Le commerce intra-regional et le processus d`integration en afrique

UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE
OUEST AFRICAINE
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La Commission
CENTRE INTERNATIONAL POUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE (ICTSD)
REUNION REGIONALE SUR LE COMMERCE, L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE
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(Libreville, 13 – 14 juillet 2000)
Table Ronde 2
LE COMMERCE INTRA-REGIONAL ET LE PROCESSUS DINTEGRATION EN AFRIQUE :
QUELLES PERSPECTIVES POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE,
LA SECURITE ALIMENTAIRE ET LERADICATION DE LA PAUVRETE
Communication présentée par :
Monsieur Jean-Luc SENOU,
Directeur du Commerce
et de la Concurrence
à la Commission de lUEMOA
____________________________________________________________________
01 B.P. 543 OUAGADOUGOU 01 - 380, rue Agostino Neto - BURKINA FASO - Tél. : (226) 31 88 73 à 76 Fax : (226) 31 88 72
E-mail : COMMISSION@UEMOA.BF – Site Internet : izf.net
2
INTRODUCTION
Le processus d'intégration en Afrique, particulièrement dans sa sous-région
occidentale, peut être regardé comme la matérialisation de la volonté politique de recréer
des ensembles fédérateurs, tels qu'ils existaient pendant la période pré-coloniale.
Même si les motivations ont différé en fonction des préoccupations des initiateurs,
les tentatives de regroupement peuvent être considérées comme une des constantes de
l'évolution socio-politique dans la sous-région : l’UDAO (1959), l’UDEAO (1966), l’UMOA
(1973) la CEAO (1973), la Mano River Union (1974), la CEDEAO (1975) et l’UEMOA
(1994), pour ne citer que les expériences, passées ou actuelles, les plus en vue.
Si ces Institutions ont principalement une vocation économique ou monétaire, elles
visent, toutes, la construction d'ensembles plus larges, dépassant le cadre étriqué des
Etats africains, tels que nés de la décolonisation. Ce réalisme au niveau sous-régional a
été toujours partagé au niveau continental ; l'Etat fédéral africain, l'OUA et la CEA
constituent des tentatives ou des expériences de mise en œuvre de la nécessaire unité de
l'Afrique. A cet effet, le Traité signé le 3 juin 1991 à Abuja, instituant la Communauté
Economique Africaine, subdivise l'Afrique en sous-régions, l'Afrique de l'Ouest constituant
une de celles-ci.
L’histoire montre ainsi qu’en Afrique de l’Ouest, l’idée et la pratique de l’intégration
existent en permanence depuis et même avant les indépendances. L’idée est tenace et
fixe, comme le démontrent les nombreuses organisations de coopération et d’intégration
régionales. Depuis les temps coloniaux, cette idée s’est imposée en Afrique de l’Ouest,
comme une exigence permanente : elle renaît toujours de ses cendres, en se renforçant
davantage, comme étant l’affirmation d’une volonté politique inébranlable, en faveur de la
construction d’un destin commun.
Depuis le début des années 90, avec la résurgence des grands blocs
commerciaux, cette idée s’est traduite par la mise en place d’organisations d’intégration
régionale de nouvelle génération, telles que l’UEMOA, dotées d’un arsenal juridique et
institutionnel, ainsi que de moyens à la hauteur des ambitions des Etats membres.
A cet égard, la dernière réunion de la Conférence des Chefs d’Etats et de
Gouvernement de la CEDEAO, tenue en décembre 1999, a arrêté un plan d’action en vue
de l’accélération du processus d’intégration en Afrique de l’Ouest. Ce schéma prévoit la
mise en place, en 2003, d’une deuxième zone monétaire en plus de la zone CFA, puis
d’une zone monétaire unique, en 2004, par la fusion des deux zones CFA et CEDEAO.
Malgré toute cette bonne volonté, le commerce intra-régional reste désespérément
bas, et la marginalisation du continent, par rapport au commerce mondial, s’accentue au
fil du temps.
La présente communication tente, dans une première partie, d’évaluer l’impact des
processus d’intégration économique africaine sur le commerce intra-régional, ainsi que les
perspectives offertes en matière d’industrialisation, de croissance économique et de
développement durable.
Dans une deuxième partie, elle examine, à la lumière de l’expérience de l’UEMOA,
la relation entre le commerce intra-régional et le commerce international.
