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L'art ne se confond pas avec le savoir (la science) qu'il implique mais il consiste en la capacité
que nous avons à le faire. L'art sans le savoir n'est rien mais il ne se confond pas pour autant avec
la science. Le "savoir-faire" est nécessaire mais il ne se confond pas avec l'art.
La prudence est la capacité habituelle à régir notre action, notre agir. Elle est la capacité à
appliquer les lois générales à des cas particuliers, dans l'action concrète.
L'art est la capacité à appliquer les lois de l'art à des situations particulières. Par exemple,
pour le menuisier, ce sera la capacité à appliquer les lois de la menuiserie à tel ou tel morceau de
bois…
La réflexion sur l'art, pour des raisons historiques, ne pourra pas suivre totalement cette
définition, car par exemple, au moyen-âge, on ignore totalement l'idée d'ordonner la fabrication
d'un objet dans le seul but de sa beauté, et ce jusqu'au 17
ième
au moins. Une telle ordination
théorique de l'art à la beauté seule est un fait historique très récent puisqu'il date, au plus tôt, du
milieu du 18
ième
et surtout du 19
ième
siècle. La beauté n'est pas le but recherché en théorie et en
premier lieu. Ce que l'on recherche avant tout est la fonction de la chose.
En conséquence, le moyen-âge et saint Thomas ignorent complètement la distinction entre
l'art qui aurait une fonction ordonnée au beau et l'art qui serait ordonné à l'utile. La distinction
entre art servile et art libéraux est la seule qui existe à l'époque, et implique un certain dédain du
corps au profit de l'intelligence.
Les arts serviles (que nous appellerions l'art: peinture, sculpture, musique…) et les arts
libéraux (que nous n'appellerions plus des arts: rhétorique (l'éloquence), dialectique, logique!…):
Le paradoxe tient en ceci que les arts serviles étaient considérés comme des arts mineurs, moins
nobles que les arts libéraux. Les arts libéraux seraient supérieurs parce qu'ils s'attachent aux
exercices de l'intelligence et n'impliquent pas l'exercice du corps. Gilson et d'autres ont souligné le
caractère paradoxal de cette conception et ont tous dénoncé cet "intellectualisme outré".
Les arts libéraux ne sont considérés comme art que par analogie avec les arts serviles. La
démonstration et les mathématiques ne produisent pas des artefacts…c'est donc une analogie. Il y
a d'autant plus art que l'intelligence s'ordonne à produire des artefacts et nécessite le rôle du
corps. Il ne vient spontanément à l'esprit de désigner la logique ou la rhétorique comme des
arts…L'art est d'autant plus art qu'il est lié à la matière et au corps mais paradoxalement il est
qualifié par les médiévaux comme mineur. L'art est qualifié de supérieur alors qu'il est moins de
l'art, puisqu'il est art par analogie aux arts serviles. Tout vient de la conception négative du corps.
S'adonner aux tâches manuelles est asservissant pour les Grecs. La matière est considérée
négativement.
Cette distinction trahit un mépris du corps, qui déteindra sur la doctrine de saint Thomas. Il
se contente de recopier Aristote. "Capacité habituelle de l'intelligence à régir le faire". Le mot
intelligence trahit le fait qu'il pense aux arts libéraux et non pas aux arts serviles. Saint Thomas
définit l'art en pensant à la logique. Corrigeons cette définition:
Bien évidemment l'intelligence intervient dans l'art, mais l'art est une capacité de l'homme
tout entier…de son imagination (capacité de produire des images), de son corps (pour la peinture:
les mains), de sa volonté… Saint Thomas ne devrait plus faire cette distinction entre arts serviles et
arts libéraux, puisqu'il a intégré le corps dans sa pensée, par rapport aux autres auteurs qui l'ont
précédé, mais cela vient du fait qu'il recopie Aristote. L'art désigne la capacité du producteur.
1.2 Science et art, art et imitation:
Première question: la finalité de l'art. E. Gilson, dans "introduction aux arts du beau", dit
que l'art n'est pas une façon de connaissance mais du faire (de la faculté de faire).
L'art relève du faire et non du connaître. Par essence, l'art est plutôt un moyen d'aimer et non de
connaître ou de transmettre des idées ou des messages. L'œuvre d'art est plus un témoignage
d'amour qu'un message donné, mais ceci "de jure", car "de facto", ces deux aspects sont mêlés et