Cet intervenant : n’a pas déclaré ses liens d’intérêt Tous les orateurs ont reçu une déclaration de liens d’intérêt. C’est en 1964, avec de Ajuriaguerra et Stambak que le terme de dyspraxie infantile apparaît. Faisant référence à ses travaux issus de la neuropsychologie de l’adulte, De Ajuriaguerra reconnaît que l’apraxie chez l’enfant est partie intégrante d’une désorganisation plus complexe. Il distingue 2 groupes d’enfants. l’un dans lequel les enfants ont des difficultés neurologiques pouvant expliquer le tableau psychologique l’autre dans lequel les enfants sont nettement moins atteint sur le plan moteur. Les difficultés apparaissent lorsque les tâches proposées exigent une grande précision Nous pouvons suivre un gradient allant de difficultés neurologiques prédominantes à des troubles évoquant une désorganisation de la pensée. De Ajuriaguerra pose la question de la relation entre trouble du comportement et trouble praxique. Lemonnier (2010) en reprenant la question des troubles psychopathologiques chez l’enfant dyspraxique, et citant De Ajuriaguerra et Stambak, réexamine l’hypothèse d’une comorbidité entre dyspraxie et TSA, L’enfant dyspraxique a souvent une mauvaise appréciation de ses capacités tant sur le plan scolaire que sportif en lien avec une mauvaise estime de soi entrainant souvent un repli relationnel. A l’heure actuelle beaucoup de réflexions se portent sur les méthodes de rééducation de la dyspraxie. Les interventions thérapeutiques peuvent être diverses selon que l’approche soit orientée vers le déficit, sur la performance ou soit cognitive. Les approches orientées vers le déficit sont basées sur les théories neuromaturationnelles. Ces approches ont pour but de restaurer les fonctions altérées chez les enfants atteints d’un TAC. On y trouve principalement la thérapie d’intégration sensorielle (travaux de Ayres 1972) Les approches orientées vers le déficit La théorie d’intégration sensorielle met en lien problème de coordination motrice et défaut d’intégration des informations sensorielles. Elle vise par différentes stimulations vestibulaires, proprioceptives, tactiles, à produire différentes réponses motrices adaptées ( ex : planche, d’équilibre, parcours moteurs…) Ces réponses motrices pourront ensuite améliorer l’intégration des informations sensorielles et ainsi perfectionner les réponses motrices mais également les fonctions supérieures (comme la planification et le langage). Les approches sensori-motrices : supposent une relation causale entre le comportement moteur et les processus perceptifs sous jacents. La prise en charge consiste à exposer l’enfant à un large éventail d’expériences sensorielles et motrices Elles s’appuient par exemple sur les travaux de Frostig(1970), de Bobath( 1972) ou de Bugnet sur la méthode Bon Départ (1966). Les traitements orientés sur le processus : sont représentés par les travaux de Laszlo et Bairstow (1981) Cette approche est basée sur le postulat selon lequel la kinesthésie qui désigne la perception que nous avons d’une ou plusieurs parties de notre corps en mouvement, est essentielle à l’acquisition d’habiletés motrices et à la performance motrice. Les approches orientées vers la performance : ont pour but de favoriser l’activité et la participation des enfants au sein de diverses activités où l’interaction entre le sujet, l’environnement et l’activité est constante en s’attachant à la performance motrice. Cet apprentissage peut se réaliser de 2 façons différentes. Si l’on se réfère aux théories traditionnelles, l’activité à laquelle on s’intéresse pourra être décomposée en sousactivités puis toutes seront par la suite regroupées progressivement (2ères puis 3ème …) Ce type d’apprentissage n’est pas efficace pour toutes les habiletés motrices (comme le saut par ex). Il faudra s’adapter à la tâche que l’on veut faire apprendre. Les interventions spécifiques sur la tâche : Ces interventions visent l’apprentissage d’une tâche précise qui correspond à l’habileté que l’on veut faire émerger chez l’enfant. Il s’agit en général d’une habileté de base qui lui permettra par la suite d’agrandir son répertoire de base. L’intervention spécifique à la tâche provenant des travaux de Revie et Larkin (1993) utilise une décomposition de la tâche cible en soustâches plus élémentaires. Le psychomotricien donne alors différentes instructions à l’enfant quant à la façon d’exécuter la tâche, lui envoie différents feed-back (selon la situation et l’activité considérée). Les démonstrations et manipulations font partie intégrante de cette approche. Les habiletés concernées peuvent être par exemple : shooter dans un ballon avec précision, lancer une balle sur une cible éloignée, faire des dribbles, utiliser une raquette. Le transfert sur d’autres habiletés est peu ou pas attendu. Les approches cognitives : Qui sont des approches également orientées vers la performance ont peu à peu émergé parallèlement