scolaire - SE-Unsa

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La difficulté
scolaire
De profusion d’annonces en réformes express,
les élèves en difficulté sont sous le feu des projecteurs.
Sur ce sujet, enseignants et parents se sentent
concernés, et à juste titre. En réponse
à la désinformation ministérielle, le SE-UNSA met les
points sur les I et les barres sur les T dans ce dossier.
2
Entretien avec
Serge Boimare
7
Les Rased
menacés
10
Lutter contre
l’illettrisme
enseignant
supplément dossiers n°122 • janvier 2009 • l’
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Interview
C’est sur le temps
scolaire qu’il faut agir.
La difficulté scolaire,
«fausses» solutions,
mais vrai problème
2
Près de 15% des jeunes sont en situation d’échec
scolaire. C’est un fait incontestable ! Comme solution,
le ministre de l’Éducation nationale brandit le «soutien
scolaire», se targuant même d’en offrir gratuitement
à tous les élèves en dehors du temps scolaire et même
pendant les vacances ! Bonne réponse à la difficulté
scolaire ? Serge Boimare nous apporte des correctifs
et ouvre de nouvelles pistes...
L’Enseignant : À entendre le ministre, tous les efforts sont faits
pour aider les élèves en difficulté.
Partagez-vous cette appréciation ?
Comment définiriez-vous la «difficulté
scolaire» ?
Serge Boimare : Le regard que nous
allons porter sur l’utilité ou non du
soutien scolaire dépend étroitement
de l’explication que nous donnons à
la difficulté d’apprentissage.
Si nous nous contentons de l’expliquer
par la théorie du manque, c’est-à-dire
par une insuffisance des bases et des
compétences, ce qui est très à la mode
en ce moment, nous allons fonder
beaucoup d’espoir sur le rattrapage
en petits groupes et l’entraînement
supplémentaire.
Par contre, si nous pensons, comme
c’est mon cas, que ces lacunes sont
Syndicat des
enseignants - UNSA
d’abord la conséquence d’un fonctionnement intellectuel singulier, aménagé
sur l’évitement de la frustration et de
l’inquiétude que provoquent les
contraintes de la situation d’apprentissage, nous allons trouver ces
propositions dérisoires. Elles ne seront
d’aucun profit pour ceux qui en ont
le plus besoin.
L’échec scolaire est d’abord dû à des
stratégies de contournement et
d’évitement du temps de la réflexion,
il ne se combattra jamais en modélisant le cours particulier.
Seule une utilisation intensive de la
culture et du langage, de la maternelle
au collège, peut permettre à ces
enfants de construire cette capacité
réflexive qui leur fait défaut pour
apprendre. Ce travail se fait dans la
classe, avec tout le groupe des élèves.
Si nous ne voulons plus avoir 15%
«d’irréductibles» dans notre École, il
est grand temps, pour expliquer
l’échec scolaire, de passer de la théorie
du manque à la théorie de l’empêchement de penser.
Cela veut-il dire que les enseignants n’auront plus besoin d’aide
extérieure et des réseaux d’aide pour
combattre la difficulté, voire l’échec,
scolaires ?
S. B. : Ne soyons pas simplistes.
Quand un enfant n’a pas un comportement adapté aux exigences de
l’apprentissage et à la vie en groupe,
il est indispensable qu’il trouve, dans
l’École, des personnes spécialisées
pour l’aider à accéder à une posture
d’élève : c’est le rôle des réseaux
d’aide.
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Interview
Xxxxxx
L’essentiel
Soutien scolaire, aide individualisée,
aide personnalisée, aide spécialisée,
accompagnement, projet de réussite
éducative... Au ministère, on n’hésite
pas à utiliser ces termes, les uns
pour les autres, afin de créer
délibérément la confusion auprès
du grand public, avec un seul
objectif : réduire la variété
des dispositifs de prise en charge
de la difficulté scolaire pour imposer
un modèle unique, celui du cours
de soutien privé payant.
Peu importe qu’il ne soit pas adapté
à la très grande difficulté.
