DOSSIER THÉMATIQUE Cancérologie et ORL Chimiothérapie d’induction dans les cancers des voies aéro-digestives supérieures Induction chemotherapy in head and neck cancer Y. Pointreau1, 2, 3, 4, G. Calais1, 2 E 1 Service de radiothérapie, centre régional universitaire de cancérologie Henry-S.-Kaplan, hôpital Bretonneau, Tours. 2 Université François-Rabelais, Tours. 3 CNRS, UMR 6239 Génétique, immunothérapie, chimie et cancer, Tours. 4 Laboratoire de pharmacologietoxicologie, CHRU de Tours. nviron 550 000 nouveaux cas de cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS) sont diagnostiqués chaque année dans le monde, dont 48 000 aux États-Unis, 76 000 en Europe et 20 000 en France. Le tabac et l’alcool restent les facteurs de risque principaux des cancers épidermoïdes des VADS ; plus récemment, le rôle du papillomavirus humain (HPV) a été décrit dans la survenue des cancers de l’oropharynx, et celui-ci semble être corrélé à un meilleur pronostic (1). Pour les deux tiers des patients environ, le diagnostic est établi à un stade localement avancé, et 30 à 40 % d’entre eux décéderont de leur maladie. Cette population de malades représente un défi thérapeutique, car il s’agit d’obtenir de meilleurs taux de curabilité tout en essayant de préserver la fonctionnalité des organes (larynx). Les stratégies sont décidées en fonction de la classification TNM, du site primitif, de l’opérabilité, de l’âge et du performance status (PS). La chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et, plus récemment, les thérapies ciblées constituent les piliers des armes thérapeutiques, mais la séquence de traitement reste sujette à discussion, en particulier dans les stratégies de préservation d’organe et en cas de tumeurs non opérables. La chimio thérapie d’induction (CI), notamment l’arrivée des taxanes, est l’un des principaux changements de ces 30 dernières années dans la prise en charge des cancers localement évolués. L’effet des nouveaux traitements doit être évalué selon les critères classiques de survie, mais aussi selon la préservation de la fonction d’organe et la qualité de vie. Cet article reviendra sur le rationnel de l’induction, les données actuelles et les perspectives d’avenir. 138 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 Rationnel et données avant les taxanes Le concept de CI est né après l’identification de l’efficacité des sels de platine dans les cancers des VADS, puis l’association de ces derniers au 5 fluorouracile (5-FU). L’utilisation de la CI pour les cancers des VADS a plusieurs avantages théoriques : ➤ la réduction de la taille tumorale, permettant un traitement local plus efficace et moins toxique ; ➤ la réduction de l’incidence des métastases ; ➤ la délivrance des cytotoxiques dans la tumeur, sans dégâts préalables sur la vascularisation par la chirurgie ou la radiothérapie externe (RTE) ; ➤ l’évaluation de la sensibilité tumorale, qui oriente le choix du traitement suivant. Plusieurs études ont évalué l’efficacité de la CI. L’étude de phase III randomisée publiée par A. Paccagnella et al. comparait la combinaison du cisplatine avec le 5-FU (PF) en induction avant traitement locorégional versus le même traitement locorégional seul chez 112 patients porteurs ou non de tumeurs de stades III-IV opérables (2). Le taux de réponse objective (RO) était de 80 %, sans différence significative sur la survie globale (SG), mais avec une tendance à l’amélioration de la SG pour les patients inopérables. Un autre essai randomisé italien (3) a inclus des patients atteints de cancers opérables de la cavité buccale : la moitié d’entre eux recevait une CI par PF avant la chirurgie. Il y avait moins de résections mandibulaires dans le bras chimiothérapie (52 versus 31 %) que dans l’autre bras, sans effet sur la SG à 5 ans (55 %). Une étude du Groupe d’étude des tumeurs de la tête et du cou (GETTEC), Points forts » La chimiothérapie d’induction suscite un regain d’intérêt depuis l’introduction des taxanes et s’est positionnée dans les stratégies de préservation laryngée. » Si l’indication d’une chimiothérapie d’induction est retenue, elle est faite à l’heure actuelle avec un schéma TPF ; le traitement optimal pour la suite de la prise en charge reste à définir. » Des essais de phase III randomisés