politique, un théâtre d’agitprop ou de dénonciation, mais plutôt un théâtre qui
regarde à la fois autour de soi et en soi. Et ça, ça me touche beaucoup. Une autre
chose qui me paraît importante, c’est que Falk Richter est un auteur de ma
génération, un auteur qui vit aujourd’hui. J’ai donc quelqu’un, en face de moi, qui
écrit en direct. C’est très stimulant…
Quelqu’un avec qui, comme c’est le cas aujourd’hui, ou comme ça l’a été pour votre
spectacle
My Secret Garden
, en 2010, vous inventez d’autres formes de collaboration
artistique…
S. N.
: Exactement. Des formes partagées de création pour lesquelles nous mettons
en scène à deux, avec la particularité qu’il écrit et que moi je n’écris pas, que moi je
joue et que lui ne joue pas. Cette relation crée, dans mon chemin de théâtre, un écart
qui me fait énormément de bien. Car je trouve cette question du partage très belle. Il
n’est d’ailleurs pas anodin que mon premier spectacle au Théâtre national de
Strasbourg soit la création d’un texte qui était encore en train de s’écrire alors que
nous étions en répétition. Je crois qu’il est très important de savoir prendre ce risque-
là.
Est-ce que ce processus de création a supposé une part d’écriture « au plateau » ?
S. N.
: Oui, on a beaucoup travaillé par improvisations. Et comme le matériau premier
était l’univers de Fassbinder, on a rejoué des scènes de certains de ses films. On s’est
beaucoup documentés. On a relu pas mal de textes… Il y a eu, ainsi, un mouvement
d’allers-retours entre Falk Richter et nous. Tout cela a donné corps à des choses très
diverses sur le plateau : à des chansons, des premiers plans d’adresse assez directs,
mais aussi à d’autres types d’informations qui arrivent et parfois se superposent, par
exemple des choses qui se passent dans des téléviseurs… Cette façon de procéder a
laissé beaucoup de place pour que chaque acteur puisse proposer et inventer son
propre chemin…
«
Fassbinder et Falk Richter ont en commun une même volonté de parler de tout sans
jamais céder à la peur.
»
Que pourriez-vous dire de ces différents chemins ?
S. N.
: Thomas Gonzalez, par exemple, qui aime chanter, s’est très vite inscrit dans le
projet en travaillant avec le musicien Matthias Grübel. Moi, j’ai pris assez
naturellement la figure de Fassbinder, du metteur en scène. Eloise Mignon a un peu
le rôle d’un électron libre, qui vient d’ailleurs et pose beaucoup de questions… Judith
Henry, elle, est plutôt la figure de l’actrice, de la muse. Elle retraverse les figures
d’Hanna Schygulla, de Margit Carstensen… Quant à Laurent Sauvage*, il joue un peu
tous les personnages en marge, de la mère de Fassbinder à Elvira, dans
L’Année des
treize lunes
…
Quels liens pouvez-vous établir entre l’univers de Falk Richter et celui de Rainer
Werner Fassbinder ?
S. N.
: Ces deux univers n’ont rien et tout à voir à la fois. Ce qui est intéressant, c’est
que, pour Falk Richter, Fassbinder est un peu le même type de figure que Pasolini est
pour moi. C’est-à-dire que c’est une espèce de terreau dans lequel il n’arrête pas de
piocher. Dans un certain nombre de ses textes, il y a des choses empruntées à