LES NOUVEAUX OBJECTIFS DE LA FONCTION PUBLIQUE CAMEROUNAISE Les nouveaux objectifs assignés à la Fonction Publique à travers la notion de poste de travail (§1) entraînent nécessairement de nouvelles implications(§2). §1- Les nouveaux objectifs de la Fonction Publique. Ces objectifs sont administratifs d’une part (A), économique et budgétaire d’autre part (B). A - Les objectifs administratifs: Il s’agit désormais de gérer efficacement le personnel de l’Etat aussi bien quotidiennement que sur le plan prévisionnel. (1) - La gestion courante des effectifs. a) Sur le plan quantitatif, les Plans d’Organisation et d’Effectifs et les postes de travail visent la maîtrise et le contrôle des effectifs par la connaissance des structures mieux définies (les organigrammes), la connaissance aussi du nombre exact des postes de travail et par voie de conséquence celui des agents dont chaque administration ou service peut, à tout instant avoir besoin. Ces instruments permettront ainsi d’éviter des effectif inutilement pléthoriques et surtout d’éliminer des agents fictifs ou fantômes. b) Sur le plan qualitatif, l’on devra aboutir à une meilleure utilisation des compétences et à mettre “l’homme qu’il faut à la place qu’il faut" par la spécialisation et l’individualisation des tâches à l’intérieur de chaque service. Il s’agira de vérifier, non seulement que l’agent est bien à son poste, que les tâches y afférentes correspondent bien à ses “attributions”, ses “responsabilités” ses “connaissances et aptitudes particulières" mais surtout qu’il s’acquitte bien et correctement de son travail en fonction des objectifs qui lui sont assignés, du délai imparti pour leur réalisation et de la qualité des résultats. En fin de compte, il s’agira de vérifier que chaque agent rend le meilleur service possible qu’exige son poste de travail. 1 (2 ) - La gestion Drévisionnelle des effectifs. L’absence d’une politique prévisionnelle des emplois et des effectifs a été longtemps l’une des tares de la Fonction Publique Camerounaise. Or, comme le souligne Régis RIBETTE, «s’il faut bien gérer le quotidien dans tout organisation, c’est essentiellement en s’efforçant d’intégrer le futur que l’on traite mieux des ressources humaines » La prévision est désormais inscrite comme une politique de gestion des effectifs de la Fonction Publique Camerounaise. Les articles 4.1 et 15. "du décret n° 94/199 imposent en effet de prévoir et d’inscrire les postes de travail dans la loi des Finances de l’année, compte tenu des “besoins exprimés par les départements ministériels” et des “dotations “. budgétaires Mais plus que cette prévision annuelle, ponctuelle et instantanée, il s’impose une planification pluriannuelle. Il s’agira en fonction des données actuelles sur le personnel (nombre, structures, qualifications, âges, etc.) et des évolutions futures projetées, de voir à long terme quelles orientation donner ou quelles actions mener aussi bien sur le plan quantitatif (recrutement ou licenciement par exemple) que qualitatif (formation, spécialisation, etc.) Cette politique de prévision pluriannuelle n’est certes pas encore mise au point mais l’établissement des plans d’Organisation et d’Effectif devrait à la longue pouvoir y aboutir. B - Les objectifs budgétaires et économiques Il s’agit non seulement de maîtriser la masse salariale mais également de rendre la Fonction Publique plus productive. (1). Le contrôle et la maîtrise de la masse salariale. Les effectifs pléthoriques, l’existence d’agents fictifs et les recrutements à caractères sociaux ont contribué au gonflement de la masse salariale qui constituait avant les baisses salariales de 1994 près des deux tiers du budget. Les Plans d’Organisation et d’Effectifs, la budgétisation des postes de travail, les "dégraissages" de la Fonction Publique visent à réduire, puis maîtriser la masse salariale par rapport au budget de l’Etat. Cette maîtrise passe par la connaissance des effectifs réels et une gestion rationalisée liée notamment à l’harmonisation des fichiers de la Fonction Publique et de la solde en créant une base unique des données informatisées. D’où, 2 l’introduction du Système Informatique de Gestion Intégrée du Personnel de l’Etat et de la Solde (SIGIPES). Il est donc désormais question