Psychologie clinique et projective - Cursus

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Licence 2 de Psychologie
PSYCHOLOGIE CLINIQUE ET PROJECTIVE1
ANNEXES
1. Généalogie de la méthode clinique en psychologie (tableau)
2. La méthode clinique dans l’œuvre de Jean Piaget (document)
3. La notion de situation clinique (document)
4. Instruments nomothétiques et idiographiques (document)
5. Classification des méthodes projectives (schéma)
6. La référence à la psychanalyse chez les psychologues cliniciens
- L2 Psychologie : enseignement de Claude Bouchard, maître de conférences en psychologie
clinique, Université Rennes 2 – mars 2016.
1
Licence 2 : Psychologie clinique et projective – cours C. Bouchard
1
Annexe 1 – partie 1
GÉNÉALOGIE DE LA MÉTHODE CLINIQUE EN PSYCHOLOGIE (1)
DES CONDUITES HUMAINES
APPORTS À UNE DÉMARCHE D’ÉTUDE SINGULARISANTE
SOURCES
D’INFLUENCE
L’Héritage médical
La Psychologie des tests
Médecine biologique
(ou bio-médecine)
Psychométrie
Psychotechnique
Recherche expérimentale
1. Importance de l’EXAMEN
du corps du malade
et de l’OBSERVATION dans
la recherche
de signes pathognomoniques
 Auscultation
1. Alfred Binet :
a) Rôle de la suggestibilité
de l’individu testé et
de la SUGGESTION possible
induite par le psychologue.
b) Souci de fonder
une pratique différentielle
de la psychométrie :
PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE.
2. Prise en compte du
déroulement, de l’histoire
de la maladie, et donc
de l’histoire du malade :
ANAMNÈSE.
3. Diagnostic différentiel
AU CAS PAR CAS.
4. Notion de DIAGNOSTIC.
2. Jean Piaget :
Mise au point d’une
« méthode clinique » visant
une exploration psychologique
par progression ajustée de
problèmes soumis à l’individu,
au fur et à mesure et en fonction
des réactions de celui-ci :
MÉTHODE CLINIQUE
( Testing aux limites).
3. André Rey, René Zazzo,
Daniel Lagache :
Notion d’un examen
psychologique complexe, non
standardisé, progressivement
adapté à la démarche
diagnostique, hypothéticodéductive du psychologue :
DIAGNOSTIC PROGRESSIF.
Le Paradigme
psychanalytique
Psychothérapies
psychodynamiques
1. Importance du CADRE
(ou dispositif) comme conditions
de production et référentiel
interprétatif
des phénomènes
psychologiques étudiés.
2. Rôle déterminant de
la RELATION MÉDECINMALADE dans l’observation
et l’action psychologiques
 rôle du TRANSFERT dans
cette interaction, à prendre
en compte dans la relation
thérapeutique et à interpréter.
3. Position obligée (technique)
du psychothérapeute selon
la double règle :
- d’un auto-interdit du toucher
(médical) ou règle d’abstinence ;
- d’une attitude de
non-jugement (médical et/ou
moral) dite de NEUTRALITÉ
BIENVEILLANTE.
CLINIQUE
Licence 2 : Psychologie clinique et projective – cours C. Bouchard
La Phénoménologie
et la Psychologie existentielle
Analyse ontologique
««L’existence
l’essence»»
L’existence précède
précède l’essence
1. Mise en valeur des notions
de SUJET, de SITUATION
(« sujet-en-situation ») et de
VÉCU du sujet.
2. Intérêt porté aux catégories
existentielles propres au sujet
selon les vecteurs de la
spatialité, de la temporalité et
de la corporéité ; et à ses
axiomes de vie (valeurs,
croyances, présupposés).
3. Méthode de RÉDUCTION
(épochè) visant à dégager
les essentiels du vécu du sujet et
de son monde.
Le Modèle projectif
Tests de personnalité
aperceptifs, interprétatifs
ou d’expression
1. Déplacement d’un intérêt pour
des fonctions ou des
performances (imagination,
perception, adaptation) sur
les PROCESSUS IMPLICITES
organisateurs de ces manifestations et leurs MODES
DE STRUCTURATION typiques
(ex : mode ou type
d’appréhension au Rorschach,
thème au TAT).
2. Usage d’un cadre d’examen
psychologique, basé sur une
consigne globale de « libre
réponse » (= réponse librement
interprétative) en fonction
d’un stimulus de départ,
standardisé, mais AMBIGU
et / ou POLYSÉMIQUE.
PSYCHOLOGIQUE
2
Annexe 1 – partie 2
GÉNÉALOGIE DE LA MÉTHODE CLINIQUE EN PSYCHOLOGIE (2)
CLINIQUE
D’UNE MÉTHODE CLINIQUE EN PSYCHOLOGIE
AUX DIFFÉRENTES VOIES
CARACTÉRISTIQUES COMMUNES OU SPÉCIFIQUES
1. Notion de CAS : situation
singulière d’un individu ou d’un
groupe, considérée et construite
comme objet unique, spécifique,
de connaissance ou
d’intervention psychologique.
2. Notion de DIAGNOSTIC
PSYCHOLOGIQUE
incluant un ENQUÊTE
ANAMNESTIQUE.
3. En médecine psychiatrique,
référence à des critères
PSYCHOLOGIQUES
d’interprétation diagnostique.
1. Notion d’USAGE CLINIQUE
DES TESTS (Lagache) et
de DIAGNOSTIC PROGRESSIF.
2. ANALYSE CLINIQUE (voire
PSYCHOPATHOLOGIQUE)
des épreuves psychométriques
ou des échelles et inventaires
de personnalité.
3. Pratique de COMPTE-RENDU
QUALITATIF de l’examen
psychologique et
DÉONTOLOGIE de restitution
de ce bilan.
4. SPÉCIALISATION d’une
« psychologie clinique et
pathologique » centrée sur
l’homme malade (somato- et/ou
psycho-pathologique).
PSYCHOLOGIQUE
1. Prise en compte des EFFETS
DE CADRE dans la relation
psychologue / sujet : transfert,
contre-observation, position
impliquée du psychologue
(= observation impliquée).
2. En conséquence, VIGILANCE
IMPLICATIVE du psychologue
(ou implication « bien
tempérée »)
3. Attention portée à
la DEMANDE de l’usager,
c'est-à-dire, à son adhésion
et à son engagement dans l’acte
proposé, malgré
des « résistances » inévitables
et plus ou moins entravantes.
(N.B. : Demande ≠ plainte ou
sollicitation verbale d’une aide).
4. Stratégies d’exploration
clinique alternant DIRECTIVITÉ
et NON-DIRECTIVITÉ de la part
du psychologue.
5. Prise en compte, dans l’acte
psychologique, des phénomènes
NON-CONSCIENTS, non
maîtrisés (non-dits, lapsus, actes
manqués, double sens,
contradictions…), et autant du
côté du sujet que du côté du
psychologue.
CLINIQUE
Licence 2 : Psychologie clinique et projective – cours C. Bouchard
1. Définition (et désignation)
de l’usager comme SUJET.
2. Attention portée
au contexte de l’intervention,
compris pas seulement comme
dispositif, mais aussi et surtout
comme SITUATION VÉCUE
par le sujet, selon ses modalités
propres d’existence.