sont nécessaires pour comparer la chimiothérapie d’induction à la radio-chimiothérapie concomitante dans les formes localement évoluées. » Le positionnement des anti-EGFR doit être étudié en induction dans des études de phase III. » L’évaluation de la réponse et les objectifs d’évaluation à plus long terme doivent s’harmoniser. portant sur des patients atteints de cancers de l’oropharynx de stades II à IV, comparait 3 cures de PF suivies du traitement locorégional versus le traitement locorégional d’emblée (RTE avec ou sans chirurgie) [4]. Les taux de réponse étaient de 56 %, et la SG médiane était, respectivement, de 5,1 et 3,3 ans dans les bras induction et contrôle. La CI a particulièrement été comparée, dans les stratégies de préservation laryngée, au traitement standard d’avant les années 1990, la laryngectomie totale, qui avait des conséquences négatives sur la qualité de vie du patient. Cette chirurgie connaissait des échecs à la fois locorégionaux et métastatiques (5). La CI par PF suivie de RTE en cas de bonne réponse a été considérée comme une possibilité, à la suite de la publication de 2 essais randomisés rapportant de bons taux de préservation laryngée (40 à 64 %) sans préjudice sur le contrôle ou la survie (5, 6). L’essai randomisé princeps des vétérans américains (6) a inclus 332 patients porteurs de cancers laryngés de stade III ou IV et a comparé une CI par PF suivie d’une RTE à une laryngectomie totale suivie d’une RTE. Une préservation était possible pour les deux tiers des patients. L’European Organization for Research and Treatment of Cancer a réalisé un essai, de schéma similaire, portant sur 194 patients atteints d’un cancer du sinus piriforme localement avancé, avec des résultats proches (5). Parallèlement à cette innovation, un standard a émergé : la radio-chimiothérapie concomitante, dans plusieurs localisations tumorales, dont les cancers des VADS. Les résultats ont été renforcés par la métaanalyse MACH-NC, actualisée en 2009, qui incluait 87 essais (16 485 patients) randomisés de phase III contenant de la chimiothérapie (induction, concomitante, adjuvante), réalisés entre 1965 et 2000 (7). Les données retrouvaient un bénéfice de SG à 5 ans de 4,5 % toutes séquences confondues et de 6,5 % en cas de traitement concomitant. L’effet de la CI n’était pas significatif, de l’ordre de 2 %, mais il le devenait si seuls les schémas PF étaient retenus (p = 0,01 ; HR = 0,88 ; IC95 = 0,79-0,97). Aucun de ces essais ne comportait de taxanes en induction. Une comparaison directe pour les cancers du larynx a été faite dans l’essai 91-11 du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG), qui comportait 3 bras : CI par PF suivie de RTE, radio-chimiothérapie concomitante avec cisplatine, et RTE seule (8). Cette étude suggérait la supériorité significative du bras concomitant en termes de préservation laryngée à 2 ans (88 versus 75 et 70 %, respectivement, dans les bras CI et RTE seule) et de contrôle locorégional. Il n’y avait pas de différence de SG. Cependant, le bras concomitant se révélait aussi le plus toxique avec, à 5 ans, un taux de larynx fonctionnel de 45 % (versus 43 % pour la CI). La CI en ORL, et particulièrement pour les cancers du larynx, semblait moins toxique (odds-ratio = 4,17 ; p = 0,0041). À l’avenir, dans les essais, ce sera désormais la préservation de la fonction de l’organe, plutôt que la simple préservation de l’organe lui-même, qui sera considérée comme un objectif (9). Taxanes Mots-clés Chimiothérapie d’induction Cancers des voies aéro-digestives supérieures Préservation d’organe Taxanes Cétuximab Highlights » Induction chemotherapy has new interest since the introduction of taxanes and has positioned in the larynx preservation strategies. » If induction chemotherapy is indicated, TPF regimen must be done, the following treatment remains to define. » For locally advanced cancer, randomized phase III trials are needed to compare induction chemotherapy versus concomitant chemoradiotherapy. » The positioning of anti-EGFR in induction chemotherapy should be studied in phase III studies. Keywords Les taxanes constituent l’une des classes de chimiothérapie les plus récentes et actives dans les cancers des VADS. Des données récentes d’essais de phases I, II et