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comparées à des critères qui peuvent être, par exemple, une position désirée. Ces
critères sont envoyés au comparateur par un superviseur. De ce comparateur sort
un signal d'erreur (mismatch) qui va contrôler une correction et des effecteurs.
On retrouve la boucle classique de ce contrôle cybernétique. Dans le deuxième
circuit, les informations des capteurs sensoriels ne sont pas traitées par le système
nerveux en mesurant des informations comme des vitesses. Elles sont interprétées
sous forme de features, c'est-à-dire de configurations pertinentes envoyées à un
opérateur qui est un sous-système à l'intérieur du système qui organise, décide,
choisit, réalise un feed-forward projectif sous la direction d'un superviseur et
utilise la reconnaissance de ces features pertinentes par rapport à la tâche, au
contexte sensoriel courant pour l'anticipation du mouvement. C'est à partir de
cet opérateur qu'est contrôlée directement la structure motrice. Il manque, à notre
avis,
dans cette théorie une action directe de cet « organisateur » vers la trans-
mission, vers le récepteur. En effet de nombreuses observations suggèrent que
les entrées sensorielles sont modifiées de façon anticipatrice.
INDICES ÉLECTROPHYSIOLOGIQUES DE L'ANTICIPATION
Nous avons examiné les données de l'électrophysiologie qui témoignent de
l'existence d'activités cérébrales pendant la préparation du mouvement. Requin,
par exemple, a distingué plusieurs stades dans cette activité préparatoire : un
stade lié au traitement des informations sensorielles et un stade lié à l'élaboration
du mouvement proprement dit. Dans ce travail, il a identifié des neurones dits
« d'autorisation », permettant la réalisation du mouvement, puis des neurones
dont la fonction est plus proche de l'exécution. Chez l'Homme, on a obtenu, par
électroencéphalographie, des indices de cette activité préparatoire. Libet, un neu-
rologue, en 1982 fut l'un des premiers à enregistrer des potentiels au niveau du
scalp suivant des dérivations, avec une terminologie qui est celle des électroen-
céphalographistes. Il a montré que ces électrodes mesuraient un changement de
potentiel différent si le mouvement était spontané, sans préparation intentionnelle.
Si le sujet effectue un mouvement longuement préparé, il se produit à nouveau
un changement de potentiel. D'autres auteurs ont découvert divers potentiels
évoqués corticaux associés à la préparation du mouvement : la « variation contin-
gente négative » et le « potentiel de préparation » découvert par Deecke et Korn-
huber, etc. L'utilisation de ces indices électrophysiologiques est fondée sur
l'hypothèse (contestée par certains) d'un traitement sériel des informations dans
une chaîne sensori-motrice. D'autres indices ont été utilisés, qui mettent en œuvre
des réponses à des stimulations électriques. Le plus connu est le réflexe de
Hoffman, étudié de façon très approfondie en France par Paillard. Lors d'une
stimulation mécanique appliquée à un tendon de la jambe, on peut enregistrer des
potentiels dans le muscle qui sont le reflet de l'activité motrice mais aussi de
l'état d'activation des neurones dans la moelle. Au moment de la préparation du
geste on observe des augmentations du réflexe H de 30 à 40 % pour l'agoniste,
de 10 à 15 % pour l'antagoniste.