combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais les
tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en
nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des
connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on
enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les
actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous
environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les
pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre
comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention
d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de
toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé,
laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie. »
K5K5&B(L//%"L&,&Discours)sur)l'origine)et)les)fondements)de)l'inégalité)parmi)les)hommes&G.9::I&
« Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions, laisseraient quelque lieu de disputer
sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue,
et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation c'est la faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l'aide
des circonstances développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans
l'espèce que dans l'individu, au lieu qu'un animal est, au bout de quelques mois, ce qu'il sera toute sa
vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu'elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi
l'homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? N'est-ce point qu'il retourne ainsi dans son état primitif,
et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son
instinct, l'homme, reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents, tout ce que sa perfectibilité lui avait
fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? Il serait triste pour nous d'être forcés de
convenir que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de
l'homme ; que c'est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire dans laquelle il
coulerait des jours tranquilles et innocents ; que c'est elle, qui faisant éclore avec les siècles ses
lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même, et de la
Nature. »
M5&N"30&,&Critique)de)la)raison)pure-&;?OP"+%&G.9A9I&
« La raison ne voit que ce qu'elle produit elle-même d'après ses propres plans et doit prendre les
devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables. Elle doit
obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par
elle ; car autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé d'avance, nos observations ne se
rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin. Il faut
donc que la raison se présente à la nature tenant, d'une main, ses principes qui seuls peuvent donner
aux phénomènes concordant entre eux l'autorité de lois, et de l'autre, l'expérimentation qu'elle a
imaginée d'après ces principes, pour être instruite par elle, il est vrai, mais non pas comme un écolier
qui se laisse dire tout ce qu'il plaît au maître, mais, au contraire, comme un juge en fonction qui force
les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose. »
>5&Q(20%&,&Cours)de)philosophie)positive-&05&6-&&$5&R<&G.A6AI&
« Quoique la liaison des sciences aux arts ait été longtemps d'une importance capitale pour le
développement des premières, et qu'elle continue réagir encore très utilement sur leur progrès
journalier, il est néanmoins incontestable que, d'après le mode irrationnel suivant lequel cette relation
est presque toujours organisée jusqu'ici, elle tend, d'un autre côté, à ralentir la marche des
connaissances spéculatives une fois parvenues à un certain degré d'extension, en assujettissant la
théorie à une trop intime connexion avec la pratique. Quelque limitée que soit, en réalité, notre force
de spéculation, elle a cependant, par sa nature, beaucoup plus de portée que notre capacité d'action,
en sorte qu'il serait radicalement absurde de vouloir astreindre la première, d'une manière continue, à
régler son essor sur celui de la seconde, qui doit au contraire s'efforcer de la suivre autant que
possible. Les domaines rationnels de la science et de art sont, en général, parfaitement distincts,
quoique philosophiquement liés : à l'une il appartient de connaître, et par suite de prévoir ; à l'autre, de
pouvoir, et par suite d'agir. »
Q5&C%?3"?=&,&Introduction)à)l'étude)de)la)médecine)expérimentale&G.AH:I&
« L'expérimentateur ne doit pas tenir à son idée autrement que comme à un moyen de solliciter une
réponse de la nature. Mais il doit soumettre son idée à la nature et être prêt à l'abandonner, à la