Elle a montré son intérêt en termes de
survie en situation adjuvante pour les
tumeurs de stade III de l’UICC et en
situation palliative. Le 5FU, antiméta-
bolite de type antipyrimidique, modulé
par l’acide folinique, est aujourd’hui la
drogue pivot dans la prise en charge de
ce cancer (1). Cependant, la chimio-
thérapie s’accompagne d’une toxicité
notable. Par ailleurs, elle impose aux
patients des séjours répétés à l’hôpital
et, le plus souvent, la mise en place
d’une chambre de perfusion implan-
table qui expose à la survenue de com-
plications. De plus, les schémas utili-
sant des perfusions longues de 5FU
nécessitent le port de dispositifs de per-
fusion continue pendant plusieurs jours
par mois (4 en moyenne). L’utilisation
de produits de chimiothérapie par voie
orale pourrait permettre de s’affranchir
de ces différents facteurs et ainsi
d’améliorer la qualité de vie des
patients.
Une étude récente a montré que 89%
des patients traités pour un cancer sou-
haitaient recevoir une chimiothérapie
par voie orale afin de pouvoir bénéfi-
cier d’un traitement à domicile et évi-
ter les complications liées à l’abord vei-
neux. Cependant, 70 % des patients
n’étaient pas prêts à accepter une
moindre efficacité du traitement (2).
Dans une autre étude, de préférence en
crossover, des patients traités pour un
cancer colique ont reçu à la fois un trai-
tement oral et un traitement parentéral.
Quel que soit l’ordre de la séquence
thérapeutique (oral puis parentéral, ou
parentéral puis oral), 84% des patients
ont préféré le schéma oral (3).
Le 5FU n’étant pas utilisable par voie
orale en raison de la grande variabilité
inter- et intra-individuelle de sa biodis-
ponibilité, des formes orales de chimio-
thérapie dérivées des fluoropyrimidines
ont été développées pour tenter de
répondre à l’attente des patients : la
capécitabine (Xeloda®), l’association
tégafur/uracile (Uft®), l’association téga-
fur/CDHP/OXO (S-1), l’association
5FU. En France, seuls le Xeloda®et
l’Uft®sont disponibles (le S-1 a été
essentiellement utilisé au Japon et le
développement de l’association
5FU/eniluracile a été récemment inter-
rompu au vu des résultats d’une étude
de phase III qui a montré une efficacité
inférieure de cette association comparée
à celle d’un schéma classique de 5FU
par voie IV). Après un bref rappel sur le
métabolisme du 5FU, nous rapporterons
les données de la littérature disponibles
sur ces deux produits et tenterons de
définir la place qu’ils peuvent avoir
dans la prise en charge du cancer colo-
rectal en situation palliative, adjuvante
et en association avec la radiothérapie.
Métabolisme du 5FU
(schéma 1)
Le 5FU agit essentiellement par le biais
d’une inhibition de la synthèse de
l’ADN. Après pénétration dans la cel-
lule, l’action cytotoxique du 5FU va
principalement s’exercer pendant la
phase S du cycle cellulaire, par inhibi-
tion compétitive de la thymidilate-
synthétase (TS) qui participe à la syn-
thèse de la thymidine triphosphate,
nucléotide constituant de l’ADN, par le
biais du 5-fluorodésoxyuridine mono-
phosphate (5-FdUMP), principal méta-
bolite actif du 5FU après dégradation
par la thymidine-phosphorylase (TP) et
la thymidine-kinase (TK). Le complexe
5-FdUMP-TS est stabilisé par le 5,10-
méthylène-tétrahydrofolate (5,10-
MTHF) qui résulte du métabolisme de
l’acide folinique. Par ailleurs, la foly-
glutamate-synthétase augmente l’affi-
nité du 5,10-MTHF pour la TS par
apport de glutamates. Les autres modes
d’action du 5FU sont médiés par des
métabolites (5-FdUTP, 5-FUTP) qui
peuvent s’incorporer à l’ARN ou à
l’ADN. Cependant, seule une faible
fraction du 5FU est engagée dans cette
voie anabolique, la majorité du 5FU
étant directement dégradée par la dihy-
dropyrimidine-déshydrogénase (DPD)
en 5-fluorodihydrouracile (5-FUH2)
puis en fluoroalanine et en urée. La
DPD est présente dans de nombreux
organes, notamment dans le tube diges-
tif et le foie ; le niveau de son activité
est très variable en fonction des indivi-
dus et pour un individu donné, dans le
temps, ce qui explique la grande varia-
bilité de la biodisponibilité per os du
5FU.
