INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 118 Place des formes orales du 5-Fluorouracile dans la prise en charge du cancer colorectal J. Desramé *, A. Carde **, D. Béchade * A Avec 36 000 nouveaux cas par an et 16 000 décès annuels, le cancer colo-rectal est un des cancers les plus fréquents en France. Si la chirurgie reste le traitement de référence de ces tumeurs, la chimiothérapie a désormais une place importante dans leur prise en charge. Elle a montré son intérêt en termes de survie en situation adjuvante pour les tumeurs de stade III de l’UICC et en situation palliative. Le 5FU, antimétabolite de type antipyrimidique, modulé par l’acide folinique, est aujourd’hui la drogue pivot dans la prise en charge de ce cancer (1). Cependant, la chimiothérapie s’accompagne d’une toxicité notable. Par ailleurs, elle impose aux patients des séjours répétés à l’hôpital et, le plus souvent, la mise en place d’une chambre de perfusion implantable qui expose à la survenue de complications. De plus, les schémas utilisant des perfusions longues de 5FU nécessitent le port de dispositifs de perfusion continue pendant plusieurs jours par mois (4 en moyenne). L’utilisation de produits de chimiothérapie par voie orale pourrait permettre de s’affranchir de ces différents facteurs et ainsi d’améliorer la qualité de vie des patients. * Clinique médicale, HIA du Val-de-Grâce, Paris. ** Pharmacie hospitalière, HIA Val-de-Grâce, Paris. Une étude récente a montré que 89 % des patients traités pour un cancer souhaitaient recevoir une chimiothérapie par voie orale afin de pouvoir bénéficier d’un traitement à domicile et éviter les complications liées à l’abord veineux. Cependant, 70 % des patients n’étaient pas prêts à accepter une moindre efficacité du traitement (2). Dans une autre étude, de préférence en crossover, des patients traités pour un cancer colique ont reçu à la fois un traitement oral et un traitement parentéral. Quel que soit l’ordre de la séquence thérapeutique (oral puis parentéral, ou parentéral puis oral), 84 % des patients ont préféré le schéma oral (3). Le 5FU n’étant pas utilisable par voie orale en raison de la grande variabilité inter- et intra-individuelle de sa biodisponibilité, des formes orales de chimiothérapie dérivées des fluoropyrimidines ont été développées pour tenter de répondre à l’attente des patients : la capécitabine (Xeloda®), l’association tégafur/uracile (Uft®), l’association tégafur/CDHP/OXO (S-1), l’association 5FU. En France, seuls le Xeloda® et l’Uft® sont disponibles (le S-1 a été essentiellement utilisé au Japon et le développement de l’association 5FU/eniluracile a été récemment interrompu au vu des résultats d’une étude de phase III qui a montré une efficacité inférieure de cette association comparée à celle d’un schéma classique de 5FU par voie IV). Après un bref rappel sur le métabolisme du 5FU, nous rapporterons les données de la littérature disponibles sur ces deux produits et tenterons de définir la place qu’ils peuvent avoir dans la prise en charge du cancer colorectal en situation palliative, adjuvante et en association avec la radiothérapie. Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003 Métabolisme du 5FU (schéma 1) Le 5FU agit essentiellement par le biais d’une inhibition de la synthèse de l’ADN. Après pénétration dans la cellule, l’action cytotoxique du 5FU va principalement s’exercer pendant la phase S du cycle cellulaire, par inhibition compétitive de la thymidilatesynthétase (TS) qui participe à la synthèse de la thymidine triphosphate, nucléotide constituant de l’ADN, par le biais du 5-fluorodésoxyuridine monophosphate (5-FdUMP), principal métabolite actif du 5FU après dégradation par la thymidine-phosphorylase (TP) et la thymidine-kinase (TK). Le complexe 5-FdUMP-TS est stabilisé par le 5,10méthylène-tétrahydrofolate (5,10MTHF) qui résulte du métabolisme de l’acide folinique. Par ailleurs, la folyglutamate-synthétase augmente l’affinité du 5,10-MTHF pour la TS par apport de glutamates. Les autres modes d’action du 5FU sont médiés par des métabolites (5-FdUTP, 5-FUTP) qui peuvent s’incorporer à l’ARN ou à l’ADN. Cependant, seule une faible fraction du 5FU est engagée dans cette voie anabolique, la majorité du 5FU étant directement dégradée par la dihydropyrimidine-déshydrogénase (DPD) en 5-fluorodihydrouracile (5-FUH2) puis en fluoroalanine et en urée. La DPD est présente dans de nombreux organes, notamment dans le tube digestif et le foie ; le niveau de son activité est très variable en fonction des individus et pour un individu donné, dans le temps, ce qui explique la grande variabilité de la biodisponibilité per os du 5FU. 118 Question d’actualité Question d’actualité INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 119 5-FdUTP TP PMK/PDK TK 5FU 5-FUH2 5-FUdR ADN 5-FdUMP DPD PRPP/MK/PDK ADN Dérivés inactifs toxiques 5-FUTP ARN d TTP d UMP Folates CATABOLISME d TMP TS 5,10-MTHF ANABOLISME Schéma 1. Métabolisme du 5FU. 5FU : 5-fluorouracile 5-FUH2 : 5-fluorodihydrouracile 5-FudR : 5-fluorodésoxyuridine 5-FdUMP : 5-fluorodésoxyuridine monophosphate 5-FdUTP : 5-fluorodésoxyuridine diphosphonate 5-FUTP : 5-fluorodésoxyuridine triphosphonate DPD : dihydropyrimidine-deshydrogénase TP : thymidine-phosphorylase TK : thymidine-kinase Les prodrogues du 5FU Elles visent à reproduire avec une drogue orale les effets d’une perfusion continue de 5FU. La capécitabine (Xeloda®)(schéma 2) La capécitabine est un antimétabolite de TS : thymidilate-synthétase PMK : pyrimidine monophosphate-kinase PDK : pyrimidine diphosphonate-kinase PRPP : phosphoribosyl pyrophosphate MK : monophosphate-kinase ADN : acide désoxyribonucléique ARN : acide ribonucléique D UMP : désoxyuridine monophosphate D TMP : désoxythymidine monophosphate D TTP : désoxythymidine triphosphate 5,10-MTHF : 5,10-méthylène-tétrahydrofolate type carbamate de fluoropyrimidine actif par voie orale. Elle traverse la barrière intestinale sans y subir de dégradation et est métabolisée au niveau hépatique en 5’désoxy-5-fluorocytidine (5’-DFCR) puis en 5’désoxy-5-fluorouridine (5’DFUR, doxifluridine) dans le foie et les tissus tumoraux. L’étape finale, qui abou- tit à la formation de 5FU, se fait préférentiellement au niveau tumoral, car elle est médiée par la TP qui est surexprimée dans les cellules tumorales. Une étude a montré que, sur des pièces de colectomie après traitement par capécitabine, la concentration de 5FU était 3,2 fois plus élevée dans les tissus tumoraux que dans les tissus sains et 21,4 fois plus élevée que dans le plasma. L’élimination est essentiellement rénale. Ce produit est commercialisé sous forme de comprimés dosés à 500 et à 150 mg. Les études de phases I et II ont abouti à la définition d’un schéma d’administration qui recommande une dose de 2 500 mg/m2/jour répartie en deux prises, matin et soir, après un repas pendant 14 jours, suivie de 7 jours de repos. Le principal effet secondaire sévère (grade 3-4, NCI-CTC) est un syndrome mains-pieds dans 15 à 20 % des cas, réversible après diminution des doses. Une posologie de 2000 mg/m2/jour est recommandée en cas d’insuffisance rénale modérée (30 ml/min <clearance de la créatinine < 50 ml/min). L’insuffisance rénale sévère (clearance de la créatinine < 30 ml/min) et l’insuffisance hépatique sévère sont des contre-indications. Une surveillance attentive de l’INR chez les patients traités par antivitamines K est recommandée. Un carnet de liaison fourni