Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 6 . L’enseignant doit valoriser les rôles socio participatifs, le jeu est en ce sens un formidable vecteur de transmission. Département STAPS de Tarbes Université de Pau et des Pays de l’Adour L’école est un lieu où se joue une contradiction essentielle. Elle se veut à la fois normalisatrice et libéralisatrice (« Mystification pédagogique », de Bernard CHARLOT, 1980). C’est-à-dire quelle est à la fois mû par sa volonté d’épanouir personnellement chaque élève et par la nécessité qui lui incombe de donner à chacun dans un sens d’équité les mêmes chances de réussite. En outre elle est normalisatrice dans le sens où elle permet d’acquérir des valeurs et des règles de vie communes à chaque citoyen, et libéralisatrice car l’école est un moyen pour l’élève de choisir l’adulte qu’il souhaite devenir. C’est une des raisons pour lesquelles l’enseignant transmet des valeurs et des connaissances afin de former les citoyens de demain (loi d’orientation n°2005-380 du 23 avril 2005), capables d’interagir avec les autres et d’endosser différents rôles sociaux. Pour cela, elle dispose une multitude d’outils à travers lesquels il transmettra ces savoirs, c’est - à - dire les contenus d’enseignement exigés par les programmes et relatifs à l’éducation à la vie au sein d’un groupe. Nous pouvons alors nous demander si le jeu constitue un vecteur de transmission culturelle pertinent. C’est - à - dire un outil assurant à la fois la maîtrise du contenu d’enseignement et le jeu par l’élève des différents rôles socio – participatifs qui le prépareront à sa future vie en communauté. Parmi les prérogatives et les habiletés de l’enseignant, il nous semble que sa capacité à proposer des situations (d’apprentissage) qui conduisent à développer des compétences généralisables à des situations qui exigent l’assomption de rôles sociaux est cruciale. De ce point de vue la focalisation sur les rôles socio - participatifs est importante. Les psychologues reconnaissent aujourd'hui que la personne consiste surtout en un ensemble de rôles; mais, avant d'apprendre un rôle, le sujet doit acquérir l'attitude de rôle et les techniques subtiles qui commandent le jeu de rôle. Or il est remarquable que, dans les jeux de fiction, c'est la forme et comme le style qui sont au premier plan ; ils sont plus importants même que les modèles ; aussi l'enfant peut-il trouver son plaisir à imiter n'importe quoi. C'est donc une sorte de cadre de la dynamique psychique qui est ici l'objet d'un véritable entraînement. De fait: l'enfant apprend, en mimant autrui (c’est-à-dire dans l’emprunt schizophrène du rôle de l’autre) à s'insérer dans la personnalité de celui-ci, à la manière dont les humanités, à travers le miroir de l'autre, nous révèlent à nous-mêmes, et en même temps nous façonnent sur les modèles choisis. De ce point de vue en psychologie classique, les Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 données concernant l’élaboration de la fonction symbolique nous expliquent comment l’individu se construit en s’opposant (se poser en s’opposant). En effet, parmi les objets que nous pouvons nous représenter, il y a « nous même » et notre image de nous ne nous apparaît dans des contours précis que par comparaison opposable à la représentation que nous nous faisons de l’autre. Tous les jeux de fiction contribuent ainsi à modeler cet ensemble de modèles et de normes intimes qui constituent ce que les psychanalystes nomment le surmoi. Le long apprentissage du groupe, qui s'achève à la fin de l'enfance, est une formation à ce « collectif » dans lequel l'adulte sera étroitement inséré ; si l'éducation reçue d'un précepteur se solde généralement par un échec, c'est surtout par suite de l'absence de ces jeux de groupe qui attachent le sujet aux autres et le contraignent à respecter la discipline du groupe. (Jean CHATEAU). Par les activités scolaires, l’enfant est mis en contact avec un réseau social et culturel immense : elles doivent l’armer des instruments qui lui permettront de se situer dans les institutions constitutives de la société. Les rôles socio – participatifs présentent un réel intérêt puisque ceux-ci s’apparentent à ce que pourra rencontrer l’enfant dans sa vie d’adulte lors de ses contacts avec le monde et la société qui l’entoure. En