POINT DE VUE D’ELUS AVEC LA VENTE ANNONCÉE DE SA FILIALE DAVIGEL, NESTLÉ POURSUIT SA CURE MINCEUR Entretien avec Stéphane Baumgartner Délégué Syndical Central CGT, Membre du comité de groupe Nestlé en France, Délégué du personnel, Membre du CHSCT, Membre du CE, Secrétaire Général du syndicat CGT Davigel. DAVIGEL, appartient au groupe NESTLÉ qui met en œuvre une politique de recentrage de ses activités. Dans En novembre 2014, NESTLÉ, leader mondial de l’agroalimentaire, a annoncé qu’elle cherchait un nouveau partenaire pour : “aider sa filiale DAVIGEL dans sa prochaine phase de croissance et assurer son développement”. Une manière habile d’annoncer la cession future de l’entreprise jugée insuffisamment rentable par rapport aux autres sociétés du groupe. De fait, six mois après l’annonce de ce qui devait être un partenariat, NESTLÉ officialisait la reprise de DAVIGEL par le groupe britannique BRAKES détenu par BAIN CAPITAL, une société américaine spécialisée en capital-investissement. Rappelons que cette cession intervient après d’autres opérations de délestage initiées dès 2013. À l’instar d’autres géants comme UNILEVER ou PROCTER & GAMBLE, NESTLÉ s’est en effet lancée dans une stratégie de recentrage de ses activités autour de son cœur de métier et de ses marques phares, dans le secteur de la nutrition, de la santé et du bien-être. Un recentrage qui s’est déjà traduit par la cession de plusieurs marques de produits diététiques : JENNY CRAIG, POWERBAR, MUSASHI et en 2015 par la vente de COCINERA (plats surgelés) à la filiale espagnole du groupe FINDUS. Si nous pouvons comprendre la volonté stratégique qui conduit au rapprochement entre DAVIGEL et BRAKES (amélioration des services, ouverture sur de nouveaux marchés internationaux), nous sommes néanmoins inquiets quant au devenir des salariés dans ce nouveau contexte. Les intérêts du Groupe BRAKES, propriété du fonds d’investissement BAIN CAPITAL, sont avant tout dictés par une logique financière de retour sur investissement pour les actionnaires qui se traduira inévitablement par des économies tous azimuts et les mesures sociales qui vont avec. Aujourd’hui cette vente à déjà des répercussions économiques pour DAVIGEL. Elle se traduit concrètement par l’arrêt des investissements du groupe NESTLÉ sur les sites de production. Quels sont les risques sociaux que vous avez identifié dans le cadre de ce projet de vente à un concurrent détenu par un fond d’investissement ? La vente de DAVIGEL à BRAKES qui possède déjà en France une filiale concurrente, elle aussi spécialisée dans la distribution de produits frais et surgelés et d’épicerie pour le secteur de la restauration hors foyers, va très rapidement poser des problèmes de doublons de postes au sein des deux entreprises qui sont censées continuer à exister de manière autonome sur le même marché, avec leur siège social et leurs sites de distribution distincts. La coexistence de deux entreprises concurrentes au sein d’un même groupe n’est de notre point de vue pas viable. À la demande de NESTLÉ et parce que les organisations syndicales l’ont exigé, BRAKES s’est engagée à ne lancer aucun plan social dans les 18 mois qui suivraient le rachat, mais passé ce délai, qu’adviendra-t-il ? Octobre 2015 Suppressions de postes, délocalisations, réorganisations des services et de la production, revente à la découpe sont autant de scénarios possibles auxquels nous serons probablement confrontés à moyen termes. Ils sont d’autant plus plausibles que, BAIN CAPITAL, le fonds de pension américain qui détient BRAKES a déjà à son actif la faillite de l’usine SAMSONITE d’Hénin-Beaumont en 2007 avec le licenciement de 200 salariés.Non contents d’être inquiets sur leur sort, les salariés sont désabusés. Leur entreprise, DAVIGEL, qui a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros faisait figure de filiale exemplaire du groupe. Dans ces conditions, il est d’autant plus injuste qu’ils fassent demain les frais de mesures sociales dictées par la financiarisation d’une économie uniquement basée sur les profits et la rentabilité. Quelles actions syndicales menez-vous actuellement pour peser sur les conditions du projet de cession ? Le 9 juillet dernier, les organisations syndicales qui devaient donner leur avis, en Comité d’Entreprise, sur le projet de cession ont décidé de ne pas prendre part au vote. Ils ont présenté une résolution adoptée à l’unanimité par les élus et valant avis sur ce projet. Dans les mois qui viennent, les représentants du personnel vont se montrer particulièrement vigilants sur les conditions de rachat et sur les garanties sociales apportées par l’acquéreur anglais BRAKES. Pour les salariés en effet, l’engagement pris de ne pas mettre en place de plan social pendant les 18 mois suivant le rachat est largement insuffisant. Parmi les actions syndicales à mener rapidement, nous réclamons la reprise des négociations sur l’accord de Gestion Prévisionnel des Emplois et des Compétences pour 3 ans. Objectif de cette GPEC : sécuriser le devenir des emplois et des salariés et obtenir des garanties fermes et acceptables. En parallèle, nous réclamons à la direction plus de transparence et plus d’informations sur l’avancement du projet, des études et des audits que le Groupe BRAKES sera amené à réaliser sur notre système d’information ou sur tout autre sujet susceptible d’avoir une incidence sur nos emplois et nos conditions de travail. Grâce au travail mené conjointement avec un cabinet d’avocats missionné pour l’occasion par les élus et avec APEX qui intervient déjà dans le cadre de l’examen de nos comptes, nous réfléchissons à l’élaboration d’un plan d’actions stratégique. Grâce aux propositions concrètes et aux revendications claires que nous serons en mesure de formuler, nous souhaitons peser d’avantage dans les futures négociations. Nous privilégions pour l’instant le dialogue et l’écoute à la mobilisation mais nous saurons nous faire entendre. REPERES DAVIGEL est spécialisée dans la vente de produits surgelés et réfrigérés pour les restaurants et restaurants collectifs. Rachetée par le groupe NESTLÉ en 1989, elle emploie 3 100 personnes (dont 820 sur le site dieppois) et possède trois ateliers de fabrication à Offranville (SeineMaritime), Pontivy (Morbihan) et Barbezieux (Charente) ainsi que des filiales en Espagne, en Italie et au Portugal. En 2014, DAVIGEL a réalisé un CA de 700 millions d’euros. Octobre 2015