LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE
L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE
L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 TRIMESTRIEL – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
BELGIQUE/BELGIË
PP/PB
B-714
Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel
Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août
DOSSIER DÉPISTAGE DU CANCER
DE LA PROSTATE pp. 5-13
Table ronde
sur le cancer p. 3
Approche thérapeutique
du myélome multiple p. 14
Le cholangiocarcinome:
une tumeur méconnue
et déroutante p. 19
Nouvelles techniques
chirurgicales pour les
néoplasies osseuses autour
du genou chez l’enfant p. 22
DOSSIER DÉPISTAGE DU CANCER
DE LA PROSTATE pp. 5-13
Table ronde
sur le cancer p. 3
Approche thérapeutique
du myélome multiple p. 14
Le cholangiocarcinome:
une tumeur méconnue
et déroutante p. 19
Nouvelles techniques
chirurgicales pour les
néoplasies osseuses autour
du genou chez l’enfant p. 22
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
1
ÉDITORIAUX
2
Cancer et sexualité
Harry Bleiberg
3
Table ronde sur le cancer
Allocution du Professeur Martine Piccart au Parlement Fédéral
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
5PSA: la position du Centre Fédéral d’expertise
Pas de preuve d’efficacité du dépistage du cancer de la prostate
6
PSA or not PSA
Alexandre Peltier
8
Minimally-invasive treatment of localised prostate cancer –
whole-gland or focal therapy
Hashim Uddin Ahmed, Mark Emberton
10
Au-delà de la morphologie: nouvelles techniques d’imagerie RMN
de la prostate
Marc Lemort
12
Une nouvelle méthode pour la détection des cancers de la prostate
Johan Braeckman, Philippe Autier, Christine Saviany
INFORMATION SCIENTIFIQUE
14
Approche thérapeutique du myélome multiple:
rien ne sera jamais plus comme avant…
Nathalie Meuleman, Dominique Bron
16
L’ABC du Dépistage du mélanome
Wolfram Fink, Pierre Vereecken, Ghanem Ghanem, Marianne Laporte, Michel Heenen
19
Le cholangiocarcinome: une tumeur méconnue et déroutante
Jean-Luc Van Laethem
22
Néoplasies osseuses primitives autour du genou chez l’enfant:
nouvelles techniques chirurgicales révolutionnaires
Michael Gebhart
24
Tumeurs endocrines du tube digestif: une entité méconnue
Thierry Delaunoit
UNE AUTRE APPROCHE DE LA MALADIE
27
La polypose adenomateuse familiale – FAPA-Belgian Polyposis Project
AU-DELÀ DE LA MÉDECINE
28
Le malade, l’artiste
Pierre Sterckx
RÉDACTEURS EN CHEF
Harry BLEIBERG
Ahmad AWADA
Recherche Clinique
Ahmad AWADA
Recherche Translationnelle
Fatima CARDOSO
Recherche Fondamentale
Christos SOTIRIOU
Gilbert VASSART
Hémato-oncologie
Willy FERREMANS
Philippe MARTIAT
Psycho-oncologie
Nicole DELVAUX
Darius RAZAVI
Spécialistes en oncologie
Vincent NINANE
Jean-Luc VAN LAETHEM
Bordet-IRIS
Jean-Pierre KAINS
Martine PICCART
Wallonie
Vincent RICHARD
Erasme
Thierry VELU
COMITÉ DE RÉDACTION
Ahmad AWADA
Harry BLEIBERG
Arsène BURNY
Vincent NINANE
Jean-Claude PECTOR
Martine PICCART
Jean-Luc VAN LAETHEM
CONSEILLERS SCIENTIFIQUES
Marc ABRAMOWICZ
Guy ANDRY
Michel AOUN
Jean-Jacques BODY
Dominique BRON
Dominique DE VALERIOLA
Olivier DEWITT
André EFIRA
Patricia EWALENKO
Patrick FLAMEN
Thierry GIL
Michel GOLDMAN
André GRIVEGNEE
Alain HENDLISZ
Jean KLASTERSKY