d’assurer le meilleur service possible avec peu d’agents et donc, au moindre coût mais également de vérifier que tous les agents qui émargent au budget de l’Etat sont effectivement en service dans les administrations de l’Etat. (2) - La recherche du rendement. Selon Yves BERNARD et Jean-Claude COLLI, « le rendement exprime la capacité d’une unité de facteur de production à contribuer à la production correspondante» .De ce point de vue, La fonction Publique à longtemps été considérée comme ne constituant pas un appareil de production. Elle était au contraire le type même de l’activité improductive, “un poids mort” dans l’économie. Aujourd’hui, l’accroissement des effectifs et l’impact du coût salarial sur l’équilibre budgétaire ont réveillé les consciences et ont conduit à rechercher dans presque tous les pays les voies et moyens permettant aux fonctionnaires de progresser dans la voie du rendement. L’institution d’une fonction publique de poste au Cameroun et d’autres mesures subséquentes ambitionnent de promouvoir ce rendement. En effet, chaque poste étant personnalisé, avec des moyens déterminés, des objectifs précis et un délai de leur réalisation ; il sera plus aisé de contrôler et d’évaluer le rendement de son titulaire. Aussi, seul responsable de son poste, l’agent aura-t-il un double motif pour s’acquitter convenablement de ses tâches: tout d’abord, l’amour propre, ensuite la recherche d’identification et de différenciation pour obtenir une récompense ou pour éviter les risque d’une sanction (licenciement ou rétrogradation) lui commanderont de toujours se surpasser; ceci pourrait accroître son rendement, son efficacité et ses performances professionnelles qui, du reste, conditionnent désormais son avancement. Tous ces objectifs liés à la notion de poste de travail à savoir efficacité, efficience, rendement de la Fonction Publique, maîtrise des effectifs et de la masse salariale impliquent de nouvelles orientations quant au rôle que l’Etat devrait désormais s’assigner dans la vie socio-économique de la Nation. §2 - Les implications de la Fonction Publique de poste de travail. La notion de poste de travail devrait pouvoir limiter le rôle économique de l’Etat en même temps qu’elle devrait promouvoir une nouvelle politique de l’emploi. 3 A - Une limitation du rôle économique de l’Etat. Un recentrage du rôle de l’Etat sur ses fonctions traditionnelles est désormais recherché afin que les activités de production soit de plus en plus orientées vers le secteur privé. (1) - Le recentrage de l’Etat sur ses fonctions traditionnelles Dans son discours inaugural au colloque organisé par l’institut International d’Administration de Paris sur le thème «l’avenir de I’Etat dans une économie de marché», le Président sénégalais ABDOU DIOUF affirmait que “l’Etat doit cesser de jouer contre l’économie de marché. Il devra au contraire la stimuler par ce qu’il fera mais également par ce qu’il s’abstiendra de faire”. L’instauration d’une Fonction Publique de poste de travail au Cameroun semble tout à fait répondre à cette interpellation. L’Etat camerounais, dans un contexte de libéralisation de la vie économique est amené à entretenir une Fonction Publique réduite au stricte nécessaire car l’adage bien connu aujourd’hui est : “ moins d’Etat, mieux d’Etat.” Aussi, devra-t-il se retrancher dans ses rôles traditionnels qui consistent à assurer, le bon ordre et à fixer le cadre légal de l’économie de marché, de la compétition et de la concurrence entre les différents acteurs économiques par l’édiction des règles générales et impersonnelles. (2) - L’orientation des activités de production vers le secteur privé. Après avoir occupé une place prépondérante dans la stratégie de développement, l’Etat doit, aujourd’hui que cette stratégie n’a pas pu promouvoir le développement escompté, s’effacer pour laisser place au secteur privé. Aussi, dans un message radiotélévisé du 1er Juin 1995, le Président Paul BIYA déclarait “Il n’est pas opportun, dans la conjoncture actuelle, que la puissance publique dépense son action et continue de s’impliquer dans les activités qui sont du ressort du secteur privé”. En effet, l’emprise de l’Etat sur le secteur productif, au lieu de faciliter l’essor de l’économie comme souhaité, avait plutôt fait naître une pesanteur bureaucratique défavorable. Trop lourdes financièrement, les entreprises publiques employaient des agents publics (généralement des hauts fonctionnaires) qui percevaient des salaires très élevés pour un rendement médiocre. La productivité était en effet le dernier souci de ces agents qui n’avaient aucune crainte d’être licenciés tout au moins de la Fonction Publique. 