L’important, c’est de gagner
la bataille de la communication et de
faire croire qu’on offre un nouveau
service aux familles au moment où,
pour des raisons d’économies
budgétaires, on réduit le temps
scolaire pour tous. Démarche contreproductive qui réduit les moyens
pour mobiliser tous les élèves
sur les apprentissages en recentrant
sur «les fondamentaux».
Des enfants «empêchés de penser»,
dont nous parle Serge Boimare,
aux enseignants spécialisés
des Rased menacés dans leur identité
professionnelle, en passant par
les enseignants de Segpa et les acteurs
de la lutte contre l’illettrisme,
le SE-UNSA vous propose un dossier
sur la difficulté scolaire et sa prise
en charge, aux antipodes du discours
simpliste et racoleur du ministre.
Serge Boimare est
psychopédagogue et
psychologue-clinicien.
Dans la classe, comment vaincre
ces résistances à l’apprentis sage ? Comment entraîner ces jeunes
dans l’action d’apprendre quand ils font
tout pour s’y soustraire ?
S. B. : Quand on rencontre des jeunes
qui font tout pour se soustraire à
l’apprentissage, comme vous le dites,
le changement n’adviendra que si
nous les aidons à construire ces points
d’appuis intérieurs qui leur font défaut
dès qu’ils doivent faire un retour à
eux-mêmes pour réfléchir.
Contrairement à ce que disent les
partisans de l’immobilisme, il ne s’agit
pas ici de socialisation ou de psychanalyse ; ce travail se mène avec les
deux outils privilégiés de la pédagogie : la culture et le langage.
Il n’y aura pas de réduction de l’échec
scolaire sans une présentation des
savoirs qui trouve ses racines dans un
nourrissage culturel intensif et dans
l’entraînement à débattre qui le
prolonge.
N’hésitons pas à nous servir des
L
En tant que directeur de centre
médico-psychopédagogique (CMPP),
je vois mal comment nous pourrions
nous passer de ces partenaires
naturels.
Qui fera ce travail de soutien, de
liaison, de dépistage, de prévention,
si important pour ces enfants et leurs
familles ?
Dans notre CMPP où nous recevons
beaucoup d’adolescents, nous
mesurons à quel point ces équipes
manquent au collège.
enseignant
supplément dossiers n°122 • janvier 2009 • l’
3
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Interview
L
contes et des mythologies, des
fables et des romans initiatiques
que nous allons nous-mêmes lire à
haute voix et faire discuter pour
enrichir le support de nos leçons
d’écriture ou de lecture. N’ayons pas
peur de faire le programme de mathématiques ou de physique en sortant
une question ou une expérimentation
du «Voyage au centre de la terre» ou
de «La guerre du feu».
C’est en donnant une culture partagée
par tous, et non des cours supplémentaires aux moins bons, que nous
allons pouvoir trouver cette dimension
«groupale» indispensable à la pédagogie dans une classe hétérogène. Seul
ce fond commun permet de répondre
à la fois à la demande de ceux qui
doivent structurer leur pensée pour
apprendre et de ceux qui doivent
seulement être stimulés pour en arriver
à l’excellence. Il est là le défi de la
pédagogie du XXIe siècle.
4
Quelles sont les conséquences
pratiques pour la formation des
enseignants et pour l’organisation des
enseignements à l’École ?
S. B. : Resituer les grandes lignes du
programme, à partir d’une médiation
culturelle qui va permettre de faire de
l’interaction entre les disciplines
comme je le propose, n’est pas si compliqué. Je prétends même que c’est à
la portée d’un enseignant débutant.
À une condition toutefois : qu’il soit
soutenu par un véritable travail en
équipe.
Aucune formation initiale, aussi
brillante soit-elle, ne remplacera les
bienfaits d’une coréflexion entre
professeurs pour soutenir un débutant.
Pour améliorer l’efficacité de toutes
les actions pédagogiques, on ne fera
jamais mieux que d’analyser à plu sieurs des exemples concrets venant
de la pratique et pouvant donner lieu
à expérimentation. Aucune école,
aucun collège, aucun lieu de formation
ne devraient fonctionner sans
organiser une réflexion hebdomadaire
entre professeurs sur les pratiques
pédagogiques. Mon expérience d’ani mateur de ces groupes de réflexion
me montre que c’est bien ici que se
trouve la plus grande marge de
progression pour notre École.
