L’économie française en 2014 : Crise conjoncturelle et crise structurelle Le gouvernement français avait prévenu, à l’occasion des commémorations du 14 juillet 2014, que la rentrée serait « difficile ». Ce n’est nullement étonnant. La France, en dépit d’une amélioration passagère en 2010, n’est pas réellement sortie de la crise dans laquelle elle fut plongée en 2008 par les turbulences de la finance internationale. Voici qui témoigne de ce que, au-delà de la crise conjoncturelle, et des politiques – bonnes ou mauvaises – qui ont été appliquées, la France connaît bien une crise structurelle. Ceci se traduit par un pessimisme important de la population et le sentiment que le pays va mal. Mais, si la perception que la France va mal est aussi répandue, ce n’est pas en raison d’un soi-disant malaise psychologique des français. La dernière note de conjoncture de l’INSEE est une démonstration de l’ampleur des problèmes auxquels l’économie française doit faire face 1. Il y a donc bien des facteurs que l’on pourrait qualifier d’« objectifs » pour expliquer ce sentiment et ce ressenti, et ces facteurs se concentrent sur la situation économique. I. Le constat. Le poids de la crise, en effet, se fait désormais sentir depuis six ans. Il y a donc ici un effet cumulatif. Cette situation, si elle n’est pas spectaculaire et ne peut se comparer à ce que vivent d’autres pays, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, n’en est pas néanmoins très inquiétante. Tableau 1 Facteur contribuant à la croissance 2011 2012 2013 2014 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 Demande intérieure hors stocks Dont Formation Brut de Capital Fixe Consommation des ménages Variation des stocks Commerce extérieur PIB 0,5 -0,5 0,2 0,1 0,4 -0,2 0,1 -0,1 0,2 0,4 0 0,2 -0,4 0,1 1,7 -0,9 -0,7 1,8 -0,1 -0,1 -0,1 -0,7 -0,3 0,3 -0,3 -0,1 -0,9 -1,1 0,3 -0,9 0,2 -0,3 0,5 -0,6 0,1 -0,1 0,3 0,3 -0,1 0,2 -0,6 0,4 1,4 -0,3 0,0 -0,9 0,1 -0,1 0 -0,2 -0,1 0,1 0,3 -0,3 0,5 0 -0,8 0,9 0,0 0,9 1,1 0,0 0,2 0,1 -0,3 0,2 0,1 -0,2 0,1 0,3 0,1 -0,3 -0,1 0 0,2 0,7 -0,4 -0,1 0,3 0,2 0 0 -0,1 0 Source : INSEE, Annexe Statistique à la Note de Conjoncture, 2 octobre 2014, Paris. http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/ca_2014_vf1.pdf Il faut, de plus, ici rappeler un fait : avec un PIB qui stagne en termes réels, et à structure de répartition constante, un pays dont la population s’accroît régulièrement, comme c’est le cas de la France, voit le PIB par habitants diminuer mécaniquement. Cela se traduit par 1 INSEE, « La reprise différée », note de conjoncture, 2 octobre 2014, Paris. http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/ve_octobre_2014_VF.pdf un revenu en baisse, mais aussi – car les résistances aux diverses coupes sociales que veut imposer le gouvernement sont naturellement fortes – par une hausse des prélèvements pour tenter de réduire les divers déficits, qu’il s’agisse du déficit budgétaire, qui s’est avéré être en augmentation en dépit des efforts du gouvernement 2 , du déficit des assurances sociales ou du déficit du commerce extérieur. Mais, en ce qui concerne le déficit budgétaire, les prélèvements publics sont liés à la croissance du PIB, en raison du rôle centrale que joue la TVA dans les ressources. Or, cet impôt est très sensible à la croissance du PIB. Par ailleurs, le mouvement des dépenses publiques, et en particulier des dépenses sociales, est déterminé tant par l’accroissement du chômage que par l’évolution du revenu de la population. Ces différents éléments entraînent une hausse de la dette publique (en proportion du PIB) et du déficit budgétaire. Par ailleurs, les évolutions de la consommation intérieure exercent une influence dépressive sur la croissance, mais aussi sur l’investissement. Ces différents phénomènes se combinent pour former les caractéristiques d’une économie en crise de longue durée. Une crise de longue durée La croissance du PIB a été durablement cassée par la crise financière de 2007-2008. Alors que le taux de croissance de la