III suggèrent que l’ajout des taxanes (docétaxel et paclitaxel) aux chimiothérapies conventionnelles a des conséquences sur l’efficacité et même sur la SG. Administrer du paclitaxel en monothérapie à des patients en rechute permet d’obtenir des taux de réponse de l’ordre de 40 %. En cas de combinaison avec un sel de platine ou du 5-FU, l’efficacité du traitement augmente, ce qui confirme le potentiel du paclitaxel pour ces malades. En 2005, R. Hitt et al. ont inclus 382 patients dans un essai de phase III comparant 3 PPF (paclitaxel, cisplatine et 5-FU) à 3 PF en induction (10). En cas de réponse supérieure à 80 %, les patients recevaient une RTE à 70 Gy avec du cisplatine 100 mg/m² (à J1, J22 et J43). Le taux de réponse complète (RC) dans le bras PPF était de 33 %, versus 14 % dans le bras contrôle (p < 0,001). La radio-chimiothérapie concomitante a été plus souvent réalisée après PPF (63 versus 44 %). La SG n’était pas différente (37 versus 43 mois), mais, en cas de tumeurs non résécables, elle était en faveur du PPF (36 versus 26 mois ; p = 0,04). L’introduction du docétaxel en combinaison avec le PF majore le taux de réponse tumorale, ce qui a permis de revisiter la CI et de renouveler l’intérêt Induction chemotherapy Head and neck cancer Organ preservation Taxanes Cetuximab La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 139 DOSSIER THÉMATIQUE Cancérologie et ORL Chimiothérapie d’induction dans les cancers des voies aéro-digestives supérieures dont elle faisait l’objet. Le schéma TPF avec adaptation posologique des doses de PF pour une meilleure tolérance a été testé dans plusieurs essais jusqu’en phase III, avec des taux de réponse variant de 50 à 100 %. Trois essais de phase III publiés (11-13) testant le TPF suivi d’une RTE, seule (GORTEC 2000-01 et TAX 323) ou avec carboplatine (TAX 324), ont confirmé la supériorité du TPF sur le schéma PF en termes de taux de réponse, voire en termes de SSP et de SG (12, 13). Dans l’essai TAX 323, des patients atteints de tumeurs de stade III ou IV non opérables ont été randomisés entre un bras TPF (docétaxel et cisplatine à 75 mg/m² J1 et 5-FU à 750 mg/m²/j de J1 à J5) et un bras PF (cisplatine 100 mg/m² à J1 et 5-FU 1 000 mg/m²/j de J1 à J5), avec 4 cycles programmés toutes les 3 semaines (12). Les patients dont la maladie ne progressait pas recevaient une RTE conventionnelle à 70 Gy, une RTE accélérée ou encore hyperfractionnée (dose totale maximale de 70 Gy et 74 Gy, respectivement). Un total de 358 patients a été randomisé : 177 dans le bras TPF et 181 dans le bras PF. Le taux de réponse globale était en faveur du bras TPF, atteignant 68 versus 54 % (p = 0,006). L’intervalle médian sans progression était de 11 mois pour le TPF et de 8,2 mois pour le bras PF (p = 0,007). La survenue de métastases était le premier événement de rechute pour 13 % des patients dans le bras TPF et pour 10 % d’entre eux dans le bras PF. La SG médiane était de 18,8 mois pour le schéma TPF versus 14,5 mois pour le groupe PF (p = 0,02). Dans l’essai TAX 324, des patients atteints d’un cancer de stade III ou IV considérés comme non opérables ou bien candidats à une préservation d’organe ont été randomisés entre un bras TPF (docétaxel 75 mg/m² à J1, cisplatine 100 mg/m² à J1 et 5-FU 1 000 mg/m²/j de J1 à J4) et un bras PF (cisplatine 100 mg/m² à J1 suivi de 5-FU 1 000 mg/m²/j de J1 à J5), avec 3 cycles programmés toutes les 3 semaines (13). Tous les patients recevaient au décours une RTE (dose comprise entre 70 et 74 Gy) associée à du carboplatine hebdomadaire ASC 1,5. Un total de 501 patients a été analysé. Le taux de réponse était meilleur dans le bras TPF (72 versus 64 % ; p = 0,07). La SG médiane était de 71 mois dans le bras TPF et de 30 mois dans le groupe PF (p = 0,006). Les taux de contrôle locorégional étaient meilleurs dans le bras TPF ; l’échec métastatique était de 5 % dans le groupe TPF et de 9 % pour le PF. Plus récemment, l’essai GORTEC 2000-01, qui était spécifiquement conçu pour l’évaluation de la préservation laryngée, a randomisé 213 patients 140 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 atteints de cancer du larynx ou de l’hypopharynx relevant d’une (pharyngo-)laryngectomie totale (11). Les patients ont reçu 3 cycles de TPF (docétaxel et