ÉDITORIAL
Didier LUCAS et Alexandre SHOEPFER
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont
parmi les instruments les plus décisifs du processus de mondialisation,
car en fluidifiant les frontières territoriales, elles incarnent son ambition
universaliste. La naissance du concept d’espace virtuel redéfinit les
relations entre puissances en les déplaçant dans une dimension nouvelle,
qui facilite la communication tout en lui donnant un accent d’irréalité. Si
la géoéconomie veut donc analyser les stratégies de puissance des États,
elle est amenée à prendre en compte ce nouveau terrain d’échanges et
de compétitions. Le jeu vidéo est une des expressions de cet univers, en
tant que lieu de croisement entre créativité et technologie, industrie et
culture.
En un peu plus de 50 ans, l’industrie du jeu vidéo, dernière-née des
industries culturelles et de communication, est devenue une référence sur
le marché des services numériques et un acteur majeur de l’économie de
la culture. Incarnant les tendances anthropologiques et sociales de notre
époque, son entrée dans le marché international des industries culturelles
a bouleversé les structures concurrentielles traditionnelles et inauguré
des nouvelles stratégies compétitives fondées sur l’alliance entre la
compétence technique et la créativité.
S’il a fallu des décennies avant que l’équilibre entre les différents acteurs
économiques se consolide, cette industrie connait désormais un véritable
succès, en proposant des produits allant même au delà des différences
générationnelles et de genre. Toutefois, les modèles économiques du
jeu vidéo poursuivent leur évolution, passant d’un type de distribution
essentiellement physique en magasins à une distribution dématérialisée,
ou d’un mode de jeu de salons ou d’arcade à un mode de jeu nomade à
travers des nouveaux supports de diffusion comme les tablettes et les
smartphones. Ce marché fortement dynamique et en constante évolution
s’impose donc comme un produit à forte valeur ajoutée pour les quelques
pays qui ont réussi à s’y imposer. Bien que la France soit mondialement
reconnue comme un des pays les plus créatifs en matière de jeux vidéo,
son déclin régulier sur le marché européen et mondial peut s’apparenter à
une menace pour l’un des fleurons de notre industrie culturelle.
Quels sont les enjeux et les tendances actuelles et à venir de ce marché ?
Comment la France se positionne-t-elle et saura-t-elle répondre aux
exigences de ce marché en pleine transition ?
Pour répondre à ces questions, la rédaction de Géoéconomie a sollicité
le meilleur expert de ce secteur d’activité en France pour coordonner ce
dossier spécial : Laurent Michaud, responsable du pôle « Loisirs numériques
et électronique grand public » à l’IDATE qui nous gratifie également de
l’article de cadrage de ce dossier sur les tendances actuelles et à venir de
cette industrie. Ce dossier unique en son genre a également reçu le concour
de Philippe Chantepie du ministère de la Culture et de la Communication,
pour nous rappeler la genèse de cette réussite industrielle, ainsi que celui
de Nicolas Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo, pour évoquer
la place et les opportunités de la France sur ce marché. Antoine Dubuquoy
nous présente quant à lui les enjeux et les perspectives de nouveaux
modèles économiques pour cette industrie avec un regard particulier sur
la place et l’avenir de la publicité dans les jeux vidéo. Face à la montée
en puissance de cette industrie et des enjeux qu’elle représente pour
la compétitivité de notre économie, un entretien avec le Député Patrice
Martin-Lalande (auteur en 2011 d’un rapport sur le régime juridique du jeu
vidéo) et un article de Valérie Bourgoin du Centre national du cinéma et de
l’image animée (CNC) nous permettent de mieux comprendre la position
et la stratégie de la France pour protéger et contribuer au développement
de ce secteur où la concurrence internationale fait rage.
Enfin, pour compléter ce numéro, nous vous proposons un article
d’Amine Dafir de l’université Mohammed V Souissi de Rabat sur la
diplomatie économique marocaine en Afrique subsaharienne, ainsi qu’un
article d’Yves Jégourel de l’université Bordeaux IV sur les fonds souverains
et les solutions pour repenser le capitalisme d’État.
Bonne lecture et bonne année 2013 !