3. Centration de l’analyse
psychologique sur les références
existentielles et implicites du
sujet (valeurs, croyances,
représentations, principes de
conduite), dans l’ICI-ETMAINTENANT de la rencontre
(≠ recherche d’une causalité
historique ou sociologique du
« problème » à comprendre),
afin d’en repérer la
STRUCTURATION
AXIOLOGIQUE propre au sujet
ou Axiomatique
(≠ structure de la personnalité
au sens structuraliste psychanalytique du terme, selon les
critères : topique, dynamique,
économique et génétique – ou :
relation d’objet, type d’angoisse,
mécanismes de défense).
1. USAGE DIFFÉRENCIÉ
des diverses méthodes dites
projectives, selon les principes
d’un diagnostic progressif,
du « testing aux limites »,
et de la double référence
Énigme / Intrigue.
2. Analyse interprétative basée
non sur le « Quoi » ou
le « Pourquoi » des réponses
du sujet mais principalement
sur le « COMMENT »
(dynamique d’élaboration,
processus), sur leurs constantes
formelles (structuration des
réponses), et sur leurs
possibilités de modification
(changements dans la durée,
variété et modalités de
changement) de
ce « Comment » ( ANALYSE
SÉQUENTIELLE ou sérielle).
PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE
3
Annexe 1 – partie 3
GÉNÉALOGIE DE LA MÉTHODE CLINIQUE EN PSYCHOLOGIE (3
DÉVELOPPEMENTS THÉRAPEUTIQUES
CLINIQUE
1. Psychanalyse (au sens
thérapeutique) selon
la technique de la « cure
type » : convocation,
analyse et interprétation
de productions dites
inconscientes (règle de libres
associations, analyse du récit
des rêves du patient
[≠ interprétation des rêves],
développement et analyse
d’une névrose de transfert.)
2. Méthodes d’aide
psychologique ou de
psychothérapie (individuelles,
de groupe ou en groupe) se
référant à la métapsychologie
et / ou s’inspirant de la
méthode psychanalytique
et de ses techniques
thérapeutiques :
psychothérapies psychanalytiques, thérapies brèves
psychanalytiques, coaching
psychanalytique, etc.
PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE
Méthodes d’aide psychologique
et / ou de psychothérapie
(parfois dites « humanistes »)
selon les principes :
 de centration sur la personne,
son actualité critique,
et ses capacités
d’auto-compréhension,
d’auto-évaluation,
d’autonomie, etc.
 d’interventions peu directives
(non-directives ou semidirectives) : reformulation,
ventilation des émotions,
clarification critique (ou de
crise), soutien, etc.
1. Psychothérapies utilisant
les méthodes projectives
comme outils de « médiation
thérapeutique », sur
le modèle des psychothérapies avec / par le jeu,
le dessin, le jeu dramatique,
le conte, etc.
2. Aide psychologique ou
psychothérapie selon
le principe du testing
aux limites (Shneidman,
Klopfer), dans une pratique
itérative d’une méthode
projective donnée :
GUIDANCE PROJECTIVE
(Villerbu & Pignol) –
ex. : Village Imaginaire
Itératif (Y. Denis).
IMPORTANT : Du point de vue méthodologique, toute psychothérapie rigoureuse est clinique dès lors qu’elle adapte et module sa
méthode au cas particulier de chaque « patient » auquel elle s’applique. Les différentes méthodes de psychothérapie se distinguent
plus fondamentalement : a) par leur conception étiologico-thérapeutique de référence (conception psychologique de la « maladie » et de
la « guérison ») ; b) par le choix et l’utilisation des techniques qu’elles vont privilégier pour mettre en œuvre cette conception dans le
sens d’un « mieux-être » pour le patient ; c) et par l’explicitation de la congruence entre cette référence psychologique (herméneutique)
et cette pratique (technique, déontologie), c’est-à-dire leur méthodologie (théorie de la cure). Autrement dit, les psychothérapies se
différencient, moins par leur souci clinique (en principe inhérent à toute psychothérapie rigoureuse et authentique), que par ces trois
critères qui en constituent le cadre (ou dispositif) spécifique pour chacune d’elles, avec une grande diversité de possibles à ce niveau.
Licence 2 : Psychologie clinique et projective – cours C. Bouchard
4
Annexe 2
LA MÉTHODE CLINIQUE
dans l’œuvre de Jean Piaget2
Nous savons que les préoccupations de Piaget ont été tôt définies et que l’on peut les
ramener à quelques grandes interrogations du type : quelle est la genèse des structures logiques
de la pensée de l’enfant ; comment fonctionnent-elles ; partant, quels sont les procédés de la
connaissance que l’enfant met en œuvre, ce qui pose le problème de l’épistémologie génétique
dans le cadre de l’épistémologie générale.
L’idée qu’il y a une genèse des formes logiques de la pensée conduit à se demander
quelles sont les étapes de sa constitution et quel en est le fonctionnement. Or, pour aborder ce
problème des structures logiques, quelles étaient, au moment où Piaget commençait ses travaux,
les méthodes dont il pouvait disposer en psychologie ? La première était la méthode des tests.
Or, en quoi consiste-t-elle ?
« À soumettre – dit Piaget – l’enfant à des épreuves organisées de manière à satisfaire
aux deux conditions suivantes d’une part, la question reste identique pour tous les
sujets, et se pose toujours dans les mêmes conditions ; d’autre part, les réponses
données par les sujets sont rapportées à un barème ou à une échelle permettant de les
comparer qualitativement ou quantitativement. » - (La Représentation du monde chez
l’enfant, 1926, p. 6.)
En ce qui concerne le diagnostic individuel, cette méthode présente de gros avantages ;
mais s’il s’agit de découvrir quels sont les mécanismes de la pensée, elle offre de gros
inconvénients. D’abord les tests ne permettent pas une analyse suffisante des résultats, du moins
pour la perspective où se place Piaget, ensuite ils risquent de fausser l’orientation d’esprit des
enfants qu’on veut interroger, notamment parce qu’on leur suggère certains types de réponses.
Par exemple, si l’on demande: « Qu’est-ce qui fait avancer le soleil ? », on suggère l’idée d’une
œuvre extérieure et on provoque le mythe. « En demandant “comment avance le soleil ?” on
suggère peut-être au contraire un souci du “comment” qui n’existait pas non plus et on
provoque d’autres mythes. » (Id., p. 7). C’est pourquoi « le seul moyen d’éviter ces difficultés
est de faire varier les questions, de faire des contre-suggestions, en bref, de renoncer à tout
questionnaire fixe » (Id., p. 7).
Piaget fait observer que l’on rencontre la même situation en pathologie mentale. « Un
dément précoce peut avoir une lueur ou une réminiscence suffisante pour dire qui est son père,
bien qu’il se croie habituellement issu d’une souche plus illustre. Mais le vrai problème est de
savoir comment la question se posait dans son esprit et si elle se posait. L’art du clinicien
consiste, non à faire répondre, mais à faire parler librement et à découvrir les tendances
spontanées au lieu de les canaliser et de 1es endiguer. Il consiste à situer tout symptôme dans
un contexte mental, au lieu de faire abstraction du contexte. » (Id., p. 7.) Le test, en revanche,
risque « de passer à côté des questions essentielles, des intérêts spontanés et des démarches
primitives » (Id., p. 8). Son utilité est ailleurs ; ici, il risque de fausser l’orientation d’esprit de
l’enfant.