Denis LARSIMONT
Marc LEMORT
Dominique LOSSIGNOL
Thi Hiyen N’GUYEN
Thierry ROUMEGUERE
Eric SARIBAN
Jean-Paul SCULIER
Philippe SIMON
ASSISTANTE À LA RÉDACTION
Martine HAZARD – Tél. 02/541 32 01
COMITÉ DE LECTURE
Marianne PAESMANS
Jean-Claude PECTOR
Marielle SAUTOIS
Le contenu des articles publiés
dans ce journal n’engage
que la responsabilité de leur(s) auteur(s)
www.jcancerulb.be
SOMMAIRE
Because
we care
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
2 3
ÉDITORIAUX
Il se peut que le cancer questionne, outre la possibilité de vivre, celle d’aimer et plus encore cette
disposition à faire œuvre, à créer qui est résolument le fait de tout humain
(Patrick Ben Soussan -Marseille)
J’ai été sollicité par un ami pour participer à une table ronde dans le cadre d’une journée sur le
thème sexualité et cancer*. Je suis resté longtemps perplexe ne sachant comment aborder la
question. J’ai fait une recherche sur ‘Google’. Tous les sites qui abordent le sujet se concentrent sur des
aspects machinistes, techniques: mettez un coussin, utilisez de la crème… Il m’est revenu en mémoire ce titre
d’un film des années 70 ‘Et la tendresse ? Bordel ! ‘L’amour, le désir, la sexualité restent de l’ordre du mystère,
de l’inexprimable de l’indicible. Comment les aborder dans le cadre d’un congrès?
Dans la salle, peu de médecins mais des infirmières, des psychologues, des sexologues. Une majorité de fem-
mes. Au fond le problème n’est peut-être pas de l’ordre de la médecine? De quoi peut-on avoir besoin
lorsqu’on est touché dans son intégrité physique? Besoin d’amour, de soutien, de proximité, de paroles. On a
peur ! Peur de ne plus être touché, peur de la mort. Curieusement, personne n’en a vraiment parlé de celle-là.
L’omniprésente, l’obsédante, celle qui contrôle tout, gère tout, fait que pour ne pas l’affronter, une personne est
prête à perdre beaucoup. Pour certains, l’essentiel: un sein, un testicule, sa libido. Sexe, mort, cancer, trois
tabous subtilement imbriqués au cours d’une même réunion.
Une femme dans la salle, une patiente opérée d’un cancer du sein se plaint de l’homme qui l’a quittée (son
«con…joint», dit-elle). Les couples ne résistent-ils pas à l’épreuve de la maladie? Une information tombe! Les
couples confrontés au cancer ne rompent pas plus que dans une population non malade: 30%. Si le couple est
uni avant la maladie, il traverse la tempête et en sort souvent plus soudé qu’au départ. Si l’union est fragile, la
maladie exacerbe les problèmes et le malade se retrouve seul.
Peut-on dire d’un cancer qu’il est plus pénible qu’un autre? Probablement pas. Mais ce qu’ont raconté deux
urologues m’a touché. Peut-être parce que je suis un homme. Eux, ils opèrent tous les cas de cancer. Pour les
tumeurs < 0.5 cc (en Europe) ou <0.2 cc (aux USA), la tendance est de ne pas opérer car les chances étaient
grandes de mourir d’autre chose que d’un cancer de la prostate. Plus de cancers opérés, plus de complica-
tions. Quinze à 20% de troubles de l’érection et d’incontinence urinaire, un à deux ans après la prostatectomie
radicale, si la chirurgie est réalisée par un chirurgien expérimenté et préserve les nerfs érecteurs. Sinon, la majorité
des hommes perdra toute fonction érectile.