définitive le jeu est toujours à la fois social et séparé du social, parce qu’il exprime tout ce qui, dans l’existence humaine comme dans le devenir des sociétés, ne refuse pas une part d’arbitraire. Il englobe donc en particulier le risque, l’affrontement avec l’incertitude. Le jeu est en ce sens un outil de choix pour l’enseignant puisqu’il incite l’enfant à s’approprier des responsabilités au sein d’un groupe et à découvrir de manière informelle comment faire valoir son point de vue. Mais aussi accepter celui des autres, afin d’aboutir à un accord commun sans lequel une vie en communauté démocratique n’est pas possible. Notre analyse liminaire oriente la réflexion sur la place du jeu au sein de l’enseignement. La question qui nous intéresse tout particulièrement est de savoir si grâce au jeu, l’enseignant peut mettre en place des situations où l’enfant prend des décisions et agit au sein d’un groupe, afin de le préparer à son rôle de citoyen de demain. En quoi le jeu est-il vecteur de transmission ? Que peut mettre en place l’enseignant ? Pourquoi favoriser ce genre de rôles ? quels genres de rôles ? En d’autres termes, l’objet de cet article est de montrer que le jeu est utile à l’enseignant, afin de valoriser les rôles socio - participatifs dans l’enseignement scolaire. Pour répondre à cette question, nous montrerons dans les deux premières parties que les rôles sociaux que l’enseignant est amené à développer au sein de sa classe pour faire progresser ses élèves sont, la concrétisation des finalités établies par les programmes scolaires. De ces deux parties, nous dégagerons deux principaux types de finalités et les rôles qui en découlent : d’un côté la recherche d’une prise de responsabilité et d’autonomie, ainsi qu’une prise de conscience de la sécurité ; et d’autre part le développement de la citoyenneté et de la solidarité. Enfin dans une troisième partie, à partir d’exemples concrets, nous mettrons en évidence l’intérêt du jeu comme vecteur de transmission de ces rôles. Les rôles sociaux sont en corrélation étroite avec les compétences attendues par les programmes scolaires. Ces compétences sont généralement déclinées sous leur aspect général, spécifique, propre. (Loi d’orientation Jospin, 1989) On peut donc s’attendre à ce que les rôles sociaux présentent des intérêts de ces 3 points de vue. De tels intérêts signifient également différents enjeux de formations. C’est par conséquent, conscients de ces interactions que nous essayerons d’analyser les enjeux de formation sous - tendus par la mise en jeu des rôles Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 sociaux dans le cadre de la transmission pédagogique. Le but de cette analyse étant de déterminer comment la confrontation des élèves à des jeux de rôle peut leur permettre d’atteindre les finalités de l’enseignement. A cet égard, on peut admettre que la spécificité de chaque finalité détermine une typologie des rôles socio – éducatifs. Ainsi, nous étudierons les enjeux liés aux rôles de prise de responsabilité et de prise de conscience de la sécurité d’une part, et d’autre part aux rôles de gestion de l’autonomie et d’accès à la citoyenneté. L’idée est de comprendre quelles sont les compétences développées par chacun de ces rôles. Commençons par l’analyse institutionnelle. Le socle commun des programmes scolaire décline les 4 compétences sociales et civiques à acquérir : le sens du dialogue, de la négociation, du consensus, le travail en équipe; le respect des règles de vie collective, qu’il s’agisse du fonctionnement de la classe ou du règlement intérieur de l’établissement ; le sens de la responsabilité, individuelle et collective, en matière de sécurité, de santé, de sexualité ; et le respect des autres, la civilité, le refus des stéréotypes et des discriminations (Ministère de l’Education Nationale, 2005). De ces compétences, on peut décliner les rôles sociaux participatifs, que nous analyserons ci-dessous. D'une façon générale, l’apprentissage de la responsabilité est indissociable de la mission d'enseignement et du travail des enseignants dans leur classe. Il est porté par des enseignements spécifiques : instruction civique et morale de l'école primaire, éducation civique du collège, éducation civique, juridique et sociale au lycée. Ce type d’enseignement peut être appréhendé sous