118
Question d’actualité
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003
Place des formes orales du 5-Fluorouracile
dans la prise en charge du cancer colorectal
J. Desramé *, A. Carde **, D. Béchade *
* Clinique médicale, HIA du Val-de-Grâce,
Paris.
** Pharmacie hospitalière,
HIA Val-de-Grâce, Paris.
Question d’actualité
Avec 36 000 nouveaux
cas par an et 16 000
décès annuels, le cancer
colo-rectal est un des cancers les
plus fréquents en France. Si la
chirurgie reste le traitement de
référence de ces tumeurs, la chi-
miothérapie a désormais une
place importante dans leur prise
en charge.
A
INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 118
119
Question d’actualité
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003
5-FUH2 5-FUdR
PRPP/MK/PDK ADN
d TTP
d TMP
d UMP
Folates 5,10-MTHF
5-FUTP
ARN
Dérivés
inactifs
toxiques
CATABOLISME ANABOLISME
5-FdUMP
PMK/PDK
5-FdUTP ADN
TP TK
DPD
5FU
TS
Schéma 1. Métabolisme du 5FU.
5FU : 5-fluorouracile
5-FUH2 : 5-fluorodihydrouracile
5-FudR : 5-fluorodésoxyuridine
5-FdUMP : 5-fluorodésoxyuridine
monophosphate
5-FdUTP : 5-fluorodésoxyuridine
diphosphonate
5-FUTP : 5-fluorodésoxyuridine
triphosphonate
DPD : dihydropyrimidine-deshydrogénase
TP : thymidine-phosphorylase
TK : thymidine-kinase
TS : thymidilate-synthétase
PMK : pyrimidine monophosphate-kinase
PDK : pyrimidine diphosphonate-kinase
PRPP : phosphoribosyl pyrophosphate
MK : monophosphate-kinase
ADN : acide désoxyribonucléique
ARN : acide ribonucléique
D UMP : désoxyuridine monophosphate
D TMP : désoxythymidine monophosphate
D TTP : désoxythymidine triphosphate
5,10-MTHF : 5,10-méthylène-tétrahydro-
folate
Essai Référence Effectif TR TP ou SSP (mois)*
C vs FUFOL 6 603/604 22,4/13,2 S TP : 4,6/4,7 NS
UFT vs FUFOL 14 409/407 11,7/14,5 NS TP : 3,5/3,8 S
UFT vs FUFOL 15 190/190 10,5/9,0 NS TP : 3,4/3,3 NS
LV5FU2 vs FUFOL 22 217/216 32,5/14,4 S SSP : 6,9/5,5 S
FOLFOX vs LV5FU2 23 122/127 50,0/21,9 S SSP : 9,0/6,2 S
5FU+CPT11 vs 5FU 24 198/187 49/31 S TP : 6,7/4,4 S
* Médiane S : signicatif p < 0,05 NS : non significatif
Tableau I. Synthèse des essais randomisés : taux de réponse (TR), temps jusqu’à progression (TP) ou survie sans progression (SSP).
Les prodrogues du 5FU
Elles visent à reproduire avec une
drogue orale les effets d’une perfusion
continue de 5FU.