J’ai appris qu’après une prostatectomie radicale il fallait réaliser des injections intracaverneuses de prostaglandine
E1, non pas pour permettre aux hommes de faire l’amour, mais parce que l’érection empêche l’atrophie des corps
caverneux et permet d’attendre la récupération de la fonction érectile. Bonne nouvelle! Mais que la route doit
être longue pour revenir à la paix de l’âme et du corps après de telles mutilations. Par ailleurs, il s’est dit que les
conséquences sur la fonction sexuelle d’une intervention chirurgicale étaient effleurées, rarement abordées en
profondeur. Peut-être que, obsédés par le contrôle du cancer, ne pensons-nous pas assez aux effets des trai-
tements sur la sexualité, la vie affective de nos patients? Peut-être pensons-nous que ce n’est pas important,
moins important que le risque de mourir du cancer en tout cas?
Ce numéro du Jcancer nous rapporte des approches diagnostiques qui, à terme, devraient permettre de mieux
diagnostiquer les cancers de la prostate et de mieux surveiller ceux qui sont considérés à moindre risque (J
Braeckman page 12). Une autre approche du futur est l’utilisation d’un faisceau d’ultrasons convergent, de haute
intensité, généré par un transducteur de grande puissance pour produire de la chaleur et la destruction de lésions
focales et éviter la prostatectomie radicale (Hashim Uddin Ahmed page 8). Primum non nocere. En sélectionnant
mieux les personnes à opérer, en modulant l’agressivité de l’acte chirurgical à la gravité des cancers nous pour-
rons peut-être offrir aux patients plus de chances de guérison et la possibilité d’une vie affective, émotionnelle
et sexuelle normale.
Harry Bleiberg
Rédacteur en chef
* Cancer et sexualité. Cannes, 30 Novembre 2007. Hervé Naman, Gisèle Bodino,
Centre Azuréen de Cancérologie. Mougins
Table ronde sur le cancer
Allocution du Professeur Martine Piccart
au Parlement Fédéral – 12/11/2007
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
Je suis honorée de pouvoir partager avec vous ce jour quelques idées relatives à l’importance
de la lutte contre le cancer à l’échelon de la Belgique.
Je fais cette intervention au nom de mes patients et de leurs familles qui souffrent et au nom
des équipes de chercheurs de notre pays qui se battent pour trouver des financements à leur
recherche. Vous l’avez compris: je souhaite me situer au-dessus des clivages politiques car la
lutte contre le cancer nous concerne tous.
Le cancer tue vite et à grande échelle. L’Europe Occidentale enregistre chaque année
1.100.000 de morts par cancer. En Belgique, environ 55.000 nouveaux cas de cancers sont dépistés annuelle-
ment et ces chiffres vont doubler d’ici l’an 2020, en raison du vieillissement de nos populations.
Le combat contre le cancer exige un effort considérable car il s’agit de relever 4 défis:
a) Un défi de santé publique: Les chiffres que je viens de citer parlent d’eux-mêmes. Dans notre assemblée
d’aujourd’hui, un homme sur 3 et une femme sur 4 développera un cancer avant l’âge de 75 ans.
b) Un défi médical : Des efforts importants sont à faire dans notre pays
– pour développer/renforcer des stratégies de prévention et de dépistage précoce,
– pour remotiver les professionnels de la santé, car nous manquons d’infirmiers, de médecins, de cancérologues,
– pour améliorer la formation de ces professionnels,
pour renforcer la coordination des soins, la multidisciplinarité, le respect des «recommandations thérapeutiques»
établies par des experts, la reconnaissance du haut niveau d’expertise nécessaire à la prise en charge des
cancers plus rares.
c) Un défi social :
– Grâce aux progrès thérapeutiques plusieurs maladies cancéreuses vont évoluer comme des maladies chroni-
ques et il faudra améliorer l’accompagnement des malades et de leurs familles.
Le renforcement des soins palliatifs à domicile est souhaitable et va nécessiter une meilleure couverture géo-
graphique.