Syndicat des
enseignants - UNSA
La culture et le langage sont des outils essentiels pour vaincre l’échec scolaire.
Pourquoi le travail en équipe
des professeurs n’est-il pas généralisé ?
S. B. : La raison en est simple. Derrière
les problèmes d’organisation et
d’emploi du temps toujours mis en
avant pour expliquer que ces réunions
ne peuvent avoir lieu, il existe chez les
enseignants une véritable crainte de
se montrer dans la difficulté.
La réponse, que chacun va trouver
pour traiter avec les élèves difficiles,
nécessite des choix et une implication
personnelle qu’il est parfois délicat de
mettre en avant et d’analyser dans une
réunion avec des collègues de son
école ou de son collège.
C’est sans doute pour cette raison que
ces réunions ont tant de mal à se
généraliser. Pour dépasser l’écueil, ces
séances de travail collectives doivent
donc être comprises dans l’emploi du
temps des professeurs, devenir obligatoires et être payées. C’est comme cela
qu’un jour, elles contribueront très
certainement à la mise en place d’un
véritable travail en équipe dans chaque
école et dans chaque collège.
Entretien réalisé
par Thierry Foulkes
Retrouvez la vidéo de cet interview
sur le site www.se-unsa.org
rubrique «Métier», sous-rubrique «Actu».
Serge Boimare
Serge Boimare est directeur
pédagogique du CMPP Claude
Bernard de Paris qui accueille
des enfants en grande difficulté.
Depuis plus de quarante ans,
il travaille avec des enfants
et des adolescents en échec
scolaire comme instituteur
et psycho-pédagogue.
Par ailleurs, il anime des groupes
de réflexion avec des professeurs
sur leurs pratiques pédagogiques.
Il est l’auteur de «L’enfant et la peur
d’apprendre» (déjà vendu en France
à 35 000 exemplaires), dans lequel
il expose son expérience.
Il met en pratique, depuis plus
de trente ans, une démarche
psychopédagogique auprès d’enfants
qui ont pour point commun de
refuser avec force les apprentissages
scolaires. Il vient de publier
«Ces enfants empêchés de penser»
aux éditions Dunod.
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L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Premier degré
Les impératifs de la réussite
>
Piqué au vif par les résultats prétendument calamiteux des élèves français aux évaluations internationales, X. Darcos
décide en 2007 de prendre le problème à bras le corps pour «diviser par
trois en cinq ans» le nombre d’élèves
en échec scolaire. Comment ?
• Tout d’abord en imposant, seul contre tous, de nouveaux programmes
alourdis et basés sur une conception
mécaniste des apprentissages.
• Ensuite, en réduisant de deux heures l’horaire hebdomadaire des écoliers (sur ordre de Nicolas Sarkozy).
• Enfin, en dégainant l’arme absolue :
l’aide personnalisée, les stages de remise à niveau et l’accompagnement éducatif. Le tout pour offrir à ceux qui
n’en ont pas les moyens ce que proposent les officines de cours privés
aux plus aisés. Une analyse plus poussée eut permis au ministre, chantre de
la justice sociale et de la démocrati-
sation scolaire, de comprendre que
ces officines en question ne proposent
pas du soutien solaire mais plutôt un
soutien à l’excellence !
Mais qu’importe, fier de son dispositif qui renvoie le traitement de la difficulté scolaire hors de l’École, le
ministre en profite pour supprimer
des postes d’enseignants, pour bouter les élèves de deux ans hors de la
maternelle et pour engager la «sédentarisation des Rased».
L’objectif ambitieux de la
loi d’Orientation de 2005 qui
prévoit la maîtrise par tous d’un socle
commun de connaissances et de
compétences semble enterré, tout
comme sa mesure phare, les PPRE(1).
Ils ont d’ailleurs pour l’heure
davantage fait la preuve de leur
lourdeur que de leur efficacité. C’est
du moins ce qui ressortait du bilan
établi par le ministère.
Faut-il s’en étonner puisque la mise
en place de ce dispositif chronophage
se fait par «optimisation» des moyens,
c’est-à-dire en s’appuyant sur la bonne
volonté et sur l’imagination des enseignants !