Nous savons déjà qu’en faisant passer les tests de raisonnement de Burt aux petits
Parisiens, Piaget se demandait pourquoi ils répondaient juste et pourquoi faux. Cette attitude
clinique permet de dépasser le pur et simple constat pour entrer dans le fonctionnement même
de la pensée.
2
- Dolle J.M. (1997) Pour comprendre Jean Piaget, 3ème éd. entièrement revue et augmentée, Paris,
Dunod, p. 14-20.
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
1
La seconde méthode était celle de l’observation pure. Certes, c’est de l’observation qu’il
faut partir, à elle qu’il faut revenir, car si l’on veut savoir quels sont les intérêts spontanés des
enfants, c’est bien à l’examen détaillé du contenu et de la forme de leurs questions qu’il faut se
livrer. Le contenu des questions révèle les intérêts aux différents âges ; leur forme indique les
solutions implicites que les enfants se donnent « car toute question contient sa solution par la
manière dont elle est posée » (Id., p. 8). Partant, pour revenir à l’observation, c’est à partir de
ces questions spontanées posées dans leur forme même à des enfants de même âge, ou plus
jeunes, qu’il faut diriger la recherche. De là, on peut tirer quelques contre-épreuves.
«On se rend compte alors si les représentations que l’on prête aux enfants correspondent ou non à des questions qu’ils posent et à la manière même dont ils posent ces
questions. » (Id., p. 8.)
Cependant, certains obstacles limitent l’usage de cette méthode. D’une part, elle est
laborieuse et la qualité des résultats est au détriment de leur quantité car il est impossible
d’observer un grand nombre d’enfants dans les mêmes conditions. D’autre part, elle présente
deux inconvénients majeurs. Le premier tient à la structure de la pensée de l’enfant, pensée non
socialisée, c’est-à-dire non fondée sur l’échange, sur la réciprocité des points de vue, et qui de
ce fait contient, en tant qu’elle est implicite, des attitudes d’esprit, des schémas syncrétiques,
qu’ils soient visuels ou moteurs, des préliaisons logiques, etc. Le second tient à la difficulté
qu’il y a de distinguer chez l’enfant, à cause du symbolisme de sa pensée, le jeu de la croyance.
Piaget voulait donc éviter et les inconvénients du test et ceux de la méthode de pure
observation, mais en conservant les avantages de l’un et de l’autre. « Dépasser la méthode de
pure observation, et, sans retomber dans les inconvénients du test, [...] atteindre les principaux
avantages de l’expérimentation. » (Id., p. 10.) C’est pourquoi il emploie une méthode nouvelle
déjà entrevue : la méthode clinique, inspirée de la méthode pratiquée par les psychiatres comme
moyen de diagnostic et d’investigation. Ceux-ci, en effet, peuvent converser avec le malade, le
suivre dans ses réponses mêmes « de manière à ne rien perdre de ce qui pourrait surgir en fait
d’idées délirantes », mais aussi « le conduire doucement vers les zones critiques (sa naissance,
sa race, sa fortune, ses titres militaires, politiques, ses talents, sa vie mystique, etc.) sans savoir
naturellement où l’idée délirante affleurera mais en maintenant constamment la conversation
sur un terrain fécond » (Id., p. 10). L’examen clinique tient à la fois de l’expérience, pour autant
que l’interrogateur fait des hypothèses, fait varier les conditions en jeu, contrôle par les faits
chaque hypothèse, etc., et de l’observation directe dans la mesure où « le bon clinicien se laisse
diriger tout en dirigeant ». Si cette méthode est féconde pour les psychiatres, pourquoi ne pas
l’employer en psychologie de l’enfant ? Si elle rend d’aussi grands services ailleurs, pourquoi
s’en priver ?
La méthode clinique de Piaget est donc une méthode de conversation libre avec l’enfant
sur un thème dirigé par l’interrogateur qui suit les réponses de l’enfant, qui lui demande de
justifier ce qu’il dit, d’expliquer, de dire pourquoi, qui lui fait des contre-suggestions, etc.
« En suivant l’enfant dans chacune de ses réponses, puis, toujours guidé par lui, en le
faisant parler de plus en plus librement, on finit par obtenir, dans chacun des domaines
de l’intelligence (logique, explications causales, fonction du réel, etc.), un procédé
clinique d’examen analogue à celui que les psychiatres ont adopté comme moyen de
diagnostic. » (La pensée symbolique et la pensée de l’enfant, p. 276.)
Cette méthode n’est pas sans inconvénients. Elle est d’abord difficile à pratiquer. Pour
bien la maîtriser, il faut plusieurs années d’exercices quotidiens. « Il est si difficile de ne pas
parler lorsqu’on questionne un enfant, surtout si l’on est pédagogue ! Il est si difficile de ne pas
suggestionner ! Il est si difficile, surtout, d’éviter à la fois la systématisation due aux idées
préconçues et l’incohérence due à l’absence de toute hypothèse directrice ! » Le bon expérimentateur doit, en effet, réunir deux qualités souvent incompatibles : savoir observer, c’est-àdire laisser parler l’enfant, ne rien tarir, ne rien dévier, et, en même temps, savoir chercher
quelque chose de précis, avoir à chaque instant quelque hypothèse de travail, quelque théorie,
juste ou fausse, à contrôler. Il faut avoir enseigner la méthode clinique pour en comprendre la
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
2
vraie difficulté. Ou bien les élèves qui débutent suggèrent à l’enfant tout ce qu’ils désirent
trouver, ou bien ils ne suggèrent rien, mais c’est parce qu’ils ne cherchent rien, et alors ils ne
trouvent rien non plus.
« Bref, les choses ne sont pas simples, et il convient de soumettre à une critique serrée
les matériaux ainsi recueillis. Aux incertitudes de la méthode d’interrogation, le
psychologue doit, en effet, suppléer en aiguisant sa finesse d’interprétation. Or, ici de
nouveau, deux dangers contraires menacent le débutant c’est d’attribuer à tout ce qu’a
dit l’enfant, soit la valeur maximale, soit la valeur minimale. Les grands ennemis de la
méthode clinique sont ceux qui prennent pour bon argent tout ce que répondent les
enfants, et ceux qui refusent créance à n’importe quel résultat provenant d’un interrogatoire. Ce sont naturellement les premiers qui sont les plus dangereux, mais tous
deux procèdent de la même erreur : c’est croire que ce que dit un enfant, pendant le
quart d’heure, la demi-heure ou les trois quarts d’heure durant lesquels on converse
avec lui, est à situer sur un même plan de conscience : le plan de la croyance réfléchie,
ou le plan de la fabulation, etc. L’essence de la méthode clinique est au contraire de
discerner le bon grain de l’ivraie et de situer chaque réponse dans son contexte mental.
Or, il y a des contextes de réflexion, de croyance immédiate, de jeu ou de psittacisme,
des contextes d’effort et d’intérêt ou de fatigue et surtout il y a des sujets examinés qui
inspirent d’emblée confiance, qu’on voit réfléchir et chercher, et des individus dont on
sent qu’ils se moquent de vous ou qu’ils ne vous écoutent pas. » (La Représentation du
monde chez l’enfant, 1926, p. 12.)