par le laboratoire permet d’optimiser le suivi du traitement. Deux études de phase III ont comparé ce schéma thérapeutique au FUFOL faible en première ligne dans le traitement du cancer colorectal métastatique (4,5). Les résultats d’une analyse poolée de ces deux essais portant sur 1 207 patients sont donnés dans le tableau I. Le taux de contrôle tumoral Tableau I. Synthèse des essais randomisés : taux de réponse (TR), temps jusqu’à progression (TP) ou survie sans progression (SSP). Essai C vs FUFOL UFT vs FUFOL UFT vs FUFOL LV5FU2 vs FUFOL FOLFOX vs LV5FU2 5FU+CPT11 vs 5FU * Médiane Référence 6 14 15 22 23 24 S : signicatif p < 0,05 Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003 Effectif 603/604 409/407 190/190 217/216 122/127 198/187 TR 22,4/13,2 S 11,7/14,5 NS 10,5/9,0 NS 32,5/14,4 S 50,0/21,9 S 49/31 S NS : non significatif TP ou SSP (mois)* TP : 4,6/4,7 NS TP : 3,5/3,8 S TP : 3,4/3,3 NS SSP : 6,9/5,5 S SSP : 9,0/6,2 S TP : 6,7/4,4 S 119 Question d’actualité Question d’actualité INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 120 Intestin Foie Capécitabine Capécitabine Tumeur CE 5'-DFCR 5'-DFCR CyD CyD 5'-DFUR 5'-DFUR Thymidinephosphorylase 5FU Schéma 2. Capécitabine : mode d’action. 5FU : 5 fluorouracile 5’-DFCR : 5’désoxy-5-fluorocytidine 5’-DFUR (doxifluridine) : 5’désoxy5-fluorouridine CE : carboxylestérase CyD : cytidine-désaminase (réponse complète + réponse partielle + stabilisation) était équivalent dans les deux bras (6). En termes de tolérance, la capécitabine provoquait significativement moins de diarrhée (48 % versus 58 %. Grade 3-4 : 12 à 13 % dans les deux bras), de mucite (24 % versus 62 %), de nausées (38 % versus 47 %), d’alopécie (6% versus 21 %), de neutropénie de grade 3-4 (2,2 % versus 21,1 %) et de neutropénie fébrile (0,2 % versus 3,4 %). Le syndrome mainspieds, quant à lui, était significativement plus fréquent dans le bras capécitabine (53 % versus 6 %). Par ailleurs, chez les patients traités par capécitabine, la survenue d’hyperbilirubinémie isolée de grade 3-4 (> x 5N), dont le mécanisme est encore mal compris, était fréquente (27,3 %) (7). À partir de ces données de toxicité, un schéma d’adaptation de posologie est proposé par le laboratoire. En situation métastatique, l’association avec l’oxaliplatine et l’irinotécan, qui sont les deux molécules de référence dans le traitement du cancer colorectal métastatique, n’a été évaluée que dans des essais de phases I-II. Pour l’oxaliplatine, un schéma associant oxaliplatine 130 mg/m2 à J1 et de capécitabine 1 250 mg/m2 2 fois par jour pendant 14 jours, avec reprise à J21, a permis d’obtenir des taux de réponse de 49 % en première ligne chez 43 patients et de 15 % en deuxième ligne chez 26 patients. Le profil de toxicité était acceptable en première ligne mais avec 35 % de diarrhée de grade 3-4 ; en deuxième ligne, une adaptation de dose était nécessaire chez 45 % des patients, ce qui a conduit les auteurs à recommander une posologie de départ de 1 000 mg/m2 2 fois par jour dans cette situation (8). Pour l’irinotécan, il n’existe pas encore de schéma d’administration bien défini, mais, dans une étude portant sur 35 patients avec un schéma sur trois semaines associant la capécitabine à dose usuelle avec l’irinotécan à 300 mg/m2 à J1 ou à 150 mg/m2 à J1 et J8, un taux de réponse de 71 % a été obtenu. Cependant, compte tenu de la toxicité observée, les doses recommandées par les auteurs pour le développement ultérieur de Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003 cette association sont de 1 000 mg/m2 2 fois par jour pour la capécitabine et de 240 mg/m2 ou de 120 mg/m2 pour l’irinotécan (9). Dans une autre étude de phases I-II, les conclusions sont similaires (10). Une