cisplatine 75 mg/m² à J1 et 5-FU 750 mg/m²/j de J1 à J5) ou le standard PF (cisplatine 100 mg/m² à J1 suivi de 5-FU 1 000 mg/m²/j de J1 à J5). Les patients répondeurs recevaient une RTE (parfois avec chimiothérapie concomitante), les autres étaient traités par chirurgie suivie de RTE (parfois avec chimiothérapie concomitante). Le taux de réponse globale était de 80 % dans le bras TPF versus 59,2 % dans le groupe PF (différence de 20,8 % ; p = 0,002). Avec un suivi médian de 36 mois, le taux de préservation laryngée était de 70,3 % avec le TPF et de 57,5 % avec le PF (différence de 12,8 % ; p = 0,03). Dans cet essai, le schéma TPF augmentait le taux de préservation laryngée, avec une meilleure tolérance, mais sans effet sur la survie. L’ensemble des 3 essais rapportait une meilleure compliance et une meilleure qualité de vie dans le bras TPF, avec des taux de neutropénie fébrile respectivement de 5,2 %, 12 % et 10,9 % dans les essais TAX 323, TAX 324 et GORTEC 2000-01. Lors du congrès annuel de l’ASCO 2009, R. Hitt et al. ont présenté, en communication orale, les résultats de leur essai de phase III, qui incluait 439 patients atteints d’un cancer de stade III ou IV (14). Les patients étaient randomisés entre 3 bras : radio-chimiothérapie concomitante avec cisplatine (100 mg/m² à J1, J22 et J43) ; CI standard par PF suivie du même traitement concomitant ; CI par TPF suivie du traitement concomitant. Les auteurs rapportaient un temps jusqu’à échec significativement meilleur en cas de CI qu’en cas de radio-chimiothérapie concomitante d’emblée (12,5 versus 5 mois ; p < 0,001), mais en regroupant les 2 bras d’induction. De plus, un grand nombre de patients a été exclu de l’analyse sans explication, ce qui empêche de tirer des conclusions plus précises sur la meilleure stratégie. L’ensemble de ces données semble en faveur à la fois de la CI et des traitements concomitants ; il semble logique de les associer dans des stratégies dites séquentielles en adaptant les temps de traitement pour ne pas majorer les toxicités de manière additive ni compromettre le traitement locorégional par irradiation. Rôle des anti-EGFR L’utilisation d’anticorps monoclonaux tel le cétuximab, dirigé contre le récepteur de l’Epidermal DOSSIER THÉMATIQUE Growth Factor (EGFR), qui va empêcher la fixation du ligand naturel, représente une autre innovation récente. L’EGFR est connu en ORL pour être associé à un moins bon pronostic. L’efficacité du cétuximab (400 mg/m² en dose de charge suivie d’une injection hebdomadaire de 250 mg/m²) a été validée dans un essai de phase III, portant sur des tumeurs au stade métastatique, en association avec le cisplatine et le 5-FU chez 442 patients (15) : la SG est passée de 7,4 à 10,1 mois (p = 0,04). Le cétuximab a également été évalué en association avec la RTE versus la RTE seule dans un essai de phase III portant sur 213 patients atteints de cancers localement avancés (16, 17). Son ajout majore la durée médiane de contrôle locorégional (14,9 versus 24,4 mois ; p = 0,005) et la SG médiane (29,3 versus 49,0 mois ; p = 0,03). L’incidence des toxicités de grade 3 ne semblait pas majorée. Une actualisation récente des données à 5 ans (17) confirmait les résultats, et la SG semblait meilleure pour les patients présentant un rash acnéiforme de grade supérieur ou égal à 2 (HR = 0,49 ; IC 95 : 0,34-0,72 ; p = 0,002). L’étape suivante a consisté à intégrer le cétuximab dans les schémas d’induction. Lors des 2 derniers congrès annuels de l’ASCO, quelques abstracts concernant cette nouvelle association ont été dévoilés. En 2009, R. Mesia et al. rapportaient les données d’un essai de phase II associant cétuximab et TPF (docétaxel et cisplatine 75 mg/m² à J1, 5-FU 750 mg/m² de J1 à J5) pour 4 cycles programmés (18). S’y ajoutaient une antibioprophylaxie et l’utilisation de facteurs de croissance. Les 50 patients, atteints de cancer de stade IV non opérable, recevaient ensuite une RTE accélérée avec boost concomitant (69,9 Gy) et cétuximab 250 mg/m²/sem. Il y a eu RO dans 78 % des cas ; les toxicités sévères de grades 3-4 étaient fréquentes, particulièrement les neutropénies (24 %), souvent fébriles (20 %). Un autre essai de phase II incorporant le cétuximab en induction suivi d’une radio-chimiothérapie a été proposé