Il faut donc savoir tenir compte des réactions de l’enfant. Celui-ci peut répondre
n’importe quoi parce que la question l’ennuie ou ne provoque aucun travail d’adaptation; il peut
également inventer une histoire, fabuler, sans réfléchir. Mais aussi la question peut être
suggestive et déclencher une croyance suggérée. L’interrogation peut également déclencher une
croyance qu’il invente pour les besoins de la cause mais qu’il tire de son propre fonds. Enfin, la
question n’est pas nouvelle pour l’enfant et la croyance spontanée s’exprime en vertu d’une
réflexion antérieure originale.
Quelles que soient les règles que Piaget se donne pour l’interprétation des réponses,
celles-ci ne présentent qu’un intérêt historique lié à l’intelligence exprimée dans et par le
langage et dont Piaget a abandonné l’étude par la suite, c’est pourquoi nous les laisserons de
côté.
Retenons donc que la méthode clinique consiste à converser librement avec l’enfant sur
un thème dirigé, à suivre par conséquent les détours empruntés par sa pensée pour la ramener au
thème pour en obtenir des justifications et en éprouver la constance, et à faire des contresuggestions. Opposée aux questions standardisées, elle préfère, à partir d’idées directrices
préalables, adapter et les expressions et le vocabulaire et les situations elles-mêmes aux
réponses, aux attitudes et au vocabulaire du sujet lui-même.
La méthode clinique telle qu’elle vient d’être décrite ne s’est pas élaborée d’un seul
coup mais en plusieurs étapes. On remarque en effet que, pour ses deux premiers ouvrages : Le
Langage et la pensée chez l’enfant (1923) et Le Jugement et le raisonnement chez l’enfant
(1924), groupés sous le thème Etudes de la logique de l’enfant, Piaget ne l’utilise pas encore
totalement. Il recourt plutôt à l’observation pure. « On note, un mois durant, les propos spontanés de deux enfants de six ans au cours des classes du matin de la Maison des Petits, et
sur ces 2900 observations on met à part les réponses fournies à des questions posées par la
maîtresse ou par les camarades, pour calculer un coefficient d’égocentrisme et ses fluctuations. » (Le Langage et la pensée, chap. I). « On relève et on classe de même toutes les
manifestations verbales d’une vingtaine d’enfants de quatre à sept ans quand ils se trouvent
dans une salle d’école où ils ont toujours libre accès. » (Ibid., chap. III, 2ème éd., 1930)... Il en
va de même pour l’étude portant sur les 1125 questions spontanées posées par le jeune Del,
entre six et sept ans, à une observatrice, au cours d’entretiens journaliers de deux heures.
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
3
« Pour l’étude du jugement et du raisonnement, le “matériel” est surtout constitué
par des épreuves verbales, empruntées aux tests de Burt, Binet-Simon, Claparède, ou
construites de même façon : test des frères, de gauche et de droite, définitions, critique
de “phrases absurdes”, situations verbales, inclusions ou multiplications logiques
(épreuves de Burt Édith, Lili et Suzanne ; tous et quelques ; âne, cheval et mulet, etc.).
À l’occasion de ces épreuves toutefois s’instaurent déjà ces dialogues à la fois libres et
plus fouillés, qui sont le propre de la méthode clinique. » (Psychologie et épistémologie
génétique, thèmes piagétiens, p. 69-70.)
Si les dénombrements, les calculs statistiques, les corrélations sont présents, ils vont
disparaître au profit d’une analyse plus qualitative. On « écoutera parler », selon le mot de
Claparède, par fidélité à la clinique, mais en abordant la conversation avec une idée préconçue,
une hypothèse directrice. La Représentation du monde chez l’enfant (1926) et La Causalité
physique chez l’enfant (1927) sont marquées davantage au sceau de la méthode clinique
qualitative. Pour savoir par exemple quelles sont les représentations des enfants relatives au
rêve, Piaget mène son interrogation selon quatre points : l’origine du rêve, le lieu du rêve,
l’organe du rêve, le pourquoi des rêves.
Engl. (8 1/2) : « D’où ça vient les rêves? – J’sais pas. – Dis ce que tu crois. – Du ciel. –
Comment ça ? – ... – Où ils arrivent ? – Dans la maison. – Pendant qu’on rêve où est
le rêve ? – A côté de nous. – Tu as les yeux fermés quand tu rêves ? – Oui. – Où est
le rêve ? – Au-dessus. – On peut le toucher ? – Non. – Le voir ? – Non. – Quelqu’un à
côté de toi pourrait le voir ? – Non. – Avec quoi on rêve ? – Avec les yeux. » (La
Représentation du monde chez l’enfant, p. 83.)
Cependant, c’est dans La Causalité physique chez l’enfant que l’on voit s’amorcer une
modification, un infléchissement, de la pratique de la méthode clinique, pourtant inchangée pour
l’essentiel, en ce sens que l’on passe d’une « méthode toute verbale » à une « méthode mi
verbale, mi concrète ».
« On énumère à l’enfant un certain nombre de mouvements (celui des nuages, des
ruisseaux, des pièces d’une machine, etc.) et l’on demande le pourquoi et le comment de
ces mouvements. On obtient ainsi une vue plus directe sur la dynamique de l’enfant,
mais cette vue est encore entachée de verbalisme, faute de manipulations possibles. »
(La Causalité physique chez l’enfant, p. 3-4.)
Pour finir, on voit apparaître une troisième méthode, appelée « méthode directe »,
procédant toujours de la méthode clinique mais s’appliquant à un matériel concret, et non plus
verbal cette fois, et telle qu’on « institue devant l’enfant quelques petites expériences de
physique et l’on demande le pourquoi de chaque événement. On obtient ainsi des renseignements de première main sur l’orientation d’esprit des enfants. » (Ibid., p. 3-4.)
La méthode clinique demeure bien une méthode de libre conversation dirigée sur un
thème, mais elle passe d’un « matériel » purement verbal à un « matériel » constitué par des
expériences placer les enfants devant un verre d’eau, leur donner des cailloux, des morceaux
de bois, de liège, de cire, etc., et leur demander ce qui se passera si on les met dans l’eau,
d’expliquer ce qui se passe en fait quand un gros morceau de liège flotte alors qu’un caillou plus
petit et moins lourd va au fond, pourquoi le caillou ne flotte pas alors que le bois flotte, etc., ou
encore d’expliquer le mécanisme de la bicyclette par un dessin. On conserve encore le langage,
mais celui-ci ne constitue plus le seul support de l’expérience ; il commence à n’intervenir que
pour justifier des actions concrètes réellement effectuées.
Il y a donc, au cours de cette période, d’abord une prise de conscience de l’inadéquation
de la méthode des tests à l’objet d’étude que se propose Piaget. A partir de là il conçoit peu à
peu une méthode appropriée qu’il met en œuvre et rectifie par approximations successives et au
fur et à mesure qu’il cerne davantage son champ expérimental. Dans Le Langage et la pensée
chez l’enfant (1923) et dans Le Jugement et le raisonnement chez l’enfant (1924) on voit ce
glissement insensible s’opérer pour parvenir, avec La Représentation du monde chez l’enfant
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
4
(1926) à une explicitation nette. Puis, avec La Causalité physique chez l’enfant (1927), les
choses changent et l’on assiste à un infléchissement dans le sens de la manipulation comme base
et support de tout entretien. Ainsi se traduit le changement de perspective où Piaget va se situer
progressivement, c’est-à-dire le passage d’une appréhension de la logique enfantine dans le
langage à une appréhension de la logique enfantine dans l’action, sans que le langage soit exclu
(mais il n’interviendra plus au même titre) et sans que l’essentiel de la méthode clinique soit
modifié.