phase II randomisée devant inclure 70 patients, comparant en première ligne les associations capécitabine/oxaliplatine et capécitabine/irinotécan, est en cours. Les résultats préliminaires montrent des taux de réponse objective de 41, 2% pour l’association capécitabine/oxaliplatine (n = 17) et de 37,5 % pour l’association capécitabine/irinotécan (n = 16). Cependant, le schéma utilisé semble relativement toxique (capécitabine 1 000 mg/m2 2 fois par jour de J1 à J14, suivie de 7 jours de repos, associée, à 70 mg/m2 d’oxaliplatine à J1 et J7 ou 100 mg/m2 d’irinotécan à J1 et J7) avec environ 25 % de toxicité de grade 3-4 dans chaque bras et deux décès toxiques dans le bras capécitabine/irinotécan chez les 55 premiers patients analysables de l’étude (11). En situation adjuvante dans les cancers de stade III, un essai portant sur 1700 patients est en cours (X-ACT trial, Roche, États-Unis), mais on ne dispose actuellement d’aucun élément dans cette indication. Les premières données concernant la toxicité devraient être rapportées au cours de l’année 2003. La capécitabine est également en cours de développement en association avec la radiothérapie dans le traitement du cancer du rectum. Une étude de phase I a montré que la capécitabine à la dose de 1 650 mg/m2/j pouvait être associée à une radiothérapie à dose standard (50,4 Gy délivrés en 6 semaines par fractions de 1,8 Gy) (12). En situation néoadjuvante, dans une étude de phase II ayant inclus 45 patients avec des tumeurs du rectum T2N+(n = 1) ou T3-T4 N0/N+(n = 44), la radiothérapie avec un étalement classique associée à deux cycles de capécitabine (825 mg/m2 2 fois par jour + acide folique 10 mg/m2 2 fois par jour, J1-J14, reprise J21,) a permis d’obtenir des résultats promet- 120 Question d’actualité Question d’actualité INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 121 teurs avec, pour les 38 patients ayant bénéficié d’une chirurgie, un taux de réponse complète de 31 % et un down staging dans 62 % des cas (13). Ces données préliminaires suggèrent que la capécitabine pourrait se substituer aux perfusions continues de 5FU maintenant couramment utilisées en association avec la radiothérapie. Des essais associant radiothérapie, capécitabine et oxaliplatine sont actuellement en cours. L’association tégafur + uracile (UFT) (schéma 3) C’est la seconde fluoropyrimidine par voie orale disponible en France. Elle est composée d’un précurseur du 5FU, le tégafur, et d’un substrat naturel de la DPD, l’uracile, enzyme intervenant dans le catabolisme du 5FU, avec un ratio molaire fixe de _ . L’absorption digestive du tégafur et de l’uracile est rapide et complète. Le tégafur est ensuite rapidement métabolisé en 5FU au niveau hépatique par un mécanisme qui fait intervenir le cytochrome P 450 CYP2A6 (des interactions médicamenteuses peuvent donc survenir avec les substrats ou inhibiteurs de cette enzyme) ; 20 % environ sont éliminés par voie rénale. L’uracile permet une inhibition compétitive de la dégradation du 5FU par la DPD, favorisant ainsi la voie anabolique du 5FU, ce qui augmente la quantité de 5FU intracellulaire disponible. L’adjonction d’acide folinique, qui potentialise l’inhibition compétitive de la TS, est recommandée. Une étude a montré que 370 mg/m2/j pendant 28 jours d’UFT permettent d’obtenir une exposition systémique au 5FU équivalente de celle obtenue avec une perfusion continue de 5FU de 250 mg/m2/j 5 jours sur 7. Ce produit est commercialisé sous forme de gélules dosées à 100 mg de tégafur et 224 mg d’uracile. Les études de phases I et II ont abouti à la définition d’un schéma d’administration qui recommande une dose de 300 mg/m2/j de tégafur répartie en trois prises, de préférence toutes les 8 