France était l’un des plus importants de la zone Euro de 2000 à 2007, on assiste à une stagnation depuis. Cette tendance n’est certes pas unique au sein de la zone Euro. La comparaison des productions industrielles montre cependant que la France se situe sous la moyenne de la Zone, et accumule un retard important par rapport à l’Allemagne. Si ce dernier pays a retrouvé son niveau d’avant la crise il n’en va pas de même pour la France. Graphique 1 PIB à prix constants, base 1995 Milliards d'euros (prix 1995) 1850 1800 1750 1700 1650 1600 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1550 Source : Base de donnée du Fond Monétaire International 2 Le Figaro, « France : déficit budgétaire creusé fin août », 7 octobre 2014, http://bourse.lefigaro.fr/indices-actions/actu-conseils/france-deficit-budgetaire-creuse-finaout-2384510 Données : Base de données de FMI 2014 Source : Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) Graphique 3 PIB par habitants (en Euros, à prix constants, base 1995) 29500 29000 28500 28000 27500 27000 26500 sept.-13 mai-13 janv.-13 sept.-12 mai-12 janv.-12 sept.-11 mai-11 janv.-11 sept.-10 mai-10 janv.-10 sept.-09 mai-09 janv.-09 I talie 2013 2012 mai-08 sept.-08 France 2011 2010 2009 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 mai-03 janv.-03 sept.-02 mai-02 janv.-02 sept.-01 mai-01 janv.-01 Allemagne 2008 2007 2006 2005 mai-00 sept.-00 Zone euro 2004 2003 2002 2001 2000 80 janv.-00 Graphique 2 Production industrielle - base 100=2010 Espagne 130 120 110 100 90 La situation, qui est incontestablement sérieuse, apparaît encore plus dramatique si on regarde l’évolution de la richesse par habitant. On constate alors que la France s’appauvrit depuis la crise de 2007-2008. C’est une situation sans précédent depuis 1945. Le caractère nouveau de cette situation, car la richesse par habitant était croissante depuis la fin de la seconde guerre mondiale, explique aussi le désarroi de la population et du gouvernement. Le mouvement de la consommation. Cette baisse de la consommation fut aggravée par les mesures contenues dans les réformes dites Fillon, qui ont été prises en 2011. Le gouvernement de l’époque était confronté à l’accroissement rapide de la dette publique (en proportion du PIB) et du déficit budgétaire. Il instaura des mesures visant à réduire les dépenses publiques (en particulier en allongeant l’âge de départ à la retraite) et à accroître les recettes. Mais, il sous-estima probablement le choc dépressif de ces mesures par méconnaissance du mécanisme du multiplicateur des dépenses publiques3. D’une manière générale, il faut ici constater que les gouvernements successifs que la France a connu ces dernières années, qu’il s’agisse des gouvernements de centre-droit (UMP) ou, depuis juin 2012 des gouvernements socialistes, ont commis une erreur importante d’appréciation en ce domaine. Bien sûr, la consommation des entreprises et celle de l’Etat masquent en partie ce processus. Graphique 4 Source : INSEE 3 O. Blanchard et D. Leigh, « Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers », IMF Working Paper, WP/13/1, FMI, Washington D.C., 2013, On doit noter ici l’importance des dépenses faites par les régions qui ont contribuées à soutenir l’activité (et à éviter une véritable dépression de l’économie) mais au prix d’un endettement croissant 4 . Il faut ajouter le poids des consommations « contraintes », comme celles de carburant. Néanmoins, ce processus devient chaque jour plus évident. En fait, la consommation des ménages, après le fléchissement dû à la crise financière, s’était redressée jusqu’en janvier 2011. Graphique 4b Source : INSEE Depuis cette date, sous les coups des politiques d’austérité imposées pour « sauver la zone Euro », la consommation fléchit. La situation qui s’était produite du fait de la crise, et qui avait été compensée par les politiques expansives de 2009 et 2010, réapparait donc aujourd’hui, et avec une amplitude sans égale. Cela ne doit pas nous surprendre quand on a à l’esprit les chiffres