-o-
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
5
Annexe 3
LA NOTION
DE SITUATION CLINIQUE3
Deux modèles se situent aux extrêmes de la psychologie clinique. Le premier, celui de
la psychologie expérimentale a des résonances liées à l’objectivité et à la rigueur ; le deuxième,
celui de la psychothérapie, renvoie aux changements et à l’aide. Ils constituent à la fois un appui
et un risque, et, comme toujours, une tentation. Entre « science » et « soin », la méthode
clinique cherche, néanmoins, à dessiner une voie propre et à établir les conditions de la
rencontre avec le sujet.
C’est effectivement d’une rencontre entre le sujet et le psychologue clinicien qu’il
s’agit. Rencontre marquée par une définition – parfois implicite, le plus souvent explicitée – en
tant que moment d’évaluation. La rencontre n’est ni gratuite ni immotivée, elle répond à une
demande, et se doit de répondre à un questionnement. En effet, la rencontre clinique a une cause
en amont (demande, questionnement) et donc a des conséquences en aval (un diagnostic, une
orientation, un conseil, etc.). Et, entre deux, dans la rencontre meme sont aussi présents des
déterminants psychiques et sociaux : les implications et les origines de la demande, mais aussi
les représentations sociales que sujet et clinicien se font de la situation. Ce sont souvent des
déterminants implicites dans une rencontre qui est, de surcroît, asymétrique. L’espace de la
rencontre clinique est donc, pour commencer, un espace de négociation implicite des attentes
mutuelles. Grossen (1988)4 fait remarquer que « le contexte social de présentation d’une tâche
ne peut donc se décrire en termes de caractéristiques objectives (c’est-à-dire externes). Il s’agit
plutôt d’examiner comment le sujet interprète cette situation, autrement dit quelles sont les
significations qu’il attribue à la situation et à la tâche. Ces significations jouent le rôle de
médiateurs entre le sujet et la tâche : c’est par elles que le sujet appréhende la tâche et
actualise sa réponse. » Il ne faut pas se cacher cet aspect : le clinicien va se donner les moyens
de caractériser un fonctionnement du sujet, c’est-à-dire, de faire des jugements, même si ceux-ci
ne sont pas d’ordre moral. Le sujet aussi bien que le clinicien arrivent à cette situation de
rencontre avec leurs histoires psychiques, leurs attentes respectives (réelles ou supposées), leurs
craintes, leurs défenses, et leurs instruments relationnels. C’est un espace très chargé.
Cela va constituer un champ virtuel (la situation clinique). Un présupposé de base
valide cette situation : ce qui s’actualisera dans ce champ virtuel aura une valeur informative du
fonctionnement global du sujet investigué.
Il s’agit donc d’une démarche créative, ou analytico-synthétique, par laquelle le
clinicien effectue un travail de pensée consistant à créer une représentation du fonctionnement
mental de son sujet, en tenant compte aussi bien des éléments individuels que des éléments
d’encadrement que peuvent lui offrir les modèles théoriques de fonctionnement, les modèles
structuraux, les modèles de développement, etc. On pourrait dire qu’il s’agit de l’étude d’une
totalité singulière active dans le cadre d’une situation relationnelle.
-o-
3
- Sanzána A. (1997). Méthodes et techniques, in : Perron R. et coll., La pratique de la psychologie
clinique, Paris, Dunod, p. 119-154.
4
- Grossen M. (1988). L’intersubjectivité en situation de test, Fribourg (Suisse), éd. Delval.
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
6
Annexe 4
INSTRUMENTS
NOMOTHÉTIQUES ET IDIOGRAPHIQUES5
Dans la création et le développement d’outils psychométriques, de questionnaires ou de tests de personnalité, deux grandes approches se distinguent. D’une part,
il existe l’approche nomothétique6 qui vise à la découverte et à l’analyse des lois
générales et communes de la personnalité pour un groupe ou un sous-groupe
d’individus, un inspiration psychométrique d’inspiration nomothétique permet, par
exemple, au clinicien de dire si un individu en particulier présente les caractéristiques
habituelles des gens souffrant d’une psychopathologie particulière, en comparant un
individu à un groupe clinique souffrant de dépression, par exemple, ou encore en
comparant certaines caractéristiques de personnalité ou des comportements d’un
individu à la moyenne de la population. Ce genre d’instrument nomothétique est en
général conçu de façon empirique, trouvant sa force dans des bases de données
importantes basées sur la comparaison entre diverses populations cliniques obtenue
grâce à des calculs statistiques sophistiqués. Ces instruments s’intègrent particulièrement bien à des diagnostics basés sur la description de syndromes ou de comportements
tels les diagnostics du DSM-IV par exemple. Une telle méthodologie oblige toutefois
l’expert à considérer les résultats d’un test dans ce qu’ils peuvent signifier pour un plus
grand nombre de gens, sur le modèle de la courbe normale de la population, au
détriment de la compréhension de ce qui peut être spécifique à un individu. Dans ce
sens, les limites principales de ce type d’instrument se situent au niveau de l’absence de
renseignement concernant la spécificité de l’individu, l’absence d’explication liée au
sens d’un état psychologique donné, ainsi que dans la faiblesse à décrire et expliquer
une personnalité normale.
L’approche idiographique7 du diagnostic, quant à elle, s’intéresse plutôt à
découvrir et à faire ressortir ce qui est unique chez un individu, ce qui le différencie
des autres, ce qui constitue sa singularité. En général, en général les cliniciens utilisant
pour leurs diagnostiques des théories psychodynamiques, ainsi que les psychologues
dont la pratique psychothérapique est d’inspiration psychanalytique, privilégieront
des méthodes diagnostiques idiographiques. La richesse clinique qui découle d’une
telle méthodologie s’obtient cependant parfois au détriment d’une classification
nosographique. Toutefois, cette approche doit se fonder sur une connaissance
approfondie d’une théorie de la personnalité. Puisqu’elle vise à expliquer le sens de la
psychopathologie et la vision du monde d’un individu, à décrire son monde subjectif
conscient et inconscient, cette méthode trouve ses limites dans la difficulté de comparer
5
- Brunet L. (2005). « Les instruments projectifs en expertise psycholégale », in : Brunet L. (Ed.).
L’expertise psycholégale. Bases méthodologiques et déontologiques, Sainte-Foy (Québec, Canada),
Presses de l’Université du Québec, p. 329-351.
6
- Du grec ancien nomos, qui renvoie à l’idée de « loi », d’abord au sens juridique, puis au sens
scientifique. En science, une approche nomothétique vise à tirer des lois générales à partir de faits
constatés. (Note C.B.)
7 - Du grec ancien idios (ἴδιος) : « propre, particulier », comme dans le mot français idiome, qui
désigne une langue particulière, propre à une région par exemple. Autres exemples en
français : idiot, idiotisme, idiopathie, idiosyncrasie, idoine. (Note C.B.)