heures, une heure avant ou après un repas, associée à chaque prise avec 30 mg d’acide folinique pendant 28 jours, suivis de 7 jours de repos. Le Question d’actualité Question d’actualité 5-FdUMP AF TS ANABOLISME Intestin T Téfagur foie 5FU Cyp 45 CATABOLISME UFT DPD U Uracile 5-FUH2 Schéma 3. UFT : mode d’action. Cyp 450 : cytochrome P 450 5-FdUMP : 5-fluorodésoxyuridine monophosphate 5-FUH2 : 5-fluorodihydrouracile DPD : dihydropyrimidine-deshydrogénase principal effet secondaire sévère (grades 3-4, NCI-CTC) est une diarrhée chez environ 20% des patients. L’insuffisance hépatique sévère est une contre-indication. Une surveillance attentive de l’INR chez les patients traités par anticoagulants coumariniques est recommandée. Un carnet de liaison fourni par le laboratoire permet d’optimiser le suivi du traitement. Comme pour la capécitabine, deux grands essais randomisés de phase III ont comparé l’association tégafur + uracile au FUFOL faible en première ligne dans le traitement du cancer colorectal métastatique. Le premier essai a inclus 816patients (14). Les résultats sont rapportés dans le tableau I. En termes de tolérance, l’association tégafur + uracile provoquait significativement moins de diarrhée (67% versus 76%. Grades 3-4 : 21% versus 16% : NS), de mucite (24% versus 75 %), de nausées (67 % versus 75 %), de syndrome mains-pieds (2 % versus 5%), de neutropénie de grade 3-4 (1 % versus 56 %) et de neutropénie fébrile (0% versus 13%). En revanche, comme chez les patients traités par capécitabine, la survenue d’hyperbilirubinémie isolée de grades 3-4 (> X 5N) était significativement plus fréquente avec l’association tégafur + uracile (15% ver- Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003 sus 8 %). Les résultats du second essai ayant inclus 380 patients sont rapportés dans le tableau I (15). En termes de toxicité, le profil de tolérance était meilleur avec le traitement par voie orale. L’association de l’Uft® avec l’oxaliplatine et l’irinotécan est également en cours de développement. Les toxicités limitantes sont la diarrhée et la neutropénie fébrile. Pour l’oxaliplatine, une étude de phase I a montré qu’un schéma associant l’Uft® et l’acide folinique à dose standard pendant 14 jours, suivis de 7 jours d’arrêt avec de l’oxaliplatine à J1 à la dose de 130 mg/m2, était correctement toléré (16). Pour le campto (17), une étude de phase I a permis de montrer la faisabilité d’un schéma sur 28 jours associant l’Uft® à la dose de 300 mg/m2 pendant 21 jours avec le campto à la dose de 100 mg/m2 à J1, J8, J15. En première ligne (18), ce protocole a permis d’obtenir chez 29 patients un taux de réponse de 34,5 % avec un temps médian jusqu’à progression de 6 mois et une survie médiane de 18 mois. Le développement de l’Uft® en situation adjuvante dans les cancers de stades II et III a débuté dans les années 1990 au Japon, en association avec de la mito- 121 INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 122 mycine C. Les résultats de ces essais sont prometteurs mais, compte tenu de leur méthodologie et des protocoles utilisés, il faut attendre les résultats des essais randomisés en cours en Occident. Un essai du NSABP (C-06), comparant les associations Uft/acide folinique et 5FU/acide folinique en situation adjuvante a inclus 1 530 patients. Les premières données concernant la toxicité pour 473 patients montrent un profil de toxicité comparable dans les deux bras (19). Comme pour la capécitabine, l’association Uft® + radiothérapie dans le traitement du cancer du rectum a montré de bons résultats dans les études de phases I-II, la toxicité limitante étant la diarrhée. La dose d’Uft varie entre 300 et 400 mg/m2/j administrée en continue 5 jours sur 7 ou de façon