4 Aussi, était-il temps “d’appliquer des formules qui ont fait leur preuve dans des pays semblables au notre et de confier tout ou partie de ces tâches à des professionnels sous surveillance de l’autorité publique... Le processus de privatisation en cours vise aussi à débarrasser l’Etat d’appareils inutilement coûteux pour en confier les activités à des opérateurs privés qui seraient de véritables catalyseurs du développement, confrontés qu’ils seront aux problèmes de coûts, de rentabilité et de concurrence. L’époque de l’Etat providence semble donc aujourd’hui révolue, impliquant du même coup une nouvelle politique de l’emploi. B) Une nouvelle politique de l’emploi. Après l’échec de la politique sociale de l’Etat, c’est vers le privé que s’oriente désormais la nouvelle politique d’emploi. (1) - L ‘échec de la politique sociale de l’Etat. En Afrique, et particulièrement au Cameroun, l’Etat avait axé sa politique d’emploi principalement sur la fonction publique à tel point que René DUMONT en vient à conclure que ladite fonction publique était la principale industrie ou la principale entreprise en terme d’emploi. Aussi, “des recrutements massifs et anarchiques sans commune mesure avec les besoins réels de l’institution ont été opérés” Il en va ainsi des recrutements de 1.500 et 1.700 diplômés de l’enseignement supérieur opérés à but purement social respectivement en 1982 et en 1985. Les effectifs étant devenus pléthoriques et l’Etat éprouvant de plus en plus de difficultés pour payer ses agents, des mesures restrictives se sont avérées nécessaires. Il s’est d’abord agi de l’arrêt des recrutements en 1987, ensuite des mesures incitatives de départs à la retraite et de départs volontaires anticipés et, finalement, face aux résultats plutôt médiocres de ces mesures, des licenciements ont été opérés par voie d’autorité en 1995 et se sont poursuivi en 1996. Aussi, le Président Paul BIYA, en s’adressant aux jeunes en 1994 disait-il que “la Fonction Publique ne peut plus être le seul débouché assuré pour nos jeunes diplômes”1 De nouvelles voies devront donc être explorées. 5 2 - L’orientation de la politique de l’emploi vers le secteur privé. L’option prise par les responsables politiques est sans ambiguïté :“la Fonction Publique ne peut plus être le seul débouché assuré pour nos je unes diplômés...Il faut également explorer les secteurs de notre économie qui sont susceptibles d’offrir de nouvelles possibilités pour les jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail’ Pour ce faire, il a été créé en 1990 le Fonds National de l’Emploi (FNE), une sorte de banque de données qui devrait assurer l’intermédiation entre les demandeurs et les offreurs d’emploi. Le Fonds devrait par ailleurs servir de structure de conseil, d’orientation et de formation pour les chercheurs d’emplois et pour les créateurs de micro-entreprises. C’est dans ce cadre que le Fonds National de l’Emploi a eu la charge de distribuer les chèques aux déflattés mais également d’assurer leur réinsertion en les rapprochant des employeurs du secteur privé, en assurant leur formation et en appuyant les promoteurs d’auto emplois ou de micro-entreprises. Cette option pour la privatisation semble aussi conforter le Ministre de la fonction Publique et de la Réforme Administrative, Sali DAIROU dans sa conviction selon laquelle “la force de grands pays ne réside pas dans l’étendue de leur Fonction Publique mais dans l’ampleur de leur secteur privé” On peut donc dire que “le recours au poste de travail est un élément de rationalisation efficiente du travail administratif afin de rendre l’appareil d’Etat plus performant et mieux préparé à affronter les défis du développement. Cependant, ces nobles objectifs sont susceptibles d’être compromis par des éléments aussi bien subjectifs qu’objectifs de l’environnement de la Fonction Publique Camerounaise. 6