La capécitabine (Xeloda®)(schéma 2)
La capécitabine est un antimétabolite de
type carbamate de fluoropyrimidine actif
par voie orale. Elle traverse la barrière
intestinale sans y subir de dégradation et
est métabolisée au niveau hépatique en
5’désoxy-5-fluorocytidine (5’-DFCR)
puis en 5’désoxy-5-fluorouridine (5’-
DFUR, doxifluridine) dans le foie et les
tissus tumoraux. L’étape finale, qui abou-
tit à la formation de 5FU, se fait préfé-
rentiellement au niveau tumoral, car elle
est médiée par la TP qui est surexprimée
dans les cellules tumorales. Une étude a
montré que, sur des pièces de colectomie
après traitement par capécitabine, la
concentration de 5FU était 3,2 fois plus
élevée dans les tissus tumoraux que dans
les tissus sains et 21,4 fois plus élevée que
dans le plasma. L’élimination est essen-
tiellement rénale. Ce produit est com-
mercialisé sous forme de comprimés
dosés à 500 et à 150 mg. Les études de
phases I et II ont abouti à la définition
d’un schéma d’administration qui recom-
mande une dose de 2500mg/m2/jour
répartie en deux prises, matin et soir,
après un repas pendant 14 jours, suivie de
7 jours de repos. Le principal effet secon-
daire sévère (grade 3-4, NCI-CTC) est un
syndrome mains-pieds dans 15 à 20 %
des cas, réversible après diminution des
doses. Une posologie de 2000 mg/m2/jour
est recommandée en cas d’insuffisance
rénale modérée (30 ml/min <clearance
de la créatinine < 50 ml/min). L’insuffi-
sance rénale sévère (clearance de la créa-
tinine < 30 ml/min) et l’insuffisance
hépatique sévère sont des contre-indica-
tions. Une surveillance attentive de l’INR
chez les patients traités par antivitamines
K est recommandée. Un carnet de liaison
fourni par le laboratoire permet d’opti-
miser le suivi du traitement.
Deux études de phase III ont comparé
ce schéma thérapeutique au FUFOL
faible en première ligne dans le traite-
ment du cancer colorectal métastatique
(4,5). Les résultats d’une analyse poo-
lée de ces deux essais portant sur
1207 patients sont donnés dans le
tableau I. Le taux de contrôle tumoral
Question d’actualité
INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 119
(réponse complète + réponse partielle
+ stabilisation) était équivalent dans les
deux bras (6). En termes de tolérance,
la capécitabine provoquait significati-
vement moins de diarrhée (48 % versus
58%. Grade 3-4 : 12 à 13 % dans les
deux bras), de mucite (24 % versus
62%), de nausées (38 % versus 47 %),
d’alopécie (6% versus 21 %), de neu-
tropénie de grade 3-4 (2,2 % versus
21,1 %) et de neutropénie fébrile (0,2%
versus 3,4 %). Le syndrome mains-
pieds, quant à lui, était significative-
ment plus fréquent dans le bras capéci-
tabine (53 % versus 6 %). Par ailleurs,
chez les patients traités par capécita-
bine, la survenue d’hyperbilirubinémie
isolée de grade 3-4 (> x 5N), dont le
mécanisme est encore mal compris,
était fréquente (27,3%) (7). À partir de
ces données de toxicité, un schéma
d’adaptation de posologie est proposé
par le laboratoire.
