La préparation du site opératoire en colo-proctologie

Dossier thématique
* Département médico-chirurgical de pathologie diges-
tive, Institut mutualiste Montsouris, Université Paris-V.
Bonnes pratiques en chirurgie colo-proctologique
Coordination : Ph. Godeberge (Paris)
La préparation du site opératoire en colo-proctologie
T. Perniceni*
L
a préparation du site opératoire,
associée à l’antibioprophylaxie
(lire l’encadré)
, a pour but de diminuer
la prévalence des infections postopé-
ratoires. L’opéré est porteur des germes
responsables de ces infections, princi-
palement sur la peau et dans le tube
digestif. La chirurgie colo-proctologique
est particulièrement exposée au risque
d’infection du site opératoire, pour plu-
sieurs raisons :
– C’est une chirurgie au minimum
propre-contaminée dans la classifica-
tion d’Altemeier ;
Dans la chirurgie anale ou rectale par
voie transanale, la plaie opératoire devra
cicatriser, exposée au flux fécal ;
Il existe, au niveau de la peau péri-
néale, une concentration élevée de
germes (107/cm2), éventuellement résis-
tants en cas de suppuration chronique
(par exemple, fistule chronique d’une
maladie de Crohn).
La préparation du site opératoire aura
donc sur deux volets : la préparation
cutanée et la préparation colique.
PRÉPARATION CUTANÉE
(Tableau I)
Douche préopératoire
Deux douches préopératoires, l’une la
veille et l’autre le jour-même de l’inter-
vention, sont recommandées, avec uti-
lisation d’une solution antiseptique
moussante de la famille des povidones
ou des chlorhexidines. Il n’y a pas de
supériorité prouvée de l’une ou l’autre
solution. L’action de ces solutions étant
temporaire, le délai entre la deuxième
douche et l’acte opératoire doit être aussi
bref que possible. Il n’y a pas de réac-
tion allergique croisée entre les solu-
tions type povidone et les produits de
contraste iodés. Le produit utilisé pour
ces douches doit être de la même famille
que l’antiseptique utilisé au bloc opéra-
toire pour le badigeonnage cutané.
Traitement des pilosités
L’objectif de la dépilation préopératoire
est, sans léser la peau, de couper les
poils à leur base quand ils sont gênants
pour l’intervention ou le pansement.
La dépilation par rasage doit être, défi-
nitivement et sans appel, proscrite.
L’ab-
sence de dépilation de la zone opératoire
ne fait courir aucun risque supplémen-
taire d’infection du site opératoire ; elle
s’accompagne même, dans certaines
études, des taux les plus faibles d’infec-
tion du site opératoire. Si nécessaire,
c’est la tonte ou la dépilation chimique
qui doit être utilisée, au plus près de
l’acte chirurgical, mais pas en salle
d’opération. La détersion/désinfection
des tondeuses est nécessaire après
chaque utilisation ; les lames sont à
usage unique. L’utilisation d’une crème
dépilatoire de qualité médicale pose
des problèmes de coût, d’allergie, et
d’action insuffisante en cas de pilosité
importante. Il n’y a pas de supériorité
prouvée de la tonte ou de la dépilation
chimique.
Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 2 - oct.-nov.-déc. 2004
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Tableau I. Recommandations de la Conférence de consensus “Gestion préopératoire du risque
infectieux” (Paris 2004) concernant la préparation cutanée.
Il est fortement recommandé de pratiquer au moins une douche préopératoire avec une
solution moussante antiseptique (A1).
Il est recommandé de privilégier la non-dépilation, à condition de ne pas nuire aux impé-
ratifs per- et postopératoires (B1).
Il est fortement recommandé de ne pas faire de rasage mécanique la veille de l’inter-
vention (E1).
Il est fortement recommandé de pratiquer une détersion à l’aide d’une solution moussante
antiseptique, suivie d’une désinfection large du site opératoire (A1).
Dossier thématique
Préparation du champ opératoire
Elle comporte successivement une déter-
sion par une solution antiseptique mous-
sante, un rinçage au sérum physiologique
stérile, un séchage puis un badigeonnage
avec une solution antiseptique, de préfé-
rence en solution alcoolique, de la même
gamme que celle utilisée pour la douche
préopératoire et la phase de détersion.
La rémanence des solutions iodées est
supérieure à celle des chlorhexidines.
