ARMINES
Centre de Gestion Scientifique
Synthèse du rapport final d’étude
NTIC, vente en ligne et interactivité :
Une nouvelle relation de service ?
Albert DAVID et Thomas STENGER
Appel à propositions Impact socio-économique des technologies de
l’information et de la communication (TIC) dans le domaine des transports
terrestres du groupe n° 5 « Pertinence socio-économique des nouvelles
technologies, temporalités de l’innovation » du PREDIT.
Lettre de commande n° 00 MT 86
DRAST – MINISTERE DES TRANSPORTS – PREDIT 1996-2000
30 Mai 2003
NTIC, vente en ligne et interactivité :
Une nouvelle relation de service ?
Une synthèse sur l’impact organisationnel des NTIC sur la relation de service ne peut que
constituer une ouverture, tant les expériences novatrices, une fois passée la période
irrationnelle autour de la bulle spéculative sur la nouvelle économie, sont nombreuses, tant
les explorations en tout genre sont riches d’enseignement, et tant leur variété est grande.
L’interactivité dans la relation de vente et de service : un concept central
Nous nous sommes d’abord et principalement intéressés, dans cette recherche, à
l’interactivité de la relation en ligne, en théorie et en pratique. Sur les aspects pratiques,
des expérimentations sont en cours, qui poursuivront dans les mois qui viennent la
présente recherche. Sur un plan plus théorique, les NTIC réactualisent un débat sur
l’interactivité qui a connu une première vague d’intérêt autour des systèmes dit
« interactifs » d’aide à la décision. Mais les discours actuels sur la relation en ligne ont
considérablement affadi le concept, en qualifiant les médias de type internet d’interactifs
par définition. Au sens strict, l’interactivité correspond à un processus de structuration des
préférences par un certain type de dialogue homme-machine. La partie de la relation en
ligne qui consiste en un simple échange d’information (par exemple, le recueil de l’adresse
e-mail du visiteur, ou l’utilisation par ce dernier d’une rubrique « FAQ1 » relèvent de
capacités conversationnelles, pas d’une gestion explicite d’une structuration progressive
des préférences et des choix de l’internaute.
La question de l’interactivité pose évidemment, d’emblée, la question plus générale de la
relation homme-machine. Les NTIC étant, dans la perception dominante, des technologies
de réseau, l’image simplifiée, idéale-typique d’une société organisée en réseau avec l’aide
de machines et de programme communicants apparaît clairement en filigrane. Mais
l’interactivité apporte aussi une dimension perscriptrice supplémentaire, que l’on retrouve
au sens fort dans la notion de système interactif d’aide à la décision. Les définitions de
l’interactivité qui sont établies portent, quoiqu’il en soit, l’empreinte technique,
« informationnelle » de Shannon, Weaver et Wiener, ou bien elles embrassent totalement
le concept même de communication en y ajoutant la question de la médiation
technologique
Or il faut distinguer, dans un programme interactif, ce qui régit le protocole de
communication entre l'utilisateur et la machine et ce qui régit le protocole de
communication entre l'utilisateur et l'auteur, absent, mais présent à travers le logiciel,
simulant la situation interactive de communication. C’est le caractère intentionnel de
l’interactivité qui constitue alors une dimension distinctive.
C’est sur cette dichotomie (fonctionnelle / intentionnelle) que repose une grande partie des
définitions de l’interactivité dans les relations homme – machine. Elle a l’intérêt de placer
1 Frequently Asked Questions
le support, l’outil au milieu du schéma de communication, en tant que moyen (ou médium,
ou media), en soulignant sa présence et en suggérant qu’il peut jouer un rôle spécifique.
Car cette conception de la communication homme – machine sous-entend que la
technologie n’est pas neutre et intervient dans le processus de communication. Rappelons
ici quatre critères qui
le premier est l'existence d'un contact direct entre l'émetteur et le récepteur
le second est la possibilité pour le récepteur d'agir sur le déroulement de la
communication
le troisième est la réversibilité des rôles d'émetteur et de récepteur
enfin, le quatrième critère est la possibilité pour le récepteur d'agir sur le contenu
même de la communication.