de la production par habitant. Ce qui est néanmoins significatif est que ce fléchissement se produit alors que l’épargne est nettement inférieure à ce qu’il était – à prix constants – en 2000. En fait, cette baisse de la consommation vérifie l’appauvrissement général de la population. Il faudrait, bien entendu, y ajouter la baisse des services publics à la population, que ce soit en qualité (dans les transports) ou en qualité et en quantité comme dans la santé et l’enseignement. La politique budgétaire des gouvernements depuis 2010, on l’oublie trop souvent, a abouti à une stabilisation des dépenses publiques au sens strict L’évolution du chômage. Devant cette baisse de la consommation, et devant des perspectives internationales dégradées, il n’est pas étonnant que le chômage ne cesse d’augmenter. La question des 4 Le déficit des régions a été multiplié par 3 de 2012 à 2013, où il atteint les 9,7 milliards d’Euros, soit quasiment 0,5% du PIB. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/10/05/9700220141005FILWWW00034-le-deficit-des-collectivites-locales-a-explose.php chiffres du chômage est aujourd’hui, à l’évidence, une question centrale, et pas seulement en raison de l’imprudente affirmation faite en décembre 2012 par le Président François Hollande sur une « inversion » de la courbe du chômage. On constate d’ailleurs que les données officielles sont contestées aux États-Unis, et dans un certain nombre de pays européens. Aux Etats-Unis en particulier, c’est la baisse du taux de participation au travail, alors que le taux de chômage diminue, qui suscite controverse5. En France, c’est l’ampleur du chômage qui prête à polémique. Pourtant, il faut constater que les divers organismes de recueil et d’exploitation des données font un travail honorable. Ce qui pose problème, en particulier dans notre pays, est plus la présentation de ces données. Encadré 1 Les données présentées en France ne sont pas celles qui concernent directement le « chômage » mais les « demandeurs d’emploi ». De ce point de vue, les données ne sont pas nécessairement cohérentes avec celles correspondantes au sens du BIT. Ces données sont réparties en catégories définies comme suit par la DARES6. « …la Dares et Pôle emploi présentent à des fins d’analyse statistique les données sur les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en fonction des catégories suivantes : Catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ; Catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ; Catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. de plus de 78 heures au cours du mois) ; Catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie…), sans emploi ; Catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés). » C’est la catégorie « A » qui est constamment citée comme chiffre de référence. Mais, on constate que la catégorie « D » en est en réalité très proche. Une personne déchargée de l’obligation de faire un « acte positif de recherche d’emploi » dans le mois courant, quel qu’en soit la cause, mais sans emploi, correspond bien à la conception normale d’un « chômeur ». Les personnes qui sont en catégorie « B » ont un emploi à temps très partiel qui leur a été imposé (- de 78h par mois) et souhaitent travailler. Cela correspond aux chômeurs qui retrouvent un emploi pour quelques jours par mois, mais qui ne cessent pas d’être des chômeurs pour autant. Ainsi, le chômage réel couvre en réalité les catégories A + B + D, et l’on peut considérer que la catégorie B+D correspond à un chômage masqué par des artifices statistiques. Les catégories « C » et « E » posent d’autres problèmes. La catégorie « C » correspond à des travailleurs ayant dû accepter un emploi de + de 78 h mais de – de 156 h par mois. Ceci est très fréquemment la situation des femmes travaillant dans la grande distribution. On ne peut certes pas dire que ces personnes sont au chômage, mais elles n’ont pas non A. Puzder, «What does the unemployment rate really mean for Americains», in The Daily Caller, December 23rd, 