Quant au livret personnel de compétences de l’élève, expérimenté l’an
passé à vitesse grand V, sa version
définitive vient de paraître au BO, sans
concertation préalable avec les
syndicats, ni consultation du CSE(2).
6
Le traitement de la difficulté scolaire, pour le SE-UNSA,
devrait pouvoir se faire dans le cadre
du temps scolaire, en jouant sur les
curseurs suivants :
• plus de maîtres que de classes pour
la prise en charge de petits groupes de
besoin ;
• une formation initiale et continue
des enseignants plus pointue sur la
gestion de la difficulté scolaire ;
• une présence accrue des Rased.
À des années-lumière des mesures
darcosiennes !
Pascaline Perrot
(1) Programme personnalisé de réussite éducative.
(2) Conseil supérieur de l’Éducation.
Syndicat des
enseignants - UNSA
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Premier degré
Les Rased décriés par X. Darcos,
mais soutenus par la profession...
7
> Le ministre veut la mort
des Rased. Fort curieusement,
le «bon élève du gouvernement»
n’arrive pas à comprendre ce qu’est
la difficulté scolaire ! En effet, la politique actuelle du ministère propose
comme réponse à toute difficulté scolaire du soutien, envisagé comme du
renforcement scolaire. Ainsi suffiraitil de faire refaire à l’élève en difficulté ce qu’il n’a pas compris en individuel ou en groupe restreint pour qu’il
apprenne... La question de la modalité de l’aide ne se pose pas dans cette
approche.
Les aides spécialisées se réalisent
actuellement, à l’école, sur le temps
scolaire, auprès d’enfants dont les difficultés s’expliquent :
• par des situations psychologiques
complexes ;
• des rapports sociaux particuliers
avec le monde scolaire ;
• un rapport au savoir problématique ;
• des stratégies d’apprentissage non
pertinentes…
Le dispositif Rased permet aux élèves rencontrant des difficultés qui
n’ont pu être résolues en classe, de
bénéficier d’aides adaptées et différenciées, dispensées par des enseignants spécialisés, certifiés et formés
à la prévention de la difficulté dans
le champ de l’adaptation scolaire.
Supprimer les Rased conduirait donc à se priver de compétences particulières de personnels
pouvant apporter des réponses adap tées à des situations qui dépassent la
simple différenciation pédagogique.
Aussi, le SE-UNSA s’est-il engagé pour
la défense d’une véritable politique
d’aides aux élèves en difficulté. Ainsi
que le prévoyaient les textes de 1990
à 2005, celle-ci nécessite une diversité d’aides, et leur coordination, pour
remettre en marche les rouages et les
apprentissages de la pensée de ces élèves en difficulté.
Le SE-UNSA demande le retrait immédiat de la mesure annoncée par Xavier
Darcos concernant le transfert de trois
mille postes de Rased sur des classes
ordinaires. Cette mesure correspond
à un renoncement officiel à l’obli gation de l’État d’assurer avec souplesse, sur tout le territoire, une remédiation pédagogique ou rééducative
pour tous les élèves en grande difficulté dans leur parcours scolaire. Elle
déstabilisera aussi les équipes des
Rased qui n’auront plus cette approche plurielle et complémentaire.
Nelly Paulet
214 786 signataires au 9 décembre
sur la pétition qui demande l’annulation
de la suppression de 3000 postes de Rased.
Continuons à signer sur www.sauvonslesrased.org
enseignant
supplément dossiers n°122 • janvier 2009 • l’
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Second degré
Il était une fois l’échec scolaire
>
Vous pensez peut-être
que l’échec scolaire n’a pas
d’âge ? Qu’il est aussi ancien que
8
l’École elle-même ? Et pourtant ! Aussi
surprenant que cela puisse paraître,
la difficulté scolaire est une notion historiquement récente.
Ainsi, dans les années trente, l’«École
de Jules Ferry» ne conduisait-elle que
50% d’une classe d’âge au certificat
d’études et pour autant, l’idée d’échec
scolaire lui était totalement étrangère ! Il n’apparaissait alors nullement
choquant que la moitié des élèves
entrât dans le monde du travail sans
être titulaire du moindre diplôme. On
considérait tout simplement que tous
les élèves n’étaient pas capables
d’atteindre un certain niveau de
connaissances. Par un étrange paradoxe, la notion d’échec est étroitement liée à la démocratisation que
notre système éducatif a connu en lien
avec la dynamique des Trente Glorieuses.