3
I) CARACTERISTIQUES DU COMMERCE INTRA-REGIONAL EN AFRIQUE ET PERSPECTIVES
OFFERTES PAR LES PROCESSUS DINTEGRATION REGIONALE EN MATIERE
DINDUSTRIALISATION, DE CROISSANCE ECONOMIQUE ET DE DEVELOPPEMENT DURABLE
I.1. Caractéristiques du commerce intra-régional
Laccroissement du commerce intra-régional a été constamment la préoccupation
de la plupart des organisations dintégration économique régionale africaines. Malgré
limportance accordée à cette question, la part des échanges intra-régionaux est restée
très faible. Des études1 empiriques récentes suggèrent que la mise en place de régimes
préférentiels d’échanges entre pays de lAfrique subsaharienne nauraient eu que peu
dimpact en termes de création de commerce dans le sous-continent.
La principale caractéristique de ce commerce intra-régional est sa faiblesse
et son instabilité. Ainsi, dans lUEMOA, les exportations intra-communautaires
représentaient 9% des exportations totales en 1980, 11% en 1990 et 12% environ en
1995 et 1997. Les caractéristiques du commerce intra-communautaire de la CEDEAO
sont similaires à celles de lUEMOA, avec une part qui stagne à 9,5% 10% depuis 1980.
Ce niveau représente presque le double des niveaux moyens enregistrés par les pays de
lAfrique australe (6% pour la COMESA et 3,5% pour la SADEC en 1995), et la moitié du
niveau de lAsie du Sud Est (18,7% pour lASEAN en 1995).
Le tableau 1 ci-après, produit à partir de l’édition 1999 des World Developpment
Indicators de la Banque Mondiale, fournit des estimations du niveau du commerce intra-
régional pour un certain nombre de regroupements économiques régionaux. Bien que les
chiffres soient différents de ceux de Yeats, traduisant linstabilité relevée tantôt, ils mettent
en relief la faiblesse de limpact des schémas dintégration africaine sur laccroissement
du commerce intra-régional. En Afrique subsaharienne, on relèvera toutefois les
performances particulières de lUEMOA et de la SADEC.
Tableau 1 : Evolution du commerce intra-régional
Exportations intra-régionales
en % des Exportations totales
REGROUPEMENT
REGIONAL
1985
1997
Uemoa2 8,7 12,0
Cedeao 5,2 9,7
Sadc 1,4 11,4
Comesa 4,0 8,3
Apec 67,7 71,9
Union Européenne 59,0 55,4
Mercosur 5,5 25,5
Source : World Development Indicators, 1999, Banque Mondiale
Une autre caractéristique du commerce intra-régional en Afrique réside dans
la non complémentarité des productions nationales : une production basée sur les
ressources naturelles emmène les pays à fabriquer les mêmes groupes de produits, qui
1 Alexander Yeats, « What can be expected from african regional trade arrangements ? Some empirical evidence »
(WB, 1998). Voir également Anthony Vernable et al (WB, 1999), « Trade block and beyong : Political dreams and
practical decisions
2 Les chiffres provisoires de la Commission de l’UEMOA estiment la part des exportations intra-communautaires à
14,0% en 1998.
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sont exportés vers lextérieur de la région (matières premières de base), ou dont la
production excédentaire est écoulée dans la région, au gré des conditions climatiques
(cas des céréales principalement du maïs du manioc, de la banane plantain, etc.)
Il y a lieu de relever également la forte concentration du commerce intra-
régional : quelques sept pays, la Côte dIvoire, le Nigeria, le Kenya, le Zimbabwe, le
Ghana, le Cameroun et le Sénégal, réalisent à eux seuls près de 80% des exportations
intra-régionales en Afrique subsaharienne.
