Agriculture : un rendez-vous géoéconomique pour la France

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Gianmarco MONSELLATO
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20 euros
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Relations internationales, géopolitique et géoéconomie
| Sébastien ABIS & Thierry POUCH |
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Agriculture : un rendez-
vous géoéconomique
pour la France
Sébastien ABIS & ierry POUCH
Sébastien Abis est analyste géopolitique, chercheur associé à l’Institut
des relations internationales et stratégiques (IRIS), et administrateur au
Secrétariat général du Centre international des hautes études agronomiques
méditerranéennes (CIHEAM).
ierry Pouch est économiste, chef du service des études économiques de
lAssemblée permanente des chambres dagriculture (APCA), chercheur
associé à l’Institut Choiseul et au Laboratoire REGARDS de luniversité de
Reims Champagne Ardenne.
Dans le débat actuel sur le déclin de l’économie française, il est
utile de rappeler que certains secteurs restent dynamiques
et peuvent constituer des leviers pour enrayer ce déclin, voire
mieux, enclencher le redressement de l’outil de production national.
L’agriculture constitue de ce point de vue une opportunité et une
force pour la France. Cette armation s’inscrit dans un double
contexte favorable à son reclassement stratégique. Dun côté, la
nécessaire révision des attributs de puissance du pays appelle à
l’identication de secteurs porteurs qui puissent à la fois participer
au rayonnement de la France dans le monde mais aussi contribuer
à l’économie nationale grâce aux performances commerciales. À
lheure où le gouvernement promeut une diplomatie économique, il
se doit d’intégrer les produits vitaux comme ceux de l’alimentation
parmi les biens français capables d’être compétitifs à l’exportation.
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Dun autre côté, la nouvelle géopolitique des ressources qui se dessine
à l’échelle planétaire invite inévitablement les pays dotés de richesses
géographiques à mettre davantage en valeur ces atouts pour se
positionner sur l’échiquier des relations internationales. La situation
alimentaire mondiale étant très incertaine, avec ces tensions plus
fréquentes et plus fortes observées depuis le milieu de la décennie
2000, il s’avère que les puissances agricoles ont tout intérêt à muscler
leur dispositif stratégique dans ce domaine où les jeux de pouvoirs et
les rivalités vont assurément s’amplier.
Si le discours sur le déclin de la France reste prégnant, des messages
diérents doivent aussi être véhiculés. Des dynamiques positives
existent dans certains secteurs et méritent considération dans cette
séquence historique où le pays se doit de repenser l’expression de sa
puissance et de son rang dans le monde. C’est l’un des objectifs de cet
article que de nourrir, par le prisme agricole et alimentaire, le débat
sur la France, sa compétitivité et son inuence internationale.
La France comme acteur central des
échanges mondiaux agricoles et alimentaires
Le discours convenu sur le déclin de l’économie française se
distingue par une certaine dose d’amnésie. Il gomme en eet de sa
démonstration la capacité dun pays à opérer un redressement de
son outil de production dès lors que le contexte historique l’exige, et
quune équipe dirigeante estime qu’il faille rompre avec une politique
ayant conduit au désastre. L’expérience française de la modernisation
des structures économiques dabord au lendemain de la guerre puis
dans le cadre de la Vème République illustre cette capacià se redresser.
Tous les secteurs ont été mobilisés pour atteindre les objectifs xés à
l’époque par les pouvoirs publics. Tous, y compris le secteur agricole
et alimentaire. Dès la n des années 1950 en eet formation de la
Politique Agricole Commune (PAC) puis lois d’Orientation agricole
(LOA) de 1960-1962 – s’enclenche un processus visant à augmenter
les productions agricoles, à nourrir la population française mais aussi
| Sébastien ABIS & Thierry POUCH |
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euroenne, et à intégrer l’agriculture dans le processus général de la
modernisation et de la croissance économique.
La double impulsion donnée par la PAC et les LOA de 1960-
1962 débouchent sur une croissance soutenue des productions
agricoles françaises, faisant du secteur l’un des plus performants du
monde. La progression est telle qu’elle débouche sur la formation
d’avantages comparatifs orant à la France l’opportuni de
s’insérer dans les échanges internationaux de produits agricoles et
alimentaires, et d’en devenir lun des grands exportateurs. Céréales
et produits céréaliers, produits laitiers, vins et boissons, sucre, tels
sont les principaux domaines dans lesquels la France va durablement
s’installer dans la position d’exportateur mondial de premier plan,
au point, progressivement, de dégager et d’accumuler des excédents
commerciaux agroalimentaires à partir de 1978 et jusqu’à nos jours.
En 2012, l’excédent commercial en produits agricoles et alimentaires
a frôlé les 12 milliards d’euros, juste derrière l’aéronautique.
L’entrée dans la mondialisation se concrétise toutefois par une
mutation de la hiérarchie des nations exportatrices de produits
agricoles. L’armation de nouveaux concurrents comme le Brésil
est porteuse d’une érosion relative des performances françaises à
l’exportation. Deuxième exportateur mondial en 1990, le secteur
connaît un déclassement ensuite puisqu’il occupait en 2011 le
cinquième rang, derrière les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne et
désormais le Brésil.
Cette érosion entre par conséquent pleinement dans la
problématique du déclin, dont le rapport de Louis Gallois retrace la
genèse tout en suggérant des pistes pour stopper cette dégradation
de la compétitivi de l’économie française. Sauf que le rapport
Gallois ne dit mot du secteur agricole, et très peu sur l’industrie de la
transformation. De plus, l’évolution du secteur agricole depuis 1990
est assez paradoxale. Non seulement l’érosion des parts de marché
est réelle, mais elle est en réalité contrebalancée par la solidité et la
durabilité de l’excédent commercial agroalimentaire. Il faut y voir le
signe que la France est en mesure, dans le contexte actuel de tensions
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