séquentielle 2 semaines par mois pendant la durée de l’irradiation, associée ou non à de l’acide folinique. Dans les deux études de phase II (20, 21), qui ont inclus 68 et 41 patients, les taux de réponse complète histologique sont de 8 et 15 % et ceux de tumeurs en downstaging de 65 et 63 %. Places des formes orales du 5FU dans la prise en charge du cancer colorectal en 2003 Les formes orales du 5FU peuvent constituer une alternative à la forme injectable si elles présentent une efficacité et une tolérance au moins égales à celles des protocoles de référence tout en améliorant le confort de vie des patients et en diminuant le coût des traitements. Efficacité et tolérance : La capécitabine et l’Uft ont obtenu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement du cancer colorectal métastatique en première ligne après avoir montré une efficacité et une tolérance au moins égales à celles du protocole FUFOL (46, 14, 15). Cependant, ce protocole n’est plus le protocole de référence en France, un essai de phase III ayant montré que le protocole LV5FU2 était plus efficace et moins toxique que le protocole FUFOL (tableau I) (22). Cela explique que les conclusions des experts de la réunion pour les recommandations pour la pratique clinique pour la prise en charge des métastases hépatiques des cancers colorectaux (Paris, janvier 2003) ne recommandent pas l’utilisation de ces drogues en dehors de situations particulières où elles peuvent être une alternative thérapeutique, par exemple chez des patients pour lesquels il n’existe pas ou plus d’espoir de traitement chirurgical et/ou refusant un traitement par voie veineuse, notamment chez les patients âgés ou en mauvais état général. Par ailleurs, en première ligne, de plus en plus de patients sont traités par une association de type 5FU/AF/oxaliplatine ou 5FU/AF/irinotécan qui ont une efficacité supérieure à celle de l’association 5FU/AF (tableau I) (23, 24). Or, les données concernant les dérivés oraux du 5FU avec l’oxaliplatine et l’irinotécan sont encore trop parcellaires pour permettre leur utilisation en dehors d’essais cliniques. De plus, ces protocoles, nécessitant un abord veineux, ne permettent plus un traitement “tout oral” ambulatoire. Cependant, l’intérêt de ces chimiothérapies combinées agressives en première ligne de traitement chez les patients pour lesquels il n’existe pas d’espoir de chirurgie curative reste débattu, car des données rétrospectives suggèrent que le nombre de lignes de chimiothérapie reçues pourrait également influencer la survie des patients. D’autres stratégies sont donc en cours d’évaluation, avec notamment des chimiothérapies qui préservent une première ligne par 5FU seul ou qui proposent une chimiothérapie d’entretien par 5FU seul après obtention d’une réponse par une association. Dans l’avenir, les traitements par voie orale trouveront peut-être une place au sein de ces stratégies. En situation adjuvante ou en association avec la radiothérapie, on ne Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003 peut pas encore recommander l’utilisation de ces drogues en dehors d’essais cliniques, compte tenu des données actuellement disponibles. En termes de tolérance, il convient de signaler que, pour la capécitabine, dans une population de patients sélectionnés, une adaptation de dose a dû être réalisée chez un patient sur trois en raison d’effets secondaires (syndrome mains-pieds, diarrhée) (7), ce qui invite à une certaine prudence dans la posologie de départ, lorsque ce produit est prescrit chez des patients âgés ou en mauvais état général, comme le suggère un éditorial récent paru dans le Journal of Clinical Oncology (25). Pour l’UFT, on dispose de moins de données, mais dans les deux