
La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 139
Points forts
»
La chimiothérapie d’induction suscite un regain d’intérêt depuis l’introduction des taxanes et s’est
positionnée dans les stratégies de préservation laryngée.
»
Si l’indication d’une chimiothérapie d’induction est retenue, elle est faite à l’heure actuelle avec un
schéma TPF ; le traitement optimal pour la suite de la prise en charge reste à définir.
»Des essais de phase III randomisés sont nécessaires pour comparer la chimiothérapie d’induction à la
radio-chimiothérapie concomitante dans les formes localement évoluées.
»Le positionnement des anti-EGFR doit être étudié en induction dans des études de phase III.
»L’évaluation de la réponse et les objectifs d’évaluation à plus long terme doivent s’harmoniser.
Mots-clés
Chimiothérapie
d’induction
Cancers des voies
aéro-digestives
supérieures
Préservation d’organe
Taxanes
Cétuximab
Highlights
»
Induction chemotherapy
has new interest since the
introduction of taxanes and
has positioned in the larynx
preservation strategies.
»
If induction chemotherapy is
indicated, TPF regimen must be
done, the following treatment
remains to defi ne.
»
For locally advanced cancer,
randomized phase III trials are
needed to compare induction
chemotherapy versus concomi-
tant chemoradiotherapy.
»
The positioning of anti-EGFR
in induction chemotherapy
should be studied in phase III
studies.
Keywords
Induction chemotherapy
Head and neck cancer
Organ preservation
Taxanes
Cetuximab
portant sur des patients atteints de cancers de
l’oropharynx de stades II à IV, comparait 3 cures
de PF suivies du traitement locorégional versus le
traitement loco régional d’emblée (RTE avec ou sans
chirurgie) [4]. Les taux de réponse étaient de 56 %,
et la SG médiane était, respectivement, de 5,1 et
3,3 ans dans les bras induction et contrôle.
La CI a particulièrement été comparée, dans les
stratégies de préservation laryngée, au traitement
standard d’avant les années 1990, la laryn gectomie
totale, qui avait des conséquences négatives
sur la qualité de vie du patient. Cette chirurgie
connaissait des échecs à la fois locorégionaux et
métastatiques (5). La CI par PF suivie de RTE en
cas de bonne réponse a été considérée comme une
possibilité, à la suite de la publication de 2 essais
randomisés rapportant de bons taux de préservation
laryngée (40 à 64 %) sans préjudice sur le contrôle
ou la survie (5, 6). L’essai randomisé princeps des
vétérans américains (6) a inclus 332 patients
porteurs de cancers laryngés de stade III ou IV et
a comparé une CI par PF suivie d’une RTE à une
laryngectomie totale suivie d’une RTE. Une préser-
vation était possible pour les deux tiers des patients.
L’European Organization for Research and Treatment
of Cancer a réalisé un essai, de schéma similaire,
portant sur 194 patients atteints d’un cancer du
sinus piriforme localement avancé, avec des résultats
proches (5).
Parallèlement à cette innovation, un standard a
émergé : la radio-chimiothérapie concomitante, dans
plusieurs localisations tumorales, dont les cancers
des VADS. Les résultats ont été renforcés par la méta-
analyse MACH-NC, actualisée en 2009, qui incluait
87 essais (16 485 patients) randomisés de phase III
contenant de la chimiothérapie (induction, conco-
mitante, adjuvante), réalisés entre 1965 et 2000 (7).
Les données retrouvaient un bénéfi ce de SG à 5 ans
de 4,5 % toutes séquences confondues et de 6,5 % en
cas de traitement concomitant. L’effet de la CI n’était
pas signifi catif, de l’ordre de 2 %, mais il le devenait
si seuls les schémas PF étaient retenus (p = 0,01 ;
HR = 0,88 ; IC
95
= 0,79-0,97). Aucun de ces essais
ne comportait de taxanes en induction.
Une comparaison directe pour les cancers du larynx
a été faite dans l’essai 91-11 du Radiation Therapy
Oncology Group (RTOG), qui comportait 3 bras : CI
par PF suivie de RTE, radio-chimiothérapie conco-
mitante avec cisplatine, et RTE seule (8). Cette
étude suggérait la supériorité signifi cative du bras
concomitant en termes de préservation laryngée à
2 ans (88 versus 75 et 70 %, respectivement, dans
les bras CI et RTE seule) et de contrôle locorégional.
Il n’y avait pas de différence de SG. Cependant, le
bras concomitant se révélait aussi le plus toxique
avec, à 5 ans, un taux de larynx fonctionnel de 45 %
(versus 43 % pour la CI). La CI en ORL, et particuliè-
rement pour les cancers du larynx, semblait moins
toxique (odds-ratio = 4,17 ; p = 0,0041). À l’avenir,
dans les essais, ce sera désormais la préservation de
la fonction de l’organe, plutôt que la simple préser-
vation de l’organe lui-même, qui sera considérée
comme un objectif (9).
Taxanes
Les taxanes constituent l’une des classes de chimio-
thérapie les plus récentes et actives dans les cancers
des VADS. Des données récentes d’essais de phases I,
II et III suggèrent que l’ajout des taxanes (docétaxel
et paclitaxel) aux chimiothérapies conventionnelles a
des conséquences sur l’effi cacité et même sur la SG.
Administrer du paclitaxel en monothérapie à des
patients en rechute permet d’obtenir des taux de
réponse de l’ordre de 40 %. En cas de combinaison
avec un sel de platine ou du 5-FU, l’effi cacité du
traitement augmente, ce qui confi rme le potentiel
du paclitaxel pour ces malades. En 2005, R. Hitt et al.
ont inclus 382 patients dans un essai de phase III
comparant 3 PPF (paclitaxel, cisplatine et 5-FU) à
3 PF en induction (10). En cas de réponse supérieure
à 80 %, les patients recevaient une RTE à 70 Gy avec
du cisplatine 100 mg/m² (à J1, J22 et J43). Le taux
de réponse complète (RC) dans le bras PPF était de
33 %, versus 14 % dans le bras contrôle (p < 0,001).
La radio-chimiothérapie concomitante a été plus
souvent réalisée après PPF (63 versus 44 %). La SG
n’était pas différente (37 versus 43 mois), mais, en
cas de tumeurs non résécables, elle était en faveur
du PPF (36 versus 26 mois ; p = 0,04).
L’introduction du docétaxel en combinaison avec
le PF majore le taux de réponse tumorale, ce qui a
permis de revisiter la CI et de renouveler l’intérêt