Avec la massification induite par les
réformes Berthouin, Fouché et Haby,
le pourcentage des adolescents accédant au premier cycle de
l’enseignement secondaire est passé
de 26% en 1950 à la quasi-totalité
d’une classe d’âge à la fin des années
soixante dix. S’opère alors un changement de regard sur l’échec scolaire.
Sur fond de mutations et de demande de l’appareil économique,
l’Institution commence à s’en préoccuper et l’intègre dans ses objectifs de
pilotage.
L’École est, par définition, le
lieu où se révèle l’échec scolaire.
Générant sa propre norme, l’Institution scolaire «déclare» les élèves
en échec comme les élèves en réussite.
Dans cette perspective, l’échec scolaire
est en partie un produit de l’évaluation
à la française. Chiffrées, essentiellement sommatives, nos modalités
d’évaluation induisent par elles-mêmes
des classements et des hiérarchisations. Ce qui explique que l’on trouve
aussi des «mauvais» élèves dans ces
Syndicat des
enseignants - UNSA
La difficulté scolaire, une notion historiquement récente.
temples de l’élitisme républicain que
sont les lycées Henri IV et Louis le
Grand ! Ailleurs, sous d’autres cieux
plus favorables à l’épanouissement de
l’enfant (Royaume-Uni, Danemark,
Irlande), on va définir la «nonréussite» de l’enfant de manière bien
différente : par le manque d’épanouissement personnel ou par l’arrêt dans
les progrès individuels.
Quelle que soit sa responsabilité dans
la «fabrique de l’échec scolaire»,
l’École ne s’est cependant jamais
résignée. Et depuis trente ans,
ministres et responsables de
l’Éducation nationale ont affiné les
diagnostics et multiplié les dispositifs,
particulièrement pour le collège perçu
comme le maillon faible du système.
Dans le cadre de ce collège dit
«unique», traditionnellement, des
réponses sont apportées aux difficultés
des élèves en termes de structures et
de dispositifs spécifiques (soutien,
remise à niveau, consolidation, alternance, découverte professionnelle six
heures, apprentissage Junior, etc.).
Par là-même est affirmée la nécessité
de prendre en compte la «diversité des
publics» de collège. Cette reconnaissance de la diversité est paradoxale et
ambivalente. Elle résulte en effet pour
partie de la rigidité et de l’uniformité
des référentiels de l’École, exclusivement centrés sur les savoirs
académiques. Ainsi, les efforts (budgétaires) de la Nation et le dévouement
de ses enseignants sont-ils utilisés pour
essayer d’amener la totalité d’une
classe d’âge à la maîtrise d’une norme
qui est celle du lycée général,
napoléonien et élitiste.
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
Second degré
Pour en finir avec l’échec
scolaire… Depuis quarante ans,
Valoriser les savoirs par
une évaluation positive.
on a réussi la démocratisation de
l’accès à l’École. Pour ce qui est de
la réussite à l’École, le mouvement de
démocratisation est loin d’être achevé.
Il semble même, à bien des égards,
bloqué.
Les constats sont désormais largement
connus et partagés : les références
culturelles et les façons d’instruire,
conçus pour la formation et la
sélection d’une élite, n’ont pas été
modifiés, et ce malgré la massification.
Pour Antoine Prost, «le collège a
répondu par un enseignement
uniforme et de type secondaire à une
demande qui était du type primaire
supérieur»(*). Cette discordance est
évidemment génératrice de difficultés
qui se révèlent insurmontables pour
une fraction importante du public
scolaire. Dans cette configuration,
l’École «fabrique» de l’échec, un échec
d’autant plus douloureux que le
concept d’égalité des chances lui
donne de surcroît les apparences de
la légitimité. Un échec d’autant plus
intolérable que l’élévation des compétences professionnelles requises sur le
marché du travail fait rimer échec
scolaire avec exclusion sociale, dans
une sorte de logique de la double
peine.
C’est pour ces raisons que
le SE-UNSA milite pour un profond renouvellement des approches
pédagogiques et des pratiques
d’évaluation.
Au collège, il est absolument nécessaire de concentrer tous les efforts sur
l’acquisition effective des savoirs et
savoir-faire par tous les élèves. Une
évaluation positive qui sanctionne les
progrès des élèves et non pas ce qui
les sépare d’un référentiel aussi élitiste
qu’implicite et qui se situe en-dehors
de la scolarité obligatoire.
Julien Maraval
(*) «Éducation, société et politique»,
éditions Seuil, 254 p.- 21,65€.
Et aujourd’hui ? Sans réviser
le «logiciel», Xavier Darcos le
revisite en déplaçant légèrement la
problématique : à l’en croire, le salut
des naufragés de l’École se trouve...
en-dehors de l’École ! C’est par le
recours à des dispositifs périphériques
que le ministre du «hors temps
scolaire» prétend donner à tous les
chances de participer avec succès à la
compétition scolaire :
• soutien scolaire pour les «orphelins
de 16 heures» en collège ;
• stages de renforcement linguistique
et stages de remise à niveau au lycée ;
•«suppression» de la carte scolaire
pour que chacun ait le droit d’aller
dans les «meilleurs établissements»…
Bien sûr, les dés sont pipés : les règles
et les pièges de cette «compétition»
demeurent fondés sur la sélection des
meilleurs, dans des conditions
matérielles et pédagogiques rendues
intolérables par les dizaines de milliers
de postes supprimés par notre
ministre.
Dans le même temps, c’est silence
radio sur la mise en œuvre du socle
commun dont l’objectif affiché dans
la loi s’inscrit pourtant dans une
véritable logique de démocratisation
de la scolarité obligatoire.
En savoir
> Les élèves de Segpa sont des élèves
comme les autres.
En accord avec les normes de l’OMS(1), les élèves de Segpa sont reconnus
comme relevant de la grande difficulté scolaire.
Au sein du collège, la Segpa apporte une réponse «structurelle» par :
• son organisation en cycles ;
• la mise en œuvre, par des enseignants spécialisés, des professeurs
de collège et de lycée professionnel, d’une pédagogie professionnelle adaptée ;
• des activités d’apprentissages mises en commun avec les autres élèves.
Cependant, ces pratiques sont déclinées de manière inégales et contrastées
sur le territoire.
Inscrite dans une démarche de projet, la pédagogie dispensée
dans les Segpa permet d’adapter les activités au fonctionnement intellectuel
de leurs élèves et contribue au développement systématique d’un potentiel
d’apprentissages. Elle prend en compte leurs intérêts, leurs acquis
et leurs aspirations, ne se fixant pas exclusivement sur leurs retards et
leurs lacunes. Une telle approche éducative et pédagogique serait aussi
nécessaire pour aider les élèves en difficulté du collège, en particulier
les 5% qui présentent des difficultés analogues à ceux de Segpa.
L’orientation massive d’élèves de Segpa en lycée professionnel et en CFA(2)
doit s’accompagner d’un programme de formation des professeurs et
d’un suivi par l’équipe de Segpa afin d’éviter les ruptures de formation
et leur permettre de finaliser leur parcours.
Si les enseignements adaptés connaissent actuellement une évolution
radicale dont tous les effets ne sont pas maîtrisés, le SE-UNSA reconnaît
le rôle primordial de la Segpa pour les élèves qu’elle scolarise et se mobilise
activement pour la défendre.
(1) Organisation mondiale de la santé.
(2) Centre de formation pour apprentis.
enseignant
supplément dossiers n°122 • janvier 2009 • l’
9
L A D I F F I C U LT É S C O L A I R E
En direct
Contre l’illettrisme,
des clés pour oser
réapprendre
>
Longtemps tabou, le
fléau de l’illettrisme est désormais reconnu, et même quanti-
10
fié dans des statistiques. Les chiffres
sont éloquents. Plus de trois millions
de personnes ayant été scolarisées en
France sont en situation d’illettrisme.
C’est avec la mise en place de la JAPD(1),
et en partenariat avec le ministère de
l’Éducation nationale, que nous disposons de mesures sur les jeunes en difficultés de lecture.
• Ainsi, près de 5% des jeunes issus
de la scolarité obligatoire ne savent
ni lire, ni écrire.
• Près de 10% de la classe d’âge (17
à 19 ans) éprouvent de graves difficultés et, pour 72% d’entre eux, sont
scolarisés dans les lycées professionnels.
• Près de 40% des élèves de troisième n’ont pas le niveau en français. Ils
peinent à lire et à écrire correctement.
Certes, ces difficultés ne relèvent pas
toutes de l’illettrisme au sens strict du
terme ; la difficulté de lecture atteint
des degrés divers.
À qui la faute? Aux inégalités sociales ? À la société de l’écran et de
l’image ? Aux méthodes pédagogiques ? Un peu de chaque sans
doute. Et si l’École ne saurait être
tenue pour seule responsable, il est
utile cependant de réfléchir et de faire
connaître quelques remèdes qu’elle
peut et doit mettre en œuvre dans son
secteur.
Depuis les années 90, la
lutte contre ce fléau a été
affichée par une succession de lois,
mais aussi par une recommandation,
adoptée en 2006, par le Parlement
européen et le Conseil de l’Europe.
Combattre l’illettrisme exige des moyens p
Voici comment les objectifs de
l’ANLCI(2), par exemple, sont définis :
«Agir contre l’illettrisme, c’est
permettre à chacun d’acquérir à tous
les âges de la vie, au plus près des
personnes et des territoires et de manière coordonnée et pérenne, le socle
commun de compétences fonctionnel
pour être autonomes dans des situa-
En savoir
Pour mieux connaître ceux qui sont
concernés par l’illettrisme, consultez cette
enquête IVQ(*), conduite par l’Insee en 2004-2005,
que vous trouverez dans «Espace Forum permanent
des pratiques» sur www.anlci.gouv.fr
(*) Information et vie quotidienne.
Des actualités, des interviews,
des échanges, des outils, des ateliers...
tout est sur www.bienlire.education.fr
Dans la rubrique «Médiathèque», en cliquant
sur «Pratiques pédagogiques», lire «Les paradoxes
de l’individualisation». Dans ce document, à partir
des difficultés des élèves et de celles des enseignants,
plusieurs praticiens et chercheurs, avec entre autres
les contributions de Françoise Clerc et Richard Étienne,
interrogent cette notion d’individualisation, ses définitions
comme les actions éducatives auxquelles elles renvoient.
Il propose aussi une présentation de pratiques pédagogiques
qui participent à l’amélioration des compétences,
que ce soit dans le temps scolaire, auprès des familles
et dans le temps des loisirs éducatifs.
Syndicat des
enseignants - UNSA
Dans le cadre de la Meippe(*)
de l’académie de Poitiers, des exemples
d’activités sont proposés avec les «langagiciels»,
ces dispositifs informatisés conçus au service
de l’appropriation du «lire-écrire». À voir sur :
http://ww2ac-poitiers.fr/meip
(*) Mission à l’évaluation, à l’innovation pédagogique
et au projet d’établissement.
«Dyslexie ou difficultés scolaires
au collège. Quelles pédagogies, quelles
remédiations ?»(*) émane d’un partenariat entre enseignants
et orthophonistes, mis en place pour mieux adapter l’accueil
de l’élève dyslexique ou en difficulté scolaire au collège.
Illustré de présentations d’expériences et de propositions
pratiques, il ouvre des pistes pour mieux repérer
les origines des difficultés de certains élèves et leur apporter,
en classe, une pédagogie de contournement facilitant
leurs apprentissages et éventuellement des aides
remédiatrices.
(*) De Crunelle Dominique, au CRDP du Nord-Pas-de-Calais, 25€.
Elle en dit
> Claire Krepper,
secrétaire nationale.
pour vaincre les multiples résistances : personnelles, psychologiques…
tions citoyennes». Vaste programme
qui pose la question des moyens.