Les principaux biens échangés dans le cadre du commerce intra-UEMOA
sont présentés dans le tableau 2 ci-après :
Tableau 2 : Principaux produits exportés dans le cadre du commerce intra-UEMOA
PRODUITS Part (%) Exportateurs3 Importateurs
Produits pétroliers 24,5 CI BF, TG, BE
Engrais 18,0 SE, CI BF, BE, CI
Ciments et Sel 8,2 CI, SE, TG BF, CI, NI
Préparations alimentaires diverses : café, et potages,
bouillons, préparations pour assaisonnements 5,5 CI, SE SE, BF, BE
Matières plastiques et ouvrages en plastiques 4,8 CI(96,6%),
SE BF, BE
Graisses et huiles animales ou végétales : huile de palme,
margarine, etc. 4,6 CI, TG, BE NI, BF, BE
Produits divers des industries chimiques : insecticides, anti-
rongeurs, fongicides, herbicides, désinfectants, Acides gras
monocarboxyliques industriels ; huiles acides de raffinage ;
Alcools gras industriels
3,6 BF, BE, ML
Animaux vivants 3,0 BF, NI, ML CI
Produits de beauté autres que pharmaceutiques ; produits de
parfumerie ou de toilettes 2,7 CI(99,2%),
SE SE, BE, TG
Coton et produits à base de coton 2,7 ML, CI, BF CI, BE
De façon spécifique, les produits industriels agréés au schéma de libéralisation de
lUEMOA se répartissent par branche dactivité, comme il suit :
Tableau 3 : Répartition par branche des Entreprises dont les produits sont agréés à la TPC (1998
Branches Nombre d'Entreprises (1) %
Produits Chimiques 90 36,9
Produits Alimentaires 64 26,2
Matériaux de Construction 27 11,1
Textiles 24 9,8
Autres 39 16,0
TOTAL 244 100,0
Source : UEMOA
(1) Les entreprises dont plusieurs produits sont agréés ont été classées dans la
branche correspondant à leur activité principale.
Il y a lieu de préciser que ces chiffres ne se rapportent quaux échanges
officiellement enregistrés. Lexploitation des statistiques miroirs révèle une sous-
évaluation des échanges de produits du cru et de lartisanat.
3 BE = Bénin, BF = Burkina Faso, CI = Côte dIvoire, GB = Guinée Bissau, ML = Mali, NI = Niger, SE = Sénégal, TG
= Togo.
5
Diverses études montrent que le volume actuel des échanges de la sous-région
Afrique de lOuest ne représente quune partie infime des possibilités d’échanges quelle
recèle. Des efforts doivent être faits pour une meilleure saisine du commerce non
enregistré, et pour réduire le poids du secteur informel dans les échanges intra-régionaux.
Sagissant du secteur des services, il convient de souligner que leur libre
circulation dans les schémas dintégration régionale africaine nest pas encore effective.
Nous estimons quil sagit dun secteur dont la libéralisation est susceptible de générer des
gains énormes de productivité, notamment dans les sous-secteurs de l’énergie, des
transports, des télécommunications, etc.
I.2. Lexpérience de lUEMOA et sa contribution au développement durable
des Etats membres.
I.2.1. Présentation de lUEMOA
Nous présentons ci-après lexpérience de lUEMOA en deux points essentiels :
- les objectifs de lUEMOA,
- les réalisations essentielles.
I.2.1.1. Les Objectifs de lUEMOA
LUnion Economique et Monétaire Ouest Africaine est lexpression de la volonté
politique des Chefs dEtat et de Gouvernement de consolider lUnion monétaire et de
relancer le processus dintégration économique de la sous-région, pour en faire une zone
de croissance économique et de prospérité.
Lespace constitué par les huit Etats membres de lUnion Economique et Monétaire
Ouest Africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte dIvoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal
et Togo) compte environ soixante dix millions dhabitants et couvre, au total, une
superficie denviron 3,5 millions de km².
Avec près de 30% de la population totale de lAfrique de lOuest, cet espace produit
33% du Produit Intérieur Brut de la région. Les populations des Etats de lUEMOA vivent
essentiellement dans les zones rurales. La proportion des jeunes de moins de 25 ans y
est très élevée, variant de 45% à 60% et le taux de croissance démographique annuel
moyen est denviron 3%.
Lagriculture emploie environ 65% de la population active et constitue la base de
l’économie. LUnion dispose datouts considérables en matière de productions céréalières,
agricoles de rentes, ainsi que de produits de l’élevage et de la pêche.
Les Etats de lUnion disposent dimportantes ressources minières, notamment lor,
les phosphates, luranium, le pétrole et le gaz naturel.
Nonobstant ces potentialités, la faiblesse des investissements, notamment dans les
domaines des infrastructures de communication et de l’énergie, ainsi que de la
valorisation des ressources humaines, contribue à limiter fortement les possibilités
daccroissement de la production et des échanges des produits et services dans lUnion et
entre lUnion et les pays tiers.
A cet effet, le processus dintégration engagé par lUEMOA vise à assurer aux Etats
membres, une croissance économique soutenue et un développement commun équilibré
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