Cest la désinflation qui saffiche présentement
sur les radars de Martin Lefebvre, économiste principal au Mouvement Desjardins.
« Aux États-Unis, les prix hors-énergie soulignent une désinflation évidente. Si l’on
ajoute à l’indice de référence l’écart entre le potentiel de l’économie et le niveau
dactivité ou encore le cycle de lemploi, lui aussi retardé, nous aboutissons à un
contexte de pression à la baisse sur linflation. »
Largumentaire vaut pour le Canada, où l’inflation oscille autour de 1,5 % selon
l’indice de rence. « La force du dollar canadien entraîne des pressions à la baisse
sur le prix des biens importés », ajoute léconomiste de Desjardins. Le dollar cana-
dien se dirige vers la pariavec le billet vert, une parité qui deviendra durable
lorsque le prix du baril de pétrole atteindra les 90 $US, croit-il.
Labsence de menace inflationniste pourrait s’étendre sur un horizon allant
jusquà deux ans, renchérit-il. « Du moins, de linflation issue de lactivité économi-
que. » Car les craintes viennent de ces injections massives de liquidités dans le
système, opérées par les banques centrales qui ont multiplié les recours à des métho-
des dites quantitatives pour stimuler loctroi du crédit. « Je crois que les autorités
partition d’actif
Faut-il se méfier
de l’inflation ?
GÉRARD BÉRUBÉ
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motaires sont très conscientes de la portée inflationniste
de leur intervention et quelles ont une stratégie de sortie
appropriée. Cela ne me préoccupe pas. »
Martin Lefebvre aborde plutôt le risque que la désinfla-
tion se transforme en déflation. « Ce serait catastrophique.
On se trouverait piégé dans une trappe de liquidités. » Il
croit cependant ce scénario à la japonaise peu probable,
compte tenu de certaines résistances à la baisse des prix
dans le marché. « C’est dans l’actif que l’inflation se mani-
feste », a-t-il précisé, désignant la flame des cours boursiers
ainsi que la hausse du prix du pétrole et des cours des
matières premières. « Mais là encore, ces progressions s’ap-
puient justement sur le fait que linflation est absente. »
Si le marché regorge présentement de liquidités, les inves-
tisseurs demeurent tout de même prudents, car aucune des
grandes cagories d’actif ne se démarque réellement. Et la
poussée de près de 60 % des cours boursiers reflète une cer-
taine remise à niveau ou un alignement, la pression tant
crainte à l’origine se transformant en une bonne récession.
LES PORTEFEUILLES OBLIGATAIRES
William André Nadeau, gestionnaire de portefeuille et
président dOrientation Finance, estime que la moitié de lef-
fondrement des cours boursiers en 2008, soit une contraction
d’environ 30 %, pouvait s’expliquer par un exs d’émotion.
« Nous avons eu droit à une récuration émotive. Reste le
fondamental. » Selon une lecture propoe par Morningstar,
la reprise des Bourses était justifiée. « Les Bourses récupèrent,
nous ne sommes pas loin de la juste valeur », indique-t-il.
Le président d’Orientation Finance croit à un retour de
linflation, sans que celui-ci soit dramatique. Il observe les
normes historiques, avec une inflation moyenne de 2,5 %
sur 20 ans et de 3 % à 3,5 % sur 40 ans. Mais il ne voit pas
pourquoi linflation dépasserait les 2 % à 3 %. Croyant que
lentreprise privée et le consommateur vont prendre la
relève des stimulants fiscaux et monétaires en 2010,
William André Nadeau retient que des jours plus difficiles
sannoncent pour les portefeuilles obligataires, surtout si les
pressions haussières s’exercent sur les taux dintérêt.
« Compte tenu de la baisse considérable des taux d’intérêt,
le marché obligataire fait face au pire scénario des 30 der-
nières années », déclare-t-il, ajoutant que les probabilités
que les portefeuilles obligataires enregistrent des rende-
ments faibles sont « excessivement élevées ».
Donc, rien de très encourageant pour les retraités, qui
voient tant leur revenu risquer d’être amputé par l’infla-
tion, tant leur portefeuille composé traditionnellement de
titres à revenu fixe être condamné à des rendements faibles.
« Le marché obligataire risque d’être difficile pendant un an,
un an et demi », ajoute William André Nadeau. Il s’inspire
Lactivité économique se
trouvant à lintersection de la
croissance et du retour en
récession, selon la forme que
prendra la reprise, la question
de linflation devient un sujet
de réflexion. Les forces
désinflationnistes demeurent
encore dominantes, donc les
risques de déflation ne
peuvent être écartés. Mais
puisque ce scénario à la
japonaise est peu probable, les
yeux sont rivés sur une
possible résurgence de
l’inflation qui pourrait
déstabiliser les portefeuilles à
fort contenu obligataire. DÉCEMBRE 2009
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des projections de BMO Groupe financier, qui prévoit que le
taux sur l’obligation à écance de dix ans passera de 3,46 à
3,86 % en 2010, puis à 4,66 % en 2011. La hausse prévue
pourrait osciller entre 150 et 200 points de base pour lobli-
gation de cinq ans. « Les gens peuvent peut-être espérer
traverser l’inflation. » Il suggère un compromis consistant à
faire appel au marché monétaire, dans l’attente quun certi-
ficat de placement garanti rapporte 4 % ou 5 % sur l’échéance
de cinq ans, tout en insistant sur le faible risque des actions
en ce moment, qui soutient la pondération suivante : 60 % du
portefeuille aux actions et 40 % aux obligations. « Dans un
environnement inflationniste, deux grands instruments se
marquent : les actions et l’immobilier », résume-t-il.