essais publiés, une diarrhée sévère (grades 3-4) est rapportée chez près de 20 % des patients (14, 15). Confort de vie des patients : les médicaments commercialisés répondent incontestablement au désir des patients de pouvoir bénéficier de traitement ambulatoire. Dans un essai, le nombre moyen de visites par patient à l’hôpital est de 7,1 dans le bras chimiothérapie orale versus 25,5 dans le bras chimiothérapie IV (26). Cependant, dans les deux essais qui comportent une évaluation de la qualité de vie des patients, il n’y a pas de bénéfice en faveur du traitement par voie orale (14, 15). Néanmoins, les critères d’évaluation de la qualité de vie dans ces études peuvent être discutés. La contrainte thérapeutique d’une prise médicamenteuse quotidienne n’a jamais été évaluée de façon comparative en termes d’observance, d’efficacité, de tolérance et de qualité de vie avec les chimiothérapies infusionnelles réalisées en hôpital de jour ou à domicile avec des dispositifs de perfusion ambulatoire. Seules des études de ce type pourraient permettre d’évaluer précisément le bénéfice des traitements oraux, y compris pour la qualité de vie, de même que leur bénéfice éventuel en termes de coût/efficacité. En effet, ces drogues restent actuellement très coûteuses : ainsi, les prix d’une cure de capécitabine et d’UFT sont respective- 122 Question d’actualité Question d’actualité INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 123 ment de 386 et 1 274 euros, alors qu’ils sont de 70 et 109 euros pour une cure de FUFOL ou de LV5FU2 (27). Cependant, ce surcoût est susceptible d’être compensé par l’économie réalisée sur les coûts d’hospitalisation En conclusion, l’émergence de dérivés oraux du 5FU apparaît comme une avancée thérapeutique prometteuse, mais leur place dans la prise en charge du cancer colorectal reste aujourd’hui limitée. Actuellement, en situation palliative, ces drogues peuvent être proposées en monothérapie, en première ligne, à des patients pour lesquels il n’existe pas d’espoir de traitement chirurgical et/ou refusant un traitement par voie veineuse, notamment chez les patients âgés ou en mauvais état général, en procédant à des adaptations de posologie chez ces derniers, compte tenu de leur toxicité. Elles ont également possiblement une place en traitement d’entretien après une chimiothérapie par association dans une stratégie de traitement alterné ou en dernière ligne de traitement, chez des patients en échappement thérapeutique, pour réaliser l’équivalent d’un 5FU en perfusion continue. En situation adjuvante et en association avec la radiothérapie dans le cancer du rectum, il semble raisonnable d’attendre les résultats des essais en cours dont les premiers sont cependant prometteurs. Pour l’avenir, les données préliminaires des études sur les associations avec l’oxaliplatine ou l’irinotécan laissent espérer que ces nouvelles drogues offriront une alternative thérapeutique satisfaisante dans les situations où ces protocoles seront indiqués, à la fois en situation palliative et adjuvante. Références 1. Rougier P, Ducreux M, Seitz JF. Place de la chimiothérapie dans la stratégie thérapeutique des cancers digestifs. John Libbey Eurotext, 2001, Paris. 2. Liu G, Franssen E, Fitch MI et al. Patient preferences for oral versus intrave- nous palliative chemotherapy. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 110-5. 3. Borner MM, Schöffski P, de Wit R et al. Patient preference and pharmacokinetics of oral modulated UFT versus intravenous fluorouracil and leucovorin : a randomised crossover trial in advanced colorectal cancer. Eur J Cancer 2002 ; 38 : 349-58. 4. Van Cutsem E, Twelves C, Cassidy J et al. 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