aux approches axées sur la tâche. Ces approches soutiennent l’idée selon laquelle les compétences cognitives, affectives et motrices de l’enfant interagissent constamment. . Par exemple, les stratégies qu’un enfant adopte pour réaliser un mouvement vont largement déterminer l’efficacité de l’action. Elles constituent des techniques de résolution de problèmes moteurs et consistent à guider l’enfant dans l’analyse de la nature du problème afin qu’il puisse mettre en place un plan d’action, plan qui pourra être remanié suite à l’évaluation du résultat. Méthode CO-OP De ces approches découle la méthode CO-OP mise au point par Polatajko et al (2001). Les bases théoriques de la méthodologie utilisée dans CO-Op (Cognitive Orientation to Daily Occupational Performance) reposent sur le programme d’auto-instruction verbale de Meichenbaum (1977). Cette méthode a été spécifiquement crée pour répondre aux besoins d’enfants atteints d’un TAC. Elle consiste en l’acquisition d’habiletés motrices à travers un processus d’utilisation de stratégies cognitives qui permettront alors l’acquisition d’habiletés motrices. Son originalité réside dans le fait que ce n’est pas l’adulte mais l’enfant qui choisit l’habileté motrice ou l’activité à travailler. Son choix se fait toutefois au sein d’un ensemble proposé par le psychomotricien et après analyse d’un cahier d’activités quotidiennes rempli par les parents. Pour Polatajko, permettre à l’enfant de choisir lui même les habiletés motrices à travailler favorise la motivation de l’enfant, le caractère écologique de la tâche mais également la généralisation et le transfert des apprentissages. Les différentes étapes sont les suivantes : déterminer avec l’enfant et lui rappeler le but (goal) poursuivi déterminer ensuite la stratégie (plan) qu’il entend utilisr ; exécuter la stratégie en question et s’en tenir à elle (do) ; faire le point (check) sur l’efficacité de la stratégie mise en œuvre au regard de l’objectif final et des objectifs intermédiaires si besoin est. En partant de 2 études de cas nous allons essayer de voguer non pas sur un fleuve tranquille mais plutôt dans un torrent impétueux ou rééducation et thérapie psychomotrices se croisent et s’entremêlent sans cesse. Nadir Quand je rencontre N., il est en grande section, il a 4 ans 8 mois. Il est suivi en psychothérapie individuelle 2 fois par semaine. Devant ses difficultés de socialisation, ma collègue psychologue et lé médecin pédopsychiatre référent de la famille me demandent de le voir en bilan. D’emblée, je suis frappé par le peu d’investissement corporel de N.. C’est un enfant au bon langage mais en difficulté dans toutes les praxies de la vie quotidienne. C’est l’aîné d’une fratrie de deux. La grossesse s’est bien passée. L’accouchement a été très long (20 h) avec une infection ayant nécessitée la mise en place d’une antibiothérapie. Il a eu un test auditif suite à une aménocytose. Il pesait 2 kg 950 et mesurait 51 cm. Le premier développement psychomoteur est dans les normes il se tenait debout assez Il est peu autonome pour l’habillage et le déshabillage, il commence. Il ne se lave pas seul ; « il faut presque l’attacher pour lui laver les cheveux ». N.ne fait pas encore de vélo mais du tricycle. Il trouve le vélo trop dangereux. Il a peur des balançoires, s’installe sur le ventre. Sa course est maladroite, il commence à grimper sur les rochers. Il aime l’eau. Bilan psychomoteur N. ne présente pas de retard psychomoteur sur un plan global mais un trouble au niveau de la motricité fine au niveau praxique et des coordinations. Il présente un trouble de la relation qui entraine à la fois des moments de repli ou d’angoisse et un manque d’autonomie et d’aisance corporelle. Le langage est beaucoup plus investi que le corps pour le moment. Une aide plus psychomotrice sera peut-être à envisager pour la rentrée prochaine. Bilans psychologiques En 2006 : WPPSI III : IV 136,IP 61, VT 71 en 2009 : ICV 155, IRP 109, IMT 130, VT 60 Bilan neuropsychologique en 2014 : ICV : 155, IRP : 92, IMT : 138, IVT : 86 Il montrait la persistance d’un trouble de la motricité manuelle et de la coordination oculomanuelle impactant les compétences sensorimotrices, visuo constructives et graphiques. Devant ces difficultés, une prise en charge groupale est proposée, s’axant à la fois sur les troubles praxiques mais également sur les difficultés chez N. de décodage des cognitions sociales. Il n’a pas d’amis, est en difficulté dans les relations à l’autre. En parallèle, la psychothérapie se poursuit et une ergothérapie sera mise en place pour l’apprentissage du clavier . Le travail psychomoteur : portera à la fois sur la socialisation (apport du groupe) mais également sur l’apprentissage des praxies fines au travers d’activités d’art plastiques : peinture, pâte à modeler, dessin… Nous travaillerons l’aisance corporelle au travers d’exercices d’expression corporelle, de