Avec la guérison plus fréquente de certains cancers se pose le problème de la réinsertion sociale de nos ex-
patients, qui ont droit à reprendre une vie aussi «normale» que possible.
d) Un défi scientifique:
– Jamais nous n’avons disposé de technologies aussi performantes pour décrypter les secrets du comportement
anarchique de la cellule cancéreuse!
Des découvertes récentes, extraordinaires, ont permis, en pénétrant les mécanismes complexes de survie et
de propagation des cellules cancéreuses, de développer des médicaments anticancéreux innovants, ciblés, plus
intelligents que la chimiothérapie traditionnelle.
– Lorsque j’ai demandé au Ministre Demotte de trouver une procédure d’urgence pour rembourser en Belgique
l’un de ces médicaments révolutionnaires appelé Herceptine – qui sauve la vie d’une femme sur 2 atteinte
d’un type de cancer du sein particulier – un nouveau courant a circulé entre le monde de la cancérologie et le
monde politique: Ce dernier doit prendre conscience qu’il faudra assurer une norme de croissance des soins
de santé pour pouvoir faire face à la venue de nombreux autres médicaments intelligents – issus des progrès
de la recherche – et nécessaires à l’amélioration de la survie et de la qualité de vie de nos malades
Parlons de cette recherche, qui est au cœur du progrès en cancérologie. Elle a certes bénéficié d’un ballon
d’oxygène en 2003 grâce au thème «cancer» défendu par Philippe Busquin au niveau du 6ème programme-
cadre de recherche de l’Union Européenne. Malheureusement, le 7eprogramme-cadre ne mettra pas le cancer
au centre de ses préoccupations.
>>>
Cancer et sexualité
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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ÉDITORIAUX
La recherche contre le cancer a au moins 5 facettes, la recherche fondamentale de laboratoire, la recherche cli-
nique, la recherche de transfert qui établit un pont entre les deux précédentes et qui connaît des développe-
ments prodigieux, la recherche en sciences humaines et la recherche en sciences sociales.
Aucune de ces recherches ne bénéficie d’un soutien structurel suffisant en Belgique et nous serions tout à fait
démunis sans l’aide de nos Fondations contre le cancer et du Fonds National de la Recherche Scientifique!!!
La recherche académique, en particulier, mérite l’attention des gouvernements. Reprenons l’exemple de l’Herceptine.
Nous savons que la molécule n’aide globalement qu’une femme sur 2 dont la tumeur porte la «cible» ad hoc mais
nous sommes incapables d’identifier la patiente qui ne va pas répondre au traitement. Le remboursement de ce
médicament coûteux (environ 36.000 euros pour un traitement) concerne donc toutes les femmes potentielle-
ment éligibles.
Or les technologies puissantes permettant d’analyser le bagage génétique des tumeurs et de départager les
répondeurs des non répondeurs sont à notre portée. Nous aurions voulu les utiliser dans les grands essais clini-
ques évaluant l’Herceptine: malheureusement les moyens financiers ont cruellement manqué.
Le message est clair: la recherche doit pouvoir s’appuyer sur des partenariats publics/privés et pas, comme c’est
trop souvent le cas chez nous, sur du mécénat ou sur l’Industrie pharmaceutique. L’argent investi aujourd’hui
dans cette recherche peut conduire, à moyen terme à des économies significatives car les moyens de mieux
individualiser les traitements oncologiques coûteux vont permettre de traiter moins de malades avec une meil-
leure efficacité.
En matière de recherche cancérologique en Belgique, il faudra lutter contre le morcellement, les cloisonnements, le
saupoudrage des financements et, au contraire, renforcer les synergies et créer peut-être, comme en France,
des cancéropôles avec des axes de recherche spécifiques.
Je me réjouis en tout cas de la volonté de certains hommes politiques de notre pays d’envisager sérieusement la
mise sur pied d’un plan national de lutte contre le cancer. Ce plan devra s’articuler autour de 6 thèmes: prévention,
dépistage, organisation des soins, accompagnement, motivation/formation des professionnels et investissement
dans la recherche Il est grand temps de rattraper notre retard par rapport à la France ou à l’Angleterre.
