JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
PSA or not PSA
Alexandre Peltier, Service Inter-Hospitalier d’Urologie, Campus Porte de Hal
alexandre.peltier@bordet.be
Le cancer de prostate est devenu le premier cancer de l’homme
mûr et également le premier tueur par cancer. Actuellement,
un homme sur huit a un risque de découverte d’un cancer de
prostate.(1) Le dépistage de cancer de prostate a pour objectif
la détection du cancer à un stade précoce et asymptomatique.
Les critères pour un dépistage efficace semblaient réunis en
matière de cancer de prostate avec des progrès techniques
décisifs dans le traitement et l’apparition en clinique d’un mar-
queur presque «idéal» avec le PSA. (Table 1)
Alors pourquoi cette controverse?
En fait, le PSA n’est pas spécifique du cancer de la prostate
C’est une protéase de la famille des Kallicreïnes provenant
des cellules épithéliales des acini et des canaux prostatiques,
sécrétée dans le liquide séminal pour liquéfier le sperme et
n’est donc spécifique que du tissu prostatique.
Son taux sérique est habituellement perturbé en cas d’atteinte
prostatique, que ce soit à cause de la dégénérescence de la
glande prostatique et l’hypertrophie bénigne de la prostate qui
en résulte (comme c’est le cas pour la majorité des PSA modé-
rément élevés avec l’âge) ou lors d’une infection, un infarctus de
l’organe ou a fortiori, d’une tumeur prostatique.
Son utilité dans le monitoring des cancers prostatiques n’a
jamais été démenti mais ses limites comme outil de dépistage
ont toujours été connues. Très tôt, des moyens d’affiner sa sen-
sibilité et sa spécificité ont été développés avec les notions de
vélocité(2), de temps de doublement(3), de
densité du PSA (4) ou de densité par rapport
à la zone transitionnelle (reflétant plus fidèle-
ment le volume de l’hypertrophie bénigne de
la glande)(5), voire le rapport PSA libre/PSA
total(6) ou encore sa corrélation par rapport à
l’âge(7). Globalement la sensibilité et la spé-
cificité du PSA pour le dépistage du can-
cer ne sont pas excellentes: on peut obser-
ver une tumeur agressive avec un PSA stric-
tement normal et par ailleurs il ne permet
pas d’identifier les personnes porteuses d’un
cancer latent ou indolent ne nécessitant pas
de traitement.
Une information attentive du patient concer-
nant les limites du PSA mais également
les conséquences possibles des différents
traitements découlant d’un éventuel diagnostic de cancer de
prostate doivent être remises en perspective et il convient de
rendre sa place centrale à l’individu dans l’attente des
conclusions des grandes études épidémiologiques en cours.
Les résultats d’une étude européenne ne sont pas attendus
avant 2012. Seule l’étude de dépistage réalisée au Ty)rol montre
pour l’instant un impact positif sur la mortalité par cancer de
la prostate Figure 1(8)
Toutefois en usage clinique, le PSA demeure le meilleur outil
de détection précoce du cancer de prostate en attendant le
développement de nouveaux marqueurs plus spécifiques du
cancer évolutif.
Devant les nombreuses questions que pose l’utilisation PSA
dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate, la Belgian
Association of Urology (BAU) a publié une brochure explicative
complète en réaction aux conclusions du KCE.:
Comment interpréter les résultats
du premier PSA et toucher rectal?
Qui adresser à l’urologue?
– Si le PSA est < 0.6 ng/ml à 40 ans, <
–0.6 ng/ml à 45 ans et
< 1 ng/ml à 50 ans, il n’y a pas lieu de répéter le test avant
3 à 5 ans. Si les valeurs sont plus élevées, il est souhaitable
de réaliser un nouveau test tous les ans.
– Si le toucher rectal est anormal (nodule ou asymétrie) ou si le
PSA est supérieur à la valeur maximale pour l’âge, il y aura
lieu de référer le patient à l’urologue. Il décidera s’il faut réa-
liser une échographie de la prostate et éventuellement des
biopsies pour s’assurer du diagnostic.
– Si le premier dépistage est négatif, l’indication de répéter les
examens sera retenue si le toucher rectal devient anormal
ou si le PSA augmente trop rapidement.
– Pour un PSA de départ < 4 ng/ml, on tolère une augmenta-
tion annuelle moyenne <
– 0.5 ng/ml.
Le PSA (Prostate Specific Antigen) est utilisé depuis la fin des
années 80 dans le dépistage du cancer de la prostate chez l’homme
de 50 à 70 ans. Aujourd’hui son utilisation dans ce contexte est
remise en cause. En Belgique, le Centre Fédéral d’Expertises des
Soins de Santé (KCE) a édicté des recommandations visant à
réduire la fréquence des tests PSA et décourager son utilisation
dans le dépistage du cancer de la prostate jusqu’à preuve de son
efficacité. (mars 2006).
– Pour un PSA de départ entre 4 et 10 ng/ml, on
tolère une augmentation annuelle moyenne <
–
0.75 ng/ml.
– Pour calculer l’élévation annuelle moyenne
(vélocité du PSA), il est important de réaliser
au moins trois dosages en 18 à 24 mois dans
le même laboratoire.
En conclusion (BAU)
– Le cancer de la prostate est un cancer très fré-
quent, qui peut parfois être dévastateur et mortel.
– Le cancer de la prostate peut être diagnostiqué
avant qu’il ne provoque des symptômes. Seuls,
les cancers diagnostiqués précocement sont
guérissables.
– Les tests de dépistage existent, mais ils ne sont
pas parfaits. En particulier, ils peuvent conduire à
la détection de cancers prostatiques qui ne
menaceront pas la santé de l’homme.
– La BAU recommande d’informer les patients
sur le risque de cancer de la prostate, les avan-
tages et inconvénients du dépistage, dès l’âge de 50 ans.
– La BAU recommande d’informer les hommes à partir de 40
ans si un frère, le père ou un oncle paternel a été traité pour
un cancer de la prostate, en cas de décès de l’un ou des
deux parents précités de cette forme de cancer, ou si le
patient présente d’autres facteurs de risque.
Dans tous les cas on ne réalisera jamais de dosage de PSA
ou de toucher rectal en l’absence de symptômes urologiques
ou généraux sans avoir au préalable discuté avec le patient
des avantages et inconvénients de ce dépistage.
■
Références
(1) Villers A et al. Progrès en Urologie 2003; 13:209-14.
(2) Carter HB et al. J Am Med Assoc 1192; 267:2215-20.
(3) Schmid H-P et al. Cancer 1993;71:2031-40.
(4) Babaian RJ et al. J Clin Lab Anal 1990; 4:135-7.
(5) Zlotta AR et al. J Urol 1997; 157:1315-21.
(6) Lilja H, Christensson A, Dahlen U, Matikainen M-T, Nilsson O,
Pettersson K, et al. Prostate-specific antigen in serum occurs
predominantly in complex with alpha l-antichymotrypsin.
Clin Chem 1991;37:1618-25.
(7) Oesterling JE et al. J Am Med Assoc 1993; 279:860-4.
(8) Horninger W et al Am J Urol Review 2005:4, 172-175.
Figure 1
Table 1
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007