En situation métastatique, l’association
avec l’oxaliplatine et l’irinotécan, qui
sont les deux molécules de référence
dans le traitement du cancer colo-
rectal métastatique, n’a été évaluée que
dans des essais de phases I-II. Pour
l’oxaliplatine, un schéma associant
oxaliplatine 130 mg/m2à J1 et de capé-
citabine 1 250 mg/m22 fois par jour
pendant 14jours, avec reprise à J21, a
permis d’obtenir des taux de réponse
de 49 % en première ligne chez
43 patients et de 15 % en deuxième
ligne chez 26 patients. Le profil de toxi-
cité était acceptable en première ligne
mais avec 35% de diarrhée de grade
3-4 ; en deuxième ligne, une adaptation
de dose était nécessaire chez 45% des
patients, ce qui a conduit les auteurs à
recommander une posologie de départ
de 1 000 mg/m22 fois par jour dans
cette situation (8). Pour l’irinotécan, il
n’existe pas encore de schéma d’admi-
nistration bien défini, mais, dans une
étude portant sur 35 patients avec un
schéma sur trois semaines associant la
capécitabine à dose usuelle avec l’iri-
notécan à 300 mg/m2à J1 ou à
150mg/m2à J1 et J8, un taux de réponse
de 71 % a été obtenu. Cependant,
compte tenu de la toxicité observée, les
doses recommandées par les auteurs
pour le développement ultérieur de
cette association sont de 1000 mg/m2
2 fois par jour pour la capécitabine et
de 240 mg/m2 ou de 120 mg/m2pour
l’irinotécan (9). Dans une autre étude
de phases I-II, les conclusions sont
similaires (10).
Une phase II randomisée devant
inclure 70patients, comparant en pre-
mière ligne les associations capécita-
bine/oxaliplatine et capécitabine/irino-
técan, est en cours. Les résultats
préliminaires montrent des taux de
réponse objective de 41,2% pour l’as-
sociation capécitabine/oxaliplatine
(n=17) et de 37,5% pour l’association
capécitabine/irinotécan (n = 16).
Cependant, le schéma utilisé semble
relativement toxique (capécita-
bine 1000mg/m22 fois par jour de J1
à J14, suivie de 7 jours de repos, asso-
ciée, à 70 mg/m2d’oxaliplatine à J1 et
J7 ou 100 mg/m2d’irinotécan à J1 et
J7) avec environ 25% de toxicité de
grade 3-4 dans chaque bras et deux
décès toxiques dans le bras capécita-
bine/irinotécan chez les 55 premiers
patients analysables de l’étude (11).
En situation adjuvante dans les cancers
de stade III, un essai portant sur
1700patients est en cours (X-ACT trial,
Roche, États-Unis), mais on ne dispose
actuellement d’aucun élément dans
cette indication. Les premières données
concernant la toxicité devraient être
rapportées au cours de l’année 2003.
La capécitabine est également en cours
de développement en association avec
la radiothérapie dans le traitement du
cancer du rectum. Une étude de phaseI
a montré que la capécitabine à la dose
de 1650 mg/m2/j pouvait être associée
à une radiothérapie à dose standard
(50,4 Gy délivrés en 6 semaines par
fractions de 1,8 Gy) (12). En situation
néoadjuvante, dans une étude de
phaseII ayant inclus 45 patients avec
des tumeurs du rectum T2N+(n=1) ou
T3-T4 N0/N+(n=44), la radiothérapie
avec un étalement classique associée à
deux cycles de capécitabine (825mg/m2
2 fois par jour + acide folique 10mg/m2
2 fois par jour, J1-J14, reprise J21,) a
permis d’obtenir des résultats promet-
120
Question d’actualité
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003
Question d’actualité
Intestin Foie
Tumeur
Capécitabine
Capécitabine
CE
5'-DFCR 5'-DFCR
5'-DFUR5'-DFUR
CyD
5FU
CyD
Thymidine-
phosphorylase
Schéma 2. Capécitabine : mode d’action.
5FU : 5 fluorouracile
5’-DFCR : 5’désoxy-5-fluorocytidine
5’-DFUR (doxifluridine) : 5’désoxy-
5-fluorouridine
CE : carboxylestérase
CyD : cytidine-désaminase
INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 120
teurs avec, pour les 38 patients ayant
bénéficié d’une chirurgie, un taux de
réponse complète de 31 % et un down
staging dans 62% des cas (13). Ces
données préliminaires suggèrent que la
capécitabine pourrait se substituer aux
perfusions continues de 5FU mainte-
nant couramment utilisées en associa-
tion avec la radiothérapie. Des essais
associant radiothérapie, capécitabine et
oxaliplatine sont actuellement en cours.
