
Déséquilibres mondiaux et stabilité fi nancière
Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière • N° 15 • Février 2011
131
Les déséquilibres mondiaux et les déséquilibres des comptes de transactions courantes
Masaaki Shirakawa
des pressions extérieures, tant bilatérales que
multilatérales, visant à inciter le pays à réduire
ses excédents. Pendant la première moitié des
années quatre-vingt, on a cherché en priorité à
restreindre les exportations dans des secteurs précis,
comme en témoignent par exemple les restrictions
volontaires des exportations automobiles vers
les États-Unis, et à « ouvrir les marchés intérieurs
japonais » aux produits et services étrangers.
Dans l’optique de la libéralisation des marchés
fi nanciers, le ministère des Finances japonais et
le Trésor américain ont mis en place le « comité
yen-dollar » en novembre 1983. En mai 1984, le
rapport publié par ce comité a présenté un projet
détaillé de libéralisation des marchés fi nanciers et
de capitaux japonais et d’internationalisation du yen.
Parallèlement, le yen, qui avait brièvement atteint
177 yens pour un dollar à la fi n des années soixante-dix,
s’est le plus souvent inscrit dans une fourchette
comprise entre 200 et 250 yens pour un dollar
durant la première moitié des années quatre-vingt.
Les principaux partenaires commerciaux du pays
ont alors été de plus en plus convaincus qu’une
appréciation du yen était nécessaire si l’on voulait
limiter l’excédent commercial et courant japonais.
En septembre 1985, les ministres des Finances et
les gouverneurs des banques centrales du G5 ont
annoncé dans l’« Accord du Plaza » 1 que l’existence
d’importants déséquilibres des positions extérieures
pouvait poser des problèmes et sont convenus que
les taux de change devaient jouer un rôle dans la
correction de ces déséquilibres extérieurs. Comme
chacun sait, sur la base de cet accord, le G5 a
commencé à intervenir conjointement sur les
marchés des changes afi n de faire baisser la valeur
du dollar. Ces cinq pays ont également pris des
engagements individuels. Le Japon s’est notamment
engagé à continuer d’ouvrir ses marchés intérieurs
aux biens et services étrangers, en précisant que les
efforts destinés à stimuler la demande s’attacheraient
à augmenter la consommation et l’investissement
par des mesures d’élargissement des marchés du
crédit hypothécaire et du crédit à la consommation.
Par ailleurs, le Japon s’est engagé à gérer sa politique
monétaire de manière fl exible et à veiller au taux de
change du yen. Conséquence de cet accord et des
interventions qui ont suivi, la monnaie japonaise, qui
avoisinait 240 yens pour un dollar avant la signature
de l’Accord du Plaza, s’est fortement appréciée, pour
atteindre 152 yens pour un dollar en septembre 1986.
Mesuré en proportion du PIB, l’excédent courant
du Japon a culminé à 4,2 % en 1986, avant de
décliner par la suite
2
. L’excédent commercial dégagé
par le Japon avec ses principaux partenaires s’est
toutefois maintenu à un niveau élevé, et on est
progressivement parvenu à la conclusion que les
ajustements des taux de change ne pouvaient à eux
seuls atténuer signifi cativement les déséquilibres des
balances commerciales. Les pressions extérieures se
sont alors davantage orientées sur une expansion
de la demande intérieure. En février 1987, lors
d’une réunion à Paris, les ministres des Finances
et les gouverneurs des banques centrales du G6
ont rendu public l’« Accord du Louvre »
3
. Par cet
accord, ministres et gouverneurs sont convenus
que l’évolution substantielle des taux de change
intervenue depuis l’Accord du Plaza allait de plus en
plus contribuer à réduire les déséquilibres extérieurs,
et que leurs monnaies respectives avaient désormais
été ramenées à l’intérieur de fourchettes compatibles
avec les fondamentaux économiques sous-jacents.
Ils se sont également engagés à travailler en étroite
coopération afi n de favoriser la stabilité des taux de
change autour des niveaux de l’époque. Ministres
et gouverneurs ont aussi reconnu que les profonds
déséquilibres de la balance commerciale et du
compte de transactions courantes de certains pays
entraînaient de graves risques économiques et
politiques. Chaque membre a une fois de plus pris
des engagements spécifi ques et le Japon s’est engagé
à mener une politique monétaire et budgétaire
de nature à stimuler sa demande intérieure et à
contribuer ainsi à réduire son excédent extérieur.
De plus, la Banque du Japon a annoncé qu’elle allait
abaisser son taux d’escompte de 0,5 point, à 2,5 %.
Même si l’économie japonaise a progressé à vive
allure, au rythme annuel de 4,7 % entre 1986
et 1988, et même si le prix des actifs a affi ché une
augmentation à deux chiffres, ce taux directeur
1 Annonce des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de la France, de l’Allemagne, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis (22 septembre 1985)
2 En raison de l’effet de courbe en J initial, notamment, il a fallu attendre un certain temps avant que cet excédent ne se tasse.
3 Déclaration des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G6 (22 février 1987)