PRÉPARATION COLIQUE
Préparation mécanique
L’intérêt de la préparation mécanique
du côlon à titre systématique en chirur-
gie colo-rectale est maintenant contro-
versée. Le but de cette préparation est
d’obtenir un côlon vide et “propre”.
Le produit le plus largement utilisé, aussi
bien aux États-Unis qu’en France, est
un laxatif osmotique, le polyéthylène
glycol (PEG). Les autres préparations
mécaniques données per os sont des
laxatifs stimulants ou salins et des pur-
gatifs anthracéniques. La préparation
par lavement utilise soit un laxatif irri-
tant, soit une solution antiseptique à
base de povidone. Pour la chirurgie
colique élective, les études prospec-
tives randomisées – cependant toutes
très critiquables sur le plan méthodo-
logique – utilisant majoritairement le
PEG ne montrent pas d’avantage pour
ce type de préparation en termes de
complications infectieuses, notamment
pour les déhiscences anastomotiques.
Parmi les quatre méta-analyses dispo-
nibles, deux sont méthodologiquement
satisfaisantes et concluent à l’inutilité,
voire au caractère délétère en termes
de désunion anastomotique, de la pré-
paration mécanique par le PEG. On ne
peut conclure définitivement ni pour
les autres types de préparation méca-
nique, ni pour la chirurgie d’exérèse
du rectum. Si pour l’hémorroïdectomie,
l’administration quotidienne de lactu-
lose pendant les quatre jours préopéra-
toires est recommandée (RCP de la
SNFCP), c’est en fait parce qu’elle
diminue la douleur postopératoire. Il
n’y a pas, dans la littérature, de don-
nées particulières sur l’intérêt de la
préparation mécanique du côlon pour
la chirurgie du prolapsus du rectum ou
la réparation sphinctérienne.
Recommandation de la Conférence de
consensus “Gestion préopératoire du
risque infectieux” (Paris 2004)
En chirurgie colo-rectale, il est recom-
mandé de ne pas réaliser de prépara-
tion mécanique colique (D1).
STRATÉGIE DE PRÉVENTION DES
INFECTIONS DU SITE OPÉRATOIRE
La préparation du site opératoire doit
s’intégrer dans une stratégie globale de
prévention des infections du site opé-
ratoire. Celle-ci repose aussi :
en préopératoire sur l’information
donnée à l’opéré quant à la nécessité
des mesures de préparation, qui doivent
faire l’objet de procédures écrites ;
en peropératoire sur l’antibioprophy-
laxie débutée à l’induction anesthésique
et sur le respect des règles de fonc-
tionnement du bloc opératoire fixées
dans la charte du bloc ;
en postopératoire sur l’évaluation
des infections dans un programme de
surveillance type INCISO.
Recommandations de la Conférence de consensus “Ges-
tion préopératoire du risque infectieux” (Paris 2004)
www.infectiologie.com/public/documents/consensus/
pdf/SFHH_prep-op-court.pdf
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Prévention de l’endocardite bactérienne
F. Soulié*
L’ endocardite infectieuse est une maladie rare mais grave dont
l’incidence semble stable au cours des dernières décennies.
Les streptocoques sont les agents infectieux les plus souvent res-
ponsables.
La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a
émis en 2002 de nouvelles recommandations, révisant la conférence
de consensus de 1992.
En effet, depuis 1992, de nouvelles informations sont apparues :
les bactériémies à risque d’induire une endocardite infectieuse
sont le plus souvent probablement dues au passage quotidien des
bactéries de la cavité buccale dans le sang lors des gestes de la vie
quotidienne ;
il n’existe pas de preuve scientifique de l’efficacité ou de l’ineffi-
cacité de l’antibioprophylaxie ;
à supposer qu’elle soit totalement efficace, l’utilisation large de
l’antibioprophylaxie n’éviterait qu’un nombre très faible d’endocardites ;
l’augmentation du nombre de micro-organismes de moindre
sensibilité aux antibiotiques est un problème préoccupant. Il convient
donc de limiter l’indication de l’antibioprophylaxie de l’endocardite
aux situations où le rapport bénéfice individuel/bénéfice collectif
semble le plus élevé.
Il existe deux groupes de patients à risque.
Patients à haut risque :
prothèses valvulaires ;
cardiopathies congénitales cyanogènes non opérées et dérivations
chirurgicales ;
antécédent d’endocardite infectieuse.