Sprague et Carlson font remarquer que les concepts impliqués dans les DSS furent établis
au début des années soixante-dix par S. Scott Morton et que les entreprises et les
chercheurs, qui ont continué dans cette voie ont ensuite introduit la notion d’interactivité
avec les termes « interactive computer-based systems » qui « aident les décideurs à utiliser
les données et les modèles pour résoudre des problèmes non-structurés »
Au sein même des procédures interactives daide à la décision visant à structurer les
systèmes de préférence (projet des SIAD), Vanderpooten souligne qu’il faudrait déjà que
cohabite une variété d’interaction au sein du protocole d’interaction général qui régit les
phases de calcul et de dialogue. « De façon idéale, ce protocole doit être suffisamment
riche et flexible pour autoriser, voire susciter, différents types d’interaction. En particulier,
il s’avèrera souvent intéressant de faire coexister au sein d’une même procédure :
- des modes d’interaction dirigés, la procédure guidant le décideur dans son processus
d’exploration,
- des modes d’interaction libres, le décideur s’appuyant sur les potentialités de la
procédure pour orienter lui-même son exploration » (1990, p. 42)
Si nous faisons le parallèle avec le comportement d’achat sur Internet, un tel système
interactif satisferait tout type de visiteur quelque soit son motif de visite du site de
commerce électronique. La littérature en e-marketing, fait ainsi la distinction entre visite
exploratoire (motivation hédoniste, exploratoire,…) et visite finalisée (orientée vers un
achat ou la recherche d’une information précise. Mais si de nombreux sites de commerce
électronique proposent des outils de recherche du type « moteur de recherche interne » il
s’agit souvent de recherche d’un mot, d’un thème, d’un produit, et non de la recherche
d’un compromis ou d’une prescription. Cces deux démarches, l’une plus rigide et
directive, l’autre plus souple et exploratoire, correspondent-elles bien à deux processus
décisionnels de consommateurs sur un site web marchand ?Et ces consommateurs sont-ils
prêts à utiliser ces outil ? Quels types de consommateurs sont-ils susceptibles de le faire ?
Hoffman et Novak expliquent que le consommateur distingue deux types
d’environnements lors de l’interaction avec un environnement médiatisé par l’ordinateur
multimédia : l’environnement physique dans lequel l’individu est présent, et
l’environnement défini par l’environnement médiatisé par l’ordinateur multimédia. Ghose
et Dou distinguent ainsi cinq catégories de fonctions interactives qui sont en fait associées
à des actions marketing : support clientèle, recherche marketing (i.e. recueil de données,
plutôt qualitatives, provenant de clients concernant la proposition de nouveaux produits),
guide de choix, publicité et promotion, divertissement. Les résultats de cette étude mettent
en avant certaines dimensions de l’interactivité ou en tout premier lieu, se trouve le
« support clientèle ». Ghose et Dou concluent, d’une part, en insistant sur l’importance de
l’interactivité sur l’attractivité et la « présence » des sites web (attractivité et
référencement), et d’autre part, sur la nécessité de favoriser avant tout les fonctions
interactives qui améliorent le support-client. Une dimension expériencielle peut
effectivement être intégrée au concept d’interactivité, mais elle ne permet pas de
l’appréhender dans sa globalité.
