Félix Vallotton, Verdun. Tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains
dévastés, nuées de gaz, 1917.
Huile sur toile, 114 x 146 cm, Musée de l’Armée, Paris.
Félix Vallotton (1864-1925) est un artiste d’origine suisse naturalisé Français en 1900. Il suit une formation aux Beaux-arts de Paris. Il
est d’abord connu pour son travail de gravure qu’il délaisse pour la peinture. Il fait partie du mouvement des nabis (il est surnommé
« le nabi étranger »). Ce courant artistique marque le refus d’une peinture académique. Il se caractérise entre autre par l’utilisation
de grands aplats de couleur et par la recherche d’un élan spirituel au moyen de la peinture (Maurice Denis et le Musée du Prieuré à
Saint-Germain-en-Laye).
Félix Vallotton cherche à s’engager en 1914 mais essuie un refus en raison de son âge. Cela ne l’empêche pas de donner sa vision de
la guerre dans une série de gravures en 1915 intitulée « C’est la guerre ! ». Faute de modèle il s’inspire des images vues dans la
presse ou dans les actualités cinématographiques. En 1917 il obtient de participer à une des missions des artistes aux armées
instituées à l’automne 1916. Il prend part à la cinquième mission de juin 1917. Les travaux des artistes sélectionnés sont exposés au
Musée du Luxembourg et certaines toiles achetées par l’État. Les artistes doivent travailler dans l’urgence pour rendre leurs travaux,
ce dont se plaint Vallotton en juillet 1917 : « J’ai dû trimer pour pouvoir envoyer à Paris quelque chose de mes visions du front, et je
suis passablement déçu du résultat. Il eût fallu pouvoir méditer un peu là-dessus, au lieu qu’on vous bouscule et qu’on vous limite.
Les Administrations ne comprennent rien à rien ». Léonce Bénédicte, le responsable des missions attendait des peintres des
compositions qui soient davantage des expressions de la guerre que des reportages. Avant de partir, Vallotton écrit « L’idée de la
guerre est une idée intérieure ; le spectacle des images qu’elle comporte satisfera ma curiosité, mais n’augmentera pas l’ampleur du
drame que je sens », ce qu’il confirme quelques mois plus tard « La guerre est un phénomène strictement intérieur, sensible au
dedans, et dont toutes les manifestations apparentes, quel qu’en puisse être le grandiose ou l’horreur, sont et restent épisodes,
pittoresque ou document ».
Verdun est peint suite à sa mission de juin 1917 mais est aussi le fruit de son travail de documentation, la bataille ayant eu lieu un
an plus tôt. Pour les Français, Verdun (21 février 1916-19 décembre 1916) est la bataille emblématique de la Première Guerre
mondiale (deux tiers des combattants français sont passés par Verdun). Vallotton utilise les formes du cubisme pour représenter les
forces qui s’opposent, estimant que les techniques traditionnelles ne sont pas adaptées au déchainement de violences de la
Première Guerre mondiale « Que représenter dans tout cela ? […] Peut-être les théories encore embryonnaires du cubisme s’y
pourront-elles appliquer avec fruit ? Dessiner ou peindre des « forces » serait bien plus profondément vrai qu’en reproduire les effets
matériels, mais ces « forces » n’ont pas de forme, et de couleur encore moins ». Vallotton peint d’après le souvenir des émotions
ressenties en allant au plus près des combats et non d’après les croquis réalisés sur place. La composition s'organise autour de
faisceaux lumineux colorés se croisant au-dessus de flammes et de nuées de gaz en formant des triangles. Sur la gauche s'abattent
les lignes obliques de la pluie. Il peint une guerre sans combattants et se concentre sur les dégâts occasionnés sur les paysages. Il ne
montre pas les instants décisifs des combats mais il laisse voir une guerre industrielle et destructrice par l’intensité des
bombardements, une guerre déshumanisée.
Analyse du travail de Vallotton : http://www.dailymotion.com/video/x1vah4y_felix-vallotton-un-art-du-front_creation
Thématique : Arts, Ruptures, continuités.