rythme. MARTIN Quand je rencontre M. : il a 8 ans 5 mois, et vient accompagné par sa mère pour un bilan psychomoteur à la demande de son pédopsychiatre dans le cadre d’une évaluation complète. M. était scolarisé en CE1 avec des difficultés d’écriture. Le premier développement psychomoteur est dans les normes avec une marche à 12 mois. Il n’est pas passé par le 4 pattes, s’est mis debout directement. L’apprentissage de l’habillage a été assez long surtout pour les chaussettes et les boutons. Il ne sait pas encore faire ses lacets. Il fait du vélo, de la trottinette avec un bon sens de l’équilibre. Il ne sait pas nager, la coordination est difficile. Il commence à flotter, il n’a pas peur de l’eau. Sur le plan alimentaire, il a du mal à utiliser ses 2 mains pour ses couverts, il y a souvent un côté qui reste pendant. L’utilisation du couteau est difficile. Il est autonome au niveau de la toilette avec des difficultés praxiques pour se brosser les dents. Il aime les jeux de légos, plutôt les dupplos car il a du mal à manipuler les plus petits morceaux idem pour les playmobils. Bilan psychomoteur A l’échelle de développement psychomoteur du Lincoln-Oséretsky : il obtient un niveau global faible, dans la moyenne des enfants de 6 ans. Il est en difficulté dans tous les secteurs : L’évaluation de la motricité gnosopraxique (EMG) : montre des difficultés au niveau de l’imitation de gestes des doigts. Le déliement digital est précaire. Il existe des syncinésies buccales quand il se concentre pour mobiliser ses doigts. L’épreuve graphique d’organisation perceptive (VMI) montre des difficultés majeures dans la reproduction des figures géométriques, les angles sont difficiles à intégrer de même que les tangentes et intersections avec un âge équivalent en deçà de 6 ans. La copie du losange n’est pas intégrée Il est en grande difficulté au niveau de la géométrie. L’évaluation du schéma corporel : lui donne un niveau d’intégration moyen de 6 ans pour nommer les différentes parties du corps sur autrui. Les notions de base sont connues, il est en difficultés au niveau des notions complexes telles que le mollet, les paupières, la nuque… Les dessins du bonhomme sont très pauvres et immatures. Evaluation de l’écriture (BHK) : M.est coopérant malgré la difficulté de l’épreuve. La tenue du crayon se fait à 4 doigts. Il est très proche de la feuille. Les lettres sont tracées maladroitement. L’écriture est très grosse, hachée, les lettres télescopées, les ronds sont tournés à l’envers. Le vitesse le situe à -1 écart type de CE1. Le bilan est complété sur le plan neuro psychologique avec un diagnostic de dyspraxie mixte, gestuelle et visuo-constructive sévère. Le bilan orthophonique retrouvait des difficultés au niveau de la voie d’assemblage, de la transcription phono-graphémique et de l’attention. Ce jeune garçon était « enragé » contre ce corps dysfonctionnant. Nous avons repris les postures de base, nous avons beaucoup travaillé autour de la graphomotricité au départ par des exercices dans l’espace (rubans, parcours, bon départ…) pour petit à petit arriver à la table et à l’écriture. Au moment de l’entrée au collège, avec concertation avec son pédopsychiatre référent, nous proposé à M. un groupe psychomoteur, travaillant alors également la relation à l’autre. C’est ainsi que N. et M. se sont rencontrés. Les échanges étaient souvent houleux entre eux. Nous pouvons voir avec ces deux jeunes aux problématiques différentes que nous oscillons tout le temps entre rééducation et thérapie. Rééducation pour leur permettre de trouver des palliatifs à leurs troubles. Nous aidons les patients à mettre en place des stratégies leur permettant d’adapter leurs praxies défaillantes. Quand les enfants sont en difficulté depuis toujours, ils ont tendance à s’adapter mais quelque fois de manière inefficiente. Par exemple, M. refusait de se confronter aux activités manuelles en se réfugiant dans la lecture. Les enfants sont sensibles à leurs difficultés et trouvent souvent des biais pour les éviter. Les difficultés de perception sociale de N. et ses hautes capacités verbales ont entrainées des distorsions relationnelles et des troubles praxiques sans être dans une dyspraxie pure. Il a fallu passer par l’instrumental pour l’aider à investir son corps global et non seulement son esprit. Nous pouvons dire que la prise en charge psychomotrice entre psyché et soma suit une ligne tortueuse entre rééducation et thérapie, prenant à la fois en compte, les troubles instrumentaux mais également relationnels le tout dans son contexte environnemental. En conclusion : M. est un jeune garçon touchant qui s’est montré coopérant durant le bilan sans instabilité psychomotrice mais parfois une agitation quand il se sent trop en difficulté. Il présente un trouble de l’acquisition de la coordination impactant tous les secteurs psychomoteurs avec une dysgraphie, des troubles visuo-spatiaux.