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Fin de vie, euthanasie et suicide assisté : une mise au point de la Société
française d’anesthésie et de réanimation (Sfar)
Euthanasia, assisted suicide and palliative care: a review by the Ethics Committee of the
French Society of Anaesthesia and Intensive Care
Ce texte a été rédigé par le comité éthique de la Sfar (ICARE) qui réunit des médecins
anesthésistes-réanimateurs, des médecins d’autres spécialités, des infirmières, des
philosophes, des sociologues et des psychologues.
Il a été validé par le Conseil d’Administration le 29 juin 2012.
Texte publié dans les Annales françaises d’anesthésie et de réanimation. Ann Fr Anesth
Reanim 2012 ;31 : (doi à venir)
Laurent Beydon1* ; Corine Pelluchon2 ; Sadek Beloucif3 ; Houtin Baghdadi4 ; Antoine
Baumann5 ; Jean-Etienne Bazin6 ; Philippe Bizouarn7 ; Sophie Crozier8 ; Bernard Devalois9 ;
Beatrice Eon10 ; Fabienne Fieux11 ; Christophe Frot12 ; Elsa Gisquet13 ; Caroline Guibet
Lafaye14 ; Nancy Kentish-Barnes15 ; Olivier Muzard16 ; Armelle Nicolas-Robin17 ; Manuel
Otero Lopez18 ; France Roussin19 ; Louis Puybasset20 pour la Sfar
1 Laurent Beydon Pôle d’Anesthésie-Réanimation, Centre Hospitalier Universitaire, 4, rue
Larrey, 49033 Angers cedex 01 ([email protected])
2 Corine Pelluchon Département de Philosophie, Université de Poitiers, UFR SHA,
Département de Philosophie, 8 rue Descartes, 86022 Poitiers ([email protected])
3 Sadek Beloucif Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Avicenne, 125 rue de
Stalingrad, 93009 Bobigny Cedex ([email protected])
4 Houtin Baghdadi Service d’Anesthésie-Réanimation, Centre hospitalier du pays d’Aix,
avenue des tamaris, 13616 Aix-en-Provence Cedex 1 ([email protected])
5 Antoine Baumann Département d’Anesthésie-Réanimation Hôpital Central, 29 Avenue
Delattre de Tassigny 54035 Nancy Cedex ([email protected])
6 Jean-Etienne Bazin Département d’Anesthésie-Réanimation, CHU de Clermont-Ferrand,
Hôpital Estaing, 1 place Lucie Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand (jebazin@chu-
clermontferrand.fr)
7 Philippe Bizouarn Département d'Anesthésie Réanimation, Hôpital Laënnec CHU de
Nantes, Boulevard Jacques Monod BP 1005, 44093 Nantes Cedex 1 (philippe.bizouarn@chu-
nantes.fr)
8 Sophie Crozier Service des Urgences Cérébro-Vasculaires, Groupe Hospitalier Pitié-
Salpétrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 ([email protected])
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9 Bernard Devalois Service de Médecine Palliative, Centre Hospitalier René Dubos, 6 avenue
de l'Ile de France, 95300 Pontoise ([email protected])
10 Beatrice Eon Réanimation des urgences et médicale. Pôle réanimation urgence samu
hyperbarie - Groupe Hospitalier de la Timone, 264 Rue Saint-Pierre,13385 Marseille Cedex
11 Fabienne Fieux partement d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Saint Louis, 1 avenue
Claude Vellefaux, 75745 Paris Cedex 10 ([email protected])
12 Christophe Frot Département d'Anesthésie Réanimation, Hôpital Avicenne, 125, rue de
Stalingrad 93009 Bobigny cedex ([email protected])
13 Elsa Gisquet Observatoire National de la Fin de Vie, 35 rue du plateau, 75019 Paris
14 Caroline Guibet Lafaye CNRS - Centre Maurice Halbwachs, 48 Bd Jourdan, 75014 Paris
15 Nancy Kentish-Barnes Groupe de Recherche FAMIREA, Hôpital Saint Louis, 1 avenue
Claude Vellefaux, 75745 Paris Cedex 10 ([email protected])
16 Olivier Muzard Clinique Saint Louis, 1 Rue Basset, 78300 Poissy ([email protected])
17 Armelle Nicolas-Robin Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital de la Pitié
Salpétrière, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris ([email protected])
18 Manuel Otero Lopez Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Européen Georges
Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris Cedex 15 ([email protected])
19 France Roussin Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Saint Louis, 1 avenue
Claude Vellefaux, 75745 Paris Cedex 10 ([email protected])
20 Louis Puybasset Unité de Neuro-Anesthésie-Réanimation, Groupe Hospitalier Pitié-
Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 ([email protected])
* Auteur correspondant
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Résumé
Contexte : La prise en charge de la fin de vie constitue un enjeu sociétal crucial auquel le
législateur a répondu par la loi du 22 avril 2005. Néanmoins, un débat émerge de la société
civile sur l’opportunité de dépénaliser/légaliser l’euthanasie et/ou le suicide assisté (E/SA).
Cette question interroge directement les médecins, en particulier les anesthésistes-
réanimateurs (AR).
Objectif : Mettre en perspective les concepts à partir d’une analyse de la littérature médicale et
de l’expérience des pays qui ont légiféré sur E/SA.