Patients à risque moins élevé :
valvulopathies (IA, IM, RA) ;
prolapsus de la valve mitrale ;
bicuspidie aortique ;
cardiopathies congénitales non cyanogènes, sauf CIA ;
cardiomyopathie hypertrophique obstructive.
La chirurgie colo-rectale est une chirurgie où une antibioprophylaxie de
l’endocardite et une antibioprophylaxie préopératoire sont indiquées.
Il est donc souhaitable que l’antibiotique retenu pour l’antibiopro-
* Département d’anesthésie, Institut mutualiste Montsouris, Paris.
Dossier thématique
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phylaxie préopératoire ait aussi une activité sur les micro-organismes
responsables de l’endocardite infectieuse (streptocoques, entéro-
coques) et un profil pharmacocinétique adapté.
Les recommandations de la SPILF en chirurgie colo-rectale sont
les suivantes :
amoxicilline 2 g, en 30 minutes en préopératoire, puis 1 g, 6 heures
après
+ Gentalline®(gentamycine) 1,5 g/kg en perfusion de 30 minutes,
1 fois
si allergie : vancomycine 1 g i.v., en 60 minutes, ou téicoplanine
400 mg IVD, 1 fois
+ Gentalline®(gentamycine) 1,5 mg/kg, en 30 minutes, 1 fois.
Les antibiotiques préconisés visent à éradiquer les germes les plus
souvent responsables de l’endocardite. Bien entendu, ce risque
prévaut sur le risque d’infection du site opératoire. Cependant, cer-
tains germes, comme les anaérobies dans la chirurgie colo-rectale, ne
sont pas pris en compte par ces recommandations. Certains auteurs
proposent donc pour cette chirurgie, où l’impasse thérapeutique
risque d’être délétère pour le patient, des solutions thérapeutiques
complémentaires et non antinomiques :
pénicilline A+IB* 2 g, en 30 minutes en préopératoire, réinjection
de 1 g toutes les 2 heures en peropératoire, puis 1 g, 6 heures
plus tard
+ Gentalline®(gentamycine) 2 à 3 mg/kg, 1 fois
si allergie : vancomycine 1 g i.v., en 60 minutes, 1 fois, ou téico-
plamine 400 mg i.v.d., 1 fois en préopératoire
+ Gentalline®(gentamycine) 2 à 3 mg/kg, en dose unique
+ imidazolés 1 g en préopératoire
En ce qui concerne les colonoscopies, l’antibioprophylaxie de l’endo-
cardite est :
optionnelle dans le groupe à haut risque ;
non recommandée dans le groupe à risque moins élevé.
Il est cependant souhaitable de la réaliser après le début du geste
s’il y a découverte d’une néoformation avec réalisation de biopsie(s),
de polypectomie ou de mucosectomie, ainsi qu’en cas d’examen
difficile, long ou hémorragique.
Afin d’assurer le dépistage, le suivi et l’information des patients,
avant la réalisation d’un geste à risque, l’interrogatoire du patient
doit rechercher l’existence d’une cardiopathie à risque. En cas de
doute chez un patient sans suivi cardiologique (notion d’un souffle
cardiaque), une échocardiographie est recommandée avant le geste,
échographie devant décrire de façon précise les anomalies morpho-
logiques observées, préciser le caractère pathologique ou non des
anomalies fonctionnelles observées, et indiquer la présence ou non
d’une cardiopathie à risque d’endocardite.
Antibioprophylaxie en chirurgie proctologique
L’ antibioprophylaxie en chirurgie correspond à l’administra-
tion d’antibiotiques avant qu’une contamination bactérienne
ne survienne durant la réalisation d’un geste opératoire. Elle
répond à des critères parfaitement codifiés et a fait l’objet d’une
conférence de consensus mise à jour en 1999.
La chirurgie proctologique est une chirurgie propre-contaminée
dans la classification d’Altemeier (classe II).
L’antibioprophylaxie doit être active sur les anaérobies de la
flore endogène, en particulier le genre Bacteroïdes.
Elle repose essentiellement sur les dérivés nitro-imidazolés
en injection unique, et doit dans tous les cas de figure précé-
der la chirurgie.
La prévention de l’endocardite bactérienne chez les patients
à risque est impérative. Certaines situations sortent du cadre
habituel de la chirurgie réglée chez le patient valide, et justifient
un choix raisonné de molécules habituellement réservées au
traitement curatif d’infections documentées.
La prescription d’une antibioprophylaxie fait partie intégrante
de la prise en charge périopératoire du patient.
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