Georges DE LA TOUR (1593 – 1652) - La madeleine Pénitente
La madeleine aux deux flammes (1650)
Huile sur toile, 133 cm x 102 cm
Texte 1
Blaise PASCAL : Le divertissement (1662)
« Divertissement. Quand je m'y suis mis quelquefois à
considérer les diverses agitations des hommes et les périls et
les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où
naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et
souvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout le malheur des
hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas
demeurer en repos, dans une chambre. Un homme qui a assez
de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir,
n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place.
On n'achètera une charge à l'armée si cher, que parce qu'on
trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne
recherche les conversations et les divertissements des jeux que
parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Mais quand
j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous
nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y
en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de
notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne
peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.
Quelque condition qu'on se figure, si on assemble tous les biens
qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste
du monde ; et cependant, qu'on s'en imagine [un] accompagné
de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher, s'il est sans
divertissement, et qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur
ce qu'il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il
tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des
révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies
qui sont inévitables ; de sorte que, s'il est sans ce qu'on appelle
divertissement, le voilà malheureux, et [plus] malheureux que le
moindre de ses sujets, qui joue et qui se divertit. »
Texte 2
René CHAR : Madeleine à la veilleuse (1947)
« Je voudrais aujourd'hui que l'herbe fût blanche pour fouler
l'évidence de vous voir souffrir : je ne regarderais pas sous votre
main si jeune la forme dure, sans crépi de la mort. Un jour
discrétionnaire, d'autres pourtant moins avides que moi,
retireront votre chemise de toile, occuperont vôtre alcôve. Mais
ils oublieront en partant de noyer la veilleuse et un peu d'huile se
répandra par le poignard de la flamme sur l'impossible
solution. »
QUESTIONS : Qui est Madeleine ? Comment G. De La Tour la
représente-t-il ? Que fait-elle et à quoi pense-t-elle ? Comment
interpréter le tableau : est-ce une vanité ? Est-ce une métaphore
de la condition humaine ? À quoi nous invite-t-il ?
La madeleine à la veilleuse (1640)
Huile sur toile, 128 cm x 94 cm
Texte 3
K. MARX : L’idéologie allemande (1846)
« La production des idées, des représentations et de la
conscience est d’abord directement et intimement mêlée à
l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle
est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le
commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore
comme l’émanation directe de leur comportement matériel. Il en
va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se
présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la
morale, de la religion, de la métaphysique, etc., de tout un
peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs
représentations, de leurs idées etc. La conscience ne peut
jamais être autre chose que l’Être conscient et l’Être des
hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute
l’idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent
placés la tête en bas comme dans une camera obscura
[chambre noire], ce phénomène découle de leur processus de
vie historique, absolument comme le renversement des objets
sur la rétine découle de son processus de vie directement
physique.
À l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur
la terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. Autrement dit,
on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se
représentent, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en
os; non, on part des hommes dans leur activité réelle ; c’est à
partir de leur processus de vie réel que l’on représente aussi le
développement des reflets et des échos idéologiques de ce
processus vital. »
Texte 4
René CHAR : Partage formel IX (1947)
« À deux mérites : Héraclite, Georges de La Tour, je vous sais
gré d'avoir de longs moments poussé dehors de chaque pli de
mon corps singulier ce leurre : la condition humaine incohérente,
d'avoir tourné l'anneau dévêtu de la femme d'après le regard du
visage de l'homme, d'avoir rendu agile et recevable ma
dislocation, d'avoir dépensé vos forces à la couronne de cette
conséquence sans mesure de la lumière absolument
impérative : l'action contre le réel, par tradition signifiée,
simulacre et miniature. »
!
QUESTIONS : Quelle autre interprétation donner de ce tableau
et comment l’accréditer ? Quelle était la condition sociale des
femmes à l’époque ? De quoi ce tableau peut-il dénoncer la
vanité : de l’action ou de la contemplation ? Que faire ?