forme de jeu. Au-delà des enseignements, cet apprentissage constitue un élément structurant de la vie scolaire, notamment à travers le respect de la règle, la prévention des incivilités, de la violence et des conduites à risque, l'éducation à la santé, l'éducation à la sécurité. Il passe aussi par des actions éducatives qui engagent les élèves dans des situations concrètes autour d'activités collectives, telles que des jeux touchant par exemple la culture et le sport. L'implication au sein de l'association sportive comme les sorties scolaires est notamment l'occasion de mettre en pratique esprit d'initiative, autonomie et sens des responsabilités. L'objectif est de croiser acquisition des savoirs - disciplinaires et formation de compétences sociales et civiques. L'apprentissage de la responsabilité mobilise ainsi l'ensemble des acteurs de la communauté éducative. Il engage tout particulièrement le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Pour développer cette finalité de prise de responsabilité et de prise de conscience de la sécurité, l ‘enseignant peut mettre en place des rôles qui vont aider l’enfant à être véritablement acteur de l’évolution d’un projet collectif. Ce type de rôles va amener l’enfant à prendre conscience de l’impact de ses décisions sur le cours du projet et sur l’ensemble du groupe, à assumer ses choix et ses responsabilités et à le familiariser avec un statut social important au sein d’un groupe. Par la négociation, il va apprendre à respecter le choix des autres tout en suivant son idée, et à trouver des compromis qui modifieront son point de vue, celui des autres et en conséquence le projet lui-même. La négociation est un bon outil pour montrer à l’élève que rien n’est figé et que la vie de groupe se construit par la discussion et la modification des règles en fonction des personnalités du groupe. De plus, par les prises de décision il apprendra à discuter au sein d’un collectif, imposer son opinion, et gagner de l’assurance et de la confiance en lui. D’autre part, ce type de rôles entraînera pour l’enfant une prise de conscience des conduites à avoir pour assurer sa sécurité et celle du groupe. Ainsi cette sécurité ne sera pas imposée par l’enseignant, mais elle sera intégrée, adoptée naturellement par l’élève car à travers ces rôles il y trouvera du sens (Develay, « Donner du sens à l’école », 1996). Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 Cette prise de responsabilité peut être illustrée par des rôles comme : arbitre, juge, coach, médiateur, chef de groupe, délégué, pareur… et ceux-ci peuvent être abordés dans des situations de jeux au sein de la classe, qui permettront d’aborder de façon ludique cette facette de l’apprentissage scolaire. Donc, cette prise de responsabilité, d’autonomie et de sécurité constituent bien des valeurs à transmettre. Cette transmission peut s’aborder à travers des rôles sociaux – participatifs qui pourront être mis en situation par l’enseignant sous forme de jeux éducatifs. L'école est un lieu de vie collective où s'apprennent les valeurs de la République. Il s'agit pour l'élève de connaître, de s'approprier et de respecter les règles communes, afin de devenir le citoyen de demain. Le socle commun de connaissances et de compétences intègre cette mission fondamentale : il s'agit de préparer les élèves à vivre en société et à devenir des citoyens responsables, conscients des principes et des règles qui fondent notre démocratie. Ainsi comme le dit la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 – art.2 : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre [...] d'exercer sa citoyenneté. » L’éducation à la citoyenneté n’est donc pas seulement un savoir, mais aussi une pratique qui doit apprendre aux élèves à agir et à vivre ensemble à travers des actions concrètes comme : des jeux de rôles, des jeux collectifs, des situations d’apprentissage civique leur permettant de construire des espaces de citoyenneté. Il s’agit pour l’enseignant de mettre en place des situations qui mettent l’élève dans un contexte se rapprochant le plus justement possible de sa vie d’adulte de demain. Par le jeu, simulation de la vie, l’élève développera des compétences liées à la citoyenneté et il intégrera de manière ludique les règles de la vie en collectivité qui régissent notre société. On