2013, http://dailycaller.com/2013/12/23/what-does-the-unemployment-ratereally-mean-for-americans/ 6DARES, http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiquesde,76/statistiques,78/chomage,79/les-mots-du-chomage,1413/les-demandeurs-d-emploiinscrits-a,9576.html 5 plus un emploi leur permettant de vivre. Elles représentent une nouvelle catégorie, que l’on appellera le « quasi-chômage », de personnes contraintes d’accepter un emploi dont la durée est inférieure au niveau légal. Enfin, nous avons la catégorie « E » qui comprend des personnes qui sont en emploi, mais dont celui-ci est très souvent lié à l’existence d’une aide publique particulière, qui est la condition même de cet emploi (emplois aidés). Ces personnes ne sont pas au chômage, mais se trouvent dans une situation particulièrement précaire. On peut considérer aussi que ces personnes sont des « quasi-chômeurs ». Cette nouvelle catégorie inclut donc les catégories C+E de la DARES. Graphique 5 Sources : Données de la DARES Les personnes de la catégorie « C » sont en réalité les victimes de la flexibilisation du marché du travail, et ce sont elles qui sont les premières licenciées dès qu’il y a des difficultés économiques soit générales soit locales. On peut aussi constater que la baisse du nombre des salariés contraints d’accepter un temps partiel imposé chute quand la catégorie A augmente très brutalement, d’août 2008 à l’été 2009. Les mécanismes de lien entre ces catégories ne sont donc pas les mêmes en période de crise aiguë et en période de crise longue. C’est l’une des caractéristiques de la « flexibilisation de l’emploi » telle qu’elle a été imposée aux salariés français. De ce point de vue, il est intéressant et instructif de constater que ce phénomène existe aussi en Allemagne, avec une multiplication des temps partiels imposés. En fait, le travailleur français travaille plus (en moyenne annuelle) que le travailleur allemand (environ 5,8%), résultat contra-intuitif, qui remet en cause la représentation d’une Allemagne vertueuse. Tableau 2 Temps de travail moyen annuel par travailleur 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Belgique 1 565 1 566 1 560 1 567 1 549 1 551 1 576 1 574 France 1 495 1 473 1 485 1 492 1 472 1 480 1 482 1 479 Allemagne 1 431 1 424 1 422 1 422 1 383 1 407 1 406 1 397 Italie 1 819 1 815 1 816 1 803 1 771 1 772 1 772 1 752 Source: Données de l’OCDE, http://www.oecd-ilibrary.org/employment/averageannual-working-time_20752342-table8 Ceci est encore plus vrai pour le travailleur italien qui travaille en moyenne 18,5% de plus que le travailleur français. Il faut alors signaler qu’une catégorie échappe aux statistiques de la DARES, les personnes admises au RSA « socle » mais qui ne font pas de « démarches positives » de recherche d’emploi. Une partie de ces personnes sont des chômeurs réels, découragés ou radiés par Pôle Emploi. Le problème de l’investissement. Dans cette situation, il n’est donc pas étonnant que l’investissement soit en panne. Ceci a suscité un débat entre « politique de l’offre » et « politique de la demande », qui a rebondi à la suite des déclarations de François Hollande lors de sa conférence du 14 janvier 2014. En fait, le débat implique, pour être tranché, que l’on s’intéresse à la question de l’investissement. L’hypothèse implicite de la « politique de l’offre » est que si l’on accroît la masse des profits à l’instant (t) (ou le taux de marge), cela poussera les entreprises à investir, augmentera la croissance, et créera des emplois. On retrouve le soi-disant « théorème » d’Helmut Schmitt « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Graphique 6 Source : INSEE Cela suppose, implicitement, que l’investissement soit uniquement contraint par les capacités financières. Cela ne dit rien sur ce qui conduit un entrepreneur à investir, autrement dit le niveau anticipé de la demande à (t+1). Mais, un entrepreneur investit en fonction de l’espérance de profit qu’il a sur cette opération. La notion d’espérance ne doit pas induire en