L’association tégafur
+ uracile (UFT) (schéma 3)
C’est la seconde fluoropyrimidine par
voie orale disponible en France. Elle est
composée d’un précurseur du 5FU, le
tégafur, et d’un substrat naturel de la
DPD, l’uracile, enzyme intervenant dans
le catabolisme du 5FU, avec un ratio
molaire fixe de _ . L’absorption diges-
tive du tégafur et de l’uracile est rapide
et complète. Le tégafur est ensuite rapi-
dement métabolisé en 5FU au niveau
hépatique par un mécanisme qui fait
intervenir le cytochrome P 450 CYP2A6
(des interactions médicamenteuses peu-
vent donc survenir avec les substrats ou
inhibiteurs de cette enzyme) ; 20 % envi-
ron sont éliminés par voie rénale. L’ura-
cile permet une inhibition compétitive
de la dégradation du 5FU par la DPD,
favorisant ainsi la voie anabolique du
5FU, ce qui augmente la quantité de 5FU
intracellulaire disponible. L’adjonction
d’acide folinique, qui potentialise l’in-
hibition compétitive de la TS, est recom-
mandée. Une étude a montré que 370
mg/m2/j pendant 28 jours d’UFT per-
mettent d’obtenir une exposition systé-
mique au 5FU équivalente de celle obte-
nue avec une perfusion continue de 5FU
de 250mg/m2/j 5 jours sur 7. Ce produit
est commercialisé sous forme de gélules
dosées à 100 mg de tégafur et 224 mg
d’uracile. Les études de phases I et II ont
abouti à la définition d’un schéma d’ad-
ministration qui recommande une dose
de 300 mg/m2/j de tégafur répartie en
trois prises, de préférence toutes les
8heures, une heure avant ou après un
repas, associée à chaque prise avec
30mg d’acide folinique pendant
28jours, suivis de 7 jours de repos. Le
principal effet secondaire sévère (grades
3-4, NCI-CTC) est une diarrhée chez
environ 20% des patients. L’insuffisance
hépatique sévère est une contre-indica-
tion. Une surveillance attentive de l’INR
chez les patients traités par anticoagu-
lants coumariniques est recommandée.
Un carnet de liaison fourni par le labo-
ratoire permet d’optimiser le suivi du
traitement.
Comme pour la capécitabine, deux
grands essais randomisés de phase III ont
comparé l’association tégafur + uracile
au FUFOL faible en première ligne dans
le traitement du cancer colorectal méta-
statique. Le premier essai a inclus
816patients (14). Les résultats sont rap-
portés dans le tableau I. En termes de
tolérance, l’association tégafur + uracile
provoquait significativement moins de
diarrhée (67% versus 76%. Grades 3-4 :
21% versus 16% : NS), de mucite (24%
versus 75%), de nausées (67% versus
75%), de syndrome mains-pieds (2%
versus 5%), de neutropénie de grade 3-4
(1% versus 56%) et de neutropénie
fébrile (0% versus 13%). En revanche,
comme chez les patients traités par capé-
citabine, la survenue d’hyperbilirubiné-
mie isolée de grades 3-4 (> X 5N) était
significativement plus fréquente avec
l’association tégafur + uracile (15% ver-
sus 8%). Les résultats du second essai
ayant inclus 380 patients sont rapportés
dans le tableau I (15). En termes de toxi-
cité, le profil de tolérance était meilleur
avec le traitement par voie orale.
