Table ronde sur le cancer Table ronde sur le cancer

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N°9
TR IMESTR I EL – OCTOB R E-NOVEMB R E-DÉC EMB R E 2007
BELGIQUE/BELGIË
PP/PB
B-714
Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel
Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août
LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE
L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
DOSSIER DÉPISTAGE DU CANCER
DE LA PROSTATE
pp. 5-13
Table ronde
sur le cancer
Approche thérapeutique
du myélome multiple
Le cholangiocarcinome:
une tumeur méconnue
et déroutante
Nouvelles techniques
chirurgicales pour les
néoplasies osseuses autour
du genou chez l’enfant
p. 3
p. 14
p. 19
p. 22
Because
we care
SOMMAIRE
RÉDACTEURS EN CHEF
Harry BLEIBERG
Ahmad AWADA
Recherche Clinique
Ahmad AWADA
Recherche Translationnelle
Fatima CARDOSO
Recherche Fondamentale
Christos SOTIRIOU
Gilbert VASSART
Hémato-oncologie
Willy FERREMANS
Philippe MARTIAT
Psycho-oncologie
Nicole DELVAUX
Darius RAZAVI
Spécialistes en oncologie
Vincent NINANE
Jean-Luc VAN LAETHEM
Bordet-IRIS
Jean-Pierre KAINS
Martine PICCART
Wallonie
Vincent RICHARD
Erasme
Thierry VELU
COMITÉ DE RÉDACTION
Ahmad AWADA
Harry BLEIBERG
Arsène BURNY
Vincent NINANE
Jean-Claude PECTOR
Martine PICCART
Jean-Luc VAN LAETHEM
CONSEILLERS SCIENTIFIQUES
Marc ABRAMOWICZ
Guy ANDRY
Michel AOUN
Jean-Jacques BODY
Dominique BRON
Dominique DE VALERIOLA
Olivier DEWITT
André EFIRA
Patricia EWALENKO
Patrick FLAMEN
Thierry GIL
Michel GOLDMAN
André GRIVEGNEE
Alain HENDLISZ
Jean KLASTERSKY
Denis LARSIMONT
Marc LEMORT
Dominique LOSSIGNOL
Thi Hiyen N’GUYEN
Thierry ROUMEGUERE
Eric SARIBAN
Jean-Paul SCULIER
Philippe SIMON
ASSISTANTE À LA RÉDACTION
Martine HAZARD – Tél. 02/541 32 01
[email protected]
COMITÉ DE LECTURE
Marianne PAESMANS
Jean-Claude PECTOR
Marielle SAUTOIS
ÉDITORIAUX
2 Cancer et sexualité
Harry Bleiberg
3 Table ronde sur le cancer
Allocution du Professeur Martine Piccart au Parlement Fédéral
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
5 PSA : la position du Centre Fédéral d’expertise
Pas de preuve d’efficacité du dépistage du cancer de la prostate
6 PSA or not PSA
Alexandre Peltier
8 Minimally-invasive treatment of localised prostate cancer –
whole-gland or focal therapy
Hashim Uddin Ahmed, Mark Emberton
10 Au-delà de la morphologie : nouvelles techniques d’imagerie RMN
de la prostate
Marc Lemort
12 Une nouvelle méthode pour la détection des cancers de la prostate
Johan Braeckman, Philippe Autier, Christine Saviany
INFORMATION SCIENTIFIQUE
14 Approche thérapeutique du myélome multiple :
rien ne sera jamais plus comme avant…
Nathalie Meuleman, Dominique Bron
16 L’ABC du Dépistage du mélanome
Wolfram Fink, Pierre Vereecken, Ghanem Ghanem, Marianne Laporte, Michel Heenen
19 Le cholangiocarcinome : une tumeur méconnue et déroutante
Jean-Luc Van Laethem
22 Néoplasies osseuses primitives autour du genou chez l’enfant :
nouvelles techniques chirurgicales révolutionnaires
Michael Gebhart
24 Tumeurs endocrines du tube digestif : une entité méconnue
Thierry Delaunoit
UNE AUTRE APPROCHE DE LA MALADIE
27 La polypose adenomateuse familiale – FAPA-Belgian Polyposis Project
AU-DELÀ DE LA MÉDECINE
28 Le malade, l’artiste
Pierre Sterckx
Le contenu des articles publiés
dans ce journal n’engage
que la responsabilité de leur(s) auteur(s)
www.jcancerulb.be
1
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
ÉDITORIAUX
Cancer et sexualité
Table ronde sur le cancer
Allocution du Professeur Martine Piccart
au Parlement Fédéral – 12/11/2007
Il se peut que le cancer questionne, outre la possibilité de vivre, celle d’aimer et plus encore cette
disposition à faire œuvre, à créer qui est résolument le fait de tout humain
(Patrick Ben Soussan -Marseille)
J’ai été sollicité par un ami pour participer à une table ronde dans le cadre d’une journée sur le
thème sexualité et cancer*. Je suis resté longtemps perplexe ne sachant comment aborder la
question. J’ai fait une recherche sur ‘Google’. Tous les sites qui abordent le sujet se concentrent sur des
aspects machinistes, techniques : mettez un coussin, utilisez de la crème… Il m’est revenu en mémoire ce titre
d’un film des années 70 ‘Et la tendresse ? Bordel ! ‘L’amour, le désir, la sexualité restent de l’ordre du mystère,
de l’inexprimable de l’indicible. Comment les aborder dans le cadre d’un congrès ?
Dans la salle, peu de médecins mais des infirmières, des psychologues, des sexologues. Une majorité de femmes. Au fond le problème n’est peut-être pas de l’ordre de la médecine ? De quoi peut-on avoir besoin
lorsqu’on est touché dans son intégrité physique ? Besoin d’amour, de soutien, de proximité, de paroles. On a
peur ! Peur de ne plus être touché, peur de la mort. Curieusement, personne n’en a vraiment parlé de celle-là.
L’omniprésente, l’obsédante, celle qui contrôle tout, gère tout, fait que pour ne pas l’affronter, une personne est
prête à perdre beaucoup. Pour certains, l’essentiel : un sein, un testicule, sa libido. Sexe, mort, cancer, trois
tabous subtilement imbriqués au cours d’une même réunion.
Une femme dans la salle, une patiente opérée d’un cancer du sein se plaint de l’homme qui l’a quittée (son
«con…joint», dit-elle). Les couples ne résistent-ils pas à l’épreuve de la maladie ? Une information tombe ! Les
couples confrontés au cancer ne rompent pas plus que dans une population non malade : 30%. Si le couple est
uni avant la maladie, il traverse la tempête et en sort souvent plus soudé qu’au départ. Si l’union est fragile, la
maladie exacerbe les problèmes et le malade se retrouve seul.
Je suis honorée de pouvoir partager avec vous ce jour quelques idées relatives à l’importance
de la lutte contre le cancer à l’échelon de la Belgique.
Je fais cette intervention au nom de mes patients et de leurs familles qui souffrent et au nom
des équipes de chercheurs de notre pays qui se battent pour trouver des financements à leur
recherche. Vous l’avez compris : je souhaite me situer au-dessus des clivages politiques car la
lutte contre le cancer nous concerne tous.
Le cancer tue vite et à grande échelle. L’Europe Occidentale enregistre chaque année
1.100.000 de morts par cancer. En Belgique, environ 55.000 nouveaux cas de cancers sont dépistés annuellement et ces chiffres vont doubler d’ici l’an 2020, en raison du vieillissement de nos populations.
Le combat contre le cancer exige un effort considérable car il s’agit de relever 4 défis :
a) Un défi de santé publique : Les chiffres que je viens de citer parlent d’eux-mêmes. Dans notre assemblée
d’aujourd’hui, un homme sur 3 et une femme sur 4 développera un cancer avant l’âge de 75 ans.
b) Un défi médical : Des efforts importants sont à faire dans notre pays
– pour développer/renforcer des stratégies de prévention et de dépistage précoce,
– pour remotiver les professionnels de la santé, car nous manquons d’infirmiers, de médecins, de cancérologues,
– pour améliorer la formation de ces professionnels,
– pour renforcer la coordination des soins, la multidisciplinarité, le respect des «recommandations thérapeutiques»
établies par des experts, la reconnaissance du haut niveau d’expertise nécessaire à la prise en charge des
cancers plus rares.
c) Un défi social :
Peut-on dire d’un cancer qu’il est plus pénible qu’un autre ? Probablement pas. Mais ce qu’ont raconté deux
urologues m’a touché. Peut-être parce que je suis un homme. Eux, ils opèrent tous les cas de cancer. Pour les
tumeurs < 0.5 cc (en Europe) ou <0.2 cc (aux USA), la tendance est de ne pas opérer car les chances étaient
grandes de mourir d’autre chose que d’un cancer de la prostate. Plus de cancers opérés, plus de complications. Quinze à 20% de troubles de l’érection et d’incontinence urinaire, un à deux ans après la prostatectomie
radicale, si la chirurgie est réalisée par un chirurgien expérimenté et préserve les nerfs érecteurs. Sinon, la majorité
des hommes perdra toute fonction érectile.
J’ai appris qu’après une prostatectomie radicale il fallait réaliser des injections intracaverneuses de prostaglandine
E1, non pas pour permettre aux hommes de faire l’amour, mais parce que l’érection empêche l’atrophie des corps
caverneux et permet d’attendre la récupération de la fonction érectile. Bonne nouvelle ! Mais que la route doit
être longue pour revenir à la paix de l’âme et du corps après de telles mutilations. Par ailleurs, il s’est dit que les
conséquences sur la fonction sexuelle d’une intervention chirurgicale étaient effleurées, rarement abordées en
profondeur. Peut-être que, obsédés par le contrôle du cancer, ne pensons-nous pas assez aux effets des traitements sur la sexualité, la vie affective de nos patients ? Peut-être pensons-nous que ce n’est pas important,
moins important que le risque de mourir du cancer en tout cas ?
Ce numéro du Jcancer nous rapporte des approches diagnostiques qui, à terme, devraient permettre de mieux
diagnostiquer les cancers de la prostate et de mieux surveiller ceux qui sont considérés à moindre risque (J
Braeckman page 12). Une autre approche du futur est l’utilisation d’un faisceau d’ultrasons convergent, de haute
intensité, généré par un transducteur de grande puissance pour produire de la chaleur et la destruction de lésions
focales et éviter la prostatectomie radicale (Hashim Uddin Ahmed page 8). Primum non nocere. En sélectionnant
mieux les personnes à opérer, en modulant l’agressivité de l’acte chirurgical à la gravité des cancers nous pourrons peut-être offrir aux patients plus de chances de guérison et la possibilité d’une vie affective, émotionnelle
et sexuelle normale.
Harry Bleiberg
Rédacteur en chef
– Grâce aux progrès thérapeutiques plusieurs maladies cancéreuses vont évoluer comme des maladies chroniques et il faudra améliorer l’accompagnement des malades et de leurs familles.
– Le renforcement des soins palliatifs à domicile est souhaitable et va nécessiter une meilleure couverture géographique.
– Avec la guérison plus fréquente de certains cancers se pose le problème de la réinsertion sociale de nos expatients, qui ont droit à reprendre une vie aussi «normale» que possible.
d) Un défi scientifique :
– Jamais nous n’avons disposé de technologies aussi performantes pour décrypter les secrets du comportement
anarchique de la cellule cancéreuse !
– Des découvertes récentes, extraordinaires, ont permis, en pénétrant les mécanismes complexes de survie et
de propagation des cellules cancéreuses, de développer des médicaments anticancéreux innovants, ciblés, plus
intelligents que la chimiothérapie traditionnelle.
– Lorsque j’ai demandé au Ministre Demotte de trouver une procédure d’urgence pour rembourser en Belgique
l’un de ces médicaments révolutionnaires appelé Herceptine – qui sauve la vie d’une femme sur 2 atteinte
d’un type de cancer du sein particulier – un nouveau courant a circulé entre le monde de la cancérologie et le
monde politique : Ce dernier doit prendre conscience qu’il faudra assurer une norme de croissance des soins
de santé pour pouvoir faire face à la venue de nombreux autres médicaments intelligents – issus des progrès
de la recherche – et nécessaires à l’amélioration de la survie et de la qualité de vie de nos malades
Parlons de cette recherche, qui est au cœur du progrès en cancérologie. Elle a certes bénéficié d’un ballon
d’oxygène en 2003 grâce au thème «cancer» défendu par Philippe Busquin au niveau du 6ème programmecadre de recherche de l’Union Européenne. Malheureusement, le 7e programme-cadre ne mettra pas le cancer
au centre de ses préoccupations.
>>>
* Cancer et sexualité. Cannes, 30 Novembre 2007. Hervé Naman, Gisèle Bodino,
Centre Azuréen de Cancérologie. Mougins
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
ÉDITORIAUX
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
La recherche contre le cancer a au moins 5 facettes, la recherche fondamentale de laboratoire, la recherche clinique, la recherche de transfert qui établit un pont entre les deux précédentes et qui connaît des développements prodigieux, la recherche en sciences humaines et la recherche en sciences sociales.