erreur. Si, dans certains cas, elle peut s’apparenter à l’espérance mathématique 7 , dans la majorité des cas elle relèvera bien plus du sentiment psychologique de l’entrepreneur, de sa représentation de ce que le futur pourrait être, mais ne sera pas forcément8. Or, les entrepreneurs sont confrontés à deux phénomènes : d’une part, la baisse de la consommation des ménages, que nous avons évoquée, et d’autre part la chute de la production industrielle, à l’exception des industries agricoles et alimentaires. Ceci induit une moindre volonté d’investir, à contraintes financières inchangées. L’investissement apparaît aujourd’hui essentiellement contraint par la faiblesse de la demande. Il en résulte une baisse absolue de l’investissement ces dernières années. On constate en effet que l’investissement, qui avait tendu à s’accroître fortement de 2003 à 2007, n’a pas, lui non plus, récupéré du choc de la crise financière. Le rétablissement partiel de 2011 s’explique largement par les investissements publics décidés en réaction à la situation créée par la crise. Cet effort particulier d’investissements publics fut cassé par le retournement de politique économique imposé par M. François Fillon, alors premier ministre, en 2011. Graphique 7 Investissement en Milliards d'euros aux prix de 1995 400 390 380 370 360 350 340 330 320 310 300 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Source : Données de l’INSEE Bourdieu J, Benoît Cœuré et Béatrice Sédillot « Investissement, incertitude et irréversibilité », Revue économique, Volume 48, n°1, 1997. pp. 23-53. 8 Malinvaud, E, « Profitability and investment facing uncertain demand », Document de travail de l’INSEE, n° 8303, Paris, 1983. 7 L’investissement privé n’ pas pu prendre le relais. Ainsi, en 2013, le montant global de l’investissement est à peine supérieur à 350 milliards d’euros (aux prix de 1995) alors qu’il avait atteint 395 milliards en 2007, soit une baisse de -11,4%. Les conséquences sont considérables, tant à court qu’à moyen terme. A court terme, la croissance n’est tirée ni par la consommation intérieure, ni par l’investissement. Comment s’étonner alors qu’elle soit atone ? Mais, à long terme, la baisse de l’investissement implique une baisse de la compétitivité générale des entreprises industrielles, à taux de change constant. Or, du fait de l’Euro, la seule stratégie possible pour la France, du moins si elle entend ne pas toucher à ce cadre contraignant, repose sur des gains de compétitivité supérieurs à ses partenaires obtenus par un effort proportionnellement plus important d’investissement. On comprend mieux pourquoi l’économie française dépérit. Notre Président a d’ailleurs dû l’admettre : sa promesse « d’inverser la courbe du chômage » n’a pas été tenue et les perspectives annoncées lors de l’élection présidentielle de 2012 se sont effondrées. Il est par ailleurs évident que l’adoption de taux réduit pour la CSG et l’accroissement du nombre des emplois aidés sont deux mesures parfaitement inadaptées à la gravité de la situation. Elles ne peuvent être que des palliatifs à l’efficacité limitée9. Il faut comprendre qu’il ne peut y avoir de « politique de l’offre » stricto sensu que si on inclut dans cette politique un nécessaire effort d’investissement10. Mais, pour cela, il faut reconstruire et la demande (pour assurer le besoin d’investir) et la trésorerie des entreprises (pour assurer la capacité à investir), car faire l’un sans l’autre aboutit, et aboutira, à l’échec. La situation économique connaît depuis ces dernières semaines une dramatisation qui ne laisse que très peu de marges de manœuvres aux différents acteurs. Voilà donc qui crée, bien entendu, un climat délétère. La perte de crédibilité de nos gouvernants n’est que le prélude à leur perte de légitimité. http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20140610.OBS9939/budget-ce-que-proposent-lesdeputes-ps-frondeurs.html 9 10 Artus P. (ed), « Trois scénarios pour la France », NATIXIS, FLASH-Economie, n° 708, 19 septembre 2014.