L’association de l’Uft®avec l’oxali-
platine et l’irinotécan est également en
cours de développement. Les toxicités
limitantes sont la diarrhée et la neutro-
pénie fébrile. Pour l’oxaliplatine, une
étude de phase I a montré qu’un schéma
associant l’Uft®et l’acide folinique à
dose standard pendant 14 jours, suivis
de 7 jours d’arrêt avec de l’oxaliplatine
à J1 à la dose de 130 mg/m2, était cor-
rectement toléré (16). Pour le campto
(17), une étude de phase I a permis de
montrer la faisabilité d’un schéma sur
28 jours associant l’Uft®à la dose de
300mg/m2pendant 21 jours avec le
campto à la dose de 100 mg/m2à J1, J8,
J15. En première ligne (18), ce proto-
cole a permis d’obtenir chez 29 patients
un taux de réponse de 34,5% avec un
temps médian jusqu’à progression de
6mois et une survie médiane de 18
mois.
Le développement de l’Uft®en situation
adjuvante dans les cancers de stades II et
III a débuté dans les années 1990 au
Japon, en association avec de la mito-
121
Question d’actualité
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003
Question d’actualité
AF
UFT
Intestin T
Téfagur
U
Uracile
foie
Cyp 45
5-FdUMP
5FU
5-FUH2
TS
ANABOLISME
CATABOLISME
DPD
Schéma 3. UFT : mode d’action.
Cyp 450 : cytochrome P 450
5-FdUMP : 5-fluorodésoxyuridine monophosphate
5-FUH2 : 5-fluorodihydrouracile
DPD : dihydropyrimidine-deshydrogénase
INT G5 Juin 2/07/03 12:30 Page 121
mycine C. Les résultats de ces essais sont
prometteurs mais, compte tenu de leur
méthodologie et des protocoles utilisés,
il faut attendre les résultats des essais ran-
domisés en cours en Occident. Un essai
du NSABP (C-06), comparant les asso-
ciations Uft/acide folinique et 5FU/acide
folinique en situation adjuvante a inclus
1530patients. Les premières données
concernant la toxicité pour 473 patients
montrent un profil de toxicité compa-
rable dans les deux bras (19).
Comme pour la capécitabine, l’asso-
ciation Uft® + radiothérapie dans le trai-
tement du cancer du rectum a montré
de bons résultats dans les études de
phases I-II, la toxicité limitante étant la
diarrhée. La dose d’Uft varie entre 300
et 400 mg/m2/j administrée en continue
5 jours sur 7 ou de façon séquentielle 2
semaines par mois pendant la durée de
l’irradiation, associée ou non à de
l’acide folinique. Dans les deux études
de phase II (20, 21), qui ont inclus 68
et 41 patients, les taux de réponse com-
plète histologique sont de 8 et 15% et
ceux de tumeurs en downstaging de 65
et 63%.
Places des formes orales
du 5FU dans la prise
en charge du cancer
colorectal en 2003
Les formes orales du 5FU peuvent
constituer une alternative à la forme
injectable si elles présentent une effi-
cacité et une tolérance au moins égales
à celles des protocoles de référence tout
en améliorant le confort de vie des
patients et en diminuant le coût des trai-
tements.