Aucune de ces recherches ne bénéficie d’un soutien structurel suffisant en Belgique et nous serions tout à fait
démunis sans l’aide de nos Fondations contre le cancer et du Fonds National de la Recherche Scientifique !!!
La recherche académique, en particulier, mérite l’attention des gouvernements. Reprenons l’exemple de l’Herceptine.
Nous savons que la molécule n’aide globalement qu’une femme sur 2 dont la tumeur porte la «cible» ad hoc mais
nous sommes incapables d’identifier la patiente qui ne va pas répondre au traitement. Le remboursement de ce
médicament coûteux (environ 36.000 euros pour un traitement) concerne donc toutes les femmes potentiellement éligibles.
Or les technologies puissantes permettant d’analyser le bagage génétique des tumeurs et de départager les
répondeurs des non répondeurs sont à notre portée. Nous aurions voulu les utiliser dans les grands essais cliniques évaluant l’Herceptine : malheureusement les moyens financiers ont cruellement manqué.
Le message est clair: la recherche doit pouvoir s’appuyer sur des partenariats publics/privés et pas, comme c’est
trop souvent le cas chez nous, sur du mécénat ou sur l’Industrie pharmaceutique. L’argent investi aujourd’hui
dans cette recherche peut conduire, à moyen terme à des économies significatives car les moyens de mieux
individualiser les traitements oncologiques coûteux vont permettre de traiter moins de malades avec une meilleure efficacité.
En matière de recherche cancérologique en Belgique, il faudra lutter contre le morcellement, les cloisonnements, le
saupoudrage des financements et, au contraire, renforcer les synergies et créer peut-être, comme en France,
des cancéropôles avec des axes de recherche spécifiques.
Je me réjouis en tout cas de la volonté de certains hommes politiques de notre pays d’envisager sérieusement la
mise sur pied d’un plan national de lutte contre le cancer. Ce plan devra s’articuler autour de 6 thèmes: prévention,
dépistage, organisation des soins, accompagnement, motivation/formation des professionnels et investissement
dans la recherche Il est grand temps de rattraper notre retard par rapport à la France ou à l’Angleterre.
Martine Piccart
Chef du Service de Médecine,
Institut Jules Bordet
PSA: la position du Centre Fédéral d’expertise
Pas de preuve d’efficacité du dépistage
du cancer de la prostate
L’utilisation du test PSA dans le dépistage est depuis longtemps sujette à controverses. La conclusion de l’évaluation
de cette technologie de santé par le Centre Fédéral d’Expertise est sans équivoque : aussi longtemps qu’il n’existe pas
de preuves permettant d’établir que le test fait plus de bien
(moins de décès) qu’il ne fait de tort (effets secondaires de
traitements inutiles comme l’impuissance et l’incontinence),
le dépistage au moyen de ce test n’est pas défendable.
test discutent d’abord avec leur médecin des incertitudes
et des conséquences liées à celui-ci. Il est nécessaire
aussi de construire un schéma qui permette de réduire la
fréquence des tests et adapte la fréquence des remboursements. La Fondation contre le Cancer en collaboration avec le Centre d’Expertise, les associations
scientifiques des généralistes, le «Vlaams agentschap
zorg en gezondheid», la Communauté Française et les
Mutuelles ont uni leurs efforts pour réaliser une brochure destinée aux hommes en bonne santé et à leur
entourage.
Le cancer de la prostate est un problème de santé important pour les hommes. Plus de la moitié des hommes de
60 ans sont porteurs de cancers microscopiques de la
prostate. Pour une minorité d’entre eux, il s’agit d’une
maladie potentiellement mortelle. Toutefois, la plupart des
hommes âgés mourront avec ces lésions et non à cause
de celles-ci. L’objectif du dépistage est donc de repérer
les cancers agressifs (et pas les autres).
Si un cancer est dépisté, il mettra encore 10 à 15 ans avant
de donner des problèmes: attendre et surveiller reste une
option. Il est également possible de traiter par chirurgie ou
radiothérapie. Ces traitements invasifs s’accompagnent
d’effets secondaires comme l’impuissance et l’incontinence. Il est indispensable que la bonne qualité des résultats obtenus en Belgique soit consignée dans un registre
du cancer performant.
La bonne manière d’y arriver est encore inconnue. L’utilisation du PSA est souvent encouragée dans ce but. Mais,
on oublie de signaler que le PSA est un mauvais test dans
le dépistage car il y a trop de résultats «faux positifs» (test
positif mais pas de maladie) et de résultats «faux négatifs»
(test négatif mais présence de maladie). Un nombre important d’hommes va recevoir inutilement l’étiquette «cancer
de la prostate», tandis que d’autres dont le résultat est
négatif vont développer un cancer pouvant amener des
douleurs ou le décès.
Les conclusions scientifiques du Centre d’Expertise vont
à l’encontre des croyances populaires diffusées dans la
presse et de la publicité organisée au sujet des «prostamobiles» et autres dépistages réservés aux hommes. Le
dépistage organisé et la promotion de l’utilisation du PSA
pour les hommes en bonne santé et sans risques particuliers peut faire plus de tort que de bien et entraîne un
gaspillage des moyens.
Le texte intégral de ces recommandations est disponible
sur le site internet du KCE: www.centredexpertise.fgov.be
(rubrique «publications») sous la référence KCE reports
vol 31B: «Health Technology Assessment: l’antigène prostatique spécifique (PSA) dans le dépistage du cancer de
la prostate».
■
De plus, on manque de données probantes pour affirmer
qu’un dépistage à grande échelle puisse faire diminuer la
mortalité. Les résultats des premières études sont attendus pour dans quelques années. L’utilisation à grande
échelle du PSA entraîne une détection de tous les cancers,
y compris des cancers «endormis» et entraîne un risque
de traitements inutiles.
Mambourg F, Van den Bruel A, Devriese S, Leys M, Vinck I, Lona M,
Neyt M, Ramaekers D. L’antigène prostatique spécifique (PSA) dans
le dépistage du cancer de la prostate, Étude n°: 2005-08, Domaine:
Health Technology Assessment (HTA),
On pratique en Belgique, plus d’un million de tests par an,
ce qui veut dire qu’environ un homme sur quatre de plus
de 50 ans est dépisté de manière opportuniste. Il est
souhaitable que les hommes qui souhaitent recevoir le
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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http://kce.fgov.be/index_fr.aspx?ID=0&SGREF=3461&CREF=670.
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JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
PSA or not PSA
Alexandre Peltier, Service Inter-Hospitalier d’Urologie, Campus Porte de Hal
[email protected]
– Pour un PSA de départ entre 4 et 10 ng/ml, on
tolère une augmentation annuelle moyenne <
–
0.75 ng/ml.
– Pour calculer l’élévation annuelle moyenne
(vélocité du PSA), il est important de réaliser
au moins trois dosages en 18 à 24 mois dans
le même laboratoire.
En conclusion (BAU)
traitements découlant d’un éventuel diagnostic de cancer de
prostate doivent être remises en perspective et il convient de
rendre sa place centrale à l’individu dans l’attente des
conclusions des grandes études épidémiologiques en cours.
Les résultats d’une étude européenne ne sont pas attendus
avant 2012. Seule l’étude de dépistage réalisée au Ty)rol montre
pour l’instant un impact positif sur la mortalité par cancer de
la prostate Figure 1 (8)
Le PSA (Prostate Specific Antigen) est utilisé depuis la fin des
années 80 dans le dépistage du cancer de la prostate chez l’homme
de 50 à 70 ans. Aujourd’hui son utilisation dans ce contexte est
remise en cause. En Belgique, le Centre Fédéral d’Expertises des
Soins de Santé (KCE) a édicté des recommandations visant à
réduire la fréquence des tests PSA et décourager son utilisation
dans le dépistage du cancer de la prostate jusqu’à preuve de son
efficacité. (mars 2006).
Toutefois en usage clinique, le PSA demeure le meilleur outil
de détection précoce du cancer de prostate en attendant le
développement de nouveaux marqueurs plus spécifiques du
cancer évolutif.
Le cancer de prostate est devenu le premier cancer de l’homme
mûr et également le premier tueur par cancer. Actuellement,
un homme sur huit a un risque de découverte d’un cancer de
prostate.(1) Le dépistage de cancer de prostate a pour objectif
la détection du cancer à un stade précoce et asymptomatique.
Les critères pour un dépistage efficace semblaient réunis en
matière de cancer de prostate avec des progrès techniques
décisifs dans le traitement et l’apparition en clinique d’un marqueur presque «idéal» avec le PSA. (Table 1)
Devant les nombreuses questions que pose l’utilisation PSA
dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate, la Belgian
Association of Urology (BAU) a publié une brochure explicative
complète en réaction aux conclusions du KCE.:
Comment interpréter les résultats
du premier PSA et toucher rectal ?
Qui adresser à l’urologue ?
Alors pourquoi cette controverse ?
En fait, le PSA n’est pas spécifique du cancer de la prostate
C’est une protéase de la famille des Kallicreïnes provenant
des cellules épithéliales des acini et des canaux prostatiques,
sécrétée dans le liquide séminal pour liquéfier le sperme et
n’est donc spécifique que du tissu prostatique.
– Si le PSA est < 0.6 ng/ml à 40 ans, <
– 0.6 ng/ml à 45 ans et
< 1 ng/ml à 50 ans, il n’y a pas lieu de répéter le test avant
3 à 5 ans. Si les valeurs sont plus élevées, il est souhaitable
de réaliser un nouveau test tous les ans.
– Le cancer de la prostate est un cancer très fréquent, qui peut parfois être dévastateur et mortel.
– Le cancer de la prostate peut être diagnostiqué
avant qu’il ne provoque des symptômes. Seuls,
les cancers diagnostiqués précocement sont
guérissables.
– Les tests de dépistage existent, mais ils ne sont
pas parfaits. En particulier, ils peuvent conduire à
la détection de cancers prostatiques qui ne
menaceront pas la santé de l’homme.
– La BAU recommande d’informer les patients Figure 1
sur le risque de cancer de la prostate, les avantages et inconvénients du dépistage, dès l’âge de 50 ans.
– La BAU recommande d’informer les hommes à partir de 40
ans si un frère, le père ou un oncle paternel a été traité pour
un cancer de la prostate, en cas de décès de l’un ou des
deux parents précités de cette forme de cancer, ou si le
patient présente d’autres facteurs de risque.
Dans tous les cas on ne réalisera jamais de dosage de PSA
ou de toucher rectal en l’absence de symptômes urologiques
ou généraux sans avoir au préalable discuté avec le patient
des avantages et inconvénients de ce dépistage.
■
Références
(1) Villers A et al. Progrès en Urologie 2003; 13:209-14.
(2) Carter HB et al. J Am Med Assoc 1192; 267:2215-20.
(3) Schmid H-P et al. Cancer 1993;71:2031-40.
(4) Babaian RJ et al. J Clin Lab Anal 1990; 4:135-7.
(5) Zlotta AR et al. J Urol 1997; 157:1315-21.
(6) Lilja H, Christensson A, Dahlen U, Matikainen M-T, Nilsson O,
Pettersson K, et al. Prostate-specific antigen in serum occurs
predominantly in complex with alpha l-antichymotrypsin.
Clin Chem 1991;37:1618-25.
(7) Oesterling JE et al. J Am Med Assoc 1993; 279:860-4.
(8) Horninger W et al Am J Urol Review 2005:4, 172-175.
– Si le toucher rectal est anormal (nodule ou asymétrie) ou si le
PSA est supérieur à la valeur maximale pour l’âge, il y aura
lieu de référer le patient à l’urologue. Il décidera s’il faut réaliser une échographie de la prostate et éventuellement des
biopsies pour s’assurer du diagnostic.
Son taux sérique est habituellement perturbé en cas d’atteinte
prostatique, que ce soit à cause de la dégénérescence de la
glande prostatique et l’hypertrophie bénigne de la prostate qui
en résulte (comme c’est le cas pour la majorité des PSA modérément élevés avec l’âge) ou lors d’une infection, un infarctus de
l’organe ou a fortiori, d’une tumeur prostatique.
– Si le premier dépistage est négatif, l’indication de répéter les
examens sera retenue si le toucher rectal devient anormal
ou si le PSA augmente trop rapidement.
Son utilité dans le monitoring des cancers prostatiques n’a
jamais été démenti mais ses limites comme outil de dépistage
ont toujours été connues. Très tôt, des moyens d’affiner sa sensibilité et sa spécificité ont été développés avec les notions de
vélocité (2), de temps de doublement (3), de
densité du PSA (4) ou de densité par rapport
à la zone transitionnelle (reflétant plus fidèlement le volume de l’hypertrophie bénigne de
la glande) (5), voire le rapport PSA libre/PSA
total (6) ou encore sa corrélation par rapport à
l’âge (7). Globalement la sensibilité et la spécificité du PSA pour le dépistage du cancer ne sont pas excellentes: on peut observer une tumeur agressive avec un PSA strictement normal et par ailleurs il ne permet
pas d’identifier les personnes porteuses d’un
cancer latent ou indolent ne nécessitant pas
de traitement.
– Pour un PSA de départ < 4 ng/ml, on tolère une augmentation annuelle moyenne <
– 0.5 ng/ml.
Une information attentive du patient concernant les limites du PSA mais également
les conséquences possibles des différents
Table 1
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JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
DOSSIER DÉPISTAGE DE LA PROSTATE
Minimally-invasive treatment
of localised prostate cancer –
whole-gland or focal therapy
Hashim Uddin Ahmed 1, MRCS(Ed), BM, BCh(Oxon),
Hashim Uddin Ahmed
BA(Hons); Mark Emberton2 FRCS(Urol), FRCS, MD, MBBS,
BSc. The Institute of Urology, Division of Surgical and
Interventional Sciences, University College London, London
[email protected][email protected]
Mark Emberton
1.Pelican Cancer Foundation Clinical Research Fellow, Specialist Registrar in Urology, Imperial College
Healthcare NHS Trust. Reader in Interventional Oncology and Consultant Urological Surgeon,
2. Clinical Director, Clinical Effectiveness Unit, The Royal College of Surgeons of England, 35-43 Lincoln Inn Fields, London, UK
Introduction
There are currently two transrectal HIFU machines – Sonablate®
500 (Focus Surgery, USA) and the Ablatherm® (Edap, France).
When used for whole gland ablation, HIFU produces good
results giving rise to erectile dysfunction in 30%-50%, urethral stricture in about 11-15%, incontinence in 2-5%. The few
cases of recto-urethral fistula (<0.5%) were associated with
early technology. Cancer free survival ranges from 87-94%
within 3-5 year follow-up. Both HIFU and cryosurgery are
limited in their outcome data, with most studies reporting differing follow-up regimens and definitions of failure based on
biochemical parameters or biopsy data or a combination of
both 2 (Figure 1).
Prostate cancer is increasing in incidence and accounts for
one fifth of all new male cancers diagnosed. The use of PSA
has resulted in a greater proportion of low risk cancers occurring in younger men. Due to the reduction in disease severity
as a result of early detection it is likely that the small absolute
risk reduction of 5% associated with radical surgery compared
to watchful waiting over ten years is likely to be reduced even
further1. This change will have consequences to the way
prostate cancer is treated. Currently, men have to choose
between radical therapy and active surveillance. However,
men will tend to be more averse to the risk of complications
associated with radical therapy, but will wish to have treatment
over active surveillance due to the psychological burden of
having a ‘cancer’. In summary, radical radiotherapy on average
causes moderate to severe recto-anal toxicity and urinary problems in almost half of patients, with nearly all suffering minor
symptoms. Surgery causes less damage rectally, but a third
suffer chronic urinary symptoms. Both modalities give rise to
impotence in well over half. There are two obvious routes to
reduce toxicity. The first is to develop minimally-invasive techniques without the complications of surgery or radiotherapy.
The second would be to develop treatments that would destroy
only the cancer, so-called focal therapy.
Minimally-invasive treatments
Cryotherapy induces cell death by two main mechanisms:
direct cellular toxicity from disruption of the cellular membrane
caused by ‘iceball’ crystals and vascular compromise from
thrombosis and ischaemia. Whole-gland ablation gives rise to
incontinence rates below 10% and recto-urethral fistula below
0.5%. Nonetheless, erectile dysfunction remains worryingly
high at well over 70%, with many series approaching 100%.
High intensity focused ultrasound (HIFU) works by focusing
high energy ultrasound waves onto a single location and
increasing the local temperature to over 80°C. In prostate
cancer, a transrectal probe is used. This causes a discrete lesion
of coagulative necrosis measuring 3mm by 3mm by 10mm.
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
Figure 1: Axial dynamic contrast-enhanced MRI 2 weeks post
whole-gland ablation using Sonablate 500 HIFU device in a man
with intermediate risk prostate cancer. Conformal treatment
is demonstrated by absence of contrast within the prostate.
Outcome was unrecordable PSA at 6 months.
8
ultrasound-guided prostate mapping biopsies using a brachytherapy template to direct the needle can be used to ensure
systematic sampling of the whole gland. Using 5mm-spaced
biopsies in this method gives accuracy rates of 87-95% for
all sizes of tumour foci. Transperineal template biopsies cannot
however provide the long-term solution to direct focal therapy.
The requirement for general or regional anaesthesia in order
to take the requisite 30-70 biopsies for every prostate prevent it
from sitting comfortably with the minimally-invasive nature of
focal therapy (Figure 2).
Photodynamic therapy involves the use of an intravenous photosensitising drug followed by light delivery of an appropriate
wavelength to the target area, using transperineal needles
similar to cryoablation. The resulting photochemical reaction
produces oxygen species highly toxic and reactive with tissue
causing functional and structural damage and hence, cell death.
At this moment in time, PDT is in its infancy with only preliminary small case series looking at efficacy and safety, although
multicentre trials are under plan. At present there is no capacity
for real-time monitoring of tissue effects whilst the variable
optical properties of the prostate gland make precision of
necrosis difficult. These technical problems are likely to be
overcome with improvements in ultrasound doppler technology while basic research continues to refine our knowledge of
how light behaves in vivo in this heterogeneous tissue. Radiofrequency interstitial tumour ablation (RITA) is a novel technology that targets low-level radiofrequency energy to heat
and ablate tissue by coagulative necrosis using transperineal
percutaneous needles inserted under ultrasound guidance.
RITA has been demonstrated to be effective in other solid
organs such as renal and hepatic tumours, but only a small
number of studies have looked at its use in treating prostate
cancer with small numbers and insufficient follow-up. Like
PDT it is still in its infancy.
Focal therapy
Prostate cancer has always been regarded as a multifocal
disease. Whilst this may be true for a large number of men a
significant number will have unilateral or bilateral low-volume
disease suitable for tumour only focal therapy. Most important is the inclusion within the concept of ‘multi-focality’ of a
large proportion of clinically insignificant tumours. Other than
the index or dominant tumour, 80% of tumour foci have a volume of less than 0.5cm 3. These small foci are likely to represent
clinically insignificant. Furthermore, between 10-40% have
unilateral disease. Given these facts it seems a reasonable
hypothesis that if a treatment were available, focal therapy,
that had virtually no genito-urinary side-effects and had proven
acceptable levels of oncological efficacy, men would choose
this rather than the only current, non-radical therapeutic alternative of active surveillance 3. Onik et al4 reported their results
on hemiablation using cryotherapy with one-year follow-up. 7%
(4/42) required whole-gland treatment due to cancer in the
untreated half. Interestingly, of those men potent prior to
hemiablation, 78% (25/32) maintained potency. Bahn et al 5
have recently reported on another series treated with hemiablation by cryotherapy. At a mean follow-up of 70 months, a
96.0% negative-biopsy rate (24/25) was observed. Potency
was maintained by 88.9%.
Figure 2: Axial dynamic contrast-enhanced MRI 2 weeks
post hemiablation using Sonablate 500 HIFU device in a man
with intermediate risk right-sided prostate cancer.
Erectile returned to normal within 2 weeks.
Conclusion
Whilst medium term data is now emerging demonstrating a
role for cryosurgery and HIFU, the lack of significant reduction
in impotence rates has meant the search for greater precision of treatment. In this respect, focal therapy offers the
greatest promise.
■
Focal therapy requires additional precision in localising the
tumour within the gland. This can be done in one of two ways.
The modalities of MRI (spectroscopy, endorectal-coil and pelvic
phased arrays, dynamic contrast-enhancement, diffusion) have
made the localisation of small cancers a more realistic proposition. However, accuracy rates vary between 70-90% depending on criteria used to define significant tumours 6. If these
modalities are combined, so-called multi-sequence MRI, the
accuracy is further refined although we have yet to see accuracy rates approaching 95%. In the meantime, transperineal
References
1. Bill-Axelsen A et al., NEJM 2005; 352:1977-1984.
2. Aus G., Eur Urol. 2006; 50(5):927-34.
3. Ahmed HU et al., Nat Clin Pract Oncol. 2007 Nov; 4(11):632-42.
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meeting, New Orleans, LA. 2005; Abstract 506.
5. Bahn DK et al., J Endourol 2006; 20: 688-692.
6. Kirkham AP et al., Eur Urol 2006; 50: 1163-1174.
9
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
DOSSIER DÉPISTAGE PROSTATE
Au-delà de la morphologie :
nouvelles techniques d’imagerie RMN
de la prostate
Marc Lemort, S.L Chao
Unité de Résonance Magnétique, Service d’Imagerie Médicale, Institut Jules Bordet
[email protected]
L’IRM de la prostate, lorsqu’elle ne fait appel qu’aux techniques
morphologiques, a une utilité limitée aux tumeurs prostatiques
prouvées et dont le risque d’extension loco-régionale est élevé
sur base de l’examen clinique, du taux de PSA et du résultat des
biopsies (1). Le but de l’imagerie prostatique est alors de démontrer l’absence d’extension aux vésicules séminales, aux tissus
mous péri-prostatiques ou aux organes voisins, ainsi que l’absence d’adénopathies pelviennes suspectes sur base de leur
taille. L’IRM est en effet actuellement la technique d’imagerie
la plus performante pour l’étude morphologique de la région
pelvienne. Dans ce cas, la technique d’acquisition fait appel à
l’utilisation à la fois d’une antenne endorectale et d’une antenne
de surface externe, couplées en réseau phasé, afin d’obtenir
un signal et une résolution optimaux.
a)
c)
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
Malheureusement tant la sensibilité que la spécificité des anomalies de signal en T2 décelées dans la zone périphérique de la
prostate, où la majeure partie des adénocarcinomes se développent, sont faibles. Donc l’examen purement morphologique
est de peu de valeur pour estimer l’extension intraprostatique
de la tumeur.
D’un autre côté, l’échographie transrectale avec guidage de
biopsies multiples ne détecte pas 8% à 30% des tumeurs palpables cliniquement et 30% à 60% des tumeurs sont sousstadifiées.
Or, le développement de traitements alternatifs à la prostatectomie totale comprenant la curiethérapie ciblée, la radiothérapie à modulation d’intensité, l’utilisation d’ultrasons focalisés
à haute énergie (HIFU) rend intéressante la détermination non
invasive la plus exacte possible du stade pathologique de la
tumeur, aujourd’hui seulement accessible à l’examen de la
pièce opératoire.
Trois techniques complémentaires à l’IRM prostatique classique,
et possibles au cours d’une même procédure d’examen, retiennent actuellement l’attention pour améliorer les performances
de localisation tumorale par l’IRM : l’imagerie dynamique avec
ou sans calcul d’images paramétriques basées sur un modèle
pharmacocinétique (DCE-MRI); l’imagerie spectroscopique
(CSI); et l’imagerie pondérée en diffusion. La première (DCEMRI) (Fig. 1 a et b) étudie les caractéristiques de vascularisation
des lésions, le but étant d’identifier les régions caractérisées
soit par une densité et/ou une perméabilité microvasculaire
anormale, soit par un espace interstitiel (espace extravasculaire
de diffusion du Gadolinium) anormal. La modélisation pharmacocinétique basée sur le modèle simple de Tofts et Kermode (2)
permet de quantifier les paramètres dynamiques et de réaliser
des cartes paramétriques superposées aux images anatomiques T2 (Fig. 1 b). Ces paramètres sont bien corrélés au stade
tumoral clinique et pathologique, et font passer la sensibilité
et la spécificité de l’IRM de 37% à 77% et de 67% à 75% pour
b)
Figure 1 (a-d) : Adénocarcinome prostatique. La figure 1 a) montre
le foyer de prise de contraste précoce dans la partie droite
de la prostate sur une image dynamique en écho de gradient 3D.
La figure 1 b) montre l’image paramétrique Kps, où l’overlay en couleurs
montre les zones où les valeurs de la constante de transfert (Kps)
calculée sur chaque voxel dépasse de 2 SD (rouge) la valeur moyenne
admise dans une prostate périphérique normale. Cette constante,
calculée grâce au modèle pharmacocinétique de Tofts et Kernode,
reflète à la fois la densité microvasculaire et la perméabilité du lit
vasculaire tumoral. Les figures 1 c) et d) montrent respectivement
l’image paramétrique CSI de la même tumeur (imagerie spectroscopique,
rapport Cho+Cr/Ci) et le “mapping” des tracés spectroscopiques.
d)
10
a)
b)
Figure 2 : Imagerie spectroscopique (CSI) d’un adénocarcinome
de la prostate. La tumeur est visible à l’apex et à partie moyenne
de la périphérie prostatique à droite (flèches). On note le pic de citrate
de faible amplitude sur le spectre inférieur et les rapports Cho+Cr/Ci
élevés dans la tumeur sur les images paramétriques
(overlay couleur). Le spectre supérieur montre le tracé normal du
parenchyme glandulaire prostatique dans une zone non affectée.
Figure 3 (a-b) : Imagerie en diffusion : la figure 3 a) montre la carte des
valeurs ADC avec à gauche un volumineux nodule où les valeurs du
coefficient apparent de diffusion sont fortement baissées (flèches) par
rapport aux tissus voisins. La figure 3 b) montre la tumeur (adénocarcinome Gleason 5) sur l’image morphologique T2 (flèches).
les lésions localisées, comparativement à l’utilisation de l’imagerie morphologique T2 seule.
l’imagerie pondérée en diffusion et des cartes d’ADC a déjà été
montré dans l’étude des tumeurs et abcès cérébraux, du
diagnostic différentiel du tassement vertébral isolé, et de la
caractérisation des tumeurs mammaires. Ces techniques sont
actuellement en test comme complément d’évaluation des
tumeurs prostatiques (Fig. 3).
L’imagerie spectroscopique (CSI) étudie quant à elle des caractéristiques métaboliques (statiques) du tissu prostatique (3); les
métabolites d’intérêt en spectroscopie RMN 1H in vivo sont,
dans le cas de la prostate, la choline (Cho), la créatine (Cre) et le
citrate (Ci). Le tissu glandulaire prostatique normal contient une
grande quantité de citrate aisément identifiable sur le spectre 1H
(Fig 2). La quantité de citrate diminue dans les zones infiltrées
par un carcinome prostatique, au prorata de la dédifférenciation et
de la densité cellulaire. Par ailleurs, on observe dans ces tumeurs
malignes une augmentation de la teneur en choline, un précurseur de la synthèse membranaire. La quantification des concentrations tissulaires en métabolites est un problème méthodologique très difficile en spectroscopie RMN in vivo. Les résultats
sont donc exprimés en termes de rapports entre métabolites,
typiquement le rapport Cho+Cr/Ci dans le cas de la prostate
(Fig. 1c et 2).
Un des intérêts potentiels des techniques avancées d’imagerie
prostatique pouvant être notamment de guider le geste de biopsie transrectale chez les patients avec un taux de PSA suggestif
ou une lésion palpable, il serait intéressant dans ces cas de pratiquer l’IRM avant les biopsies afin d’éviter les remaniements postbiopsiques parfois très gênants pour l’interprétation; si ce n’est
pas possible, un délai suffisant (idéalement 8 semaines, minimum
4 semaines) doit être respecté entre biopsies et IRM.
La synergie diagnostique apportée par l’évaluation morphologique couplée à l’enregistrement non invasif de caractéristiques
tissulaires, métaboliques et physiologiques devrait permettre à
l’IRM d’améliorer sa sensibilité et sa spécificité tant dans le bilan
d’extension que pour le suivi sous traitement et de fournir d’importants éléments de décision dans le choix de la meilleure
prise en charge.
■
L’augmentation du champ magnétique (en passant par exemple
de 1.5 à 3.0 Tesla) permet à la fois d’augmenter la résolution
spectrale et le signal, ce qui peut laisser espérer une fiabilité
accrue et/ou une meilleure résolution spatiale de l’imagerie spectroscopique de la prostate. Outre une meilleure cartographie
de l’extension intraprostatique, ces progrès laissent espérer
aussi une amélioration de la spécificité de l’IRM prostatique
pouvant atteindre plus de 90% dans les meilleures séries en
combinaison avec l’imagerie T2. L’imagerie spectroscopique
a également montré son intérêt dans le suivi post-thérapeutique ou la planification de la brachythérapie.
Glossaire :
RMN : Résonance Magnétique Nucléaire
IRM : Imagerie par Résonance Magnétique
CSI : Chemical Shift Imaging – Imagerie spectroscopique
DCE-MRI : Dynamic Contrast Enhanced Magnetic
Resonance Imaging
ADC : Apparent Diffusion Coefficient
Le paramètre de diffusion en résonance magnétique est étroitement lié à la mobilité des molécules d’eau dans le milieu investigué. Plus nombreuses sont les structures qui empêchent la
diffusion de l’eau dans le tissu, plus le coefficient apparent de
diffusion (ADC) est abaissé. L’ADC est donc considéré comme un
indicateur de la cellularité ou de la densité cellulaire. L’intérêt de
Références
1. Cornud Fet al. J Radiol 2006; 87:228-43.
2. Tofts P.S. JMRI 1997: 7:91-101.
3. He Qet al. Disease Markers, 19 (2004) 69-84.
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
DOSSIER DÉPISTAGE PROSTATE
Une nouvelle méthode pour
la détection des cancers de la prostate
de tumeur palpable au toucher digital rectal et qui nécessitent
ou non une biopsie. Un objectif associé serait d’améliorer la
gestion et le traitement des patients du cancer de la prostate
en distinguant ceux qui vont bénéficier d’un traitement de ceux
qui n’en bénéficieront probablement pas et qui justifient uniquement une surveillance active.
Un progrès majeur
Johan Braeckman 1, Philippe Autier 2, Christine Saviany 3
1 Service d’Urologie, Vrije Universiteit Brussels (VUB), 2 Centre International
de Recherche sur le Cancer, Lyon, et Unité d’épidémiologie et de Prévention,
et Clinique du Dépistage, Institut Jules Bordet, Bruxelles,
3 Advanced Medical Diagnostics, Waterloo, Belgique
[email protected]
Une méthode plus efficace pour mieux diagnostiquer et déterminer le stade des cancers de la prostate débutants et cliniquement localisés s’avère nécessaire? L’HistoScanning pourrait
devenir cette méthode.
HistoScanning ™ est un outil de détection assisté par ordinateur qui est basé sur le traitement des données volumétriques
d’examens échographiques. L’analyse HistoScanning s’effectue sur les données ‘brutes’ (RAW ou RF) des ondes ultrasons reçues par la sonde d’examen avant quelles ne donnent
lieu aux images grises habituelles de l’échographie. Les données brutes contiennent beaucoup plus d’informations que
les images reproduites sur l’écran vidéo. HistoScanning utilise
ainsi davantage le potentiel d’informations contenues dans le
signal brut pour mieux différencier la morphologie des tissus.
Le cœur d’HistoScanning est formé de trois algorithmes mathématiques dits ‘de caractérisation’ qui décèlent et quantifient
le degré de désorganisation des tissus affectés par un cancer
(Figures 1, 2). Cette analyse permet la reconstruction du volume
analysé avec visualisation des foyers cancéreux. HistoScanning est étudié dans diverses applications dont la détection
Johan Braeckman
précoce du cancer de l’ovaire (OVHS) 2, du sein (BHS), de la
prostate (PHS) et de la thyroïde. La technologie HistoScanning
est brevetée et possède la marque CE.
Le service d’urologie de la VUB a le premier développé la
technologie PHS (Prostate HistoScanning). PHS a été appliqué aux ultrasons de la prostate provenant de 29 patients qui
devaient être soumis à une prostatectomie radicale pour un
cancer cliniquement confiné à la glande. Les résultats de PHS
ont été confrontés aux résultats de l’examen anatomopathologique. L’étude a montré qu’il existe une très bonne concordance entre PHS et l’examen pathologique (Figure 3). Tous les
foyers de cancer ont été correctement diagnostiqués et leur
caractère multifocal et bilatéral ou non correctement estimé.
Aussi, le diamètre de la tumeur index était correctement mesuré
par PHS ainsi que l’envahissement capsulaire (2). Le plus petit
foyer de cancer identifié mesurait 2 mm de diamètre. PHS semble bien avoir le potentiel d’identifier et de localiser des foyers
de cancer de la prostate d’une manière non invasive.
Pour une plus ample validation clinique, un projet PHS a été
soumis au Seventh Framework Program de l’Union Européenne
sous l’égide du Centre International de Recherche sur le Cancer
(CIRC) à Lyon et en collaboration avec les services d’urologie
de: l’Institut Jules Bordet, la Vrije Universiteit Brussels (Bruxelles),
l’University College London (Londres), et la Semmelweis
University (Budapest).
■
Références
1. http://kce.fgov.be/index_fr.aspx?ID=0&SGREF=3461&CREF=6706.
2. The Ovarian HistoScanning (OVHS) Clinical Study Group.
Ovarian HistoScanning (OVHS), a new computer aided diagnostic tool
enhancing Trans Vaginal Sonography (“TVS”) in distinguishing between
benign and malignant ovarian masses: Results of the initial European
multicentric study. Ultrasound Biology and Medicine August 2007.
3. Braekman J et al. British Journal of Urology, accepted July 2007.
Figure 3: Les résultats de PHS ont été comparés avec l’histopathologie
des pièces de prostatectomie radicale, coupées selon le plan sagittal
et entièrement montées. Sur ce plan les cancers 3 et 4 sont bien visualisés.
Le cancer 3 démontre bien la contiguïté avec la capsule.
PHOTO DE COUVERTURE
PHS serait potentiellement utile pour réaliser un triage entre
les hommes à PSA élevé (ou d’autres biomarqueurs possibles
pour la détection du cancer de la prostate), ne présentant pas
Figure 1
Figure 2
Cette figure illustre des résultats typiques obtenus après application
des la transformation de Fourrier (algorithme 3) à une sous unité
(2X2 mm) contenant des données brutes réfléchies par un tissu
non cancéreux.
Cette figure illustre des résultats typiques obtenus après application
de la même transformation à une sous unité contenant des données
brutes réfléchies par un tissu cancéreux
Fig. a : Patiente de 35 ans, HIV+,
présentant un lymphome de Burkitt.
Image PET-CT fusionnée montrant
une activité métabolique intense au sein
du canal rachidien, témoignant d’une
méningite massive.
Fig. b : Image IRM pondérée T1
après injection de Gd obtenue plus tard
chez la même patiente : on observe
l’infiltration leptoméningée très importante
caractérisée par des prises de contraste
(flèches).
Pour les deux figures; x, y, définissent la localisation de chaque pixel dans la sous unité analysée. L’axe z représente l’amplitude liée à chaque
pixel de la sous unité analysée. L’amplitude obtenue pour le tissu cancéreux est >10 fois supérieure à celle obtenue pour le tissu normal.
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
INORMATION SCIENTIFIQUE
Approche thérapeutique du myélome
multiple : rien ne sera jamais plus
comme avant…
Nathalie Meuleman, Dominique Bron. Hématologie, Service de Médecine,
Institut Jules Bordet
[email protected]
Le myélome multiple est une maladie complexe aux présentations diverses dont l’évolution peut varier de quelques mois
à plus de dix ans. Bien qu’il s’agisse d’une maladie qui n’est
toujours pas curable, les progrès effectués dans la compréhension de sa physiopathologie, l’identification des facteurs
pronostics et de sa prise en charge thérapeutique ont permis
d’améliorer le pronostic des patients.
Identification des facteurs de pronostics
La classification de Durie-Salmon nous permet depuis longtemps de stratifier les patients en fonction de leur masse tumorale et de leur fonction rénale. Aujourd’hui, d’autres facteurs
facilitent l’identification des patients de mauvais pronostic et dans
certains cas, nous permettent de mieux cibler les traitements.
1) Stratification biologique
Différents facteurs biologiques sont associés à une évolution
péjorative de la maladie.
Les plus importants (sur lesquels se base la nouvelle classification internationale, l’International Staging System - ISS) (1) sont:
la présence d’une élévation du taux sérique de la β2 microglobuline et la diminution du taux d’albumine (table 1).
2) Stratification cytogénétique
L’inconvénient de la classification internationale est qu’elle ne
tient pas compte des anomalies cytogénétiques mises en évidence au diagnostic. Or, ces anomalies sont clairement associées à l’évolution de la maladie.
La présence d’une la délétion du chromosome 13q14, 17p13
ou d’une translocation (4;14); (14;16) est associée à une diminution du taux de réponse et à une survie réduite (2).
Le brotezomid :
Premier agent de la famille des inhibiteurs des protéases, le
brotezomid (Velcade®) agit en empêchant la dégradation des
protéines ubiquitinées. L’inhibition affecte un nombre important
de protéines régulatrices dont la principale est la voie NF-κB
(fig. 2). Les premières études ont montré des taux de réponses
chez les patients en rechute ou en phase réfractaires de 35%
à 62% (11-12).
Les traitements
1) L’apport de l’autogreffe
Pour la première fois en 1996, l’Inter-Groupe Francophone du
Myélome (IFM) démontre l’intérêt de la consolidation par autogreffe après chimiothérapie d’induction avec une augmentation
statistiquement significative du taux de réponse, de la survie
globale et de la survie sans rechute dans le groupe traité par
intensification (3). Des études ultérieures ont confirmé ces résultats ainsi que l’intérêt de la double autogreffe chez les patients
n’ayant pas obtenu une très bonne rémission partielle (diminution de plus de 90% du taux de paraprotéine) après la première autogreffe (4).
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Un des intérêts majeur de cette drogue, est que les patients présentant une délétion du chromosme 13 ou une translocation (4-14)
traités par brotezomid, récupèrent le même pronostic, en termes
de taux de réponse et de survie que les autres patients (15). On
pourrait donc envisager d’adapter le traitement des patients en
fonction de leur profil cytogénétique et essayer d’annuler le mauvais pronostic conféré par certaines anomalies du caryotype.
Conclusions
Même si le myélome reste une maladie incurable, les progrès
dans la compréhension de sa physiopathologie ainsi que l’apport
des nouveaux traitements permettent de nous orienter vers la
prise en charge d’une maladie de type chronique associée à
une prolongation de la survie des patients d’une part mais
également à la préservation d’un certaine qualité de vie.
D’autres thérapies ciblées sont en cours d’étude et demain,
l’apport de ces nouvelles drogues, leur combinaison et des traitements mieux adaptés à chaque patient, permettront probablement de repousser encore les limites atteintes aujourd’hui. ■
L’arrivée de nouvelles molécules telles que la thalidomide, le
brotezomid et le lenalidomide, a considérablement modifié le
pronostic des patients pour lesquels il existait jusqu’alors,
peu de perspectives en cas de rechute.
La thalidomide :
Une première étude débutée sur base de l’activité anti-angiogénique de cette molécule a été réalisée fin des années nonante,
chez des patients qui n’ont pas répondu aux traitements antérieurs, avec un taux de réponse remarquable de 30% (5). Très
vite, les mécanismes d’action multiples de la thalidomide ont été
mis en évidence, différents de ceux de la chimiothérapie classique
(fig. 1). Cette efficacité potentialisée par la dexaméthasone a
depuis lors été confirmée avec des taux de réponse variant –
selon les études – de 24 à 70%.
En première ligne la thalidomide a également démontré son
intérêt chez les patients candidats à une autogreffe. En association avec la dexamethasone, elle permet d’effectuer un
traitement oral qui ne compromet pas la récolte de cellules
souche tout en offrant de meilleurs taux de réponse (62-72%)
que la chimiothérapie classique (6). Chez les patients âgés
non candidats à une autogreffe, en association avec le
schéma classique melpahalan prednisone oral, on observe
une augmentation du taux de rémission complète et pour la
première fois chez ces patients non candidats à une intensification on observe une amélioration de la survie (7).
La thalidomide est le premier ‘nouvel agent’ qui a modifié le
pronostic des patients, ceci cependant au prix d’une certaine
14
Fig. 1 : Mécanisme d’action de la thalidomide et de ses dérivés:
inhibition de la prolifération des cellules néoplasiques, de la sécrétion
des cytokines, de l’angiogenèse, de l’adhésion aux cellules stromales
et stimulation de l’immunité.
2) Les nouveaux traitements
Utilisée en maintenance en post autogreffe, elle augmente le taux
de réponse, la survie et la survie sans rechute chez les patients
n’ayant pas obtenu une très bonne rémission partielle (8).
Table 1 : Survie en fonction de la nouvelle classification international
(ISS) du myélome multiple. AUTO-G: auto greffe, TC: traitement
conventionel. TT: traitement.
En première ligne, chez les patients candidats à une autogreffe,
l’utilisation du brotezomid en association avec la dexaméthasone
a permis d’obtenir un taux de réponse de 80%(13). Chez les
patients de plus de 65 ans, le brotézomid en association avec
le classique melphalan prednisone orale en première ligne a
permis d’obtenir un taux de réponse impressionnant de 85%
(dont 28% de rémission complète) et ici aussi, on s’attend à
voir un bénéfice en survie (14).
Nathalie Meuleman
Fig. 2 : Mécanisme d’action du brotezomib dans le myélome muliple.
L’inhibition de la voie NF-KB entraîne une diminution de la sécrétion
des cytokines, des facteurs anti-apototiques, de l’adhésion et la
prolifération cellulaire.
toxicité, principalement neuropathies, somnolence et risques de
thrombose. La redécouverte de ce médicament a entraîné le
développement d’analogues avec un profil d’effets secondaires
plus facile à gérer et une puissante activité anti-myélomateuse
Références
1. Greipp PR, et al. J Clin Oncol 2005; 20:3412-20.
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14. Matesos MV et al. Blood 2006; 108:2165-72.
15. Jagannath S et al. Leukemia 2007; 21:151-57.
Le lenalidomide :
Premier traitement immunomodulateur analogue de la thalidomide, il en a les mêmes mécanismes d’action mais avec un
effet plus puissant in vitro et un profil plus favorable en terme de
toxicité. Les premières études on montré des résultats plus
qu’encourageants: en association avec la dexamethasone, les
taux de réponses sont de l’ordre de 60% chez des patients en
rechute dont 45% avaient déjà bénéficié de traitement par thalidomide (9). En première ligne, des premières études de phase II
montrent des taux de réponse de 91% avec 38% de rémission
complète (10). Ce traitement oral est facile à administrer. Il nécessite comme la thalidomide une prophylaxie pour les thromboses veineuses, mais ne ne présente pas de complications telles que somnolence ou neuropathie (deux des principaux
obstacles à l’utilisation de la thalidomide).
Glossaire :
L’ubiquination est le processus par lequel les proteines sont
dégradées et recyclées.
15
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
INFORMATION SCIENTIFIQUE
L’ABC du dépistage du mélanome
Wolfram Fink (1), Pierre Vereecken (2), Ghanem Ghanem(2)
Marianne Laporte (3), Michel Heenen (4)
[email protected]
Figure 5
Klinische Kooperationseinheit Dermato-Onkologie (dkfz) an der Klinik für Dermatologie Venerologie
und Allergologie des Universitätsklinikums Mannheim (Germany) (1), Services de Dermatologie
Hôpital Erasme (4), CHU-Brugmann (3), Clinique d’Oncologie Médicale Institut Bordet et Laboratoire
d’Oncologie et de Chirurgie Expérimentale (LOCE) (2)
Les mélanomes cutanés constituent à peine 1,2% des nouveaux
cas de cancer dans le monde dont le nombre total annuel est
estimé à 105.000. Le mélanome se positionne 16e sur l’échelle
de fréquence parmi les cancers en Belgique mais il arrive en
seconde position, si l’on tient compte du nombre d’années
de vie perdues à la suite des décès qu’il provoque (1).
Wolfram Fink
trières (rayons cosmiques, gamma, X, U.V.C.) et la lumière qui
nous atteint comporte seulement 10% d’UV. Mais ces radiations
de longueurs d’ondes courtes et très énergétiques sont biologiquement très actives, et pénètrent plus ou moins profondément
dans la peau. On a longtemps pensé que le mélanome était
induit directement par les rayonnements UV causant des dommages dans le génome des mélanocytes. On pense désormais
que les coups de soleil durant l’enfance joueraient un rôle
prépondérant, favorisant le développement d’un mélanome
en stimulant l’apparition de lentigines actiniques multiples et
de naevi atypiques à l’âge adulte (3).
Son incidence annuelle, en Europe, varie entre 6 et 15 cas par
100.000 habitants. En Belgique, on estime cette incidence à
environ 10 nouveaux cas par 100.000 habitants par an. Elle augmente de 5 à 10% par an. Parmi les individus nés en Belgique
en l’an 2000, environ 1 sur 70 aura un mélanome au cours de
sa vie. La situation est d’autant plus préoccupante que ce
cancer agressif frappe des patients âgés entre 30 et 50 ans.
De plus, on note une augmentation du nombre de cas diagnostiqués avant l’âge de 30 ans (2).
C’est l’Australie qui enregistre la plus haute incidence de mélanomes cutanés, avec 40 à 60 cas annuels par 100.000 habitants.
Ces chiffres s’expliquent par le fait que dans ces pays très ensoleillés, on trouve une population de type européenne, à peau
claire, particulièrement sensible au soleil. Or, il est aujourd’hui
établi que l’exposition excessive au soleil joue un rôle primordial
dans l’augmentation de l’incidence du mélanome et on estime
qu’environ 90% des mélanomes sont liés à cette exposition.
Quels sont les principaux facteurs de risque pour le
développement d’un mélanome qui permettraient
d’identifier les personnes qui doivent éviter
de s’exposer et celles qui doivent être dépistées?
1. Les personnes dont les caractéristiques suivent ont un
plus haut risque de développer un mélanome cutané (4):
– les personnes aux cheveux et à la peau clairs (phototype I et II
selon la classification de Fitzpatrick), et particulièrement celles
qui ont des cheveux roux, des yeux bleus ou des éphélides,
– les individus sujets aux coups de soleil,
– les individus avec une histoire familiale de mélanome malin
(chez environ 10% des patients avec mélanome),
– les personnes avec un historique de nombreux coups de soleil
durant l’enfance (avant l’âge de 12 ans),
– les personnes ayant un nombre de nævi acquis supérieur à 100,
– les personnes ayant 5 nævi atypiques ou plus,
– les individus présentant de multiples lentigines actiniques,
– les personnes présentant un nævus congénital géant,
– l’immigration vers des zones exposées fortement au rayonnement UV,
– les individus séjournant dans des régions fortement irradiées
par le soleil,
– les régions anatomiques souvent exposées au soleil (bras,
tronc et jambes),
– les changements d’habitudes vers une exposition au soleil
irrégulière et intense.
Une corrélation entre la croissance continue de l’incidence de
ce cancer et la modification des mœurs solaires a pu être mise
en évidence. L’amélioration des conditions de vie au cours du
20e siècle et l’instauration des congés payés, ont contribué à
faire du bronzage des symboles de beauté, de santé et de
richesse. Ceci concourant à favoriser les expositions solaires
intenses, de courte durée, au cours des vacances ou de séances intensives de banc solaire. À cela vient s’ajouter la diminution
de la couche d’ozone qui a modifié la qualité des rayons
solaires ultraviolets.
On distingue trois zones de rayonnement U.V: les U.V.A. “longs”
(320 à 400 nm), les U.V.B. “moyens” (280 à 320 nm) et les
U.V.C. “courts” (190 à 280 nm). En traversant l’atmosphère, le
rayonnement lumineux est filtré de ses longueurs d’ondes meur-
Figure 6
Figure 7
2. Les modifications de forme, de couleur ou de taille d’un grain
de beauté doit constituer un signe d’alerte pour le mélanome!
Figure 2
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
Figure 3
16
Figure 9
TABLEAU 1
A pour asymétrie :
Le nævus est constitué d’amas de mélanocytes et de tissu
conjonctif apparaissant comme une tache de couleur brune
(appelé communément grain de beauté) ou de couleur de peau
normale. Les personnes qui présentent plus de 20 nævi par
segment du corps ont plus de risques de développer un mélanome. Néanmoins, après examen histo-pathologique, seuls 30%
des mélanomes sont diagnostiqués comme provenant d’un
naevus préexistant.
Une partie du naevus change d’aspect et se différencie
du reste. Une forme asymétrique vient remplacer une forme
précédemment arrondie.
B pour bords :
Les pourtours du naevus deviennent irréguliers,
la pigmentation peut ‘envahir’ la peau saine.
C pour couleur :
Nous savons que le nombre de naevi est influencé par l’hérédité, mais aussi qu’il dépend de l’exposition au soleil durant
l’enfance. Une exposition excessive au soleil au cours des
premières années de notre vie est un stimulus pour le développement de naevi acquis. Le nombre de naevi peut ainsi
constituer un bon marqueur des dégâts occasionnés par les
rayons solaires durant l’enfance et donc du risque de développer un mélanome.
Le naevus perd sa pigmentation homogène et présente
souvent plusieurs couleurs: rouge, brun, gris, bleu, noir,
ou même certaines zones dépigmentées.
D pour diamètre ou différent :
La taille du naevus augmente. Les mélanomes présentent souvent une taille supérieure à 6 mm de diamètre.
Le naevus diffère des autres grains de beauté.
E pour élévation et évolution :
Certaines caractéristiques cliniques peuvent aider à classifier
un naevus normal bénin ou Lentigo actinique d’un naevus atypique ou mélanome, et sont figurées par les cinq premières lettres
de l’alphabet (voir figures 1 à 5 et tableau 1) .
Le naevus qui était plat s’épaissit ou présente des nodules. L’aspect du naevus change graduellement au cours du
temps. Cette évolution peut même conduire à du prurit
ou au saignement du grain de beauté.
Les mélanomes cutanés existent sous différents aspects et
une série de sous-types cliniques peuvent être distingués :
Dépister pour guérir !
– Le mélanome à extension superficielle est la forme la plus
fréquente (50 à 70% des mélanomes). Elle touche surtout les
patients les plus jeunes (50 ans). Elle apparaît le plus souvent sur les jambes (chez les femmes) et sur le dos (chez les
hommes) (voir figure 6).
Le mélanome à un stade avancé est difficile à traiter. Nous
devons apprendre à reconnaître ces formes précoces et assurer leur exérèse. Ce n’est qu’en s’attaquant à une tumeur de
moins d’un millimètre que l’exérèse peut guérir 90% des patients.
Les médecins ne découvrent le mélanome que dans environ
20% des cas, dans la majorité des cas c’est le patient ou ses
proches qui le dépistent. Il nous faut donc enseigner l’autosurveillance, informer les groupes à risque et leur enseigner les
signes typiques alarmants.
– Le mélanome nodulaire qui s’observe plutôt chez l’adulte
d’âge mûr (50-60 ans), est le second sous-type le plus fréquent (15-25%). Sa prolifération est assez rapide et il présente souvent une ulcération qui peut s’accompagner d’un
saignement (voir figure 7).
Si on se réfère aux chiffres d’incidence, les sujets à risque justifieraient une surveillance au moins bi-annuelle. Il faudrait pour
cela sensibiliser les médecins généralistes. Et pourtant, aujourd’hui le dépistage du mélanome ne fait pas officiellement partie
de programmes établis de dépistage du cancer.
C’est pourquoi les campagnes de diagnostic précoce, comme
par exemple les journées nationales de dépistage, gratuit dans
le cadre d’Euromelanoma, restent très importantes pour la santé
publique (5).
■
– Le lentigo malin est le troisième sous-type de mélanome le
plus fréquent (8-12%). Il touche les personnes âgées et se
développe sur base du lentigo malin pré-cancéreux (LM) dans
les zones d’exposition intensive au soleil (voir figure 8).
– Le mélanome acral lentigineux apparaît avec une fréquence
de 4-5%, habituellement sur les doigts et les orteils. Ils sont
très souvent diagnostiqués à un stade tardif car considérés
à tort comme des lésions bénignes (par exemple la forme
unguéale, voir figure 9).
Les quelques pourcents de mélanomes restants se répartissent entre divers mélanomes non classifiés et certaines formes
très rares comme le mélanome achromique, oculaire ou des
muqueuses.
Figure 1
Figure 8
Références
3. Brochez et al: Melanoma Res 1999 Dec; 9(6): 614-8.
4. Uhoda I et al: Rep 2004 Jul; 12(1):111-4.
5. Autier P et al: Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2004 Dec; 13(12): 2003-5.
6. Garbe C: Dermatologische Onkologie. Springer, Berlin Heidelberg
New York S. 40-56.
7. Vandaele MM et al: J Eur Acad Dermatol Venerol 2000 Nov; 14(6): 470-2.
Figure 4
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
INFORMATION SCIENTIFIQUE
Le cholangiocarcinome :
une tumeur méconnue et déroutante
Jean-Luc Van Laethem
Service d’Oncologie Digestive, Hôpital Erasme
[email protected]
Le cholangiocarcinome, nous dit Jean-Luc Van Laethem, est une
tumeur intrigante. Elle est aussi inquiétante. Sur 100 patients
diagnostiqués, 25 pourront bénéficier d’un traitement curatif dont
la mise en place est souvent complexe et seulement 6 à 10 d’entre eux seront encore en vie à 5 ans. Il est clair que si nous voulons
modifier cet état de chose, la prise en charge des cholangiocarcinomes doit se faire de manière multidisciplinaire et dans des
centres experts.
On connaît peu les mécanismes moléculaires conduisant le
cholangiocyte à une transformation maligne Le rôle de la bile
est probablement prépondérant. Différentes voies oncogéniques sont en cours d’évaluation dans l’étude de la cholangiocarcinogénèse: Her 1/Her 2, ras, raf, Cox 2, NO synthase, Beta
catenin, …
Classification pathologique et profil oncologique
Les CC sont majoritairement des adénocarcinomes tubulaires
relativement bien différenciés, rarement des carcinomes adénosquameux ou autres formes de type papillaire ou lymphoépithéliale.
Introduction
Le cholangiocarcinome (CC) est la première tumeur des voies
biliaires. Bien que rare, son incidence croît sans cesse avec
notamment plus de 5000 nouveaux cas par an aux USA. Il
n’existe pas de chiffres clairs pour la Belgique et l’Europe. De
par sa présentation clinique, son diagnostic difficile, son étiopathogénie encore très méconnue, sa prise en charge particulièrement complexe et spécifique et son pronostic très variable,
il s’agit probablement d’une des tumeurs les plus intrigantes
qui soit.
Traditionnellement, les CC sont partagés en tumeur intrahépatique et extrahépatique; la forme intrahépatique survient au sein
du parenchyme hépatique sous forme de masse(s) nodulaire(s)
(Figure 1a) pouvant en imposer pour un hépatocarcinome ou
des métastases dont le diagnostic histologique différentiel est
souvent difficile, nécessitant quasi toujours l’usage de l’immunohistochimie. La forme extrahépatique provient des canaux biliaires plus larges (canaux hépatiques gauche et droit, convergence
hilaire, voie biliaire principale) et est typiquement à l’origine d’un
ictère obstructif (Figure 2a).
Il est primordial d’en faire 2 entités distinctes tant il semble s’agir
de 2 types de tumeurs assez différentes au point de vue épidémiologique, carcinopathogénique, prise en charge thérapeutique
et pronostique.
Figure 1 a
… il s’agit probablement d’une des tumeurs
les plus intrigantes qui soit
Facteurs de risque et étiopathogénie moléculaire
L’âge (> 65 ans), les principales pathologies biliaires (la cholangite sclérosante primitive, les kystes cholédociens, les infections parasitaires, les lithiases intrabiliaires, la papillomatose),
les agents chimiques représentent des facteurs de risque bien
établis, alors que les hépatopathies chroniques (cirrhose, HCV)
ont été également identifiées depuis peu comme favorisant le
développement de CC.
Figure 2 a
>>>
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N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
INFORMATION SCIENTIFIQUE
tumeurs sclérosantes du hile font l’objet de frottis/biopsies endocanalaires lors de la cholangiographie rétrograde. Dans certains
cas, la confirmation histopathologique est difficile à obtenir.
La seconde étape vise à obtenir un staging précis définissant
l’atteinte canalaire, uni ou bilatérale (classification de Bismuth,
Figure 1B), l’extension et l’atrophie au niveau du parenchyme
hépatique ainsi que l’envahissement vasculaire qui détermineront ou non la résécabilité chirurgicale d’un point de vue
technique. Enfin, l’évaluation de l’extension ganglionnaire (hile,
ligament hépatoduodénal, …) et la présence de métastases
hépatiques et péritonéales complètent le staging, nécessitant
dans certains cas une exploration par laparoscopie.
La forme intrahépatique présente le phénotype le plus agressif avec infiltration du parenchyme hépatique, invasion vasculaire et lymphatique et métastases multiples (foie, péritoine,
poumons). Il s’agit probablement d’une tumeur parmi les plus
agressives et les plus chimiorésistantes.
L’approche thérapeutique des tumeurs
des voies biliaires doit se faire de manière
multidisciplinaire
Les tumeurs de la convergence hilaire, ou tumeurs de Klatskin (I à IV, Figure 1B), sont typiquement des formes périductales, sclérosantes sans masse bien visible à l’imagerie mais
avec invasion périneurale et ganglionnaire du hile hépatique.
Elles ont un comportement intermédiaire, pouvant évoluer
lentement et localement.
Les CC intracanalaires, sans extension au-delà de la paroi
biliaire, ont plutôt un comportement indolent avec croissance
intraductale.
Cholangiocarcinome
Intrahépathique
Non résecable
Extrahépathique
Non résecable
Résécable
Traitement chirurgical standard et survie
La troisième étape comporte une évaluation médico-chirurgicale
dans le but de définir l’opérabilité du patient et la résécabilité
de la tumeur qui est la seule option curative possible. Il ne faut
pas placer des prothèses biliaires avant une intervention à visée
curative, excepté dans les cas d’angiocholite ou d’ictère profond.
Le but de la chirurgie est d’obtenir une résection microscopiquement complète (définie comme R0), incluant, si nécessaire,
une résection vasculaire et dans certains cas une hépatectomie
majeure. Seuls 25% des patients mis au point sont susceptibles
de bénéficier de ce type de chirurgie qui offre une survie à 5
ans de 25-40% et une survie médiane d’environ 2,5 ans.
(Tableau 1). Si la résection n’est pas microscopiquement complète (ce qu’on définit comme R1), la survie médiane chute à
1 an voire 1,5 ans.
Traitement multimodal, transplantation
hépatique et survie
Dans les cas de tumeurs non résécables, sans atteinte ganglionnaire du hile hépatique prouvée par laparoscopie exploratoire,
une transplantation hépatique peut être envisagée, éventuellement précédée d’une radio-chimiothérapie néoadjuvante et ce
dans des centres experts, dans le cadre de protocoles multimodaux. Ces cas sélectionnés, traités dans le cadre de programmes de transplantation avec donneurs vivants ont des
survies à 5 ans de 80% (Tableau 1).
Les traitements adjuvants classiques (radiothérapie, chimiothérapie ou radio-chimiothérapie postopératoire) n’ont jamais
démontré par contre de bénéfice en survie et ne sont pas
recommandés.
Figure 1 b
Prise en charge diagnostique
et approche thérapeutique curative
Diagnostic et staging
La première étape consiste en l’obtention du diagnostic par
CT et/ou IRM combinant séquences canalaires (MRCP), angiographiques (angioscan ou IRM) et coupes transversales. Les
nodules/masses doivent être biopsiés par voie percutanée, les
Palliation
• chimiothérapie
• radiothérapie
• thérapie ciblée
(essais!)
Follow-up
Pas de traitement
adjuvant
en dehors d’essais
Palliation
• drainage biliaire si
ictère ± PDT (essais)
BT ou CT
PDT: Thérapie Photodynamique – B T: Brachythérapie – CT: Chimiothérapie
Figure 3
Traitement palliatif
Dans les CC périphériques et intrahépatiques, les traitements
chimiothérapiques sont plus souvent utilisés bien que relativement peu efficaces et peu standardisés. Le CC est la tumeur
«pauvre» en oncologie digestive, bénéficiant de peu d’investissement de la part des compagnies pharmaceutiques. Il n’y a
pas de chimiothérapie standard démontrée active alors que la
gemcitabine, le 5FU (et les prodrogues orales du 5FU) et les
sels de platine sont des options généralement utilisées. Les
thérapies ciblées sont en cours d’évaluation.
La plupart des patients (75%) seront traités de manière palliative en raison de l’extension tumorale, de leur âge avancé et de
facteurs limitants de co-morbidité.
L’approche palliative des formes sclérosantes hilaires repose
principalement sur un drainage biliaire adéquat et optimal utilisant des endoprothèses métalliques (figure 2B). La survie et la
qualité de vie de ces patients dépendent de la qualité du drainage. Récemment, des techniques additionnelles intraluminales
(la thérapie photodynamique, la brachythérapie intraluminale et
dans le futur peut-être la radiofréquence) ont montré des résultats prometteurs en terme de survie médiane, atteignant 12 mois
(Tableau 1) L’utilisation d’endoprothèses enrobées d’agents
chimiothérapiques (paclitaxel) est également en cours d’évaluation. Dans ces formes hilaires, pouvant évoluer lentement, la
chimiothérapie est peu indiquée.
L’algorithme de la Figure 3 résume la prise en charge globale
des CC.
Conclusions et perspectives
L’approche thérapeutique des tumeurs des voies biliaires doit
se faire de manière multidisciplinaire dans les centres experts
disposant d’une imagerie de qualité, d’une équipe endoscopique routinée, d’une équipe de chirurgie hépato-biliaire et de
transplantation et d’une structure oncologique incluant la
radiothérapie, le choix du traitement résultant de la concertation de ces disciplines.
L’utilisation de thérapies non validées ne doit pas être recommandée en routine et la mise en route de protocoles et de stratégies
thérapeutiques innovantes doit être encouragée.
Une meilleure connaissance du profil biomoléculaire de ces
tumeurs et des probables sous types de cancer hépatobiliaires
est également un prérequis pour en améliorer le pronostic. ■
Tableau 1 : Survie globale des cholangiocarcinomes
en fonction des options thérapeutiques
Résection à visée curative
: microscopiquement complète (R0) : 25-40% à 5 ans
: microscopiquement incomplète (R1) : 10% à 5 ans
: macroscopiquement incomplète (R2) : 0% à 5 ans
Transplantation précédée de radiochimiothérapie
(cas sélectionnés)
: 80% à 5 ans
Palliation :
: 6,4 mois de survie médiane
: 12 mois de survie médiane
: 4 à 15 mois de survie médiane
– prothèses seules
– prothèses + thérapie photodynamique
– chimiothérapie
Transplantation
après RT/CT
(gg hilaires -)
Références et lectures conseillées :
1. Gores GJ. Hepatology 2003; 37:961.
2. Lazaridis K et al. Gastroenterology 2005; 128: 1655.
3. Jarnagin WR et al. J Clin Oncol 2006; 24: 1152.
Figure 2 b : drainage endoscopique d’une tumeur
hilaire par des prothèses métalliques.
