seul chercher de l'aide. Mais la forêt, il ne la connaît pas.
« Suis le soleil » dit le père.
Le fils part, marche jusqu'à la nuit. Il est perdu.
Jusqu'à ce qu'il revienne à l'endroit de la morsure. Mais il n'y a personne.
Rien ne bouge. Seule une feuille, au pied d'un arbre.
« Je suis là » dit la feuille.
Dessous, il y a le père.
Il va bien, mais il est devenu haut comme une cerise.
L'enfant prend le père dans la main, le pose sur son épaule, et quitte la forêt.
A la maison, ils retrouvent la mère, morte d'inquiétude.
Les jours passent.
A la nouvelle taille du père, on s'habitue.
Dans un emballage de carton, le fils fabrique une maison.
Le père vit maintenant dans sa boîte, sur la table de la cuisine.
Le père reste à la maison, le fils est à l'école, la mère travaille, et le soir, elle prépare le repas.
Comme avant.
Un soir, sans le vouloir, le fils mange le père.
Le père s'en sortira. Plus petit encore.
Humilié, il ne sort plus de sa boîte en carton.
Jusqu'au jour où, il décide de retrouver sa taille d'homme. Comment ?
En allant sur les sommets.
« Ce n'est pas possible, papa, tu es trop petit pour les montagnes »
Pas pour celles-ci. Personne n'est trop petit.
« Ce sont les sommets qui vont venir ici » les sommets de la littérature.
Alors dans cette maison qui n'a jamais connu de livres, vont arriver les grands textes de l'homme
depuis qu'il s'est mis à écrire.
Debout, sur la table de la cuisine, le père plonge dans les montagnes.
L'enfant ne va plus à l'école : il faut bien tourner les pages.
Le temps passe. Le père grandit.
Mais c'est la mère qui rapetisse...
Stéphane Jaubertie
Je voudrais que la nuit tombe, tombe d'un coup, au milieu du jour.
Je suis... là où j'ai laissé mon père. Attendez. Attendez!
D'un coup, tout se fige. Plus un arbre ne bouge. Là, son bâton, c'est son bâton !
C'est ici que j'ai perdu mon père.
Fils : Papa ! Papa, tu es là ? C'est moi ! Qu'est-ce qui bouge- ? Le serpent ! (il prend le bâton et va frapper)
Père : Non !
Fils : Quoi ?
Père : Ne frappe pas !
Fils : Qui parle ?
Père : C'est moi, c'est papa ! Pose ce bout de bois.
Fils : Papa ? es-tu ?
Père : Sous la feuille.
Fils : Quelle feuille ?
Père : Celle-ci.
Fils : Papa... tu es en vie !
Père : Tu vois.
Fils : Mais, tu es tout petit, papa. Tu n'es plus un homme. Tu es haut comme... une cerise.
Père : Prends-moi dans ta main. Où es ta main ?
Fils : Je l'ai perdu.
Père : Tu es déchiré de partout. Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Fils : J'ai suivi le soleil, et je me suis perdu. Pardon, papa.
Père : Pose-moi sur ton épaule. Voilà. Allons-y.
Fils : Où va-t-on ?
Père : A la maison.
A la nuit.
Mère : Mon fils ! Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Ta main...
Fils : Je suis en vie, maman.
Mère : Où est ton père ?
Je lui ai glissé mon père dans la main.
Mère : C'est...c'est toi ?
Père : Tu vois.
Mère : Oh lala...
Comme une chose fragile, elle a posé mon père sur la table de la cuisine, et elle est partie dans la salle de bain.
C'est son refuge. C'est là qu'elle va pleurer quand ça déborde.
Elle peut y rester longtemps. Une fois, on l'a trouvée endormie dans ses larmes, au fond de la baignoire.
Mais là, très vite elle est sortie. Avec pansements, serviettes et flacons.
Sur la longue table de la cuisine, je me suis allongé. Elle a soigné mes plaies. Et là où il n’y avait plus ma main,
elle a fait un bandage.
Je voyais mon père la regarder faire. Il était assis sur le bouchon du flacon, comme sur une pierre dans le
désert. J'avais le corps en feu, mais j'avais mon père et ma mère autour.
Pas de mot, juste du langage entre nous trois. Ca passait par les regards. C'était bien. C'est là je crois que je me
suis endormi.
Extraits
Très vite, la vie a repris son cours. Les blessures se refermaient.
Seul le bras me faisait mal.
Sinon, c'était comme avant. J'allais toujours à l'école, ma mère faisait toujours tout, et mon père toujours rien.
Comme avant. Mieux qu'avant.
Ma mère ne lui faisait plus de reproches. Maintenant qu'il était haut comme une cerise, elle ne pouvait plus lui
reprocher de ne pas chercher de travail.
Elle ne pouvait plus lui reprocher de ne pas l'aider à l'entretien de la maison.
Elle ne pouvait plus lui reprocher de n'avoir aucun sens des responsabilités, de passer son temps dans la forêt,
et de ne pas se conduire en homme.
Il n'était plus un homme. Il était une cerise.
Ma mère au travail, et moi à l'école, mon père passait ses journées sur la table de la cuisine, seul.
Je l'imaginais marcher jusqu'au bord, regarder en bas, regarder en-haut. Marcher encore, s'asseoir. Regarder le
ciel par la fenêtre. Rêver de la forêt.
Comme toujours, ma mère est encore au travail quand je rentre de l'école.
Allez, ouvre le frigo, mange un morceau, et comme toujours, ouvre le livre sur la table de la cuisine. Les devoirs,
ce soir, c'est géographie.
Père : C'est quoi ?
Fils : Ma leçon sur les montagnes.
Père : Je... Je peux ?
Fils : Quoi, papa ?
Père : Sur le livre, je peux aller ?
C'était la première fois que mon père se penchait sur mes devoirs.
Père : Je suis où, là ?
Fils : Sur le Mont-Blanc.
Père : Je suis haut ?
Fils : Oui, papa. Tu es à 4810 mètres.
Père : Waou ! Et là ?
Fils : Sur le Kilimandjaro.
Père : Comme on voit loin ! Et comme ça souffle ! Combien ?
Fils : 5891.
Père : Waou ! Tu me vois, là ?
Fils : Je te vois, oui, mais ferme ton manteau, papa.
Fils : Je te vois, oui, mais ferme ton manteau, papa. Tu es dans les neiges éternelles.
Tout le temps de la leçon, il est resté près de moi, dans les montagnes.
Quand ma mère est rentrée du travail, elle l'a trouvé endormi, au sommet de l'Annapurna.
Sur la table de la cuisine, à 8092 mètres d'altitude.
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !