dialogues entre les personnages, tous présents sur scène, en costumes d’époque. Les Liaisons
dangereuses deviennent dans Quartett une bestiale guerre des sexes opposant la marquise de
Merteuil et le vicomte de Valmont, en l’absence des autres protagonistes du roman, dont les cent
soixante quinze lettres sont réduites à dix-huit pages. La marquise et le vicomte jouent tantôt leur
propre rôle tantôt celui de l’autre ainsi que ceux de Cécile de Volanges et de la Présidente de
Tourvel, leurs victimes. Ils forment ainsi à deux le quatuor désigné par le titre, qui en plus de la
référence musicale, évoque la partie carrée, la réversibilité des couples, des échanges sexuels et
de relations de pouvoir. H. Müller avouait n’avoir « jamais lu en entier10 » le roman de Laclos et
semble, en effet, ne se souvenir que de la préface d’Heinrich Mann, dans la traduction allemande.
On y lit que « l’amour est un moyen de dominer les autres et d’assurer sa suprématie sociale »,
et il y est sous-entendu que la marquise n’a pas pardonné à Valmont leur séparation11.
Quartett détonne également parmi les autres réécritures pratiquées par H. Müller dans sa
factory. Cette démarche intertextuelle, identifiable dans certains titres de ses pièces (Hamlet-
machine – 1977, Médée Matériau – 1982), est à l’origine de plusieurs oeuvres qui précèdent
Quartett. Le Briseur de salaire (Der Lohndrücker, 1957) est, par exemple, écrit à partir de textes
d’Eduard Claudius, de Karl Grüber et de Bertolt Brecht portant sur le « héros du travail » de
l’année 1950 en RDA : Hans Garbe (le personnage qui en est inspiré se nomme Balke). Ciment
(1972) est une adaptation scénique du roman du russe Gladkov (1925) et La Mission (1979) est
écrite d’après une nouvelle d’Anna Seghers12. D’un point de vue formel, H. Müller a procédé
pour ces œuvres à une dramatisation et à une théâtralisation : d’une part, il a mis le texte original
en dialogues, créé une action et une tension dramatiques, et, d’autre part, il a inscrit dans le texte
des éléments nécessaires à son passage à la scène et à son incarnation (à l’aide de didascalies
notamment). Dans certains cas, il a utilisé les procédés du collage et du montage afin de réaliser
une forme de pulvérisation des personnages et du conflit originel. Du point de vue des contenus,