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
Néoplasies osseuses primitives
autour du genou chez l’enfant :
nouvelles techniques chirurgicales
révolutionnaires
Michael Gebhart, Service de Chirurgie, Institut Jules Bordet
[email protected]
La chirurgie osseuse oncologique a fait des progrès considérables durant les 30 dernières années. Le développement de
régimes de chimiothérapie plus efficaces a permis d’assurer un
meilleur contrôle local de la tumeur et d’augmenter les possibilités de réaliser une chirurgie sans amputation du membre.
Grâce à cette approche multidisciplinaire, la survie globale est
passée d’environ 10% à 60% à 80%.
Traditionnellement, chez les enfants les sarcomes osseux autour
du genou ont été traités soit par amputation ou par turniplastie,
technique réutilisant la jambe comme élément d’allongement
du moignon d’amputation fémorale en fixant le tibia au fémur
après une rotation de 180°. Les résultats esthétiques après
amputation et surtout après turniplastie ont été désastreux.
Récemment des prothèses expansibles ont été développées
pour traiter les enfants présentant un sarcome osseux avec un
squelette immature. Cette approche chirurgicale respecte le
schéma corporel et l’égalité des membres inférieurs et donne
des résultats cliniques initiaux encourageants.
Les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing sont des tumeurs
osseuses primitives rencontrées surtout chez les enfants et
adolescents. Près de 1/3 des patients avec un sarcome autour
du genou se présentent avec un squelette immature. Après
résection tumorale, il est impossible de reconstruire le defect
osseux par une prothèse conventionnelle à cause de la croissance osseuse ultérieure en longueur et en largeur. La croissance moyenne du fémur distal et du tibia proximal chez les
enfants de 8 et de 10 ans est respectivement de 15 et 10 cm.
En même temps on assiste à une croissance du diamètre mettant en danger l’ancrage de la prothèse. C’est la raison pour
laquelle ces patients ont été traités par amputation ou turniplastie. Cette dernière opération consistait à réséquer la tumeur
autour du genou en emportant la peau, les muscles, la partie
distale du fémur, ainsi que la partie proximale du tibia. Les nerfs
et les vaisseaux étaient soigneusement disséqués et laissés
en place. Une ostéosynthèse entre tibia et fémur était ensuite
réalisée après une rotation de 180° de la jambe. La cheville
devenait alors une articulation, qui manipulait le genou d’une
prothèse externe en extension et en flexion (figure 1). Bien que
le résultat fonctionnel fût acceptable, le résultat esthétique
était désastreux.
Depuis une dizaine d’années, des prothèses télescopiques permettant l’allongement du membre ont été développées. La
première génération de ces prothèses était actionnée par un
tournevis pour produire l’allongement. Ceci nécessitait de multiJOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
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ples réinterventions associées à un risque accru d’infection.
De plus, l’allongement était instantané et limité par la traction
sur les tissus mous comprenant non seulement des muscles
et des tendons mais aussi les vaisseaux et les nerfs. Les raideurs résultant de ces allongements étaient particulièrement
difficiles à rééduquer. Pour éviter des multiples réinterventions
d’autres prothèses expansives ont été développées en utilisant
l’énergie contenue dans un ressort, qui était retenu par des
anneaux en plastique. Ces anneaux pouvaient être fondus par
l’application d’un champ magnétique produisant une chaleur
locale intense. La destruction d’un de ces anneaux libérait
progressivement l’énergie du ressort et permettait l’expansion
concomitante du mécanisme de télescopage de la prothèse.
Aucune chirurgie ultérieure n’était nécessaire, mais l’allongement
restait encore trop brutal et la rééducation difficile. Une dernière
génération de prothèse expansive a été développée (Phenix
Growing Prosthesis, Phenix Medical, Paris, France). La particularité de cette prothèse est sa croissance lente en actionnant
un aimant externe à la peau par un mouvement alternant les
champs électromagnétiques. L’aimant externe actionne un
aimant interne à la prothèse, ce qui enclenche le mouvement
télescopique de la prothèse. Ceci peut être comparé aux mouvements d’une horloge, qui fait avancer des aiguilles. Mille deux
cents mouvements de va-et-vient conduisent à un allongement
de 1 cm. En faisant par exemple 40 mouvements par jour, un
centimètre d’allongement est obtenu après 30 jours. Ce type
de prothèse permet une expansion lente sans traction sur les
tissus mous et une croissance quasi physiologique. Lorsque la
longueur désirée du membre est atteinte l’expansion prothétique
(a)
Figure 2 : Implantation de la prothèse expansible et manipulation
de l’aimant sur la cuisse.
Figure 3 : Radiographies montrant la prothèse
avant et après l’allongement.
ces prothèses est pleine de promesses mais un suivi à long
terme est indispensable chez ces très jeunes patients.
■
peut être interrompue momentanément. La prothèse est maintenue en place jusqu’à l’arrêt de la croissance et peut être
remplacée par une prothèse d’adulte. Ce même mécanisme
d’allongement peut être utilisé dans des clous télescopiques pour
remédier à des différences importantes de longueur de membres. Ici, de nouveau, la croissance est lente et progressive.
Références
– Baumgart R., Betz A., Schweiberer L.: A fully implantable motorized
intramedullary nail for limb lengthening and bone transport.
Clin. Orthop. and rel. research, N° 343, 1993, pp. 135-143
– Neel M.D., Wilkins R.M., Rao B.N., Kelly C.M.: Early multicenter
experience with a non invasive expandable prosthesis.
Clin. Orthop. and rel. research, N° 415,2002, pp. 72-81.
– Schindler O.S., Cannon S.R., Brix T.W.L., and al.: Use of expandable
total femoral replacements in children with malignant bone tumors.
Clin. Orthop. and rel. research, N° 357 1998, pp. 157-170.
– Kotz R. Rotationplasty. Semin Surg Oncol. 1997 Jan-Feb;13(1):34-40.
– Salzer M, Knahr K, Kotz R, Kristen H.: Treatment of osteosarcomata
of the distal femur by rotation-plasty. Arch Orthop Trauma Surg.
1981; 99(2):131-6.
Conclusions
Le traitement chirurgical des enfants présentant une tumeur
osseuse autour du genou reste fortement controversé. Après
avoir eu comme seul traitement l’amputation ou la turniplastie,
le développement récent de prothèses télescopiques à croissance progressive permet d’obtenir des résultats fonctionnels
comparables sans réintervention chirurgicale. L’utilisation de
(b)
Figure 1 : Patient avec turniplastie sans (a)
et avec (b) appareillage externe.
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
Tumeurs endocrines du tube digestif :
une entité méconnue
Thierry Delaunoit, MD
Département de Gastroentérologie et de Cancérologie Digestive,
Hôpital de Jolimont
[email protected]
Les tumeurs neuro-endocrines du tube digestif restent une
entité largement méconnue par les cliniciens. Thierry Delaunoit
résume remarquablement l’état de nos connaissances. Les
algorithmes thérapeutiques actuels proposent une chimiothérapie pour les tumeurs à faible degré de différentiation
et/ou avec un index de prolifération cellulaire (mesuré par le
Ki67) supérieur à 5%. La résection chirurgicale partielle non
curative garde une place si elle permet d’enlever plus de 80%
de la maladie métastatique. Tous les espoirs sont tournés
vers les nouvelles thérapies ciblées.
(Alain Hendlisz, Chef de la Clinique de Gastro-entérologie,
Institut Jules Bordet)
Introduction
Les tumeurs endocrines du tube digestif anciennement appelées tumeurs neuroendocrines ou carcinoïdes représentent
une entité tumorale rare pouvant se retrouver tout le long du
tube digestif, les localisations les plus fréquentes étant l’iléon,
l’appendice, le rectum et la région duodéno-pancréatique.
La synthèse hormonale excessive de ces tumeurs est à l’origine de syndromes endocriniens caractéristiques tels que le
syndrome carcinoïde. Néanmoins, vu la rareté de ces tumeurs,
leur diagnostic est souvent tardif, conduisant de ce fait à des
thérapeutiques souvent palliatives telles que les traitements
hormonaux par analogues de la somatostatine, l’interféron ou
encore la chimiothérapie.
Généralités
Les tumeurs endocrines digestives (TED) représentent une entité
rare. L’incidence de la maladie est de 1-2 cas/100.000/an. Elles
représentent par ailleurs moins de 2% des tumeurs digestives
et moins de 1% des tumeurs endocrines. Elles se caractérisent
le plus souvent par la sécrétion de une ou plusieurs hormones.
Elles sont dites alors «fonctionnelles» et responsables dans ce
cas de symptômes liés à la sécrétion anormalement élevée
d’hormones par la tumeur, telles que la sérotonine (tumeur carcinoïde responsable du syndrome carcinoïde combinant classiquement flush et diarrhées), l’insuline (insulinome induisant
des problèmes d’hypoglycémies répétées), la gastrine (gastrinome et syndrôme de Zollinger-Elison responsable de diarrhées
et d’une maladie ulcéreuse gastrique réfractaire aux traitements
classiques), le glucagon (glucagonome et diabète), ou encore
le VIP (VIPome ou choléra endocrine responsable de diarrhées
importantes). Certaines tumeurs sont néanmoins appelées «non
fonctionnelles» car non sécrétantes ou synthétisant une hormone inactive 1.
La majorité des tumeurs indifférenciées, ainsi que les TED bien
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°9 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2007
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différenciées avec degré de prolifération élevé (défini par un
Ki67 > 5%) sont plus agressives et d’évolution plus rapide,
nécessitant le plus souvent une approche thérapeutique plus
invasive, notamment par chimiothérapie. Les TED bien différenciées avec KI67<5% sont d’évolution beaucoup plus lente,
permettant parfois l’abstention thérapeutique, notamment en
cas de TED non fonctionnelles.
Le diagnostic clinique des TED repose donc sur l’isolement
des symptômes secondaires à l’hypersécrétion hormonale, ou,
en cas de tumeurs non sécrétantes ou de diagnostic tardif, sur
les symptômes en relation avec l’importance de la maladie, et
en particulier de la masse tumorale primitive (occlusion intestinale, ictère, douleurs) ou des métastases (hépatomégalie douloureuse sur métastases hépatiques, douleurs abdominales sur
carcinomatose péritonéale, douleurs osseuses sur métastases
osseuses).
Plusieurs maladies endocriniennes peuvent par ailleurs être
associées et constituent alors une néoplasie endocrinienne
multiple ou NEM. Les TED, et en particulier les TED duodénopancréatiques entrent dans le cadre d’une NEM de type 1.
Les NEM1 sont caractérisées par une mutation bien spécifique
d’un protooncogène appelé RET situé sur le chromosome 10
et codant pour un récepteur de tyrosine kinase.
La classification anatomo-pathologique des tumeurs endocrines
a récemment été remise à jour et repose sur différents critères
dont le degré de différentiation (tumeurs bien ou peu différenciées), la localisation (pancréas, iléon, …), le degré de prolifération tumorale (Ki67), la taille de la tumeur en superficie mais
aussi l’atteinte en profondeur au sein de la paroi intestinale ou
de l’organe atteint, le nombre de mitoses et la présence d’invasion vasculaire.
Diagnostic
La mise au point d’une TED repose sur diverses investigations, à la fois biologiques, radiologiques et isotopiques. Le 5HIAA (5-hydroxy-indol-acétic-acid) urinaire en cas de suspicion de tumeur carcinoïde, ainsi que les dosages sanguins de
gastrine, insuline, c-peptide, glucagon, VIP, somatostatine en
cas de TED duodéno-pancréatiques (TEDP) doivent être réalisés. La chromogranine A, marqueur pathognomonique des
TED est le plus souvent élevée et permet de conforter le diagnostic ainsi que de suivre l’évolution de la néoplasie sous traitement. Les dosages de calcium, phosphore et de parathormone (PTH) doivent être systématiquement réalisés en cas
de TEDP, à la recherche d’une hyperparathyroïdie pouvant
rentrer dans le cadre d’une NEM1.
La recherche d’un cœur carcinoïde par échographie cardiaque
doit être systématique en cas de syndrôme carcinoïde. Il se
caractérise par une insuffisance cardiaque droite progressive
et secondaire à une atteinte de la paroi ventriculaire droite et de
systémique parfois toxique 5. Néanmoins, la présence d’une
thrombose de la veine porte, d’une insuffisance hépatique ou
d’un ictère contre-indique l’utilisation de l’EP et de la CE.