Martine Piccart
Chef du Service de Médecine,
Institut Jules Bordet
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
Le cancer de la prostate est un problème de santé impor-
tant pour les hommes. Plus de la moitié des hommes de
60 ans sont porteurs de cancers microscopiques de la
prostate. Pour une minorité d’entre eux, il s’agit d’une
maladie potentiellement mortelle. Toutefois, la plupart des
hommes âgés mourront avec ces lésions et non à cause
de celles-ci. L’objectif du dépistage est donc de repérer
les cancers agressifs (et pas les autres).
La bonne manière d’y arriver est encore inconnue. L’utili-
sation du PSA est souvent encouragée dans ce but. Mais,
on oublie de signaler que le PSA est un mauvais test dans
le dépistage car il y a trop de résultats «faux positifs» (test
positif mais pas de maladie) et de résultats «faux négatifs»
(test négatif mais présence de maladie). Un nombre impor-
tant d’hommes va recevoir inutilement l’étiquette «cancer
de la prostate», tandis que d’autres dont le résultat est
négatif vont développer un cancer pouvant amener des
douleurs ou le décès.
De plus, on manque de données probantes pour affirmer
qu’un dépistage à grande échelle puisse faire diminuer la
mortalité. Les résultats des premières études sont atten-
dus pour dans quelques années. L’utilisation à grande
échelle du PSA entraîne une détection de tous les cancers,
y compris des cancers «endormis» et entraîne un risque
de traitements inutiles.
On pratique en Belgique, plus d’un million de tests par an,
ce qui veut dire qu’environ un homme sur quatre de plus
de 50 ans est dépisté de manière opportuniste. Il est
souhaitable que les hommes qui souhaitent recevoir le
test discutent d’abord avec leur médecin des incertitudes
et des conséquences liées à celui-ci. Il est nécessaire
aussi de construire un schéma qui permette de réduire la
fréquence des tests et adapte la fréquence des rem-
boursements. La Fondation contre le Cancer en colla-
boration avec le Centre d’Expertise, les associations
scientifiques des généralistes, le «Vlaams agentschap
zorg en gezondheid», la Communauté Française et les
Mutuelles ont uni leurs efforts pour réaliser une bro-
chure destinée aux hommes en bonne santé et à leur
entourage.
Si un cancer est dépisté, il mettra encore 10 à 15 ans avant
de donner des problèmes: attendre et surveiller reste une
option. Il est également possible de traiter par chirurgie ou
radiothérapie. Ces traitements invasifs s’accompagnent
d’effets secondaires comme l’impuissance et l’inconti-
nence. Il est indispensable que la bonne qualité des résul-
tats obtenus en Belgique soit consignée dans un registre
du cancer performant.
Les conclusions scientifiques du Centre d’Expertise vont
à l’encontre des croyances populaires diffusées dans la
presse et de la publicité organisée au sujet des «prosta-
mobiles» et autres dépistages réservés aux hommes. Le
dépistage organisé et la promotion de l’utilisation du PSA
pour les hommes en bonne santé et sans risques parti-
culiers peut faire plus de tort que de bien et entraîne un
gaspillage des moyens.
Le texte intégral de ces recommandations est disponible
sur le site internet du KCE: www.centredexpertise.fgov.be
(rubrique «publications») sous la référence KCE reports
vol 31B: «Health Technology Assessment: l’antigène pros-
tatique spécifique (PSA) dans le dépistage du cancer de
la prostate».
Mambourg F, Van den Bruel A, Devriese S, Leys M, Vinck I, Lona M,
Neyt M, Ramaekers D. L’antigène prostatique spécifique (PSA) dans
le dépistage du cancer de la prostate, Étude n°: 2005-08, Domaine:
Health Technology Assessment (HTA),
http://kce.fgov.be/index_fr.aspx?ID=0&SGREF=3461&CREF=670.