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
1
des individus entre eux, ou de situer un individu par rapport à une norme statistique.
C’est cependant une approche qui permet de décrire tant la personnalité normale que
pathologique dans leur complexité et leur singularité.
Plusieurs instruments projectifs, et particulièrement le Rorschach, ont vu se
développer des méthodes de cotation et d’analyse s’inspirant de la philosophie
nomothétique (comme le SAT-9 et l’AT-9, voir Brunet, 1997), alors que d’autres
instruments, comme le T.A.T., tout en proposant des méthodes d’analyse qualitative fort
bien balisées et systématisées (Morval, 1978) demeurent nettement de conception
idiographique. Le Rorschach est dans une position unique dans le monde des
instruments projectifs. Il est sûrement l’instrument projectif le plus largement utilisé
mais, de plus, il a donné lieu à de nombreuses méthodes de cotation et d’analyse, allant
d’approches résolument nomothétiques, statistiques et normatives jusqu’à des modèles
d’analyse de contenu ou d’analyse qualitative sans cotation préalable. Par exemple, les
méthodes d’analyse quantitatives, comme celle d’Exner (1898, 1991) ou de Klopfer
(1942), reposent généralement sur une philosophie nomothétique du diagnostic. Par un
travail de codification des réponses qui se veut de plus en plus sophistiqué, une
comptabilisation des cotes obtenues permet de comparer l’individu à son groupe
d’appartenance et d’en tirer des conclusions diagnostiques. Obligatoirement, une telle
méthode oblige à analyser les protocoles d’un test projectif dans ce qu’ils peuvent
signifier pour un plus grand nombre de gens, sur le modèle de la courbe normale de la
population.
Par contre, une analyse qualitative de contenu au Rorschach se situe nettement
dans le courant idiographique qui recherche ce qui est unique à l’individu, ce qui le
distingue de l’ensemble. Ainsi, divers modèles d’analyse qualitative, la plupart du
temps inspirés des théories psychanalytiques, ont la faveur des psychologues européens.
Ces méthodes sont quelquefois critiquées pur leur absence de systématisation ou parce
qu’elles demandent aux psychologues un important bagage théorique au plan psychanalytique (Granger, 1996).
Il existe cependant des travaux balisant et guidant des modèles d’analyse
qualitative des instruments projectifs, comme ceux de Morval (1977) et de Shentoub
(1990) pour le T.A.T. et de Brunet (1998) pour un modèle d’administration associative
du Rorschach.
En plus de ces deux grandes visions psychométriques (nomothétique et
idiographique), il existe une controverse sur la nature même de la tâche psychique
qu’implique un test projectif. S’agit-il de l’organisation d’une perception ou d’une
projection ? Ainsi, une partie des auteurs et théoriciens du Rorschach voient dans la
réponse au Rorschach une tâche de perception et d’organisation de celle-ci effectuée par
le sujet.8 Exner (1989), par exemple, va même jusqu’à dire que c’est une erreur
malencontreuse que d’avoir désigné (mislabeled) le Rorschach comme un instrument
projectif. Par contre, d’autres auteurs voient plutôt dans la réponse au Rorschach le
résultat d’un processus de projection. C’est-à-dire que la carte [planche] constitue un
stimulus invariable, bien que non neutre, sur lequel l’individu projette quelque chose de
son monde intérieur, de son organisation psychique, de ses fantasmes et de ses désirs
singuliers. La différence entre ces deux conceptions du travail psychique exigé par le
8
- C’est la position originelle de Hermann Rorschach lui-même lorsqu’il invente et théorise son test.
(Note C.B.)
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
2
Rorschach est non seulement importante, mais elle donne lieu implicitement à des
systèmes de cotation, d’administration et d’analyse distincts.
Les implications des deux conceptions de la tâche imposée au sujet par
l’instrument projectif font que certains modèles, comme celui d’Exner, feront porter
leur analyse sur la façon dont un individu organise sa perception, en cherchant à
retrouver des tendances communes à certaines populations, de façon empirique souvent,
ce qui permet d’identifier ainsi des groupes psychopathologiques. Par contre, concevoir
la tâche à partir de l’idée de projection implique implicitement qu’une grande
importance est accordée au contenu verbal, au choix des mots utilisés, aux thématiques
et à la séquence des réponses en tant qu’ils sont indicateurs d’un fonctionnement
inconscient, d’une dynamique psychique dans laquelle des conflits et fantasmes se
manifesteraient après avoir fait l’objet d’une certaine censure et d’une déformation.
Le concept psychométrique est évidemment inspiré en droite ligne du concept
psychanalytique de projection, mais il ne le recouvre cependant pas. Plus précisément,
le concept psychométrique de projection se rapproche des théories de la perception,
de la mémoire et de la cognition en ce qu’il suppose que l’individu pallie le flou
d’un stimulus en y ajoutant quelque chose qui lui est propre. A partir de ce « quelque
chose », les psychologues tentent d’en inférer les désirs, traits de personnalité et états
affectifs du sujet.
Le concept psychanalytique de projection est quant à lui plus restrictif puisqu’il
postule que la projection du sujet est davantage liée à une tentative inconsciente de
l’individu de l’individu d’attribuer à l’autre ce contre quoi il doit se défendre à
l’intérieur de lui-même, ce qu’il refuse de reconnaitre comme lui appartenant (pulsion
qui le déborde, angoisse…). Ce qui est « projeté » dans un test projectif serait donc une
véritable « formation de compromis » entre, d’une part, ce qui peut être projeté au sens
dynamique psychanalytique du terme et, d’autre part, ce qui peut être conçu comme
une tentative du Moi de lier cette projection au processus cognitif, organisateur d’une
perception déficiente. L’art de l’analyse qualitative d’un test projectif consiste à
départager ce qui appartient à chacun de ces deux niveaux ; c’est-à-dire ce qui
appartient au processus d’organisation perceptuelle de ce qui appartient au processus
projectif à proprement parler. Toutefois, les deux niveaux sont intimement intriqués.
Bien que des auteurs comme Chabert (1983) et Schafer (1954) aient tenté
d’allier le meilleur de ces deux mondes, les deux grands modèles psychométriques
coexistent toujours dans l’utilisation des techniques projectives : le modèle nomothétique/perception et le modèle idiographique/projection. Chacun présente des avantages et des limitations, et chacun permet de fournir une approche très riche à un
[examen psychologique]. »
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
3
Annexe 5
ÉNIGME
prototype : Rorschach
test de Rorschach
test de frustration de Rosenzweig
Compréhension
Arrangement d’images
test du Village
test du Monde
test du gribouillis, "squiggle"
D 10
figure complexe de Rey (FCR)
Assemblage d’objets
Complètement d’objets
VERBAL
NON-VERBAL
TAT
CAT, Patte Noire
Symonds, DPI
fables de Düss
test des contes
MAPS
Scéno-test
dessin d’un personnage
dessin de famille
marionnettes
INTRIGUE
prototype : TAT
Classification des méthodes projectives
selon le double critère
Énigme / Intrigue + Verbal / Non-verbal
N.B. : Les noms d’épreuves écrits en italiques sont ceux de subtests des échelles
d’intelligence de Wechsler (WAIS et WISC) lorsqu’on les étudie dans une perspective
clinique et du point de vue psychopathologique.