De nouveaux traitement isotopiques voient actuellement le jour:
ils s’agit notamment du traitement par Octréother, principe identique à celui de l’Octéoscan diagnostique. On couple à l’octréotide un isotope thérapeutique. Lié à la cellule tumorale, il
en provoque la mort par «radiothérapie locale» 6.
la valve tricuspide. Une exploration digestive haute par endoscopie s’avère indispensable en cas de syndrome de Zollinger-Elison.
Des tests dynamiques (test à la secrétine, épreuve de jeûne, …)
peuvent être réalisés afin de conforter le diagnostic de TED.
L’imagerie des TED repose sur le scanner abdominal mais
aussi sur l’Octréoscan, technique isotopique utilisant un analogue synthétique de la somatostatine marqué se liant spécifiquement aux récepteurs à la somatostatine présents à la surface des cellules endocrines. Ces récepteurs à la somatostatine, au nombre de 5 (SSTR1-5) constituent non seulement une
cible diagnostique, mais aussi une cible thérapeutique, comme
expliqué plus loin.
L’échoendoscopie de la région duodéno-pancréatique permet
par ailleurs de préciser l’importance de la tumeur sur le plan
locorégional ainsi que sa localisation précise au sein de la paroi
duodénale ou du parenchyme pancréatique.
Certaines études préliminaires ont démontré une surproduction
d’EGFR à la surface des cellules tumorales endocrines, en faisant donc une cible idéale pour toutes les molécules ciblant ce
récepteur 7.
Conclusions
Les TED représentent une groupe rare et hétérogène de tumeurs,
rendant leur diagnostic et leur prise en charge difficile. L’avènement des thérapies ciblées et l’isolement des mutations responsables de certains syndromes (RET) sont la porte ouverte
vers une meilleure compréhension de leur biologie, et l’espoir
d’une meilleure approche diagnostique et thérapeutique. ■
Il faut toujours envisager d’intervenir même
en présence d’une maladie métastatique si plus
de 80% de la masse tumorale peut être réséquée
Traitement
Le traitement des TED dépend de la présence de symptômes
endocriniens, de la localisation de la tumeur, du degré de différentiation et de la présence ou non de métastases.
La chirurgie reste le traitement curatif de première intention en
cas de maladie localisée. Contrairement à d’autres cancers, il
faut toujours envisager d’intervenir même en présence d’une
maladie métastatique si plus de 80% de la masse tumorale peut
être réséquée 2. Certaines tumeurs, dont les lésions rectales de
petite taille, peuvent être réséquées endoscopiquement. Certaines tumeurs métastatiques non progressives, non symptomatiques et peu importantes sur le plan de la masse tumorale,
peuvent être suivies sans traitement.
Les analogues de la somatostatine ainsi
que l’interféron sont efficaces dans le
contrôle des sécrétions hormonales et
constituent donc le traitement de base des
syndromes endocriniens. Leur efficacité en
terme de réponse tumorale est néanmoins
limitée (< 10% de réponses objectives,
environ 40% de stabilisations) 3.
La chimiothérapie doit être réservée aux
tumeurs peu différenciées pour lesquelles
un traitement chirurgical curatif ou palliatif
(debulking) est impossible (le choix se portera sur une association de cisplatine et
d’étoposide ou de cisplatine/irinotécan) ou
en cas de tumeurs bien différenciées et
progressives (la combinaison adriamycinestreptozotocine ou 5-fluorouracile – streptozotocine) 4.
La majorité des tumeurs endocrines développent des métastases uniquement dans
le foie. Des traitements locorégionaux par
résection chirurgicale, embolisation portale
(EP), chimioembolisation (CE), ou radiofréquence peuvent alors permettre de traiter
locorégionalement la maladie sans devoir
imposer un traitement chimiothérapique
Références
1. Moertel C. J Clin Oncol 1987; 5:1503-1522.
2. Sarmiento JM, et al. J Am Coll Surg 2003; 197:29-37.
3. Delaunoit T, et al. Mayo Clin Proc. 2005 Apr; 80(4):502-6. Review.
4. Delaunoit T,et al. Eur J Cancer. 2004 Mar; 40(4):515-20.
5. Ajani JA, et al. Ann Intern Med 1988; 108:340-344.
6. Kwekkeboom DJ, et al. J Clin Oncol 2005; 23:2754-2762.
7. Hobday TJ, et al. J Clin Oncol 2005; 23:382s.
Tumeur endocrine non fonctionnelle du duodénum. Il s’agit d’une lésion polypoïde duodénale (a)
constituée de cellules régulières sans atypie (b), organisées en structures trabéculaires (c),
et intensément positives pour la synaptophysine (c) et la chromogranine A (d).
Tumeur endocrine peu différenciée (carcinome endocrine) du côlon (a). Les cellules montrent
de fortes atypies (b). La tumeur est diffusément immunoréactive pour la synaptophysine (c),
et très peu positive pour la chromogranine a (d).
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The Belgian Polyposis Project
La survie et la qualité de vie de votre malade atteint d’un cancer
peuvent dépendre de traitements disponibles
dans les programmes de recherche:
Contacts:
Hôpital Erasme: Dr Thierry Velu: 02/555 41 93 – [email protected]
Bordet-Iris: Dr Tatiana Besse-Hammer: 02/541 31 48 – [email protected]
Surgical Week (RBSS) in Ostend, at the European Society of
Coloproctology (ESCP) Annual Meeting in Malta and at the
109e Congrès Français de Chirurgie (AFC) in Paris. The abstracts
can be consulted at www.belgianfapa.be, section professionals. A special issue for Acta Gastro-Enterologica Belgica
is in preparation.
he Belgian Polyposis Project was created by physicians,
from the different university hospitals in Belgium, who represented all medical disciplines related to Familial Adenomatous
Polyposis (FAP). A scientific non-profit organization, FAPA
(Familial Adenomatous Polyposis Association), was founded for
this project which currently receives financial support from
the Foundation against Cancer. Recently, collaboration has
expanded beyond the university hospitals and at present more
than 70 hospitals in Belgium participate.
T
Polyposis contact group
FAPA provides information about FAP to patients and their relatives in several ways. An information brochure for patients is
available and a website can be consulted. FAPA co-workers
can perform home visits to inform and support patients and
relatives. Additionally, FAPA supports the functioning of a selfhelp group i.e. the Polyposis Contact Group. This Polyposis
Contact Group yearly organizes an information day for patients
and their relatives. This info day is primarily aimed at providing
up to date information about FAP to patients and their relatives. Additionally, it intends to stimulate informal contacts
between FAP-patients and family members and the exchange
of personal experiences.
Aims
FAP is a relatively rare genetic disorder affecting about 1000 to
1200 patients in Belgium. This hereditary cancer syndrome is
characterized by the presence of hundreds, even thousands
of adenomatous polyps in the colon and rectum starting to
develop at puberty. When left untreated, these adenomatous
polyps will inevitably lead to colorectal cancer by the age 3540 years. Surgery – mostly performed in the late teens to early
twenties – is currently the only effective treatment to prevent
progression to colorectal carcinomas. The increased risk of
various other malignancies warrants lifelong surveillance for
these patients even after colon surgery.
Your cooperation
FAPA also wants to help you to trace and inform FAP-patients,
to ensure early detection and regular follow-up and to provide support to patients and their relatives. Furthermore, our
website contains a section for professionals including guidelines for screening and follow-up of FAP-patients. At the same
time, we ask your help to publicize the FAPA and to register
patients. Therefore, if you treat FAP-patients that have not been
registered yet, we would kindly ask you to contact us. Only
with the help of all physicians involved in the treatment and
follow-up of FAP-patients our organization can manage the
register and its activities most successfully.
FAPA aims at preventing cancer and at enhancing quality of
life by 1) providing information about polyposis to patients
and relatives, 2) supporting physicians to trace families and
to guarantee regular screening and follow-up for their
patients, 3) participating in research on the basis of a register
and 4) stimulating informal contacts between patients creating an opportunity to exchange experiences and to enhance
social support.
Register
INFO:
FAPA
479 Chaussée de Louvain, 1030 Bruxelles
Tel. 02/743 45 94, Fax 02/734 92 50
[email protected], www.belgianfapa.be
Research has shown that a central register for FAP, which
participates in coordinating screening guidelines and education about FAP, substantially increases survival rates. FAPA
manages a register aimed at including all Belgian FAPpatients anonymously. For registration, a written consent has
to be obtained from each patient. On a daily basis, FAPA coworkers collect their medical data related to FAP in the different centers where they are or have been treated after consent has been obtained. Currently, almost 300 FAP-patients
from about 120 families have consented to be registered.
FAPA co-workers
This register provides a basis to participate in national as well as
international clinical, epidemiological and fundamental research.
Results of the register – “The Belgian polyposis registry:
10 years experience” –. have been presented at the de XIXth
Belgian Week of Gastroenterology in Ostend. Additionally, the
results “Data from the Belgian Polyposis Registry (FAPA):
Is colectomy with ileo-rectal anastomosis still a valid option
for FAP patients in 2007?” have been presented at the Belgian
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Erna Claes
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Anne Delespesse
Myriam Renson
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AU-DELÀ DE LA MÉDECINE…
Le malade, l’artiste
car on a le choix entre le
strabisme du Gréco et la
psychose d’Artaud !) ne
font que creuser le fossé entre la création artistique et la pensée
scientifique… Or, le grand art est confraternel à la philosophie
et aux sciences.
l existe en notre culture une tradition tenace, que la psychanalyse n’a fait que confirmer avec toute son autorité pseudoscientifique : l’artiste serait un malade qui se soigne par l’art.
Son public y déguste des symptômes dont il ne tient pas trop à
connaître les causes internes. Les effets de surface lui suffisent,
car il peut y contempler sans risques (c’est une fiction, ce n’est
qu’une représentation.) le détraquement et la violence des
humains, ce qui est refoulé s’étant métamorphosé en l’aveu
travesti du symptôme. Et cela, toujours selon Freud avec cette
prime de jouissance appelée ‘beauté’ ou ‘esthétique’.
I
Je m’insurge, bien sûr, contre tout ce qui précède. Pour moi,
la cloison entre normal et anormal a toujours été franchie par
l’art. Mondrian, Rothko, Malévich, ne sont pas des schizos incapables de toucher et de métamorphoser le réel! Ils ont proposé
un autre réel, tout en refusant les codes en place (la figuration
narrative et mimétique) qui prétendaient y donner accès. Au vrai,
c’est l’artiste qui pose les meilleurs diagnostics ! Hamlet en
raconte plus sur l’Œdipe que Freud… À se demander qui est
malade, où sont les malades ? Ce que l’artiste doit faire, c’est
opposer le monde des signes (comme symptômes) à la pensée
rationnelle. La vraie maladie étant la raideur et la contention de
cette dernière.
Les conséquences d’une telle attitude culturelle sont fâcheuses.
D’une part, elle entérine le fait que l’art ne serait jamais le réel et
qu’il relève du fantasme ou d’un imaginaire glauque. D’autre
part, elle durcit la frontière entre normal et anormal, ne permettant aux gens bien formatés (en bonne santé) que des excursions prudentes, car uniquement contemplatives dans le monde
du détraquement. On laisserait ce dernier à des kamikazes
appelés artistes ! Ce qui donne à peu près ceci : effrayez-moi,
secouez-moi, mais surtout ne me changez en rien. Enfin, ceux
qui «ghettoïsent» l’art du côté de la maladie (mentale et physique,
Au lieu de dire qu’un artiste est ipso facto «anormal», il faudrait
plutôt le présenter comme «anomal» (hors nomos, échappant
à la loi en se promenant sur ses bords et marges). Ce qui veut
dire qu’il ne faut pas demander à l’art de nous proposer quelque
médication salvatrice. Le grand art n’à que faire de la communication. J’ai horreur de tout ce qui touche à l’art thérapie…
car j’y pressens de très sournoises intentions de normalisation
du désir. Idem pour la «sublimation» tant appréciée des freudiens, et qui n’est qu’un détournement religieux de la pulsion.
Bien sûr, il y a des artistes qui se prélassent dans le malaise,
le mal-vivre et qui souffrent d’inadaptation, de culpabilité et
d’angoisse. Leur cour des miracles exhibe dès lors le niveau
le plus bas d’une mise en scène que les gens en «bonne santé»
contemplent depuis le balcon. Ces artistes sont en règle générale les expressionnistes, c'est-à-dire les torturés et les stigmatisés. Ceux-là, en effet, constituent les malades et de la
société et de l’art. Qui cela? Hé bien: Bernard Buffet, Jan Fabre,
Anselm Kiefer, Gérard Garouste et de nombreux autres.
© ADAGP, Banque d’Images, Paris 2008
Pierre Sterckx, Critique d’art
Bernard Buffet, Colobe, 1997, huile sur toile, 116 x 81 cm
Paris, Galerie Maurice Garnier.
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