Introduction
La nécessité de soulager la douleur et de prendre en charge la souffrance des personnes en fin
de vie est autant un problème éthique qu’une question de politique publique. Elle a suscité des
réponses différentes selon les pays : renoncement aux traitements inutiles et interdiction de
l’acharnement thérapeutique, développement des soins palliatifs et parfois, de façon plus
radicale, euthanasie et/ou suicide assisté. Si les deux premières mesures correspondent aux
pratiques médicales en France, un débat a lieu actuellement sur l’opportunité de dépénaliser
ou de légaliser1 l’euthanasie et/ou le suicide assisté.
Le législateur, le médecin, le patient et ses proches et, à travers eux, le corps social tout entier
sont appelés à mesurer l’impact de cette dernière revendication sur les pratiques médicales,
sur la prise en charge des malades comme sur les valeurs fondatrices de la société et du
« vivre ensemble » [1].
Nous exprimons ici la position collective des membres du comité éthique ICARE
(Information - Conceptualisation – Anesthésie-Réanimation – Éthique) qui regroupe des
anesthésistes-réanimateurs et infirmières de la Société française d’anesthésie et de
réanimation (Sfar), des médecins d’autres spécialités, des philosophes et des sociologues.
Plutôt que de nous prononcer de manière partisane pour ou contre l’euthanasie et/ou le suicide
assisté, nous avons décidé d’analyser les choix réalisés par les États démocratiques qui ont
légiféré sur ces questions en essayant de souligner les points forts et les limites de ces choix.
Par cette initiative, nous espérons nourrir un débat auquel chaque corps intermédiaire et les
citoyens devraient apporter le fruit de leur réflexion et de leur expérience, au-delà des
émotions et des histoires individuelles.
Nous pensons qu’une législation adaptée ne peut être ni le fruit de l’idéologie ni la simple
transposition mimétique d’expériences étrangères. Au contraire, elle devrait découler de
l’attention portée au contexte, de la prise en considération de l’expérience concrète et vécue
des acteurs et de l’explicitation des valeurs auxquelles nous nous référons en tant que
soignants. Elle devrait aussi envisager le risque de dérives et tenir compte des expériences
étrangères et de leurs limites. Il nous semble que c’est le respect de ces exigences qui nous
permettra d’apporter la réponse la plus satisfaisante aux problèmes rencontrés.
1 Légalisation : autorisation de l’acte euthanasique. Dépénalisation : maintien de l’interdit et non-incrimination
pénale de l’acte sous réserve du respect de conditions définies par la loi comme dans les législations belge et
hollandaise.