à 39 patients atteints de tumeurs de stade III ou IVA-B (19). Ils recevaient du TPE (docétaxel et cisplatine 75 mg/m² à J1, cétuximab 250 mg/m² à J1, J8 et J15 après une dose de charge de 400 mg/m² à J1 du cycle 1) tous les 21 jours durant 3 cycles. Ensuite, une radiothérapie de 70 Gy avec cisplatine 30 mg/m² et cétuximab 250 mg/m²/sem, puis un traitement d’entretien par cétuximab sur 6 mois étaient planifiés. Avec un suivi médian de 36 mois, les taux de survie sans progression à 2 et 3 ans étaient respectivement de 70 % et 67 %. La SG à 2 et 3 ans était de 77 %. L’essai randomisé de phase II DeLOS II comparait 4 cycles de TPF en induction avec ou sans cétuximab, suivis d’une radiothérapie avec cétuximab en cas de RO, chez des patients atteints de carcinome du larynx et de l’hypopharynx opérable (20). À la suite de 5 décès toxiques parmi les 62 premiers malades inclus, le 5-FU a été retiré. Au moment de l’analyse, en janvier 2010, 78 patients étaient inclus. Les auteurs concluaient que la toxicité du schéma TPF-cétuximab était inacceptable, mais ils relevaient une bonne efficacité ; le schéma TP-cétuximab était toutefois faisable. L’essai E2303 évaluait le cétuximab avec une CI par paclitaxel 90 mg/m² et carboplatine ASC 2 suivie, en cas de bonne réponse, d’une RTE avec cétuximab (et chimiothérapie) chez des patients atteints de tumeurs de stade III ou IV résécables (21). Soixantedix des 74 patients inclus ont reçu la CI, et 68 la radio-chimiothérapie concomitante. Quatre-vingtonze pour cent des 63 patients éligibles à l’analyse avaient une réponse histologique complète au moment des nouvelles biopsies. Aucune donnée n’était rapportée concernant les toxicités. Si l’on interprète l’ensemble de ces données, on peut conclure que les schémas TP (± F) avec cétuximab pourraient être une possibilité pour les patients relevant d’une CI, mais que les toxicités en limitent l’usage ; et que des essais de phase III sont nécessaires pour valider les effets de l’ajout du cétuximab, comparativement à un schéma TPF déjà très efficace. Conclusion et perspectives Le schéma TPF a acquis une place indiscutable dans la CI, sur la base d’une convergence de données : la toxicité est acceptable ; comparativement au schéma PF, il augmente significativement le contrôle locorégional, dans 3 essais publiés randomisés ; il donne un taux de RO chez les deux tiers des patients, et il a un effet significatif sur la SG et la survie sans maladie dans les 2 essais TAX. Cependant, plusieurs questions demeurent : ➤ Quel est le nombre optimal de cycles en induction (2, 3, 4, ou plus) ? ➤ Quel dosage pour chacune des molécules ? ➤ Comment évaluer la réponse au traitement ? Imagerie et endoscopie jouent probablement un rôle essentiel. Quel est l’intérêt du PET scan et de l’IRM fonctionnelle ? ➤ Quand évaluer la réponse au traitement ? Entre le deuxième et le troisième cycle ? Dès la fin du troisième cycle ou 3 semaines après, pour attendre une "MMNMBDY UNTR me Une deuxiè e ratuit insertion g pour és les abonn Contactez Valérie Glatin au 01 46 67 62 77 ou faites parvenir votre annonce par mail à [email protected] La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 141 DOSSIER THÉMATIQUE Cancérologie et ORL Références bibliographiques 1. Schwartz SR, Yueh B, McDougall JK, Daling JR, Schwartz SM. Human papillomavirus infection and survival in oral squamous cell cancer: a population-based study. Otolaryngol Head Neck Surg 2001;125(1):1-9. 2. Paccagnella A, Orlando A, Marchiori C et al. Phase III trial of initial chemotherapy in stage III or IV head and neck cancers: a study by the Gruppo di Studio sui Tumori della Testa e del Collo. J Natl Cancer Inst 1994;86:265-72. 