Pierre Bernard retient également cette toile de fond
sans toutefois endosser la répartition 60-40. Du moins, le
vice-président de la Gestion de portefeuille du bureau
montréalais de l’Industrielle Alliance s’en tient à son
modèle de répartition, qui associe l’âge au pourcentage à
détenir en titres à revenu fixe. « À 25 ans, c’est 25 % en
marché monétaire et obligation. À 60 ans, cest 60 %. »
Cette règle étant, le scialiste de l’Industrielle Alliance
précise qu’un contexte de reprise de linflation favorise d’abord
le marché monétaire et les dépôts à court terme. Suivent les
éléments dactif tangibles tels l’art, l’immobilier et l’or, lequel
atteint psentement des sommets historiques sous le coup du
recul du dollar américain. Ces éments d’actif répondent bien
à une inflation contrôlée. Puis viennent les actions. D’abord
les grandes capitalisations et les actions mondiales, puis les
petites capitalisations et les marchés spécialisés. À l’inverse, il
faut vendre les obligations dans une telle conjoncture.
Pierre Bernard ne voit cependant pas de dérapage infla-
tionniste à l’horizon. « Il existe deux formes d’inflation. Celle
venant de la consommation et celle émanant du marcen
capitaux. » Le gestionnaire rappelle que pour lheure, le
semblant de reprise vient de cette combinaison de politi-
ques monétaire et fiscale particulièrement audacieuses,
adoptées afin quon évite le pire. « Il y a beaucoup de liqui-
dités. Mais largent reste dans le marcdes capitaux. Dans
la croissance observée du PIB, le gros est venu de la variable
G ” de l’équation, “ G pour dépenses gouvernementales.
Pour activer une reprise véritable, il faut créer un climat de
confiance. Et tant que lemploi demeure problématique, la
consommation ne suit pas. »
Le gestionnaire d’Industrielle Alliance ne
travaille présentement ni avec un scénario din-
flation, ni avec des projections de hausse des taux
d’intérêt. « Je nai pas peur de l’inflation. Elle ne
me semble pas proche. Deux gros moteurs, les
États-Unis et la Chine, semblent de nouveau en
marche. Et les marchés souvrent. La crainte du
protectionnisme est réelle. Mais la baisse du dollar
américain va permettre aux États-Unis d’éviter
de recourir à des barrières tarifaires. Quant aux
taux dintérêt, j’ai de la difficulà voir un mou-
vement haussier des taux directeurs. Notamment
au Canada, surtout si le dollar canadien s’ache-
mine vers la pari. Aux États-Unis, si cette
hausse survenait, elle sexpliquerait par un regain
de confiance. Elle résulterait dune confiance
revenue ». Si les banques centrales resserrent trop rapidement
la vis, léconomie risque de replonger en récession.
MARCHÉS DES CAPITAUX
Pierre Bernard rappelle que l’argent reste cantonné dans le
marché des capitaux. C’est que linflation prend forme
présentement. « Aujourd’hui, les entreprises en bénéficient,
car elles peuvent ainsi reconstruire leur bilan et renforcer
leur capitalisation. Cette concentration de liquidités dans le
marc des capitaux peut cer une bulle et confiner lenri-
chissement à un petit groupe de gens, à Wall Street. On
observe présentement trop dargent courant après trop peu
de biens. » Mais t ou tard, cet argent ne devra-t-il pas être
redéployé dans l’économie dite réelle ? « Oui, plus tard ;
mais il serait faux de croire qu’on va revivre le scénario de la
fin des années 1970, avec son dérapage inflationniste. »
Quant à la bulle, « on sourcille ici devant une poussée de
50 % des Bourses, mais ailleurs, on peut observer une pous-
sée de 100 %. Si lon se fie aux dernières statistiques de
l’Institut des fonds d’investissement du Canada, les fonds
dactions sont toujours en position de rachat net. Les fonds
du marché monétaire, obligataires et équilibrés retiennent
le plus lattention. La prudence demeure. »
Faut-il se méfier de l’inflation ?
« Compte tenu de la baisse considérable
des taux dintérêt, le marché
obligataire fait face au pire scénario
des 30 dernières années. » William André Nadeau,
gestionnaire de portefeuille
et président d’Orientation Finance
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