L’utilisation du test PSA dans le dépistage est depuis long-
temps sujette à controverses. La conclusion de l’évaluation
de cette technologie de santé par le Centre Fédéral d’Exper-
tise est sans équivoque: aussi longtemps qu’il n’existe pas
de preuves permettant d’établir que le test fait plus de bien
(moins de décès) qu’il ne fait de tort (effets secondaires de
traitements inutiles comme l’impuissance et l’incontinence),
le dépistage au moyen de ce test n’est pas défendable.
PSA: la position du Centre Fédéral d’expertise
Pas de preuve d’efficacité du dépistage
du cancer de la prostate
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
67
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
PSA or not PSA
Alexandre Peltier, Service Inter-Hospitalier d’Urologie, Campus Porte de Hal
alexandre.peltier@bordet.be
Le cancer de prostate est devenu le premier cancer de l’homme
mûr et également le premier tueur par cancer. Actuellement,
un homme sur huit a un risque de découverte d’un cancer de
prostate.(1) Le dépistage de cancer de prostate a pour objectif
la détection du cancer à un stade précoce et asymptomatique.
Les critères pour un dépistage efficace semblaient réunis en
matière de cancer de prostate avec des progrès techniques
décisifs dans le traitement et l’apparition en clinique d’un mar-
queur presque «idéal» avec le PSA. (Table 1)
Alors pourquoi cette controverse?
En fait, le PSA n’est pas spécifique du cancer de la prostate
C’est une protéase de la famille des Kallicreïnes provenant
des cellules épithéliales des acini et des canaux prostatiques,
sécrétée dans le liquide séminal pour liquéfier le sperme et
n’est donc spécifique que du tissu prostatique.
Son taux sérique est habituellement perturbé en cas d’atteinte
prostatique, que ce soit à cause de la dégénérescence de la
glande prostatique et l’hypertrophie bénigne de la prostate qui
en résulte (comme c’est le cas pour la majorité des PSA modé-
rément élevés avec l’âge) ou lors d’une infection, un infarctus de
l’organe ou a fortiori, d’une tumeur prostatique.
Son utilité dans le monitoring des cancers prostatiques n’a
jamais été démenti mais ses limites comme outil de dépistage
ont toujours été connues. Très tôt, des moyens d’affiner sa sen-
sibilité et sa spécificité ont été développés avec les notions de
vélocité(2), de temps de doublement(3), de
densité du PSA (4) ou de densité par rapport
à la zone transitionnelle (reflétant plus fidèle-
ment le volume de l’hypertrophie bénigne de
la glande)(5), voire le rapport PSA libre/PSA
total(6) ou encore sa corrélation par rapport à
l’âge(7). Globalement la sensibilité et la spé-
cificité du PSA pour le dépistage du can-
cer ne sont pas excellentes: on peut obser-
ver une tumeur agressive avec un PSA stric-
tement normal et par ailleurs il ne permet
pas d’identifier les personnes porteuses d’un
cancer latent ou indolent ne nécessitant pas
de traitement.
Une information attentive du patient concer-
nant les limites du PSA mais également
les conséquences possibles des différents
traitements découlant d’un éventuel diagnostic de cancer de
prostate doivent être remises en perspective et il convient de
rendre sa place centrale à l’individu dans l’attente des
conclusions des grandes études épidémiologiques en cours.
Les résultats d’une étude européenne ne sont pas attendus
avant 2012. Seule l’étude de dépistage réalisée au Ty)rol montre
pour l’instant un impact positif sur la mortalité par cancer de
la prostate Figure 1(8)
Toutefois en usage clinique, le PSA demeure le meilleur outil
de détection précoce du cancer de prostate en attendant le
développement de nouveaux marqueurs plus spécifiques du
cancer évolutif.
Devant les nombreuses questions que pose l’utilisation PSA
dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate, la Belgian
Association of Urology (BAU) a publié une brochure explicative
complète en réaction aux conclusions du KCE.:
Comment interpréter les résultats
du premier PSA et toucher rectal?