3. Licitra L, Grandi C, Guzzo M et al. Primary chemotherapy in resectable oral cavity squamous cell cancer: a randomized controlled trial. J Clin Oncol 2002;21:327-33. Retrouvez la suite des références bibliographiques sur notre site www.edimark.fr Chimiothérapie d’induction dans les cancers des voies aéro-digestives supérieures réponse maximale ? L’idée est toutefois de ne pas perdre de temps pour pourvoir changer rapidement de stratégie si le traitement n’est pas suffisamment efficace ou pour mettre en place la radiothérapie. ➤ Comment optimiser le schéma TPF ? Par l’addition d’un anti-EGFR (cétuximab) au TPF (TPFcétuximab) ou par le retrait du 5-FU (TP-cétuximab) ? L’évaluation des risques que sont les toxicités et un potentiel d’amélioration relativement faible rendent nécessaires des essais de phase III. ➤ Comment intégrer le TPF en induction dans les futurs schémas dits séquentiels, l’objectif étant de ne pas compromettre le traitement locorégional tout en essayant de l’optimiser (ajout d’une chimiothérapie ou d’un anti-EGFR, modification du fractionnement ou de l’étalement) ? ➤ Quelles sont les bonnes indications de la CI ? La préservation d’organe, les tumeurs non résécables, les hauts risques métastatiques, les grosses tumeurs ou les adénomégalies ? Il est nécessaire de comparer en première ligne la CI (quel est alors le meilleur schéma ?) à la radiochimiothérapie chez des patients relevant de prises en charge différentes, sans mélanger les cas (préser- vation, inopérables, cavité buccale versus oropharynx versus hypo-pharyngolarynx, etc.). Les études en cours devraient permettre de répondre à ces interrogations ou, au moins, donner des pistes. Les résultats définitifs des études DeCIDE et PARADIGM devraient bientôt être disponibles. Les résultats préliminaires sur les toxicités de l’essai PARADIGM ont été présentés à l’ASCO en 2010 (22). Cette étude de phase III comparait 3 cycles de TPF suivis d’une RTE avec soit du carboplatine, soit du docétaxel hebdomadaire à une radio-chimiothérapie concomitante chez des patients atteints de tumeurs localement avancées de stade III ou IV (majoritairement, parmi les 145 patients inclus, des tumeurs de l’oropharynx). Une nouvelle méta-analyse incluant les données récentes du schéma TPF est en cours, dans le but d’évaluer plus globalement ce schéma et son effet sur la survie par rapport à la radio-chimiothérapie concomitante. Les évaluations comparatives devront intégrer la notion de fonctionnalité de l’organe, notamment la qualité de la déglutition et de la voix, ainsi que la qualité de vie. ■ Nouvelles de l’industrie pharmaceutique Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique Prise en charge des patients et efficience du système de soins : renforcer les synergies entre industriels et institutions de recherche et de soins À l’occasion d’une table ronde qui s’est tenue le lundi 17 janvier 2011 à l’hôpital américain de Neuilly-surSeine, l’association CrossWorlds HealthCare Professionnals (CWHCP) a présenté une étude qualitative intitulée “Optimiser les collaborations entre institutions de recherche et de soins et industriels de santé” (OCIRSIS). Cette étude met en avant certaines différences quant à l’appréciation de l’importance relative des principaux leviers d’optimisation de l’efficacité et de l’efficience des systèmes de santé et des domaines dans lesquels une collaboration plus étroite est nécessaire. Elle relève néanmoins de nombreuses convergences entre industriels 142 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 et institutions de soins et de recherche, convergences mises en exergue par les 6 experts hospitaliers réunis autour du Dr Valery Labonne, président de l’association, et Hervé Drevot, consultant en stratégie dans le domaine de la santé lors de la table ronde. Ainsi, transformer le modèle recherche et développement par le biais de nouveaux modes de collaboration constitue un objectif commun, mais aussi accroître l’impact de l’évaluation des technologies de santé, optimiser la pertinence du diagnostic et la personnalisation de la prise en charge, rendre le patient acteur de sante, renforcer la continuité et la coordination du parcours de soins et tirer parti des potentialités des technologies de l’information et de la communication. Les informations sur l’étude et l’association sont disponibles sur le site www.cwhcp.org. Communiqué de presse de l’association CrossWorlds HealthCare Professionals DOSSIER THÉMATIQUE Cancérologie et ORL Chimiothérapie d’induction dans les cancers des voies aéro-digestives supérieures Références bibliographiques (suite de la p. 142) 4. Domenge C, Hill C, Lefebvre JL et al. Randomized trial of neoadjuvant chemotherapy in oropharyngeal carcinoma. French Groupe d’étude des tumeurs de la tête et du cou (GETTEC). 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