• Dans son projet «Horizon 2010»,
l’académie de Versailles fait de la lutte
contre les difficultés langagières une
priorité. Depuis trois ans, un groupe
de travail et d’impulsion (GTI) intercatégoriel mène une réflexion sur la
grande difficulté. À partir des
enquêtes conduites lors des JAPD et
des résultats au brevet des collèges,
il est aisé d’évaluer le nombre exact
de jeunes concernés. Le GTI s’est
attaché à recenser les ressources
documentaires autour de l’illettrisme,
afin de mieux diagnostiquer les difficultés et construire une progression
dans les apprentissages.
Partant du constat que l’élève de lycée
professionnel était confronté à
plusieurs types de langages selon la
matière enseignée, des stratégies de
remédiation ont été élaborées. Elles
mettent l’accent sur la verbalisation
comme préalable au travail à
produire.
L’intérêt de ce dispositif, tant pour les
élèves que pour les enseignants, est
qu’il pose la nécessité d’un travail
croisé entre les enseignants des disciplines de matières générales et ceux
des disciplines de matières professionnelles. L’amélioration des compé-
tences langagières peut s’exercer aussi
bien dans la classe de français que
dans l’atelier de formation professionnelle.
• Les ateliers Asale(3) du lycée Doriole
de La Rochelle participent aussi à la
prévention de lutte contre l’illettrisme,
grâce à un partenariat avec une
association locale. Les séances sont
animées principalement par deux de
ces formateurs. La rencontre avec des
intervenants extérieurs permet aux
élèves de travailler dans un contexte
nouveau. De plus, les formateurs ont
une approche des adolescents et une
démarche pédagogique différentes.
L’individualisation est au cœur de la
démarche. Celle-ci contribue à une
implication accrue, à un entrain au
travail, mais surtout à une meilleure
confiance en eux et en leurs capacités.
Selon les enseignants, des améliorations notables ont été réalisées, pour
62,5%, tant dans le comportement
en classe que dans la concentration et
les relations avec les professeurs.
Christine Savantré
(1) Journée d’appel de préparation à la défense,
instituée en 1998 à la place du Service national
alors suspendu par Jacques Chirac. Il s’agit de
la dernière étape du parcours de citoyenneté.
(2) Agence nationale de lutte contre l’illettrisme.
(3) Ateliers d’aide et de soutien
en lecture-écriture.
Vous l’avez compris en lisant
ce dossier : «la difficulté scolaire» n’a
pas une origine unique, qui serait un
«manque» à combler par des heures
supplémentaires de soutien ou
d’accompagnement. Il existe
des difficultés d’apprentissage
qui nécessitent des prises en charge
adaptées. Elles doivent, pour
le SE-UNSA, s’inscrire dans le temps
scolaire et, dans la mesure du possible,
dans la classe. Dans cette optique,
une formation pédagogique initiale
et continue de grande qualité est
essentielle. C’est sans doute pour
cela que le gouvernement s’apprête à
réduire la part du «pédagogique» dans
les nouvelles modalités de formation
des maîtres ! Quant à la formation
continue, elle continue à souffrir d’une
insuffisance chronique de financement.
L’enseignant ne doit pas être seul face
aux problèmes posés par les difficultés
d’apprentissage : c’est l’équipe
pédagogique dans son ensemble qui
doit être mobilisée. La diversification
des approches pédagogiques
(regroupements différents, prise
en charge individualisée) est facilitée
par la présence d’un maître
supplémentaire dans l’école ou
d’enseignants supplémentaires dans les
établissements, et par la mise en œuvre
de temps de concertation inclus dans
le service de tous les enseignants.
La présence de réseaux d’aide
complets, en nombre suffisant pour
intervenir dans tous les cycles
de l’école primaire, est une exigence
portée par le SE-UNSA. Au collège,
la réponse aux difficultés scolaires
ne peut résider dans des dispositifs
comme le Dima(*) qui écartent les élèves
en échec de la scolarité commune.
Le SE-UNSA a porté la revendication
d’un socle commun des compétences
indispensables et l’obligation, pour
l’État, d’assurer les moyens nécessaires
à son acquisition par tous. Face à des
moyens encore en baisse, ce combat
est plus que jamais d’actualité !
(*) Dispositif d’initiation aux métiers en alternance.
enseignant
supplément dossiers n°122 • janvier 2009 • l’
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