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
1
Annexe 6
La référence à la psychanalyse
chez les psychologues cliniciens
L’une des particularités des psychologues cliniciens en
France (au point que l’on parle parfois de « cas français » à
ce propos) est leur référence fréquente et parfois exclusive
à la psychanalyse dans leur discours théorique comme
dans leur pratique. Comme nous aurons l’occasion de le
constater à plusieurs reprises par la suite, clarifions dès à
présent ce point.
On peut rendre compte de ce phénomène par deux
raisons principales.
 La première est liée aux options humanistes de
l’inventeur du psychologue clinicien, c’est-à-dire Lagache
lui-même. Bien qu’il ait d’emblée conçu la formation du psy1
chologue comme pluridisciplinaire , sa conception générale
de la psychologie clinique (au sens de « pratique psychologique ») et du psychologue est manifestement déterminée
par des choix précis. On y reconnaît surtout l’influence :
- de la médecine : notions de clinique, de cas, de
diagnostic, de pronostic, importance accordée à l’histoire
de la maladie (anamnèse), conception du pathologique
comme un degré qualitatif du normal, notion médico-sociale
d’inadaptation ;
- de la philosophie existentialiste et phénoménologique :
notions de personne-en-situation, de signification (« il n’y a
pas de situation qui ne soit situation-pour-un-organisme »),
de valeur (orientation de la conduite) ;
- de la psychanalyse : notions de conduite (plus globale
que celle de « comportement » et qui inclut les phénomènes
2
psychiques internes, y compris inconscients) , de conflit
psychique, de transfert (la psychologie clinique travaille
« avec » le transfert et non « sur » le transfert) ;
1
- Dès la période où il enseignait la psychologie à la Faculté
des Lettres de Strasbourg (en philosophie), Lagache avait
créé des certificats de psychopathologie et de psychologie
sociale. La licence créée à la Sorbonne en 1947 était une
licence de « Psychologie générale » et comportait quatre
certificats : Psychologie de l’enfant et de la pédagogie Psychologie de la vie sociale – Psychopathologie – Psychophysiologie. Dans les années 1950, Lagache a favorisé, à
l’Institut de Psychologie de Paris, la fondation du premier
laboratoire de Psychologie sociale en France, puis la
création d’un laboratoire de Psychologie expérimentale. Le
premier laboratoire universitaire de Psychologie clinique ne
sera créé qu’en 1965, au Centre Censier (Paris), par Juliette
Favez-Boutonier, successeur de Lagache à la chaire de
Psychologie de la Sorbonne à partir de 1959.
2
- On peut aussi reconnaître ici l’influence de Janet : « Le
fait psychologique n’est ni spirituel, ni corporel ; il se passe
dans l’homme tout entier, puisqu’il n’est que la conduite de
cet homme prise dans son ensemble. Un sentiment n’est
pas plus dans l’âme qu’il n’est dans le ventre, il est une
modification de l’ensemble de la conduite. » (La psychologie
de la conduite, 1936) - « La psychologie de la conduite est,
d’une manière générale, l’étude de l’homme dans ses
rapports avec les autres hommes. » (De l’angoisse à
l’extase, 1926, II, p. 36).
- de la psychologie sociale : notions de situation sociale
d’examen ; théorie de la personnalité intégrant la notion de
relations interpersonnelles et de socialisation.
Parmi ces diverses influences (et d’autres encore), celle
de la psychanalyse est assez forte, et apparaît notamment
3
dans l’ambiguïté avec laquelle Lagache aborde la question
de l’usage des tests dans le diagnostic psychologique, ainsi
que dans la façon dont il positionne la notion de conduite en
psychologie (Gori, Miollan, 1983).
Concernant le diagnostic psychologique, Lagache privilégie nettement l’anamnèse et l’observation clinique, et tend
à considérer l’emploi des tests comme secondaire, utile
surtout lorsque l’investigation ne peut s’en passer.
« Certaines techniques seront fondamentales, et
peuvent à la rigueur se passer des autres, alors que la
réciproque n’est pas vraie. À nos yeux, sont fondamentales
les techniques historiques et l’observation clinique. »
(Lagache, 1949, rééd., p. 173)
« Les tests, surtout les tests dits “de performance”
présentent un énorme avantage, celui d’introduire un
“matériel” entre le clinicien et le consultant, avantage
perceptible nettement lorsque l’entretien devient laborieux
et stérile. » - (ibid., p. 168-169)
Il est clair, d’autre part, que Lagache conçoit l’investigation clinique en fonction des deux références historiques
de la médecine et de la psychanalyse, posées comme
exemples d’une clinique « pure ». La psychanalyse notamment est présentée comme « une sorte “d’ultra-clinique” »
dans la mesure où « elle porte les caractéristiques méthodologiques essentielles [de la psychologie clinique] à une
puissance plus élevée » (ibid., p. 170).
 L’autre raison permettant de comprendre l’affinité des
psychologues cliniciens pour la psychanalyse en France est
politique.
Jusque dans les années 1960-70 les psychologues
étaient généralement affectés à des tâches d’évaluation et
de conseil. L’essor de leurs pratiques les a progressivement
conduits à investir d’autres types de tâches, notamment de
diagnostic, de psychothérapie, et d’interventions sur des
dispositifs institutionnels. La référence à la psychanalyse a
été un puissant moyen pour se différencier et s’imposer sur
un terrain jusque là dévolu aux médecins. Cet essor s’est
fait à l’occasion d’une période de sensibilité critique à
l’égard des appareils institutionnels hérités du XIXe siècle
(la psychiatrie asilaire, les pratiques disciplinaires d’enfermement, l’assistanat social, la normalisation scolaire).
L’appui sur la psychanalyse a permis aux psychologues
de se situer dans ce débat sociopolitique et d’en dégager
un positionnement nouveau dans tous les champs institutionnels où ils s’inscrivaient déjà (santé, éducation, justice,
3
- Gori et Miollan vont jusqu’à parler de « duplicité
stratégique et épistémologique » à propos de la façon
dont Lagache articule le rapport psychologie clinique /
psychanalyse (Gori, Miollan, 1983).
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
1
travail social), souvent en se faisant les promoteurs ou
l’écho de cet esprit critique et de ses conséquences dans
les pratiques.
Le transfert
en psychologie et en psychanalyse
« La notion de transfert est centrale dans le déroulement de
la cure analytique. Grâce au cadre qui lui est fourni par
l’analyse et l’analyste, cadre précis, fiable, suffisamment
neutre, le patient va pouvoir projeter sur l’ensemble “cadreanalyste” ses relations avec les figures fondamentales de
son enfance, ses modes d’être et de fonctionner. L’analyse
du transfert est donc fondamentale puisqu’elle va permettre
à l’analyste de se représenter comment et avec qui chaque
patient a construit sa personnalité, son imaginaire, ses
fantasmes, ses défenses. Mais l’élaboration du transfert
dans la cure ne constitue pas seulement une répétition ; elle
consiste également en une “re-création” d’un mode d’être et
de penser différent, elle est l’œuvre conjointe du patient et
de l’analyste.