Efficacité et tolérance : La capécita-
bine et l’Uft ont obtenu une autorisation
de mise sur le marché pour le traitement
du cancer colorectal métastatique en
première ligne après avoir montré une
efficacité et une tolérance au moins
égales à celles du protocole FUFOL (4-
6, 14, 15). Cependant, ce protocole n’est
plus le protocole de référence en France,
un essai de phaseIII ayant montré que
le protocole LV5FU2 était plus efficace
et moins toxique que le protocole
FUFOL (tableau I) (22). Cela explique
que les conclusions des experts de la
réunion pour les recommandations pour
la pratique clinique pour la prise en
charge des métastases hépatiques des
cancers colorectaux (Paris, janvier
2003) ne recommandent pas l’utilisa-
tion de ces drogues en dehors de situa-
tions particulières où elles peuvent être
une alternative thérapeutique, par
exemple chez des patients pour lesquels
il n’existe pas ou plus d’espoir de trai-
tement chirurgical et/ou refusant un trai-
tement par voie veineuse, notamment
chez les patients âgés ou en mauvais état
général. Par ailleurs, en première ligne,
de plus en plus de patients sont traités
par une association de type
5FU/AF/oxaliplatine ou 5FU/AF/irino-
técan qui ont une efficacité supérieure
à celle de l’association 5FU/AF
(tableau I) (23, 24). Or, les données
concernant les dérivés oraux du 5FU
avec l’oxaliplatine et l’irinotécan sont
encore trop parcellaires pour permettre
leur utilisation en dehors d’essais cli-
niques. De plus, ces protocoles, néces-
sitant un abord veineux, ne permettent
plus un traitement “tout oral” ambula-
toire. Cependant, l’intérêt de ces chi-
miothérapies combinées agressives en
première ligne de traitement chez les
patients pour lesquels il n’existe pas
d’espoir de chirurgie curative reste
débattu, car des données rétrospectives
suggèrent que le nombre de lignes de
chimiothérapie reçues pourrait égale-
ment influencer la survie des patients.
D’autres stratégies sont donc en cours
d’évaluation, avec notamment des
chimiothérapies qui préservent une pre-
mière ligne par 5FU seul ou qui propo-
sent une chimiothérapie d’entretien par
5FU seul après obtention d’une réponse
par une association. Dans l’avenir, les
traitements par voie orale trouveront
peut-être une place au sein de ces stra-
tégies. En situation adjuvante ou en
association avec la radiothérapie, on ne
peut pas encore recommander l’utilisa-
tion de ces drogues en dehors d’essais
cliniques, compte tenu des données
actuellement disponibles. En termes de
tolérance, il convient de signaler que,
pour la capécitabine, dans une popula-
tion de patients sélectionnés, une adap-
tation de dose a dû être réalisée chez un
patient sur trois en raison d’effets secon-
daires (syndrome mains-pieds, diar-
rhée) (7), ce qui invite à une certaine
prudence dans la posologie de départ,
lorsque ce produit est prescrit chez des
patients âgés ou en mauvais état géné-
ral, comme le suggère un éditorial
récent paru dans le Journal of Clinical
Oncology (25). Pour l’UFT, on dispose
de moins de données, mais dans les
deux essais publiés, une diarrhée sévère
(grades 3-4) est rapportée chez près de
20 % des patients (14, 15).
Confort de vie des patients : les médi-
caments commercialisés répondent
incontestablement au désir des patients
de pouvoir bénéficier de traitement
ambulatoire. Dans un essai, le nombre
moyen de visites par patient à l’hôpital
est de 7,1 dans le bras chimiothérapie
orale versus 25,5 dans le bras chimio-
thérapie IV (26). Cependant, dans les
deux essais qui comportent une évalua-
tion de la qualité de vie des patients, il
n’y a pas de bénéfice en faveur du trai-
tement par voie orale (14, 15). Néan-
moins, les critères d’évaluation de la
qualité de vie dans ces études peuvent
être discutés. La contrainte thérapeu-
tique d’une prise médicamenteuse quo-
tidienne n’a jamais été évaluée de façon
comparative en termes d’observance,
d’efficacité, de tolérance et de qualité de
vie avec les chimiothérapies infusion-
nelles réalisées en hôpital de jour ou à
domicile avec des dispositifs de perfu-
sion ambulatoire. Seules des études de
ce type pourraient permettre d’évaluer
précisément le bénéfice des traitements
oraux, y compris pour la qualité de vie,
de même que leur bénéfice éventuel en
termes de coût/efficacité. En effet, ces
drogues restent actuellement très coû-
teuses : ainsi, les prix d’une cure de
capécitabine et d’UFT sont respective-
122
Question d’actualité
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 5, juin 2003
Question d’actualité
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