dû céder le pouvoir lui aussi sous les pressions intérieures et extérieures. Mais Bachar el
Assad demeure, et aucun signe ne prouve son départ au cours de l’année 2013. Pour le roi de
Jordanie, il peut tenir encore 6 mois (discours en février 2013) et pour le premier ministre
irakien, il en aurait au minimum pour deux ans (déclaration en février 2013). Même si la
moitié nord de la Syrie lui échappe en grande partie, Bachar el Assad demeure bien installé à
Damas, l’appareil d’Etat et l’armée fonctionnent quasi normalement.
Cette situation nous interroge. La révolte syrienne repose sur un mécontentement social et
politique comparable à celui de l’Egypte et de la Tunisie. La situation syrienne était même
pire si on en juge par l’étendue des manifestations dans les premiers mois de la révolte, et la
détermination des Syriens face à la violence de la répression. Mais aujourd’hui, nous sommes
passés d’une révolution à une guerre civile, que la chute du régime ne suffira pas à
interrompre
. Un risque de fragmentation du pays est à craindre malgré les dénégations des
deux camps (régime et opposition), qui affirment leur attachement à une Syrie unie et
multicommunautaires. Mais sortons du discours convenu pour analyser les différentes causes
de la révolte et les fractures au sein de la société syrienne. Il apparaît nettement que le facteur
communautaire à base confessionnelle, ethnique et tribal ne peut être négligé
.
Le communautarisme n’est pas le seul facteur du conflit, mais à mesure que la crise se
prolonge, les populations se réfèrent de plus en plus à ses identités primaires pour leur
protection. A la faveur de la crise, le communautarisme se révèle au grand jour, tout comme il
l’a été au Liban durant la guerre civile. Car le communautarisme est un élément constitutif de
la société au Proche-Orient. Mais est-il un facteur majeur ou secondaire ? Cette question
mérite d’être posée car nous sommes toujours gênés, en particulier les géographes français,
devant cet objet. Ce qui n’est pas le cas des géographes anglo-saxons beaucoup plus
décomplexés devant cette question
. Il est vrai que nous avons eu une géographie coloniale
qui utilisait à outrance le communautarisme. Par réaction la nouvelle géographie marxiste,
puis marxienne et ensuite simplement modélisatrice, n’analysait plus la société qu’en terme de
classes ou de groupes sociaux, mais sans référence à l’ethnie ou la religion, jugés au mieux
comme des identités en voie de disparition. La montée en puissance de la notion de territoire,
au détriment de celle d’espace, nous oblige à nous pencher davantage sur les questions
d’identités. Les travaux de Guy Di Méo
et de Paul Claval
, sur les identités locales ont
ouvert à la voie à toute une réflexion sur l’identité culturelle des territoires, et les diverses
conséquences politiques et économiques.
Guerre civile ou révolte d’un peuple opprimé par un régime dictatorial ? Lutte des classes ou
conflit identitaire ? La crise syrienne et les fractures qu’elle réactive dans les pays voisins
nous donnent matière à réfléchir sur les modes d’organisation sociale et les rapports entre les
groupes durant les périodes de crise tout en tentant de répondre concrètement à ces questions.
3- Une géopolitique à plusieurs échelles dans le cadre d’une certaine guerre froide.
Comment les géopolitiques locales se connectent-elles avec la géopolitique internationale et
comment réagissent-elles à la mondialisation. Dans son roman Le Rocher de Tanios
, Amin
Balanche Fabrice, « La crise syrienne : itinéraire de la transformation d’une révolution en guerre civile », Diplomatie, n°58, septembre
2012.
Balanche Fabrice, « Géographie de la révolte syrienne », Outre Terre, Octobre 2011, n°29.
Collignon Béatrice, « La géographie et les minorités », in Géographies anglo-saxonnes. Tendances contemporaines, Belin, 2001, pp.23-56.
Di Méo Guy, Les territoires du quotidien, Paris, L’Harmatan, 1996, 208 p. et Géographie sociale et territoire, Nathan Université, Paris,
1998, 317 p
Claval Paul, La Géographie culturelle, Nathan, Paris, 1995
Maalouf Amin, Le Rocher de Tanios, Éditions Grasset, Paris, 1993.