Résultats : La loi du 22 avril 2005 constitue une réponse adaptée à l’essentiel des situations de
fin de vie auxquelles est confronté l’AR. Sa force tient à l’obligation de dispenser des soins
palliatifs quand les thérapeutiques devenues vaines sont interrompues. Néanmoins, les
démarches d’accompagnement et de soins palliatifs sont introduites trop tard durant le cours
des maladies fatales. Leur enseignement et des mesures incitatives fortes s’imposent. Les
rares cas E/SA sont demandés par les patients ou leurs proches résultent souvent de
décisions non-prises en amont et/ou de traitements qui ne considèrent pas le patient dans sa
globalité. La mise en œuvre d’E/SA ne se résume pas à la simple affirmation d’un principe
d’autonomie. Les procédures d’E/SA laissent entrevoir de réelles difficultés et des risques de
dérives.
Conclusion : Nous formulons un message de prudence et de mesure. Peut-on répondre aux
questions douloureuses de la fin de vie, de la souffrance morale, en supprimant le sujet
lorsqu’une réelle démarche de soins palliatifs n’a pas été pleinement mise en œuvre ?
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Abstract
Context: Management of the end of life is a major social issue which was addressed in France
by law, on April 22nd 2005. Nevertheless, a debate has emerged within French society about
the legalization of euthanasia and/or assisted suicide (E/AS). This issue raises questions for
doctors and most especially for anesthetists and intensive care physicians.
Objective: To highlight, dispassionately and without dogmatism, key points taken from the
published literature and the experience of countries which have legislated for E/AS.
Results: The current French law addresses most of the end-of-life issues an intensive care
physician might encounter. It is credited for imposing palliative care when therapies have
become senseless and are withdrawn. However, this requirement for palliative care is
generally applied too late in the course of a fatal illness. There is a great need for more
education and stronger incentives for early action in this area. On the rare occasions when
E/AS is requested, either by the patient or their loved-ones, it often results from a failure to
consider that treatments have become senseless and conflict with patient’s best interest. The
implementation of E/AS cannot be reduced to a simple affirmation of the Principle of
autonomy. Such procedures present genuine difficulties and the risk of drift.
Conclusion: We deliver a message of prudence and caution. Should we address painful end-
of-life and moral suffering issues, by suppressing the subject, i.e. ending the patient’s life,
when comprehensive palliative care has not first been fully granted to all patients in need of
it?
Mots clés : euthanasie, suicide assisté, fin de vie, éthique
Keywords (MESH): Bioethical Issues; Euthanasia; Suicide, Assisted ; Terminal Care ;
Palliative care.
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Introduction
La nécessité de soulager la douleur et de prendre en charge la souffrance des personnes en fin
de vie est autant un problème éthique qu’une question de politique publique. Elle a suscité des
réponses différentes selon les pays : renoncement aux traitements inutiles et interdiction de
l’acharnement thérapeutique, développement des soins palliatifs et parfois, de façon plus
radicale, euthanasie et/ou suicide assisté. Si les deux premières mesures correspondent aux
pratiques médicales en France, un débat a lieu actuellement sur l’opportunité de dépénaliser
ou de légaliser1 l’euthanasie et/ou le suicide assisté.
Le législateur, le médecin, le patient et ses proches et, à travers eux, le corps social tout entier
sont appelés à mesurer l’impact de cette dernière revendication sur les pratiques médicales,
sur la prise en charge des malades comme sur les valeurs fondatrices de la société et du
« vivre ensemble » [1].
Nous exprimons ici la position collective des membres du comité éthique ICARE
(Information - Conceptualisation Anesthésie-Réanimation Éthique) qui regroupe des
anesthésistes-réanimateurs et infirmières de la Société française d’anesthésie et de
réanimation (Sfar), des médecins d’autres spécialités, des philosophes et des sociologues.
Plutôt que de nous prononcer de manière partisane pour ou contre l’euthanasie et/ou le suicide
assisté, nous avons décidé d’analyser les choix réalisés par les États démocratiques qui ont
légiféré sur ces questions en essayant de souligner les points forts et les limites de ces choix.
Par cette initiative, nous espérons nourrir un débat auquel chaque corps intermédiaire et les
citoyens devraient apporter le fruit de leur réflexion et de leur expérience, au-delà des
émotions et des histoires individuelles.
Nous pensons qu’une législation adaptée ne peut être ni le fruit de l’idéologie ni la simple
transposition mimétique d’expériences étrangères. Au contraire, elle devrait découler de
l’attention portée au contexte, de la prise en considération de l’expérience concrète et vécue
des acteurs et de l’explicitation des valeurs auxquelles nous nous référons en tant que
soignants. Elle devrait aussi envisager le risque de dérives et tenir compte des expériences
étrangères et de leurs limites. Il nous semble que c’est le respect de ces exigences qui nous
permettra d’apporter la réponse la plus satisfaisante aux problèmes rencontrés.
1 Légalisation : autorisation de l’acte euthanasique. Dépénalisation : maintien de l’interdit et non-incrimination
pénale de l’acte sous réserve du respect de conditions définies par la loi comme dans les législations belge et
hollandaise.
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