« Ce n’est pas le phénomène de transfert lui-même qui est
spécifique de la cure : un patron, un enseignant, un ami ou
un amant peuvent également faire l’objet d’un transfert. Il ne
leur est pas demandé, pour autant, ni d’en tenir compte, ni,
a fortiori, de l’analyser. Ce qui est spécifique de la cure,
c’est précisément l’analyse du transfert et la place, tout à
fait particulière, qu’y tient l’analyste, personnage dont le rôle
et la manière de répondre (l’interprétation) sont tout à fait
différents des modes habituels de relation.
« Les psychologues font, eux aussi, l’objet d’un transfert et
ceci avant même le début de toute prise en charge. Ils
suscitent des représentations diverses : ils peuvent même
susciter peur, envie, jalousie, etc. Bref, ils n’existent pas en
tant qu’eux-mêmes mais pour ce qu’ils représentent dans
les fantasmes des patients, voire même d’autres professionnels de la santé ou de tout autre secteur d’activité
professionnelle. Par ailleurs, en tant que membre d’une
institution, quelle qu’elle soit, le psychologue suscite également des représentations liées à tel ou tel aspect de sa
mission, du rôle qu’il occupe dans cette institution, ou de tel
ou tel caractère de cette institution. Tout soignant représente peu ou prou une figure parentale à laquelle on vient
demander aide ou secours, le psychologue lui aussi.
« Occulter cette dimension du transfert, ignorer ce qui se
répète, ici et maintenant, d’un ailleurs et autrefois, avec
un autre, rend tout travail psychique vide de sens. Mésestimer la présence, la force et les effets du transfert, voire
même de son absence, revient à dévitaliser toute relation
psychologue-sujet. » - (Fua, 1997, p. 24-25)
 Par-delà ces raisons historiques, il convient toutefois
de ne pas confondre psychologie clinique et psychanalyse.
Rappelons d’abord que, selon Freud lui-même, la psychanalyse est :
- « une méthode d’investigation consistant essentiellement dans la mise en évidence de la signification
inconsciente des paroles, des actions, des productions
imaginaires (rêves, fantasmes, délires) d’un sujet. »
(Laplanche, Pontalis, 1976, p. 351). Cette méthode peut
s’effectuer au moyen des libres associations du sujet,
mais elle peut aussi s’en passer lorsqu’elle s’étend à
d’autres productions humaines (sociales ou artistiques, par
exemple).
- « une méthode psychothérapique fondée sur cette
investigation et spécifiée par l’interprétation contrôlée de la
résistance, du transfert et du désir. » (ibid.). C’est ce qu’on
appelle parfois la cure psychanalytique.
- « un ensemble de théories psychologiques et
psychopathologiques où sont systématisées les données
apportées par la méthode psychanalytique d’investigation et
de traitement » (ibid.).
Ceci étant rappelé, quels sont les emprunts des psychologues cliniciens à la psychanalyse, et à quel titre ?
a) Sur le plan théorique, le modèle du psychisme et de
la personnalité que propose la pensée psychanalytique est
l’un de ceux qui répondent le mieux à la volonté de la
psychologie clinique de s’intéresser à la personne globale,
de penser la conduite comme un ensemble dynamique
impliquant des interactions intra- et inter-individuelles, et de
concevoir les difficultés ou les troubles étudiés comme
n’étant pas de nature différente de ce qui détermine la
conduite dite « normale ».
Cependant, d’autres approches théoriques comme
d’autres champs de la psychologie peuvent aussi répondre
à cette option globaliste et psychodynamique. Ainsi, à la
différence du psychanalyste, qui se réfère uniquement à la
pensée psychanalytique, le psychologue clinicien lui peut
s’autoriser à puiser à des sources théoriques ou disciplinaires multiples et variées, pourvu qu’elles correspondent à
son objectif général d’étudier une conduite singulière en
situation. Les différentes influences repérables dans la
démarche de Lagache (voir plus haut) témoignent de la
pluralité théorique possible en ce sens.
b) Sur le plan technique, la notion de conduite telle que
la propose Lagache implique de prendre en compte des
aspects non directement observables du « cas » étudié.
Autrement dit, ce qu’observe le psychologue et ce sur quoi il
travaille, n’est pas totalement accessible immédiatement et
doit être inféré à partir du comportement apparent.
D’autre part, la même notion de conduite amène à
considérer que l’observation ou l’intervention menée par le
psychologue participe de la situation dans laquelle se trouve
actuellement le sujet observé. Ce qui signifie que le
psychologue doit prendre en compte, dans son observation
ou dans son action, la relation qu’il entretient avec le sujet et
utiliser les effets de cette relation comme source d’informations compréhensives.
La technique psychanalytique a particulièrement bien
intégré et développé cette double exigence d’observation
par inférence (ou interprétative) et d’observation participative (ou « sous transfert »). D’où l’intérêt référentiel que
peuvent y trouver les psychologues cliniciens.
Mais là encore, ceux-ci peuvent s’appuyer, dans le
même esprit, sur d’autres concepts techniques ou d’autres
stratégies techniques que ceux de la psychanalyse.
L’implicite non immédiatement observable de la conduite
peut être renvoyé par exemple aux notions de schème
existentiel, de système d’appartenance, de norme d’internalité, de structure cognitive... Quant à la prise en compte
compréhensive de la relation psychologue-sujet, elle peut
être théorisée par exemple en termes de processus
d’attribution, d’interactions d’attitudes et contre-attitudes,
d’influences, ou de communication circulaire.
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
2
Traditionnellement, on dit que le psychologue clinicien
travaille « avec » le transfert et non « sur » le transfert. On
veut dire par là qu’il prend en compte les effets psychiques
de la relation psychologue-sujet (il les accepte comme
inévitables et inhérents à son observation, et les intègre
dans son travail compréhensif), mais qu’il n’en fait pas le
ressort principal de son action, à la différence du psychanalyste qui s’en saisit comme l’un des lieux de manifestation
de l’inconscient (cf. notion d’analyse du transfert).
c) Du point de vue de l’exercice, enfin, les fonctions du
psychanalyste sont généralement d’être psychothérapeute
(la psychanalyse est une forme de psychothérapie), ou
d’intervenir dans des pratiques de formation qui vont
consister à optimiser l’usage de la relation professionnelusager dans les pratiques de soin, d’éducation, de travail
social, sur le modèle de l’analyse compréhensive du
transfert (c’est ce qu’on appelle la « supervision » analytique).
Le psychologue clinicien, quant à lui, peut exercer des
fonctions plus diversifiées, et dans des secteurs plus variés
que le psychanalyste.
Références bibliographiques
Fua D. (dir.) (1997). Le métier de psychologue clinicien,
Paris, Nathan.
Gori R., Miollan C. (1983). Psychologie clinique et psychanalyse : d’une inquiétante familiarité, Connexions, 40,
7-29.
Lagache D. (1949). Psychologie clinique et méthode
clinique, in : Le psychologue et le criminel. Œuvres II,
Paris, P.U.F., 1979, p. 159-178.
Laplanche J., Pontalis J.B. (1976). Vocabulaire de la
ème
psychanalyse, 5
éd., Paris, P.U.F.
Psychologie clinique et projective L2 : cours C. Bouchard – Annexes
3
Licence 2 : Psychologie clinique et projective – cours C. Bouchard
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