Le modèle de navigation, articulé autour du concept de flow, distingue :
les caractéristiques de contrôle (la distinction est faite entre les « challenges » qui se
présentent à l’utilisateur, et ses capacités (skills) à soutenir ces challenges ;
les caractéristiques du contenu. C’est à ce niveau que se situe l’interactivité dans le
modèle du flow ; ils ajoutent également le concept de « vivacité » (vividness) qu’ils
empruntent - comme l’interactivité- à Steuer et définissent comme la « représentation
de la richesse d’un environnement médiatisé défini par ses caractéristiques formelles »
(1992, p. 81). La largeur et la profondeur sont des exemples de caractéristiques
formelles. La largeur renvoie au nombre de dimensions sensorielles sollicitées2 et à la
théorie de la richesse des médias (Daft et Lengel, 1986 ; Daft, Lengel et Trévino,
1987). La profondeur renvoie à la résolution, à la qualité de la présentation ; elle est
corrélée à la bande passante (Hoffman et Novak, 1996, p. 61).
deux types de comportement de recherche :
- « la recherche spécifique », qualifiée de forme « la plus pure ». Ici,
l’individu connaît parfaitement l’item ou l’information qu’il recherche (ex.
le prix d’une imprimante laser d’une marque donnée) ;
- « la recherche étendue », où l’internaute recherche des informations liées à
une cible générique (ex. identifier les modèles d’imprimante laser
commercialisés par une marque donnée) ;
deux types de comportement de comportement exploratoire : « l’exploration
finalisée », qui correspond à une recherche d’informations sur une thématique ou un
item particulier, sans avoir le soucis d’être exhaustif, et sans avoir d’idée précise sur
ce qu’il peut trouver3 (ex. lors de la visite d’un site marchand, accéder aux
informations précisant les conditions de livraison) ; « l’exploration de disponibilité »
(ou comportement exploratoire de disponibilité). Ici, l’internaute découvre le contenu
d’une rubrique sans avoir eu préalablement le besoin d’obtenir ces informations (ex.
cliquer sur un lien proposant les promotions du moment).
L’identification d’idéaux-types d’achat de vin en ligne sensibles aux potentialités
interactives mobilisables lors de la relation d’achat en ligne permet, dans le cadre de
2 Nous pensons ici à McLuhan, même s’il n’est pas directement cité ici par les auteurs. Il le sera par contre un
peu plus loin pour illustrer le degré de « téléprésence » (p. 61).
3 Ladwein précise que c’est sur ce critère que se distingue l’exploration finalisée de la recherche étendue (2001,
p. 11).
recherche futures, de proposer des scenarii en vue de tester les potentialités interactives de
sites web et de mieux préciser le construit interactivité.
Capacité prescriptive du site
faible Forte
faible Choix peu raisonné,
importance du prix et de
la marque, aversion au
risque sauf pour des
vins peu chers.
Interactivité impossible.
Fort besoin de conseil,
choix par le site en
fonction de critères de
base (prix, marque).
Interactivité possible si
l’expertise du client
n’est pas trop faible
E
xpertise
du client
forte Interactivité impossible,
mais de toute façon
inutile. Le client sait ce
qu’il veut.
« Joute d’experts ». Le
client va juger
l’expertise du site et
pousser la capacité
prescriptive du site dans
ses retranchements.
Risque de
déqualification du site.
Interactivité de type
« ping-pong ».
Deux dimensions sont a priori structurantes pour expliquer le type d’interactivité que l’on
pourra concrètement observer :
la capacité prescriptive du site est fondamentale : d’une part, nous l’avons, vu, tous les
sites n’offrent pas la même aide au client et, d’autre part, il existe différentes formes
d’ interactivité, la plus aboutie étant la structuration des préférences et donc du choix
au cours de l’interaction homme-machine
cette capacité prescriptive du site n’est pas indépendance, dans son degré de
réalisation effective, de l’expertise du client.
Si la capacité prescriptive du site est forte, le client faiblement expert pourra être guidé
dans son processus de choix, alors que le même client devra, sur un site faiblement
prescriptif, effectuer une sélection à partir de très peu d’information. Les théories de
comportement du consommateur quant à la fonction des marques nous disent alors que le
client peu confiant en ses capacités de choix ira vers des marques connues et donc
rassurantes pour lui ou vers des prix peu élevés, afin de limiter les risques de mauvais
choix ou la gravité des conséquences d’un mauvais choix. Si le client est un expert, alors il
se peut que l’on assiste à une « joute d’experts », un peu comme un partir d’échec entre un
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