Qui adresser à l’urologue?
Si le PSA est < 0.6 ng/ml à 40 ans, <
0.6 ng/ml à 45 ans et
< 1 ng/ml à 50 ans, il n’y a pas lieu de répéter le test avant
3 à 5 ans. Si les valeurs sont plus élevées, il est souhaitable
de réaliser un nouveau test tous les ans.
Si le toucher rectal est anormal (nodule ou asymétrie) ou si le
PSA est supérieur à la valeur maximale pour l’âge, il y aura
lieu de référer le patient à l’urologue. Il décidera s’il faut réa-
liser une échographie de la prostate et éventuellement des
biopsies pour s’assurer du diagnostic.
Si le premier dépistage est négatif, l’indication de répéter les
examens sera retenue si le toucher rectal devient anormal
ou si le PSA augmente trop rapidement.
– Pour un PSA de départ < 4 ng/ml, on tolère une augmenta-
tion annuelle moyenne <
0.5 ng/ml.
Le PSA (Prostate Specific Antigen) est utilisé depuis la fin des
années 80 dans le dépistage du cancer de la prostate chez l’homme
de 50 à 70 ans. Aujourd’hui son utilisation dans ce contexte est
remise en cause. En Belgique, le Centre Fédéral d’Expertises des
Soins de Santé (KCE) a édicté des recommandations visant à
réduire la fréquence des tests PSA et décourager son utilisation
dans le dépistage du cancer de la prostate jusqu’à preuve de son
efficacité. (mars 2006).
– Pour un PSA de départ entre 4 et 10 ng/ml, on
tolère une augmentation annuelle moyenne <
0.75 ng/ml.
Pour calculer l’élévation annuelle moyenne
(vélocité du PSA), il est important de réaliser
au moins trois dosages en 18 à 24 mois dans
le même laboratoire.
En conclusion (BAU)
Le cancer de la prostate est un cancer très fré-
quent, qui peut parfois être dévastateur et mortel.
– Le cancer de la prostate peut être diagnostiqué
avant qu’il ne provoque des symptômes. Seuls,
les cancers diagnostiqués précocement sont
guérissables.
– Les tests de dépistage existent, mais ils ne sont
pas parfaits. En particulier, ils peuvent conduire à
la détection de cancers prostatiques qui ne
menaceront pas la santé de l’homme.
La BAU recommande d’informer les patients
sur le risque de cancer de la prostate, les avan-
tages et inconvénients du dépistage, dès l’âge de 50 ans.
– La BAU recommande d’informer les hommes à partir de 40
ans si un frère, le père ou un oncle paternel a été traité pour
un cancer de la prostate, en cas de décès de l’un ou des
deux parents précités de cette forme de cancer, ou si le
patient présente d’autres facteurs de risque.
Dans tous les cas on ne réalisera jamais de dosage de PSA
ou de toucher rectal en l’absence de symptômes urologiques
ou généraux sans avoir au préalable discuté avec le patient
des avantages et inconvénients de ce dépistage.
Références
(1) Villers A et al. Progrès en Urologie 2003; 13:209-14.
(2) Carter HB et al. J Am Med Assoc 1192; 267:2215-20.
(3) Schmid H-P et al. Cancer 1993;71:2031-40.
(4) Babaian RJ et al. J Clin Lab Anal 1990; 4:135-7.
(5) Zlotta AR et al. J Urol 1997; 157:1315-21.
(6) Lilja H, Christensson A, Dahlen U, Matikainen M-T, Nilsson O,
Pettersson K, et al. Prostate-specific antigen in serum occurs
predominantly in complex with alpha l-antichymotrypsin.
Clin Chem 1991;37:1618-25.
(7) Oesterling JE et al. J Am Med Assoc 1993; 279:860-4.
(8) Horninger W et al Am J Urol Review 2005:4, 172-175.
Figure 1
Table 1
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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