peut donc dire que le jeu est ici aussi utile à l’enseignant afin de développer des attitudes citoyennes et solidaires chez les adultes de demain. La place du jeu à l’école est un sujet polémique dans le sens où la notion de jeu va à l’encontre des valeurs de sérieux et d’apprentissage qui caractérisent l’école. Cependant, de plus en plus les enseignants l’utilisent à des fins éducatives car le jeu présente des avantages. En effet, les élèves arrivent à acquérir les connaissances sans avoir l’impression de faire des efforts. Le jeu constitue alors une manière d’apprendre sans avoir l’air d’apprendre. Tout d’abord, le jeu a un aspect positif auprès des enfants puisqu’il constitue pour eux un moment de détente, de plaisir et de partage avec l’ensemble du groupe qui leur permet de considérer l’école comme plus ludique et plus attrayante. C’est une nouvelle forme d’apprentissage qui sort des schémas classiques de pédagogie de l’école traditionnelle et qui est dénuée de toute connotation scolaire, ce qui a pour conséquence chez l’enfant d’appréhender l’école sous un autre angle. De plus, le jeu constitue une bonne simulation de la réalité car il permet d’utiliser des rôles socio – participatifs qui existent dans la vie d’adulte et qui permettent à l’enfant de se mettre dans la peau d’un citoyen, acteur au sein d’un groupe. Ainsi par des jeux de simulation et des jeux de rôles l’enfant découvre des fonctions et des statuts sociaux de la vie quotidienne. Le jeu est également une bonne stratégie d’enseignement pour l’enseignant car à travers ces moments ludiques l’enfant intègre plus facilement ce qu’on lui demande d’apprendre : Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 cette forme d’apprentissage est différente de l’enseignement « magistral » où l’enseignant ne fait que transmettre (modèle dit transmissif de l’apprentissage, ) les connaissances sans un retour possible des élèves, car elle permet une interaction professeur/élèves et élèves/élèves. Ainsi, cette approche alternative de l’apprentissage favorise la mémorisation des contenus d’enseignement à transmettre (Delaunay, 1999, « Les cahiers de l’Académie de Nantes »). Donc, nous pouvons dire que le jeu possède des atouts considérables qui peuvent être mis au service de l’apprentissage scolaire à travers des situations qui sollicitent chez les élèves l’envie d’apprendre et de s’impliquer dans des rôles sociaux – participatifs demandés par les programmes. A travers cet article, nous avons pu constater que le jeu constitue un véritable outil mis à la disposition de l’enseignant afin de transmettre au mieux les contenus imposés par les programmes et notamment la mise en situation de ces élèves dans des rôles socio – participatifs. Ainsi, les rôles socio – participatifs aident à l’intégration des principes de responsabilité et d’autonomie, nécessaires à l’élève pour gérer sa vie future. Par l’intermédiaire du jeu, l’enseignant pourra mettre en place des situations propices au développement de ces principes par l’élève. De plus, parce qu’il constitue une simulation de la vie réelle, le jeu (notamment le jeu de rôles) participe à l’apprentissage de la citoyenneté et de la solidarité qui sont des valeurs majeures visées par les programmes, afin que l’élève puisse s’épanouir pleinement dans notre société et y devenir acteur. En effet, les jeux de rôles sociaux – participatifs familiarisent l’enfant à la vie en communauté, faite de prises de décision et d’acceptation des opinions d’autrui. Enfin, nous avons pu décrire un cadre général d’idées à partir desquelles le jeu peut constituer un véritable atout pour l’enseignant puisqu’il a un aspect positif auprès des élèves et permet de transmettre plus facilement les connaissances et les valeurs liées aux rôles sociaux – participatifs. Cela toutefois, si la pédagogie choisie par l’enseignant est idoine. De plus, il permet une mise en situation des élèves afin qu’ils prennent conscience de l’importance de ces rôles. Le jeu constitue donc bien un formidable vecteur de transmission pour l’enseignant qui souhaite aborder avec ses élèves les rôles sociaux – participatifs. En ce sens on peut se demander si l’usage du jeu peut se généraliser à l’ensemble des apprentissages scolaires, ou s’il est à utiliser de manière modérée au sein du système scolaire actuel.